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L'église Notre-Dame de Trémaouézan.

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Nous ne savons rien de l'église qui a précédé celle d'aujourd'hui, sinon qu'elle était l'objet d'une grande vénération puisque le testament d'Hervé de Léon, en 1361, lui assigne en don dix moutons d'or (Dom Morice, Preuves, I, 1563).

Quant à l'église actuelle, le Père Cyrille Le Pennec, dans son « Histoire des Eglises et Chapelles de Nostre Dame bastyes en l'Evesché de Léon », qui fut imprimé à Morlaix en 1647, a laissé à son sujet les lignes que voici :

« Dans la paroisse de Ploudaniel, il ne se peut rien voir de plus celebre comme l'Eglise de Nostre Dame de Tremavouëzan ; la saincte Vierge a souvent honoré ce sainct lieu de grand nombre de preuves indubitables de sa benigne faveur à l'endroict de plusieurs qui se sont vouez à elle : ce que témoigne assez à clair la rare dévotion du peuple des paroisses et des villes circonvoisines, qui continue toujours à la fréquenter. Ceste belle chappelle est artistement bastye et a la sacristie bien meublée de riches ornements et argenterie. Le seigneur baron de Penmarch a ses armes en supériorité dans le choeur et la neff ; dans le clocher, se voient les armes en bosse du très illustre seigneur Alain de Coativy, cardinal, avec celles de la seigneurie de Penmarch. Ceste dévote chappelle est grandement considérée et hantée, nommément en temps de peste et maladies contagieuses » (Dans la Vie des Saints d'Albert Le Grand, Edition Kerdanet, p. 507).

Eglise de Trémaouézan (Bretagne).

I. Coup d'oeil général.

L'aspect de l'église de Trémaouézan est aujourd'hui à peu près le même qu'au temps où le Père Cyrille visitait en dévot pèlerin les sanctuaires de Notre-Dame dans le Léon. Seul le clocher a quelque peu changé de physionomie depuis son passage.

La partie de beaucoup la plus ornée de l'église c'est la façade Sud avec son magnifique porche de style Renaissance et, à côté de lui, un pignon gothique dans lequel s'ouvre une immense fenêtre flamboyante à quatre meneaux. Le chevet, à l'Est, est percé d'une ouverture de même forme et dimension que la précédente. Quant à la partie Nord de l'édifice, elle est moins exposée aux regards et aussi plus négligée.

A l'intérieur, le temple affecte la forme d'une équerre dont la grande branche est figurée par une nef accompagnée de bas-côtés, et la petite, par une chapelle ouverte dans le flanc Midi du choeur. Longue de 26m et large de 12, sans compter la chapelle de croix qui mesure 8 x 7, l'église est, on le voit, relativement vaste pour la petite population qu'elle dessert.

On ne saurait trop admirer la nef avec ses belles arcades et ses élégants piliers cantonnés de colonnettes et couronnés de chapiteaux feuillagés. Les bas-côtés, si souvent négligés dans nos églises rurales, sont ici embellis par des arcades à courbure originale, sortes d'arcs-boutants intérieurs dont les têtes viennent retomber sur les colonnes de la nef et sont du plus heureux effet.

On remarquera aussi, disséminés çà et là dans l'église, de petits bénitiers en pierre de Kersanton finement fouillée, les uns de style gothique, les autres dans le genre de la Renaissance.

Enfin, on n'oubliera pas d'accorder un regard aux curieux bustes que l'on a plaqués de distance en distance contre la corniche denticulée de la nef. D'un côté les hommes, de l'autre les femmes. On dirait que le sculpteur a voulu nous donner là, comme en une galerie, un double spécimen des différents représentants de la société du vieux temps. On croit en effet reconnaître, d'une part, des seigneurs, des magistrats, des négociants, des moines, des truands, et, en face, des dames de la cour, des religieuses, des bourgeoises, des femmes du peuple. Tout ce monde se regarde à travers la nef, les uns se souriant, des autres se dévisageant d'un air plutôt maussade...

Ces bustes, que nous avons pu contempler de près, nous ont semblé d'une exécution remarquable. Nous pensons qu'ils sont de 1599. C'est du moins la date qu'on lit sur la sablière du bas-côté midi, au-dessus de la Porte d'entrée du porche.

II. Date de l'Eglise.

Les dates gravées de tous côtés sur les murs de l'église, au chevet, à la chapelle de croix, au porche, au-dessus de la porte de la tour et dans le fronton de quelques fenêtres, indiquent les remaniements et agrandissements dont l'édifice a été l'objet au cours des siècles. Seule une date fait défaut, celle de la fondation première. Cherchons-la :

L'architecture du XVème siècle est nettement accusée dans les arcades et les colonnes des quatre travées inférieures de la nef ; on la reconnaît également dans les sculptures qui ornent la porte double du fond du porche, dans quatre ou cinq fenêtres et dans les parties de la façade Ouest, que la restauration de 1714, dont nous parlons plus loin, a laissées intactes.

