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Le Commerce de Nantes et du pays nantais autrefois

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L'évêché de Nantes comprend tout le pays nantois, qui est proprement une petite province séparée du reste de la Bretagne, et il renferme 200 paroisses à la campagne. La Loire le coupe en deux parties, dont celle du midi s'appelle le Pays d'outre-Loire, et celle du nord, le Pays de deçà. Ce dernier est fort rempli de landes : il ne produit des blés qu'autant qu'il en faut pour les habitants ; les pâtures des bestiaux n'y sont bonnes qu'aux bords de la Loire ; mais le pays d'au-delà tire de grands avantages de la mer, des vins qui y croissent, et des eaux-de-vie qu'on y fabrique, outre le sel et les bestiaux.

La ville de Nantes est très-heureusement située par rapport au commerce, n'étant éloignée de la mer que d'une journée. Autrefois les plus gros vaisseaux remontaient jusqu'à Couëron, à trois lieues de cette ville ; mais le lit de la rivière s'étant gâté par des bancs de sables, ils ne passent plus le bourg de Paimboeuf, et ils sont obligés d'y décharger leurs marchandises, sur des bâtiments plus légers, nommés gabares, qui les portent à Nantes.

Le principal commerce de la ville de Nantes se fait en Amérique, aux Iles, en Terre-Neuve et sur le grand Banc ; le premier emploie environ 50 bâtiments de toutes grandeurs, depuis 60 jusqu'à 300 tonneaux ; non qu'ils soient tous de la ville de Nantes, mais parce qu'ils appartiennent à des Nantois ou sont chargés par leurs commissionnaires : sur quoi il faut observer que tous les ports de Loire, Paimbœuf, le Croisic, Bourgneuf et la Bernerie, n'ont d'autres marchands que les facteurs de ceux de Nantes, et que Paimbœuf n'est proprement qu'un amas d'hôtelleries et de cabarets pour les gens de marine. La destination de ces vaisseaux est de 25 ou 30 pour la Martinique, 8 à 10 pour la Guadeloupe, 1 ou 2 pour la Tortue, 1 ou 2 pour Cayenne, et 8 ou 10 pour la côte de Saint-Domingue. Les cargaisons qu'on y porte consistent en boeuf salé d'Irlande ou du pays, qui se met en barils de 200 pesant, en farines, en vin, en eaux-de-vie, en toiles, soit pour le ménage, soit pour habiller les nègres, soit pour les emballages du coton, en cuivre pour les chaudières et moulins à sucre, en huile à manger et à brûler, en beurre, chandelles, sel, pierres et ardoises, pots de terre, souliers, chapeaux, étoffes de soie et de laine, vaisselle, ustensiles de ménage, fusils boucaniers, poudre à tirer, plaques, balles, dragées et toutes autres choses nécessaires aux colonies. Sur la route, les vaisseaux se chargent encore à Fayal et à Madère des vins du pays, qui sont plus propres pour les Iles à cause de leur force qui les conserve en mer ; et d'autres se détournent de leur chemin pour aller au Cap-Vert se charger de tortues : pour lors ils portent quantité de sel avec eux, pour en faire la salaison, et cette nourriture se vend très-bien aux Iles pour les nègres. Le départ ordinaire de ces vaisseaux se fait en novembre et décembre, le trajet est ordinairement de quarante-cinq à cinquante jours, les marchandises d'Amérique s'apprêtent en mars et avril et les retours se font au mois de juin ; mais ce n'est pas une règle, car il en part et en arrive en tout temps. Les retours se font en sucre brut ou moscouade, en sirop de sucre, en sucre blanc et terré, en cacao, gingembre, coton, laine, indigo, cuirs de boeuf et vache, en poil, en rocou, carcet ou écaille de tortue, en casse et bois de gaïac. Il n'est pas permis de porter les sucres bruts hors du royaume : ils sont raffinés et convertis en pains, dans les sucreries de Nantes, Saumur, Angers et Orléans ; mais les autres marchandises passent au nord, en Hollande, Dannemarck, Hambourg, Dantzig, Stockolm et toute la Suède, à des prix avantageux aux négociants, soit qu'on les porte en ces lieux-là, soit que les vaisseaux de ces pays les viennent chercher. Les retours des tabacs étaient autrefois fort bons ; mais depuis qu'il a été mis en parti, les vaisseaux n'en apportent plus.