Le Père Cyrille a vu les armes du seigneur de Penmare'h en supériorité dans le choeur et la nef : en effet, la famille de ce seigneur était « fondatrice et première prééminencière de l'église de Trémaouézan » (Archives de Trémaouézan, acte prônal de 1676) et, dans cette famille, il y eut un Jean de Penmarc'h « qui fut prêtre et bienfaiteur de Tremaouezen, où l'on voit son tombeau » (M. de Kerdanet, loc. cit., p. 104). Ce prêtre était même, en 1459, recteur de Ploudaniel et, par conséquent, de Trémaouézan, qui n'en était qu'une subdivision. C'est donc, à n'en pas douter, à ce Jean de Penmarc'h que l'on doit l'église de Trémaouézan. Il eut pour coopérateur le cardinal Alain de Coëtivy, dont la famille était alliée à celle de Penmarc'h [Note : Sa Soeur Alix avait épousé Henri de Penmarc'h (Kerdanet, loc. cit., p. 100)]. Ce prélat, qui n'avait « pas esté des derniers à contribuer de ses biens et richesses à la construction » (Ibid, p. 100) de l'église du Folgoët, dût se montrer aussi généreux à l'égard de Trémaouézan. C'est pour cette raison qu'il eut le privilège d'avoir ses armes dans le clocher, à côté de celles de la seigneurie de Penmarc'h. Or Alain de Coëtivy, créé cardinal en 1448, mourut en 1474 [Note : Alain de Coëtivy naquit le 8 novembre 1407 au manoir de Coëtlestrémeur, en Plounéventer. Il devint archevêque d'Avignon et fut élevé, le 20 décembre 1448, à la dignité de cardinal du titre de saint Praxède. Après avoir beaucoup contribué à faire élire Calixte III, en 1455, il fut envoyé l'année suivante comme légat en France et en Bretagne, pour la canonisation de saint Vincent Ferrier. C'est alors (17 juin 1456) qu'il obtint l'évêché de Dol en commande. Quand il venait en Bretagne, il résidait au château de Penmarc'h, en Saint-Frégant, pour être près de la dévote chapelle du Folgoat, nous dit le P. Cyrille Le Pennec. Il fut le grand bienfaiteur de cette église, et il s'y était fait préparer un tombeau, mais il mourut à Rome, le 22 juillet 1474, et fut enterré dans l'église de Saint-Praxède. V. Levot, Biographies bretonnes, art. Coëtivy, et A. Le Grand, Vie des Saints, Edit. Kerdanet, p. 100, 120, 121, 148 et 236, 238]. D'autre part, en 1549, Jean de Penmarc'h devait toucher à la fin de son rectorat à Ploudaniel, car il semble que Yves Le Grand lui ait succédé tôt après. Ce serait donc entre 1448 et 1459 qu'il faudrait placer la construction de l'église de Trémaouézan [Note : D'après une délibération du 17 juin 1792,. l'église de Trémaouézan a été consacrée. Les membres du conseil général de la commune de la trève de Trémaouézan donnent à Jean Hamon, fabrique en charge, pouvoir et procuration de faire blanchir l'intérieur de l'église « et de renouveler les douze croix qui sont peintes sur les murailles, qui désignent la consécration de l'église de Trémaouézan, le tout conformément aux registres qui se trouvent dans les archives » (Ecrit de la main de M. Huguen, desservant de la trève pendant la Révolution)].

III. Agrandissement du Choeur.

Jean de Penmarc'h et le Cardinal de Coëtivy laissèrent malheureusement leur oeuvre inachevée. Les arcades des bas-côtés, bien que prévues dans le plan des constructeurs, restèrent à faire ; une seule, celle qui est au bas du collatéral Sud avait été mise en place pour servir de modèles aux autres. Le choeur, qui s'annonçait très beau, fut également négligé. On devait l'entourer d'un chancel ou clôture en pierre dont on voit encore les amorces dans les piliers de l'entrée du sanctuaire ; cette clôture est restée à l'état de projet. La mort est-elle venue surprendre Jean de Penmarc'h au cours des travaux ? On est tenté de le croire. Quant au Cardinal de Coëtivy, on peut conjecturer avec vraisemblance qu'il était aller porter ses libéralités sous d'autres cieux, si bien que l'on dût finir tellement quellement l'oeuvre qui avait été si bien commencée.

Une centaine d'années après la construction de l'église s'ouvre la période des remaniements et agrandissements. Les bâtisseurs primitifs avaient fait l'église un peu sombre. Les fenêtres qu'ils lui avaient données, de médiocres dimensions sur la façade Midi, étaient ridiculement petites du côté Nord. Elles étaient, en outre, bardées de fer et, sur quelques-unes de celles qui existent encore, se voient les traces des scellements et la place des barreaux.

Ces ouvertures constituaient donc des meurtrières plutôt que des fenêtres ; c'était une mesure de précaution : l'église primitive avait probablement subi de gros dommages au cours des incursions normandes et durant la longue et désastreuse guerre qui s'achevait (la guerre de Cent ans) ; on voulut donc que le nouveau temple fût à l'abri d'un coup de main et en mesure d'offrir, en cas de besoin, un refuge à la population qui vivait dans son voisinage. Telle est, croyons-nous, la raison de ces ouvertures étroites et du grillage protecteur qui les entourait.

La sécurité étant revenue, les tréviens, las de prier dans une église trop obscure, voulurent plus de lumière. On leur donna un commencement de satisfaction en agrandissant le choeur et en pratiquant de grandes fenêtres sur son pourtour.

Pendant qu'on remaniait ainsi l'extérieur du sanctuaire, on en refaisait l'intérieur. Deux arcades y furent construites dans le prolongement de celles de la nef, avec toutefois une légère inflexion à gauche quand on regarde le chevet. Mais on voit avec regret que les nouvelles arcades et les piles octogones qui les soutiennent sont beaucoup moins soignées que celles de la nef.

Ce travail s'exécutait en 1555, date que l'on trouve à l'extérieur, au-dessus de la fenêtre de l'abside où un ange tient une banderolle sur laquelle on lit l'inscription suivante en caractères gothiques :

1555 : O : LETI

O : BOURHIS.

Ce sont probablement là des noms de marguilliers de l'église. Nous trouvons un O. Bourhis, fabrique en 1532 ; un Yves Leti remplit les mêmes fonctions en 1597 et en 1600.

Après avoir refait le choeur, il fallait l'orner. On l'entoura d'une clôture en bois qui a été démolie à la fin du XIXème siècle (vers 1890). Une tiare et une croix papale à trois branches, qui décore aujourd'hui la cloison terminale de la nef, devant la tour, sont les seuls restes de ce chancel.

Un autre monument, dont la disparition est plus ancienne, mais non moins regrettable, c'est le Jubé qui séparait le choeur de la nef et dont on trouve deux mentions dans les comptes de la fabrique, l'une en 1652 où l'on paye, à François Madec pour avoir fait des degrés pour monter au jubé, 45 livres ; l'autre, en 1658, où Yvon Blons lègue à l'église une parcelle de terre chaude, à condition d'avoir une tombe sous le degré du jubé dans la chapelle Saint Jean.

IV. La chapelle de Saint-Jean-Baptiste.

En 1597, l'église se trouva considérablement agrandie par l'adjonction d'une vaste chapelle appelée dans les papiers de la fabrique la chapelle de saint Jean, la chapelle de Mézarnou ou la chapelle neuve. Elle a été bâtie, dit-on, en reconnaissance d'une guérison obtenue par l'intercession du saint Précurseur, honoré de temps immémorial à Trémaouézan.