Le commerce de Terre-Neuve et du grand Banc n'est pas à beaucoup près si considérable ; il n'emploie pas plus de 30 navires, depuis 70 jusqu'à 300 tonneaux. Ils partent dans les mois de juillet, août, décembre et janvier, et sont de retour en trois ou quatre mois ; de sorte que la plupart font deux voyages tous les ans. Comme il ne s'agit que de la morue verte, c'est-à-dire fraîchement salée, les vaisseaux ne se chargent que de sels qu'ils prennent à Bourgneuf, et des vivres nécessaires à la subsistance de l'équipage. Le gain des retours est fort inégal, selon l'abondance de la pêche, qui met une telle différence dans le prix, que le millier de morues, qui en contient 1240, ne vaut que 200 livres quelquefois, et quelquefois jusqu'à 1200 livres ; sur quoi il faut remarquer que les navires de la Rochelle et d'Oléron, qui vont en Terre-Neuve au nombre de plus de 60, déchargent aussi dans la rivière de Loire. Cette quantité de morues passe non-seulement à toutes les villes de la même rivière, mais à Paris, par le canal, à Lyon, en Auvergne, et partout le royaume ; ce qui rend ce commerce extrêmement considérable. Entre les bâtiments qui vont en Terre-Neuve, les uns vont uniquement en pêche, et pour lors ils ne portent que du sel outre des victuailles : d'autres vont en sacs, c'est-à-dire à la terre et à la colonie de Plaisance ; alors ils prennent de toutes les marchandises qui y sont propres, comme biscuit, farine, vin, sel, eau-de-vie, lard, boeuf, huile, toiles, etc., et ils en rapportent des morues sèches, que les habitants de Terre-Neuve ont fait sécher. Ce commerce se fait par échange. Les retours se font en Espagne, Portugal, Bordeaux et Nantes. La morue sèche vaut 20 livres le quintal en Espagne, sur quoi il y a le quart des droits à payer aux rois d'Espagne et de Portugal, outre dix pour cent de frais de commission ; de sorte qu'il y aurait peu de profit, puisque la même morue vaut en France 14 et 15 livres, n'était que les navires qui passent en Espagne, y font une nouvelle cargaison des marchandises du pays : en Portugal, de sucre, de tabac du Brésil et d'huile d'olive ; en Espagne, des espèces d'or et d'argent, du fer, de l'huile, des laines, de la cochenille, du savon, etc. Les morues sèches qui reviennent à Nantes se débitent partout et singulièrement dans l'Auvergne et le Lyonnois ; mais il n'en passe presque point à Paris.

Outre le commerce de l'Amérique, les marchands de Nantes en ont un particulier en Espagne, à Bilbao, Saint-Sébastien, la Corogne, et sur toute la côte de Galice ; mais il n'y passe que de petits bâtiments, chargés de papier, de toiles, d'étoffes de soie et dentelles, or et argent, de sucre, quincaillerie, mercerie et même de faïence, outre les grains que l'on y débite, quand il y a permission. On en rapporte des espèces, du fer, des laines, des peaux de mouton, des oranges et des citrons, etc., et tout cela passe dans l'intérieur du royaume, par la rivière de Loire. Cet article ne doit pas être fini, sans remarquer qu'il y a une société établie, depuis plus d'un siècle, entre les marchands de Nantes et ceux de Bilbao, sous le nom de Contractation : outre la Société, il y a un tribunal, que l'on peut regarder comme une juridiction consulaire, et en vertu de la société, un marchand de Nantes, se trouvant à Bilbao, a droit d'assister à la contractation et a voix de délibération, comme réciproquement ceux de Bilbao ont le même droit à Nantes. C'est en faveur de cette société, que les laines d'Espagne ne paient à Nantes qu'un droit fort léger, et qu'en revanche, les toiles de Bretagne sont traitées sur le même pied à Bilbao. Ces deux villes avaient autrefois des bâtiments communs, qui trafiquaient au profit de la Société, avec préférence entière sur les autres bâtiments ; mais cet usage a cessé.

La ville de Nantes entretient aussi commerce avec le Portugal, où elle envoie les mêmes marchandises qu'en Espagne et en retire à peu près les mêmes espèces ; mais il ne se fait que sur les tartanes provençales, qui sont en possession de naviguer de Lisbonne et Porto à Nantes, et d'en faire les retours.

Toutes les nations du nord de l'Europe ont aussi un fort grand commerce à Nantes ; mais les étrangers ne le font guère au profit des marchands. Ils ont leurs commissionnaires à eux et facteurs de leur nation, qui en tirent tout le profit, et c'est ce qui détermine le Conseil à charger leurs vaisseaux du droit de 50 sols par tonneau, duquel les Hollandais ont été depuis déchargés. Ceux-ci apportent de la canelle et toutes espèces d'épiceries, de l'amidon, du plomb, de la céruse, de la mine de plomb, du cuivre, du tabac, des pipes à fumer, des planches de sapin, des mâts, du goudron, du brai gras, du cordage, des chanvres, des poutres, du fil de fer et de laiton, des suifs, des cuirs de Russie, de l'huile et fanons de baleines, beaucoup de quincaillerie et de mercerie, et ils en emportent des vins, des eaux-de-vie, du sirop, du miel, du gingembre, de la casse, du papier, de l'indigo, des prunes et surtout du sel, qu'ils prennent à Bourgneuf et au Pouliguen.

Les Anglais apportent à Nantes des cargaisons de plomb, d'étain, de couperose, de charbon de terre, et emportent toutes sortes de marchandises, comme les précédents ; mais comme leurs marchandises ne sont jamais si fortes que celles qu'ils prennent, ils apportent et répandent aussi de l'argent, ou donnent des lettres sur Paris.

Les denrées d'Irlande sont d'un fort bon débit à Nantes : telles sont les beurres, les suifs, le boeuf salé en barils, les harengs, les cuirs verts et tannés, les laines quand ils peuvent les risquer, car il y va de la vie. Les Hambourgeois, Danois, Suédois et Polonais apportent les denrées de leur pays, cuirs, planches, mâts, goudrons, cordages, chanvres et de l'acier.

Outre ce commerce étranger, il y en a un fort grand avec tous les ports du royaume et avec la Flandre espagnole. Le commerce de Bordeaux consiste en vins de Grave, soi-disant, qui se distribuent dans toute la province ; les autres villes à proportion y fournissent ce qu'elles produisent en telle abondance, que l'auteur croit pouvoir assurer qu'il n'y a point de lieu en France où le commerce soit plus vif qu'en celui-ci et où les marchands pussent plus promptement s'enrichir, s'ils s'attachaient à le faire eux-mêmes, sans user de commissionnaires, et s'ils osaient entreprendre plus qu'ils ne font communément ; mais le plus grand de leurs défauts, en ce genre, est le manque d'application.

L'auteur passe au commerce du plat pays d'outre-Loire, et remarque qu'il ne consiste qu'en vins et eaux-de-vie, en sel et en bestiaux. Le sel s'y fait en deux endroits différents, savoir : dans les villages de la baie de Bourgneuf, au nombre de neuf, et dans le territoire de Guérande et du Croisic, qui comprend cinq paroisses. On estime que les marais salants de la baie de Bourgneuf rendent, année commune, 10,000 charges de sel du pays de 6,710 livres chacune ; ce qui fait la quantité de 16 à 17,000 muids, dont l'usage est établi dans la ferme générale des Gabelles. Le prix de la charge dépend également de la quantité qu'on en peut fabriquer et de l'enlèvement qu'en font les étrangers ; mais par rapport aux fermiers du roi, il est fixé par arrêt du Conseil à 20 livres, en sorte néanmoins que les propriétaires des marais, après la fourniture des fermiers, peuvent disposer du surplus qu'ils vendent aux étrangers, au prix de 60 et 70 livres la charge. Cependant les gens du pays avouent eux-mêmes qu'en faisant une année commune de dix, le prix de la charge du sel n'est que de 30 livres. Les Hollandais et autres nations du nord sont ceux qui en enlèvent le plus. Quant aux marais de Guérande et du Croisic, ils en produisent une bien plus grande quantité, jusqu'à 26,000 muids, car on n'y compte point par charges, comme à Bourgneuf : il y a la même difficulté à en régler le prix ; cependant on le prend, année commune, à 25 livres. On ne se sert point de ce sel aux greniers du roi ; mais les commerçants l'enlèvent sur des mulets et le trafiquent par toute la province. Les Anglais et Hollandais le viennent charger aux ports du Croisic, du Pouliguen et de Mesquer. Les deux dernières années, c'est-à-dire, en 1695 et 1696, ils l'ont acheté jusqu'à 90 livres le muid. Les vins et les eaux-de-vie font encore une grande partie du commerce du pays ; les étrangers estiment beaucoup les dernières, parce qu'elles conservent toute leur force sur la mer. A l'égard des vins, comme ils sont de très-petite qualité, ils se consomment dans la province, ou si l'abondance en est grande, on le convertit en eau-de-vie, pour la facilité du débit. Il y a des années où il ne faut que huit barriques de vin pour en faire une de bonne eau-de-vie, et d'autres où il en faut quinze et seize ; cela dépend de la force du vin. Il sort de Nantes, année commune, 7,000 pipes d'eau-de-vie, dont le prix n'est pas réglé, mais qui roule toujours entre 60 et 100 livres la pipe, à proportion des enlèvements qu'on en fait. A l'égard des vins, la mesure ordinaire est le tonneau, composé de quatre barriques, lequel vaut ordinairement depuis 40 jusqu'à 50 livres. Il en sort, année commune, 8,000 tonneaux, sur quoi il faut observer qu'il ne croît de vin, en toute la Bretagne, que dans le pays nantois et la péninsule de Rhuis, dans l'évêché de Vannes.

Il se fait aussi, dans les paroisses d'outre-Loire, des nourritures de bestiaux et des engrais qui sont profitables ; le commerce des boeufs de labourage et du jeune bétail se fait dans les foires du pays, depuis le mois d'avril jusqu'en août ; il en vient beaucoup d'Anjou et il en sort beaucoup pour le Poitou. Celui du bétail gras et propre à tuer se fait par les marchands du pays, qui, ayant acheté des boeufs maigres, les font pâturer dans les îles de la Loire, depuis Nantes jusqu'en Paimboeuf, ou dans les prairies du duché de Rais, et les vendent ensuite aux bouchers du pays, qui les tuent sur les lieux ou les conduisent en d'autres provinces, et souvent les font passer aux marchés de Sceaux et de Poissy.

Les villes de cet évêché, qui ont droit d'envoyer leurs députés aux Etats, sont celles de Nantes, de Guérande, de Château-Briant et d'Ancenis ; et parmi les bourgs : le Croisic et la Roche-Bernard.