Un jour, quelques personnes venant de la direction de Lesneven se rendaient en pèlerinage à Trémaouézan. Dans le groupe, il y avait une jeune fille aveugle. C'est pour elle que l'on venait. Parvenus à la lisière des bois de Ploudaniel, à l'endroit où l'on n'a plus devant soi que l'immensité plate des marais de Langazen, les voyageurs se mirent à genoux pour saluer le sanctuaire qui était le but de leur pieux pèlerinage, et adresser une fervente prière à Notre-Dame et à Saint Jean, guérisseur des maux de la vue. Au moment où l'on se relevait, la jeune aveugle poussa un cri de joie : elle voyait, elle apercevait au loin, dans une sorte de brouillard, le clocher de Trémaouézan. Les pèlerins poursuivirent leur chemin. Les prières qu'ils faisaient maintenant étaient déjà des chants de grâces, car le miracle qu'ils venaient demander était à moitié obtenu. On fut vite rendu à l'église, et, quand on en sortit, la guérison espérée était complète : Notre-Dame et Saint Jean avaient donné au sanctuaire où on les honorait une preuve de plus de leur bénigne faveur.

La légende populaire n'a pas retenu le nom de famille de la miraculée. Les Tréviens ne l'appelaient que an Dimezel ven (la demoiselle blanche), sans doute parce que, vouée à la Sainte Vierge, elle parut souvent parmi eux tout de blanc habillée. On sait cependant qu'elle appartenait à une maison noble du pays, et que c'est à cette maison que l'on doit la chapelle Saint-Jean, ainsi que la croix dite Croas-al-Lan, dont il ne reste plus que le soubassement et qui s'élevait sur les confins de Trémaouézan et de Ploudaniel, à l'endroit où la jeune fille avait commencé à voir. On prétend aussi qu'un jour on vit les fondateurs de Saint-Jean venir remettre aux mains des fabriciens de Trémaouézan un baril d'argent pour faire les frais de la nouvelle construction. C'est une manière de dire que les donateurs étaient fort riches.

Les souvenirs populaires ne sont pas en défaut : les fondateurs de la chapelle neuve, ce sont les Carman, dont la fortune était si universellement connue que l'on disait d'eux, comme un proverbe : « Richesse de Carman ».

Antérieurement à la fondation de Saint-Jean, et même de l'église actuelle, les seigneurs de ce nom étaient — nous l'avons dit plus haut — fondateurs-patrons et premiers prééminenciers de l'église de Trémaouézan, et cela à cause de leur Seigneurie des Granges [Note : Les Granges, en breton Ar C'hranchou, village en Plouédern, à 2 km. au S.-O. du bourg de Trémaouézan. « Les religieux cisterciens n'avaient pas de prieurés proprement dits. Lorsqu'ils possédaient quelque part, loin de leur abbaye, des terres ou des dîmes un peu considérables, ils construisaient en lieux ce qu'ils appelaient une grange, c'est-à-dire une maison de ferme, s'il y avait des terres ; une simple grange dîmeresse, s'il n'y avait que des dîmes, et toujours une chapelle où ils faisaient dire des messes pour leurs bienfaiteurs ». Guillotin de Corson. Pouillé de Rennes, T. II, p. 774. Les évêques et les seigneurs laïcs ont également des Granges. Il y a des villages du nom de Grange, en Clohars-Carnoët, près de l'ancien prieuré de Doëlan, en Dirinon, à mi-route de Daoulas ; en Lannilis, Plougasnou, Plourin-Morlaix, Saint-Pol de Léon, à côté de l'ancienne abbaye de Lanvaux, etc... Les Granges de Plouédern (ar c'hranchou, an tuchennou, les buttes) sont remarquables. Elles consistent en trois antiques camps retranchés, de forme arrondie, disposés en triangle ; deux d'entre eux, côte à côte, séparés seulement par une douve ; le troisième à une quarantaine de mètres en avant des premiers. Ces camps ont de sept à huit mètres de hauteur au dessus des douves, et environ trente mètres de diamètre. Une masse de ruines d'une dizaine de mètres d'élévation au centre de l'un d'entre eux paraît être les restes d'une ancienne tour féodale. Bulletin de la Société Archéologique du Finistère, 1916, p. 103.]. Il reste dans la chapelle neuve deux écussons à leurs armes. L'un d'eux surmonte le bénitier que l'on voit à l'intérieur auprès de la porte d'entrée de la chapelle. Il a été mutilé par la Révolution, ce qui n'empêche pas que l'on distingue encore très bien la trace des chevrons [Note : Les Carman, à l'époque qui nous occupe, blasonnaient d'argent à trois chevrons de gueules et un lambel d'azur. (Jourdan de la Passardière)] dont il était orné. L'autre est intact. Haut percé — il se trouve au point d'intersection des voûtes de la chapelle et de la nef principale — et à peu près invisible à l'époque où les vandales s'acharnaient à faire disparaître de partout « les signes de féodalité », il a échappé à la destruction.

M. de Kerdanet (Loc. cit., p. 507) dit avoir vu dans l'église de Trémaouézan une peinture ancienne représentant la Vierge, d'un côté, et, de l'autre, une belle dame, qui tient un lys de la main gauche, et montre, de la droite, une légende dont il ne reste que ces mots : « Ama len ». Ce tableau n'existe plus. Nous pensons qu'il rappelait le miracle dont il a été question plus haut, que la dame au lis [Note : Ce lys peut aussi rappeler la famille de l'Isle qui portait : Bandé d'or et d'azur au canton de gueules chargé d'une fleur de lys d'argent qui est de l'Isle] était la personne qui en bénéficia (an dimezel ven), et que la légende qui commençait par les mots : Ama len.. (ici même), rappelait le fait et en donnait la date.

La chapelle Saint-Jean donne à notre église un air de parenté avec Le Folgoët, dont la chapelle de croix est, comme la nôtre, disposée en retour d'équerre dans la même orientation, et percée aussi de grandes fenêtres sur les faces Est et Sud. (Chez nous, la fenêtre Est a été bouchée). Les Carman ont évidemment voulu tenir auprès de N.-D. de Trémaouézan la place qu'ils tenaient auprès de N.-D. du Folgoët, et avoir leurs prééminences aux mêmes endroits, comme ils en avaient le droit en leur qualité de fondateurs.