On trouve plusieurs mines de charbon de terre dans le pays de deçà la Loire ; mais il n'est pas de si bonne qualité que celui d'Angleterre : aussi ne vaut-il que la moitié de son prix, puisque le premier vaut 200 livres la fourniture, et que le second ne vaut que 110 livres. Il faut toutefois excepter celui qui se tire dans la paroisse de Nort, qui va jusqu'à 150 livres. Il est certain qu'on pourrait en découvrir de meilleur et faire fleurir ce commerce ; mais l'on n'a pas la liberté d'y travailler, parce que le roi a fait don de ces mines à feu M. de Montausier, et que cette grâce a été continuée au duc d'Uzès, son petit-fils.

On ne compte que trois forges en toute l'étendue de l'évêché : Meilleray, Peau et la Poitevinière. Elles ne sont pas considérables et leur fer se consomme dans le pays.

A l'égard des grandes terres et de la noblesse, le prince de Condé y possède les baronnies de Château-Briant et Derval, avec la seigneurie de Champtoceau ; le duc de Coislin, son duché du même nom et les baronnies de la Roche-Bernard et de Pont-Château ; la duchesse de Lesdiguières, le duché de Rais, dont Machecoul est le chef-lieu ; le duc de Charost, la baronnie d'Ancenis ; le comte d'Avaugour, Clisson, ancienne origine du connétable qui en a porté le nom ; le duc de Rohan, le marquisat de Blain.

Les autres terres inférieures à celles-ci sont : Goulaine, au comte de Rosmadec ; Donges et Asserac, autrefois au comte de Rieux, depuis vendues sur lui ; Fougeray, au marquis de Créqui, dont le père l'avait acquise du marquis de la Roche-Giffart.

Parmi la noblesse distinguée, on compte le vicomte de Poulduc, du nom de Rohan, de la branche du Gué de l'Isle, séparée des aînés avant tous les honneurs qu'ils ont acquis, demeurant auprès de Guérande ; le comte de Tournemine, d'une très-ancienne maison, puînée des seigneurs de la Hunaudaye, qui fait sa demeure dans sa terre de Camzillon ; les sieurs de Sesmaisons, divisés en deux branches ; de Crapado, de la maison de Lohéac ; du Pé d'Orvault, du Bois d'Avaugour, de Chevigné, de la Muce-Ponthus, etc.. 

(Bechameil de Nointel, intendant de Bretagne. - 1697)

 

Note : LES LAMPROIES DE NANTES. — Elles ont eu un grand renom au moyen âge. Dans le dit de l'Apostoile, sorte de poème du XIIIème siècle qui présente une énumération des villes les plus célèbres à cette époque par leurs produits, leurs denrées, leur industrie ou leur commerce en différents genres, on trouve mentionnés « li poissoner de Nantes » et les « lamproies de Nantes » (Bibliothèque Imp., Mss., St Germ. Fr., 1239, fol. 71 v°). Au siècle suivant, elles avaient conservé leur célébrité et continuaient d'être fort recherchées, puisque le duc de Bretagne en envoyait au loin à titre de présents du jour de l'an, ainsi que cela résulte d'un compte des dépenses du receveur de Nantes pour l'an 1392-1393, où on trouve l'article suivant : « A Martin Laillier, par mandement de mondit sire (le duc Jean IV), dou 12e jour de febvrier l'an 1392, pour paiement de 28 lampraies, que mondit sire lui ordrena envoier par present en certains lieux paravant le jour de Noel derrain, chescune lampraie au pris de 30 soulz, qui montent 42 livres. Et pour paiement de 250 lampraies, envoiées en France peur les presents de mondit sire, chescune lampraie au pris de 7 soulz, qui montent 87 livres 10 soulz. Item pour la vieusture (pour la voiture, c'est-à-dire pour le transport) des 20 [Note : Le compte original porte en effet XX ; il semble qu'il faudrait XXVIII] lampraies envoiées premièrement, 13 livres. Item pour la vieusture des 250 lampraies, à cinq vieusturers (voituriers), pour eulx et leurs chevaulx, à chescun 10 livres, valant 50 livres. Lesdites lampraies et vieustures prisées audit pris par messire Geffroy Ruffier, maistre d'ostel, et Alain Guihemareu, argentier de mondit sire. Et montent ensemble lesdites parcelles 192 livres 10 soulz ». Le compte d'où est tiré cet article fait partie du Trésor des chartes des ducs de Bretagne. (A. L. B.).

 

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Il est peu de villes dont la situation, par rapport au commerce, soit aussi avantageuse que celle de Nantes. La mer lui ouvre une communication avec toutes les nations de la terre, et la Loire lui donne de grandes facilités pour pénétrer dans les plus riches provinces du royaume et même jusqu'à Paris, par les canaux de Briare et d'Orléans, qui joignent la Loire à la Seine.

Il est vrai que Nantes n'est pas proprement sur la mer ; mais il y a la rade de Paimboeuf, sur la Loire, à huit ou neuf lieues au-dessous de Nantes, où les plus gros vaisseaux sont en sûreté. De Paimboeuf, les marchandises déchargées des vaisseaux sont voiturées à Nantes, par des barques et gabarres de 50, 60, 80 et même jusqu'à 120 tonneaux, et quelquefois d'un port plus considérable, quand les eaux sont grandes.

Des vaisseaux de 300 tonneaux arrivent jusqu'à Paimbœuf. Ceux d'un port moindre montent jusqu'au Pellerin ; et ceux d'un très grand port mouillent à Mindin, qui est deux lieues plus bas.

Il n'est pas douteux que les vaisseaux, qui sont obligés de s'arrêter à Mindin et à Paimboeuf, ne remontassent jusqu'à Nantes, si l'on trouvait les moyens de dégager la rivière des sables qui s'y accumulent et interrompent le cours de la navigation. On assure qu'autrefois la profondeur de cette rivière était beaucoup plus considérable, et que ce n'est que par des accidents de crues d'eau subites et de débordements que cette profondeur a discontinué d'être telle qu'elle était. A notre avis, il faudrait, pour appuyer cette assertion, produire des états successifs du volume d'eau qui coulait dans le lit de la Loire, et les comparer avec l'état du volume actuel. Car, il ne serait rien moins qu'impossible, que les sources et les canaux qui fournissaient d'eau à la Loire, ainsi qu'aux rivières qui y aboutissent, eussent pris une autre direction, par des causes inconnues et néanmoins très naturelles. Ces causes subsistant, et pouvant même être aidées d'autres de pareille espèce et qui concourussent au même effet, on devrait s'attendre que le volume d'eau de la Loire diminuerait insensiblement. La navigation de cette rivière se perdrait donc ? Pourquoi pas ? Bien d'autres rivières, qui furent autrefois navigables pour des bâtiments de tel ou tel port, ont cessé de l'être. Cela est dans l'ordre de la nature. Mais il est aussi dans l'ordre de l'industrie et des connaissances humaines de chercher et de trouver les moyens au besoin. Autrefois, les provinces des Pays-Bas n'avaient que peu ou point de canaux de navigation, et aujourd'hui ils sont extrêmement multipliés ; c'est parce qu'ils y étaient nécessaires pour balancer les avantages des autres pays avec ceux de ces provinces. Quand la place de Nantes verra son commerce interrompu par les obstacles de la navigation dans la Loire, elle cherchera les moyens de le rétablir ; et vraisemblablement elle préférera, à tout autre moyen, celui de creuser un canal jusqu'à la pointe de Mindin ou à celle de Saint-Nazaire. Peut-être qu'actuellement ce projet paraîtrait impraticable. On ne le trouvera point tel, jamais son exécution devient absolument nécessaire. On sera même alors étonné de n'y avoir pas pensé plus tôt, et peut-être que l'on ne se bornera pas à un simple et unique canal de Nantes à la mer. Les esprits se seront tournés du côté des canaux ; on trouvera la navigation trop difficile par la Loire, depuis Nantes jusqu'à Orléans et au-dessus. On creusera des canaux à peu près parallèles à cette rivière, qui leur fournira assez d'eau et en égale quantité dans toutes les saisons de l'année ; on s'applaudira du succès ; et la postérité dira de nous ce que nous disons de nos aïeux, dont, avec raison, nous trouvons que les connaissances le cèdent aux nôtres. Cela est dans l'ordre et exactement selon la marche des connaissances et les progrès de l'esprit humain. Mais reprenons et suivons le commerce de Nantes, tel qu'il est actuellement par la Loire et par ses autres débouchés. Observons auparavant que le flux de la mer se fait sentir dans la Loire, lors des grandes marées, au-delà de la paroisse de Mauves, à plus de trois lieues au-dessus de Nantes, et, par conséquent, à plus de douze lieues de Paimbœuf.

Le commerce de mer se fait à Nantes, par environ deux cents négociants armateurs. Il y a, outre cela, dans cette ville quantité d'autres négociants.

Nous diviserons ce commerce, par rapport aux diverses contrées où il est porté, savoir : 1° la Guinée, 2° les îles de l'Amérique, 3° les divers états de l'Europe, et 4° le commerce de cabotage, que nous subdiviserons en cabotage fait par les Français et cabotage fait par les Etrangers .

COMMERCE DE GUINÉE. - L'importance de ce commerce est connue. Il est nécessaire, pour procurer aux colonies de l'Amérique les noirs ou nègres, dont elles ont besoin pour la culture des terres, qui ne saurait être faite par les blancs. Il occasionne un débouché très-considérable des denrées et ouvrages des fabriques du royaume, comme le prouvent les états que nous en avons.

Traite des nègres à Nantes

La ville de Nantes se livra au commerce de Guinée, dès qu'il fut accordé des permissions particulières de le faire, par la compagnie à qui il avait été confié privativement.

La France est la première des nations européennes, qui ait formé des établissements sur la côte de Guinée. Les malheurs de nos divisions domestiques interrompirent l'expédition de nos navires, et donnèrent lieu à nos voisins de profiter de nos découvertes et d'en faire de nouvelles qu'ils conservent encore. On fixe, à l'année 1364, l'époque de nos établissements à la côte des Grèves ou des Graines ou de Maniguete, vers le huitième degré de latitude nord. C'est là qu'est situé le Petit-Dieppe. Les Français ne discontinuèrent point, à quelques intervalles près, d'entretenir une correspondance avec le Petit-Dieppe, jusqu'en 1621, qu'une compagnie, sous le nom des Indes occidentales en Guinée, entreprit de faire ce commerce. Il se forma depuis d'autres compagnies, avec privilège exclusif, pour continuer le même commerce de Guinée. On peut consulter sur cela les arrêts et édits de 1664, 1671, 1675, 1685, 1688, 1702, 1703, 1712, etc..