Mais, tandis que la chapelle du Folgoët est d'une construction parfaitement homogène, la nôtre offre un mélange de styles qui ne laisse pas que d'intriguer. On trouve dans sa façade, que termine un fronton aux rampants ajourés, une énorme fenêtre ogivale à quatre meneaux et à tympan flamboyant ; à ses côtés, un minuscule quatre-feuilles qui paraît notablement plus âgé que sa grande voisine ; au-dessous, une petite porte très élégante avec son arc en anse de panier surmonté d'une contrecourbe, et enfin, sur les angles, des contreforts dans le genre de la Renaissance.

A l'intérieur, — toujours dans le même mur — on relève une autre singularité : un vieil enfeu, pour se faire place, a dû entamer le rebord inférieur de la fenêtre sous laquelle il se trouve, un peu à gauche.

Plusieurs périodes architecturales sont donc représentées sur cette façade qui, d'après, nos archives, a été construite en 1597, date qu'on lit d'ailleurs à côté de la grande fenêtre.

Cet amalgame de styles ne peut s'expliquer que d'une façon : les morceaux relevant de l'art gothique, sauf peut-être la baie ogivale, existaient avant la construction de la chapelle. Pour la porte, il ne peut y avoir de doute. Quand on l'examine de près, on s'aperçoit qu'elle est entièrement indépendante du mur dans lequel elle est encastrée, et que les pierres qui portent les sculptures du pinacle de gauche n'ont pu s'accorder avec celles du contrefort voisin. Cette porte est donc venue d'ailleurs. D'autre part, il ne faut qu'un simple coup d'oeil pour voir quel mauvais ménage font les assises inférieures du pignon avec les contreforts qui leur servent d'appui. Quant à la fenêtre ogivale, rien n'empêche d'admettre qu'elle date de 1597 : ce n'est pas seulement à Trémaouézan que l'on voit des fenêtres gothiques entourées d'ornements Renaissance. Elle a cependant pu être construite en 1555, lors de la réfection du choeur, en même temps que la grande fenêtre de l'abside dont elle n'est qu'une copie.

Mais alors, si la fenêtre, le pignon, la porte de Saint-Jean sont plus anciens que la chapelle, où étaient-ils auparavant? Nous pensons qu'ils se trouvaient dans le mur du choeur qu'il a fallu démolir lors de la construction de Saint-Jean. On n'a donc eu qu'à les remonter à l'endroit qu'ils occupent maintenant. L'architecte a dû obéir à une nécessité : celle de placer dans la nouvelle bâtisse des pièces toutes faites et que l'on tenait à utiliser, soit par raison d'économies, soit plutôt pour satisfaire aux exigences des seigneurs prééminenciers de l'église.

Reste à expliquer la présence, à côté de la grande baie ogivale, de la toute petite fenêtre en quatre-feuilles et, à l'intérieur, du vieil enfeu déjà mentionné.

Ici, nous n'en sommes pas réduits aux hypothèses : ces deux reliques du XVème siècle ont leur histoire. En 1676, le recteur (de Ploudaniel dont dépendait Trémaouézan) trouvant sa sacristie trop petite et le bas-côté Nord de l'église trop peu éclairé — en 1555, on n'avait agrandi de ce côté, que la fenêtre la plus rapprochée de l'abside — voulut remédier à ces incommodités. Mais, comme on ne pouvait toucher à l'église sans le consentement des seigneurs prééminenciers, avant de rien faire on les convoqua. Les deux principaux d'entre eux, le marquis de Poulpry « fondé en pouvoir de dame Anne-Gabrielle-Louise de Penmarch, son épouse » et le chevalier de Penancoët, acquéreur des droits du marquis de Carman, se rendirent à la convocation ; les autres se firent représenter. Pour construire les fenêtres projetées dans le bas-côté Nord, il fallut démolir une petite ouverture en quatre-feuilles ou « en forme de roze » que le seigneur de Penancoët tenait absolument à conserver. Force était également de démolir un enfeu qui abritait la tombe du fondateur de l'église, Jean de Penmarc'h, ce à quoi, de son côté, le marquis du Poulpry ne voulut consentir. Le recteur insista, et une solution intervint qui contenta les parties : on pensa que la grande fenêtre de la chapelle Saint-Jean ne prendrait pas ombrage du voisinage de la rose [Note : Pour trouver à cette petite fenêtre la forme d'une rose, il faut la regarder de l'intérieur de l'église], et on lui adjoignit cette dernière pour compagne. L'enfeu de Penmarc'h passa en même temps du côté Nord au côté Midi de l'église, où il fut logé, non sans quelque peine, à la place qu'il occupe à présent (Acte prônal de 1676. - Archives de Trémaouézan). C'est donc à l'intervention de seigneurs jaloux de revendiquer leurs droits honorifiques que nous devons le composé hybride qu'est la chapelle Saint-Jean. Faut-il leur en vouloir ? Il est évident que c'eût été un crime de détruire la tombe du vénérable fondateur de l'église.

Il faut aussi reconnaître que la petite porte gothique méritait d'être conservée. Quant au quatre-feuilles, on pouvait le sacrifier sans grand dommage pour l'esthétique, bien qu'il y aille, lui aussi, de sa note pittoresque.

Cette question de prééminences qui a agité le moyen-âge et dont les archives de nos paroisses gardent le souvenir, a eu son bon et son mauvais côté : elle a été une cause d'innombrables procès et a déparé de belles églises, mais elle a sauvé aussi des oeuvres précieuses, et, si nos vieux seigneurs n'ont pas toujours su mettre au bon endroit ce qu'ils voulaient conserver, du moins ils ont conservé. Notre commission moderne des Beaux-Arts ne fait pas autre chose.

V. Le porche des Apôtres.

Toujours sur le flanc Sud de l'église, à trois mètres à peine de la chapelle de saint Jean, s'élève un majestueux porche Renaissance au frontispice en pierre de Kersanton, commencé en 1610 — date qu'on lit à l'intérieur, à main droite — et achevé en 1623, d'après le millésime sculpté à l'extérieur sur la frise. Au pied de la statue de saint Pierre est un calice [Note : Le calice sur les monuments, maisons, statues, croix, etc., indique ordinairement qu'ils sont dus à des ecclésiastiques. Le calice était, en quelque sorte, la signature, les armoiries du prêtre. — Sur la route de Trémaouézan à Trégarantec, en face du village de Kervilien, croix avec deux écussons portant des calices accompagnés des lettres S. E. Autre croix avec calice, en Plouédern, sur la route de Trémaouézan à la Roche-Maurice. Plusieurs autres dans le voisinage de l'Abbaye du Relecq, en Plounéour-Ménez, avec le même ornement indiquant qu'elles sont l'oeuvre des anciens moines] sous lequel on lit : H. F. 1633. Ces lettres H. F. sont évidemment les initiales de Hervé Fily, curé de Trémaouézan de 1625 à 1636.