En 1716, le roi donna des lettres patentes pour la liberté du commerce sur les côtes de Guinée et d'Afrique. Il fut donné ensuite, et nommément en 1741, divers arrêts, édits et déclarations concernant cette liberté accordée aux négociants.

Les armements de la place de Nantes, pour la Guinée, ont augmenté insensiblement, à mesure que ce commerce est devenu libre, de sorte qu'actuellement ils égalent ceux de presque toutes les autres places ensemble. Depuis la paix de 1763, jusqu'à la fin d'août de la présente année 1766, ils ont été portés jusqu'au nombre de cent huit. Si la traite eût répondu aux cargaisons, ces armements auraient produit 37,430 esclaves. Mais la concurrence des étrangers aux marchés de la côte de Guinée, et diverses circonstances ont peut-être empêché que le nombre présumé n'ait été traité en totalité. Cette diminution aura sans doute causé des pertes aux armateurs ; mais l'Etat n'y gagne pas moins la consommation de tout ce qui est entré dans les armements, ainsi que le montant des salaires des gens de toute espèce qui y ont travaillé.

Le détail de tout ce que renferme ce dernier objet de salaires serait trop long. Pour donner une notice de l'autre, savoir : des marchandises et denrées employées, il nous suffira de dresser un état de ce qui a composé la cargaison de vingt-neuf navires, expédiés pour la côte de Guinée en 1764. Cet état, au reste, est pris pour exemple de toutes les parties d'exportation et d'importation relatives au commerce de Nantes.

La valeur de la cargaison d'un navire négrier doit être proportionnée au nombre d'esclaves que l'armateur se propose de faire acheter, et pour que ce navire soit véritablement un négrier, il doit être disposé pour contenir quatre cents esclaves.

Traite des nègres à Nantes

 

Traite des nègres à Nantes

On reconnaît par l'évaluation des marchandises faite en Guinée, que quelques-unes de celles que nous avons nommées y sont d'un plus grand débit que les autres ; mais cela ne doit pas en faire changer l'état indiqué, parce que la réussite d'une bonne traite dépend d'un pareil assortiment. On n'en doutera plus, quand on saura que ce commerce se fait par échanges, et que les esclaves n'y ont point une valeur réelle, comme nos marchandises d'Europe, que l'on peut compenser par une valeur numéraire, qui est la mesure convenue parmi nous de toute sorte de biens. Les nègres, les Angolais surtout, ne se servent point d'espèces courantes. Ils ont imaginé une valeur idéale fondée sur leurs plus pressants besoins. Ils l'ont établie sur le prix d'une petite pièce de toile, de la grandeur de nos mouchoirs qu'ils attachent à la ceinture, comme un tablier, pour paraître sans honte en public. Heureux reste d'un sentiment de décence, que les moeurs les plus corrompues n'ont pu effacer du coeur de l'homme ! Ces morceaux de toiles sont appelés pagnes, et quatre composent la pièce, qui sert de mesure ou de prix pour toutes nos marchandises. Ainsi, quand une de nos pièces de drap est évaluée dix-huit pagnes, c'est la même chose que si l'on disait quatre pièces et demie, et réciproquement. On conçoit aisément que la valeur réelle de nos marchandises, relativement à ce qu'elles ont coûté en France, dépend beaucoup du caprice des nègres, qui estimeront quelquefois six pièces un effet vendu en France 60 livres, et estimeront dix pièces un autre effet qui n'aura été acheté que 30 livres. Le désir d'avoir quelques espèces de nos marchandises, ou l'utilité qu'ils croiront en retirer, peuvent faire hausser ou baisser leur prix. Cependant, comme ce commerce deviendrait arbitraire, si la fantaisie des nègres en faisait l'unique règle, et que le montant d'une cargaison pour l'achat de quatre cents nègres ne suffirait pas quelquefois pour deux cents, si nous étions obligés de nous conformer à leur caprice, il a été nécessaire de fixer l'évaluation, tant de nos marchandises que des esclaves, suivant leur sexe et leur âge. C'est à nos capitaines à montrer de la fermeté pour maintenir le prix de leurs marchandises.

Les annabasses sont des toiles de fil et de coton, bleu et blanc, d'un demi-pouce d'intervalle entre chaque raie, de la largeur de trois quarts d'aune, divisées par longueur de trois quarts d'aune et demie. Chacune de ces longueurs fait une petite couverture ou pagne, d'une grande consommation à la côte d'Angola. La Hollande nous fournissait autrefois des annabasses. On en fabrique aujourd'hui à Rouen, qui méritent la préférence.

Il faut ordinairement dix annabasses pour faire une pièce du pays.

Un navire doit se charger au moins de quinze cents annabasses.

Les fusils pour la Guinée doivent être des fusils boucaniers, forts, pesants et plus longs au moins de six pouces que nos fusils ordinaires. Le bois le plus pesant est le plus estimé, surtout s'il est jaune. Le canon doit être bien luisant, et sans qu'il y paraisse une paille. La platine doit être attachée par trois vis.

Il faut environ six cents fusils pour un navire de quatre cents esclaves, et un fusil vaut une pièce du pays.

Deux à trois cents sabres suffisent dans la cargaison d'un navire. Nos sabres ordinaires conviennent au pays ; mais il faut que le fourreau soit toujours rouge.

Un sabre vaut deux pagnes, et deux sabres un fusil ou une pièce.

On appelle cannettes de petits pots à l'eau, de la contenance d'environ une bouteille.

Les cannettes d'étain doivent avoir leurs couvercles et être bien luisantes. Chaque cannette vaut un pagne ; et quoique les cannettes d'étain ne soient pas beaucoup recherchées, il en faut au moins deux ou trois cents pour l'assortiment de la cargaison.

Les cannettes de terre sont d'un plus grand débit et absolument nécessaires, parce qu'elles entrent non-seulement dans le paiement des esclaves, mais qu'elles servent encore pour acheter les denrées du pays.

Deux ou trois cannettes de terre valent ordinairement un pagne.

On porte aussi des plats d'étain, de deux livres pesant. Chaque plat est compté pour un pagne.

Les écuelles d'étain, avec leurs couvercles, sont estimées et recherchées, et valent une pièce.

Le contre-brodé est une espèce de rassade, dont il sera parlé ci-après.

Le corail est la meilleure de toutes les marchandises qui entrent dans la cargaison d'un négrier. Tous les noirs sont passionnés pour le corail rouge. Ils le regardent comme la production la plus précieuse de la terre (Les autres couleurs sont peu estimées). Aussi l'ornement des rois, de leurs femmes, des fidalques et des principaux officiers du pays, consiste principalement en colliers de corail. Il faut choisir le plus fin et le mieux travaillé. Voici le prix-courant, sur les côtes d'Angola, du corail rouge ouvré à Marseille où il se fabrique quantité de cette marchandise.

Le corail fin, gros comme le petit doigt, de demi-pouce de long, la livre, poids de Marseille, vaut 30 pièces. — Le corail de la grosseur d'un tuyau de plume, la livre, 8 pièces. — Le corail menu, la livre, 3 pièces.

Les coris sont la monnaie courante des peuples de Guinée. Autrefois, ils servaient à la traite même des esclaves ; mais, aujourd'hui, ils ne sont plus employés que pour l'achat des denrées très communes, ou pour l'ornement des négresses d'une petite fortune : elles en font des colliers dont elles savent se parer avec grâces. Ces coris sont de petits coquillages oblongs, connus à Marseille sous le nom de porcelaine, dont on fabrique une pommade pour les dartres, en les faisant dissoudre dans le vinaigre. Les Hollandais en ont des magasins bien fournis, pour en vendre à toutes les nations qui font le commerce de Guinée. Ils les tirent des Philippines et des Maldives. Les premiers sont plus estimés par leur blancheur et leur poli. On donne la préférence aux plus petits et à ceux qui sont parfaitement blancs. On les achète passés dans des fils comme nos chapelets. Il en faut quelques caisses dans un assortiment de cargaison. Ils sont absolument nécessaires pour l'achat en détail de bien de petites choses, pour lesquelles il ne convient pas de donner d'autres marchandises. On peut les évaluer, proportionnellement à l'argent de France, à raison de 3600 en nombre pour une livre tournois.

De tous les ouvrages de cuivre jaune, les plus recherchés des Angolais, il n'y en a point d'un plus grand débit que les plats ou bassins. Ils ne valent cependant chacun qu'un demi-pagne. Cela ne doit pas empêcher d'en porter environ cinq cents, parce que, dans le paiement qu'on fait des esclaves, ceux qui les vendent exigent toujours que le paiement se fasse avec toute sorte de marchandises de la cargaison, et qu'ils veulent quelquefois qu'il entre, dans ce compte, un bassin de cuivre et souvent deux pour chaque esclave. Il faut, au reste, que ces bassins soient sans anses, et qu'ils ne pèsent tout au plus qu'environ une livre et quart, poids de marc, sans quoi il y aurait trop à perdre.

On peut aussi porter des bougeoirs, des serrures et autres petits ouvrages de cuivre, et avoir attention qu'ils soient bien luisants : tout l'avantage de la vente dépend de cette circonstance.

Les Angolais font grand cas de toutes nos draperies ; mais nos beaux draps, surtout en bleu, rouge et écarlate, sont les plus estimés. Le rouge vif et l'écarlate se débitent avantageusement et par préférence à toute autre couleur.

La mesure en usage à Angola, pour les draps et les étoffes, correspond à un pied et demi de roi ou deux pans de Marseille, et quatre de ces mesures font à peu près une toise de six pieds. Chaque mesure vaut un pagne, et notre toise une pièce. Nos serges et autres petites étoffes se vendent proportionnellement.