C'est à la famille de Pemnarc'h, déjà bienfaitrice de l'église de Trémaouézan, en la personne de l'ancien recteur de Ploudaniel, que l'on doit, en partie du moins, le porche des apôtres. Aussi lit-on, dans l'acte prônal relatif à la construction de la sacristie, que cette famille était en droit d'avoir ses armes... dans le portique et porche... prohibitvement à tous autres.

Marie de Tuonmelin (Tromelin), dame du Bourouguel, en Plouigneau, avait épousé, en 1563, le baron de Penmarc'h. Dès l'année suivante, on la voit — probablement à l'occasion de la naissance de son premier enfant — se recommander à N.-D. de Trémaouézan, en lui léguant, par un contrat du 12 août, trois pièces de terre au terroir de Pellan, en Ploudaniel. En retour, la fabrique de la Trève devait faire chanter après le décès de la donatrice, un service funèbre, chaque année, le 2 février, jour de la Purification. Ce service: a été célébré jusqu'à la Révolution.

Marie de Tromelin avait projeté de faire davantage pour Trémaouézan, mais, devenue veuve en 1580, elle s'était remariée, en 1588, avec Anne de Sanzay, comte de Magnanne, dont les exploits, pendant les guerres de la Ligue, rappellent ceux du trop fameux La Fontenelle, et ce ne fut que longtemps après qu'elle put contribuer à doter l'église de Jean de Penmarc'h du porche que celui-ci avait laissé à faire [Note : Cf. Kerdanet, loc. cit., p. 104, et Pol de Courcy, Nobillaire. — Sur les exploits de la Magnanne, voir La Borderie, Histoire de Bretagne, T. V, 295, et J. Baudry, La Fontenelle le Ligueur et le Brigandage en Basse-Bretagne pendant la Ligue].

La construction du porche dura treize ans. Nous ne connaissons pas la cause qui fit ainsi traîner les choses en longueur. Peut-être est-ce un procès entre l'entrepreneur et la fabrique, peut-être aussi l'éloignement ou la mort de Mme de Sansay. Elle était en effet plus que sexagénaire au moment où commençaient les travaux [Note : Un aveu fourni en 1617 par la fabrique de Trémaouézan à Messire René, baron de Penmarc'h et au bas duquel est un reçu signé Jeanne de Sanzay, laisse supposer que Marie de Tromelin mourut avant 1617].

Le porche de Trémaouézan est une des plus belles oeuvres de l'architecture Renaissance dans notre région. S'il ne peut rivaliser avec d'autres pour les dimensions, pour la richesse et la variété des sculptures, il est l'égal de tous par son élégance et le fini de son travail.

L'arcade d'entrée en plein cintre repose sur deux colonnes doriques cannelées et à tambours. A droite et à gauche du portail, deux autres colonnes aux chapiteaux d'ordre corinthien supportent la frise sur laquelle on lit : DOMVS : MEA : DOMVS : ORATIONIS : VOCABITVR.

Au-dessus, sur toute la largeur de la façade règne une galerie saillante avec balustrade, communiquant avec une chambre qui servait autrefois à renfermer les archives. Plus haut, une niche à coquille abrite une statue de la Vierge-Mère. En arrière, apparaît le pignon du porche aux rampants ornés de volutes, et s'amortissant en un haut campanile, dans lequel il y avait autrefois, paraît-il, une cloche que l'on sonnait pendant les orages.

Les contreforts d'angle du porche, assis sur de puissants stylobates et couronnés de clochetons, abritent, dans des niches, quatre statues : à droite, une belle représentation du Père-Eternel coiffé de la tiare et tenant entre ses bras le corps inanimé de son divin Fils ; à ses côtés, saint Vincent-Ferrier, drapé dans son manteau de dominicain. Cette statue, qui se trouvait naguère à l'intérieur de l'église, présente tous les caractères du XVème siècle. Elle est, croyons-nous, un don du cardinal de Coëtivy à l'église qu'il avait fait bâtir et, par conséquent, une des plus anciennes représentations que l'on ait de saint Vincent. Le prélat avait tenu le rôle de commissaire, et de commissaire très actif, au procès de canonisation de l'illustre Frère-Prêcheur, et présidé les grandes fêtes qui eurent lieu à cette occasion à Vannes, en 1456. Saint Vincent était donc un peu « le saint » du cardinal breton.

A gauche du portail, en chape, mitre et crosse, saint Gouesnou. Auprès de lui, saint Fiacre, en costume monacal et tenant une bêche.

A remarquer aussi, au milieu de la frise, un buste de Notre-Seigneur bénissant, et tenant la boule du monde ; aux extrémités, deux élus — dont un moine — dans des poses extatiques, et, un peu partout, sur les nus du mur, à la base des contreforts et dans les ébrasements de l'entrée, aux clefs de voûte et dans les entablements supérieurs, des têtes de chérubins, des satyres, des masques, un élégant seigneur engoncé dans la collerette en vogue au temps d'Henri IV, et enfin des têtes populaires enlaidies à plaisir. Toutes ces figures sont d'une remarquable finesse d'exécution.

Au fond du porche, deux portes jumelées, encadrées d'une riche arcature ogivale, donnent accès dans l'église. Contre le trumeau qui sépare les deux entrées est une niche gothique contenant une statue de Vierge-Mère du XVème siècle. Ceinte d'une couronne à hauts fleurons, admirablement drapée dans son vêtement aux plis souples et harmonieux, la Madone se rejette légèrement en arrière pour mieux contempler son petit Enfant à qui elle présente une pomme en souriant.

Les gens de Trémaouézan ont cette Vierge en grande vénération. En passant auprès d'elle, ils ne manquent jamais de toucher les pieds de la statue, de porter ensuite leurs doigts à leurs lèvres, et de se signer dévotement [Note : Tout le fond de ce porche était autrefois peint et doré].

Des deux côtés du porche, tenant compagnie à la Vierge et à son divin Fils, sont les douze apôtres avec leurs attributs traditionnels. Les niches qui les renferment, séparées par des colonnes ioniques et reposant sur un soubassement à pilastres cannelés, ont pour couronnement des dais magnifiquement sculptés et surmontés de croissants.

Quelle origine attribuer à ces croissants que l'on trouve encore au porche de Saint-Houardon de Landerneau (1604), autour de église de Gouesnou (1607), et au château de Kerjean, en Saint-Vougay, lequel fut édifié 1553 à 1590 ?

Pitre-Chevalier dit, dans son histoire de Bretagne (p. 505), que le croissant fut très employé comme motif d'ornementation, sous le règne-d'Henri II. On sait que c'était là les armes de la favorite de ce souverain, Diane de Poitiers. Au château d'Anet (Eure-et-Loir), qui avait été construit pour elle, cet attribut d'Artémis avait été prodigué. A Kerjean, dont certaines dispositions font penser au château d'Anet, on le voit aussi en plusieurs endroits, surmontant une figure que l'on dit être celle de Diane. On peut donc croire que les croissants de Kerjean rappellent, comme ceux d'Anet, la célèbre duchesse de Valentinois.

Toute autre est, croyons-nous, l'origine des croissants de notre porche.

Il suffit de jeter un coup d'oeil sur les porches de Trémaouézan et de Landerneau pour se convaincre qu'ils sont de la même famille et qu'il y a même entre eux une très étroite parenté. A l'extérieur, les grandes lignes et une foule de détails sont les mêmes. A l'intérieur — si l'on excepte chez nous le mur du fond, qui est comme on l'a vu, bien antérieur au reste — ils se ressemblent tellement que n'étaient les dimensions qui sont plus considérables à Landerneau, on pourrait adapter à l'un un certain nombre des pièces de l'autre. Une chose est donc indubitable : les deux portiques qui n'ont, d'ailleurs, que six ans de différence d'âge, sont sortis du même chantier qui ne pouvait être qu'à Landerneau. Les pierres numérotées, que l'on aperçoit dans la voûte du nôtre, indiquent que le chantier où elles ont été taillées ne se trouvait pas à Trémaouézan.

Remarquons maintenant sur les croissants de l'intérieur du porche de Landerneau un détail significatif : un profil humain est découpé dans leur concavité. Il y a donc pas à hésiter : ce n'est pas le croissant héraldique — lequel ne porte ordinairement pas de figure couchée entre ses cornes — que le sculpteur de Landerneau a voulu représenter, mais bien le croissant lunaire. Et nous voilà à la fameuse lune de Landerneau. Et voilà aussi comment cette lune a donné naissance à celles plus modestes de notre porche.

Quant à l'origine de cette lune elle-même qui a donné à Landerneau une renommée quasi-européenne, nous regrettons de ne pas la connaître. On la prétend ancienne. Il est un vieux dicton breton qui dit : « An nep a ia euz a Landerne da Lesneven, al loar a bar var e gein, hag an heol var e dal ». A la lettre, celui qui va de Landerneau à Lesneven, la lune brille sur son dos et le soleil sur son front. Jadis, en effet, ces deux villes étaient habitées par les plus grands seigneurs du pays, ce qui justifiait l'allégorie ci-dessus. « Lesneven, disait-on, était le soleil du Léon et Landerneau la lune » [Note : Troude, Dictionnaire Breton-Français, au mot Landerné. Le très distingué archiviste du département, M. H. Waquet, à qui nous avons soumis le manuscrit de cet ouvrage, a bien voulu nous communiquer la note suivante : Ce proverbe ne pourrait-il pas s'expliquer par le fait que Lesneven était le siège d'une juridiction ducale puis royale, tandis que Landerneau n'avait qu'une juridiction seigneuriale, importante cependant ? La juridiction d'un prince de Léon dérive de la juridiction du roi comme l'éclat de la lune reflète la lumière du soleil. Dans les idées de l'ancienne France, la puissance royale est la grande source de justice. Au nom de quelque personne qu'elle s'exerce, toute justice n'est qu'une émanation de celle du roi].

Il paraît aussi qu'on voyait autrefois, sur la flèche du clocher de Saint-Houardon, un globe doré représentant la pleine lune, et au dessus, un croissant figurant le premier quartier. L'auteur que l'on vient de citer, trouve que c'était une idée stupide de mettre ainsi le croissant à la place où la croix seule doit régner. D'autres se seront sans doute laissé aller à la même indignation ou du moins à une douce hilarité en voyant un temple chrétien de la sorte couronné, et auront contribué, par leurs plaisanteries, à donner à la bonne ville en question le renom comique qu'on lui connaît.

D'après plusieurs cependant, le croissant sur le clocher de Landerneau avait bel et bien sa signification : ses cornes symbolisaient, l'une, le diocèse de Léon, l'autre, le diocèse de Cornouaille, entre lesquels Landerneau était jadis partagé par moitié.

Plusieurs seigneurs de la région de Landerneau, comme les Kerangars, les Kergrist, les Kermenguy, les Partevaù, les Le Roy, etc., [Note : On voit, sur le pignon d'une maison de la place du marché, un écusson portant un croissant versé accompagné de trois roses] avaient un croissant dans leurs armes. Si l'on pouvait prouver que les Rohan, qui étaient seigneurs de Landerneau depuis le XIVème siècle, portaient anciennement, comme nous l'avons entendu dire, cette figure sur leur écu [Note : Ce qui est certain, c'est que naguère, dans l'ancien cimetière de Saint-Thomas de Landerneau, une vieille croix portait un écusson où le croissant était uni aux macles de Rohan. (Association bretonne, session de Landerneau, 1879). Ces croissants qu'on retrouve encore aux pinacles des contreforts de l'église de Saint-Thomas, peuvent aussi être une allusion à saint Thomas de Cantorbéry, patron de cette église, et dont la mère, d'après les Bollandistes, était sarrasine. Notons aussi la présence du croissant au sommet du vieux moulin seigneurial du Rouazle en Dirinon. Enfin, on voyait autrefois, dans la chapelle des Récollets de Landerneau, une statue ancienne de saint Ternoc, fondateur de Lanternoc (Landerneau). qui le représentait tenant une lanterne à la main : facétie d'un goût douteux d'un artiste voulant probablement donner au patron de Lan-Ternoc des armes parlantes. (V. Kerdanet, loc. cit., p. 221)], c'est là et non ailleurs qu'il faudrait chercher l'origine de notre lune. Mais pour nous, sur ce point, adhuc sub judice lis est.

En fin de compte, les croissants de Landerneau pourraient bien procéder de la même idée que celle qui est exprimée par les têtes de monstres, les figures hideuses faisant office de gargouilles, de modillons et de cariatides sur les murs de nos vieilles, églises et par lesquelles les architectes du moyen-âge entendaient représenter le malin esprit. A l'époque où l'on édifiait nos portiques, le monde chrétien était inquiet des progrès des Turcs en Europe, et l'Eglise, dans ses oraisons et ses hymnes sacrés, priait Dieu et les saints d'écarter de ses frontières cet ennemi perfide : « Auferte gentem perfidam credentium de finibus... » (Hymne de la Toussaint, Placare Christe).

Cela n'excuse pas l'architecte de Landerneau d'avoir hissé l'emblème des sectateurs de Mahomet jusqu'au plus haut de la tour de Saint-Houardon.

VI. Façade Ouest du Clocher.

En quittant le porche pour se diriger vers la tour, on passe devant un pan de muraille qui date de la construction primitive, et dont le plus bel ornement est un fronton Renaissance assez décoratif surmontant une fenêtre agrandie en 1658. Cette fenêtre et quelques pierres sculptées faisant modillons sous la corniche du mur, relèvent un peu la pauvreté de ce coin de l'édifice.

On contourne alors l'angle Sud-Ouest de l'église et l'on a devant soi la façade principale que l'on regrette de ne pas retrouver telle que l'avaient faite les architectes du XVème siècle. Les deux côtés sont bien du temps de Jean de Penmarc'h, mais le clocher est plus jeune que son entourage d'environ un siècle et demi : il ne date, en effet, que du commencement du XVIIème siècle, comme on peut le constater par l'inscription gravée sur le linteau de la porte : A. CORBE, LORS FABRIQUE, 1714.

La flèche de l'ancien clocher étant tombée, et le clocher lui-même ayant subi des avaries qui nécessitaient d'importants travaux de consolidation, les tréviens profitèrent de l'occasion pour réaliser un désir qui leur tenait depuis longtemps à coeur, celui d'avoir quatre cloches, au lieu des deux dont se composait l'ancienne sonnerie. La vieillle base n'étant pas assez robuste pour supporter le poids dont on se proposait de la surcharger, on la renforça en la flanquant sur ses angles de quatre puissants contreforts. Cela permit de doubler la saillie de l'encorbellement qui soutenait l'ancienne galerie et d'établir, au-dessus, une plateforme à même de porter une superstructure plus large et plus lourde que ne l'était l'ancienne. Cette superstructure se compose de deux beffrois superposés qu'entourent des galeries surmontées de pinacles aux angles, et d'une flèche octogonale assez élancée, garnie de crochets sur ses arêtes.

Si les piles de 1714 ont consolidé la tour, elles ne l'ont pas embellie, et elles ont amené la destruction d'un beau portail à double ouverture, dont l'existence ancienne est attestée par les comptes de la fabrique et dont il subsiste d'ailleurs quelques vestiges : deux fragments de corniche sculptée et des crossettes de pinacles que l'on voit aux trois-quarts encastrées dans les contreforts qui encadrent la misérable porte d'aujourd'hui.

Dans le fronton du vieux portail ogival si tristement remplacé devait se trouver un bas-relief en albâtre dont on a conservé les débris au presbytère et qui représente l'adoration des Mages. Ce bas-relief reproduit à de légères différences près celui qui orne le portail Ouest de l'église du Folgoët, mais il n'en est qu'une réduction, car il ne mesure que 0m70 sur 0m43. La Sainte Vierge est assise sur un lit artistement drapé, et s'appuie sur un coussin tenu par un ange derrière elle. L'Enfant-Jésus qu'elle porte sur ses genoux, reçoit le présent que lui offre un roi mage à longs cheveux et à barbe abondante. Ce monarque, pour mieux marquer sa déférence envers l'Enfant-Dieu, a ôté sa couronne, mais, ne sachant où la déposer, et ne tenant pourtant pas à la perdre, il a trouvé tout simple de la passer autour de son bras. Un autre roi — le troisième manque — attend gravement le moment d'être présenté, cependant que saint Joseph nullement offusqué par l'éclat de l'étoile qui brille au-dessus de l'étable, dort paisiblement dans un coin. Le boeuf et l'âne ne sont pas oubliés ; ils avancent curieusement leurs bonnes têtes par-dessus les cloisons de leur stalle et ne perdent ainsi rien de l'auguste scène.

C'est à un accident que l'on doit le clocher actuel. « Le 13 février 1702, à cinq heures du matin, disent les comptes de l'église, la foudre tomba sur le clocher et le ruina ». La flèche, en tombant, démolit la chambre de l'horloge et l'horloge elle-même, ouvrit dans la toiture de l'église une immense brèche, par où le vent s'engouffra dans l'intérieur et y commit d'affreux dégâts.

On ne s'attarda pas en vaines lamentations. Aussitôt la tourmente passée, « on convoqua suivant l'avis du général, deux notaires royaux, deux maistres tailleurs de pierre, deux maistres charpentiers et deux couvreurs d'ardoises pour faire état et procès-verbal de la ruine qu'avait fait le tonnerre dans le clocher, massonnages, boisages, couverture et vitrages de l'église ». Les comptables de la fabrique payèrent pour une première réparation, « tant en argent qu'en nourriture, 24 livres 2 sols 6 deniers, y compris de travail qu'avaient fait les vitriers en descendant les vitres cassées et qui pendaient dans la grande vitre ». On dut aussi indemniser les « tailleurs de pierre pour avoir descendu ce qui restait de l'aiguille du clocher et qui menaçait de briser le clocher », ainsi que « Noël Le Bras, couvreur, pour trois jours qu'il avait été à boucher les fenêtres et vitres de l'église à la place des écussons des seigneurs et à aplanir l'église ».

En même temps, on travaille à remettre la toiture en état et les équipes d'ouvriers se succèdent :

« Les charpentiers de Lesneven étant venus pour travailler sur les boisages et commencer les réparations, pour leur travail, cy ... 7 l. 15 s.

Les charpentiers de Landerneau survenant sur la dite réparation et espérant en avoir meilleure issue, cy ... 6 l. 7 s.

Jean Quéré et ses compagnons survenant aussi pour travailler au dit boisage et aussi refaire la chambre de l'horloge, et l'ayant parachevé, pour leur travail, cy ... 27 l. 3 s.

Yves Le Roux, charpentier du bourg ayant travaillé depuis le commencement jusquà la fin avec les cy devant sur les boisages, cy ... 22 l. 11 s. 6 d.

A Jean Morvan, pour faire une porte pour passer du clocher dans la chambre de l'horloge et réparer le pignon du clocher .... 3 l. »

Puis ce fut le tour du vitrier :

« Le premier dimanche d'aoust 1702, un maistre vitrier de Landerneau étant venu à dessein de faire marché pour accomoder le plus nécessaire des vitres de l'église, il luy fust payé et à son compagnon en collation deux livres dix huit sols, et une pinte de vin lorsqu'il fust quérir les anciennes vitres cassées ».

La note de ce maître vitrier se monta à plus de six cents livres. Les comptes nous apprennent qu'il se nommait Jacques Kergrach. Sur le panneau central de la verrière de la chapelle Saint-Jean, on lit : F. P. KERGRACH. 1703.

Les réparations urgentes terminées, le plus gros n'était pas fait : il restait le clocher, si gravement endommagé, que probablement une réfection à peu près complète s'imposerait. On se contenta, sur le moment, de le consolider en bouchant les menaçantes lézardes qui s'y étaient produites et en aveuglant les ouvertures de la façade. On condamna la fenêtre circulaire qui se trouve à gauche du portail ainsi que la mignonne fenêtre gothique du côté droit, qui n'a été dégagée qu'en 1859. Cela fait, on attendit.

On attendit douze ans. Ce ne fut, en effet, qu'en 1714 que les tréviens eurent la joie de voir un nouveau clocher s'élever au-dessus de leur chère église. On n'avait pu intéresser à l'oeuvre les grandes familles qui avaient jadis donné si largement. Elles résidaient maintenant plus près de Versailles que de Trémaouézan, et l'on sait que les plus gros revenus fondaient rapidement dans le voisinage du Roi-Soleil.

La fabrique ne put donc compter que sur elle-même et la bonne volonté des tréviens. Bien que ces derniers ne fussent pas riches, en cette fin du règne de Louis XIV où les impôts étaient si lourds, ils furent généreux. Le recteur ouvrit la souscription en s'inscrivant pour quarante-cinq livres ; le curé et le vicaire en offrirent chacun trente. François Moallic, de Kerlohou, donna « un millier d'ardoises en offrande pour aider à la réparation de l'église » ; un autre trévien, Vincent Le Guen, tint à payer la moitié d'une barrique de vin que la fabrique avait achetée pour les ouvriers, au prix de 70 l. 10 s.

Détail plus touchant : beaucoup de femmes, dans le courant de l'année 1713, vendirent leurs bagues au profit de l'église. On retira aussi quelque argent du vieux plomb qui était dans la vieille tour [Note : Ce qui laisse croire que l'ancienne flèche était en bois revêtu de plomb]. Le plomb pesait 616 l. On le vendit 12 l. 10 s. pour le cent, soit 77 l. et, quand on se vit à même de faire face aux frais, on convoqua « les artisans au sujet de rebâtir la tour et clocher ».

Marché fut passé avec Maudetz Le Bris et François Gourvez, tailleurs de pierre. La fabrique se chargeait de fournir les matériaux qui lui étaient du reste gracieusement offerts, de les amener à pied-d'oeuvre et de tenir les outils des ouvriers en état. Maudetz Le Bris et son compagnon reçurent pour leur travail environ 1.300 l.

Les écussons du Cardinal de Coëtivy et des Seigneurs de Penmarc'h, remarqués par le Père Cyrille Le Pennec, lors de son voyage à Trémaouézan, sont toujours à leur place dans le clocher : celui du prélat, au milieu, en supériorité ; ceux de Penmarch, de chaque côté. La Révolution a passé et les armoiries ne sont plus, mais les encadrements ont été respectés, sauf celui de l'écusson de gauche qui a été entaillé pour faire disparaître le timbre qui surmontait l'écu. Assez souvent, en effet, pour bien montrer qu'ils n'en voulaient nullement à l'art, mais seulement « aux signes de féodalité et de superstition » dont « l'oeil républicain » était, paraît-il, blessé, les révolutionnaires se bornaient à effacer ces signes, laissant intactes les sculptures qui les accompagnaient. Devant l'écu de Coëtivy, le marteau du destructeur semble avoir hésité. C'est que cet écu portait un ornement qui, aux yeux de l'ouvrier simpliste chargé d'exécuter les ordres des Jacobins, n'appartenait nettement ni à l'une ni à l'autre des catégories d'enblèmes proscrits : le chapeau du Cardinal. L'ouvrier, par acquit de conscience, l'a bien quelque peu chiffonné, mais ne l'a pas complètement écrasé, non plus que les cordelières à houppes dont il est orné et que l'on voit pendre des deux côtés de l'écusson.

Signalons, en fait de travaux importants depuis la restauration du clocher, la réfection du pavé de l'église, en 1859, et la construction, en la même année, de six arcades dans les bas-côtés. Sur les huit qui existent aujourd'hui, une seule, la plus voisine des fonts baptismaux, a été faite du temps de Jean de Penmarc'h ; une autre, celle qui relie le mur Ouest de la chapelle Saint-Jean au pilier de l'entrée du choeur, a dû être édifiée en même temps que la chapelle en 1597. Les six autres ont été posées par M. Prigent, architecte et maire de Plounéventer, sur les naissances préparées autrefois par les constructeurs de l'église. Ces travaux, y compris la restauration de plusieurs pièces du mobilier, ont coûté 9.287 francs.

1862. — Rejointoiement de tout l'extérieur de l'église. Devis. 1.000 fr. Coût, 1.166 fr. 66.

1897. — Réfection de la majeure partie de la toiture et du lambris. Devis, 5.000 fr.

1913. — Caniveaux en ciment autour de l'église et travaux de peinture à l'intérieur : 800 fr. (J. Mével).

Voir   Ville de Trémaouézan (Bretagne) "L'église de Trémaouézan : les cloches et l'horloge ".

Voir   Ville de Trémaouézan (Bretagne) "L'église de Trémaouézan : le baptistère, le catafalque et les niches ".

Voir   Ville de Trémaouézan (Bretagne) "L'église de Trémaouézan : les autels, retables et statues ".

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