La passion démesurée des noirs pour l'eau-de-vie et pour les liqueurs qui en sont composées, est une grande ressource pour nos armateurs ; car, de toutes les eaux-de-vie qu'on porte en Guinée, soit de grains, soit de sucre, sous les noms de rossoli et guildives, il n'y en a point de comparables à celles de France. Cette boisson est préférée, en Guinée, aux liqueurs que nos liquoristes ont trouvé l'art d'adoucir. On jugera de la quantité qu'il en faut à tant de gens si grands buveurs, par la consommation qu'en fait à sa table le roi d'Aquambo, qui est un très-petit roi. On estime cette consommation, année commune, à la valeur de plus de deux mille esclaves.

On porte l'eau-de-vie dans des barriques ou petits barils, qu'on appelle ancres, et en caves. Cette dernière méthode est la plus avantageuse pour la vente. Les caves sont de petites caisses de bois blanc, avec leurs couvercles et une serrure. Chaque cave doit comprendre huit bouteilles, contenant ensemble environ six pôts, et se vend une pièce ; mais on ne doit pas oublier de faire peindre ces caves en vert.

Cette négligence nuirait à la vente, tant cette nation s'attache à des minuties.

Nos eaux-de-vie revenant à meilleur compte que les autres marchandises de la cargaison d'un négrier, on ne risque rien d'en embarquer par préférence, et six cents caves seront toujours bien vendues. On peut aussi porter de l'eau-de-vie en barriques et en petits barils. A quoi l'on peut ajouter quelques caissons de liqueurs et quelques barils de bon vin.

Nos étoffes de soie se vendent aussi très-bien en Guinée, surtout les velours, les damas et les satins. Pour les dessins, il faut les choisir à grandes fleurs, et préférer les couleurs vives aux autres. La valeur de ces étoffes est à peu près la même que celle des draps. La mesure est aussi la même, et quatre mesures valent une pièce.

Les toiles peintes ou indiennes sont les plus recherchées de toutes les étoffes. Comme il faut qu'une cargaison soit variée et que certaines qualités sont plus d'usage dans un pays que dans un autre, voici celles qui conviennent le mieux pour le royaume d'Angola. Les guinées, pièces de toiles de coton, de 13 à 14 aunes de long, sur 3 pieds et quart de large. La grande consommation qu'en font les nègres est la cause de leur nom. Ceux qui savent de quelle manière se font les ventes de toiles de coton aux marchés de l'Inde, ne sont pas surpris de trouver dans une balle des pièces fines et grossières. C'est aux marchands qui les reçoivent, pour les revendre en blanc, d'en faire le triage, afin de se dédommager, par le prix des fines, du bon marché des grossières. Il faut peu de fines pour la Guinée. Les grossières tournent mieux à compte, parce que le prix courant des unes et des autres est de trois pièces. Il faut commander aux fabricants de laisser au bout de chaque pièce une marque blanche, afin qu'elles paraissent avoir été peintes dans l'Inde. Cette petite précaution en facilite la vente. Pour les salampouris, même observation que pour les guinées et même valeur. Les bafetas sont des toiles plus grossières que les guinées, et dont la pièce tire une aune de moins et a un pied de moins de large. Ils se vendent autant que les guinées, c'est-à-dire trois pièces. Quant aux couleurs, il est à observer que le bleu foncé et le rouge se vendent toujours de préférence. Le tapsel et le nicannaès sont des toiles de 8 à 9 aunes de long, sur 2 pieds et quart de large. La pièce, tant de l'un que de l'autre, vaut une pièce et demie et quelquefois deux. L'amand, toile qui vient du Levant, a dix aunes de long, sur deux pieds et demi de large. La pièce se vend, en Guinée, deux pièces. L'ajami est aussi une autre espèce de toile qui vient également du Levant. Le prix de la pièce, en Guinée, est de deux pièces.

Pour la traite de Guinée, il faut, dans une cargaison de navire, au moins six cents pièces d'indiennes de diverses qualités.

Voici les divers articles de mercerie, bijouterie et quincaillerie qui conviennent le mieux à ce commerce : des colliers de grenats fins, des bagues montées proprement avec des pierres fausses, des chandeliers et bougeoirs argentés, des ciseaux et rubans de toutes les façons ; des épingles, aiguilles, hameçons et plumes de perdrix. De ces divers articles en petite quantité. Il n'en est pas de même des couteaux, miroirs, sonnettes et grelots, qui sont, en Guinée, des marchandises absolument nécessaires. On ne saurait donc y en trop porter, proportionnellement à la traite proposée. Ces divers articles entrent non-seulement dans le paiement des esclaves, mais ils servent encore pour l'achat des denrées du pays et pour payer le salaire des nègres qu'on emploie. C'est une monnaie courante, dont le défaut serait très-préjudiciable et dont on se défait toujours avec profit.

Quatre douzaines de couteaux, dits flamands, valent une pièce. Il en faut au moins mille douzaines dans l'assortiment d'une cargaison. Il faut partie de ces couteaux sans gaîne, et l'autre partie avec leurs gaînes.

Huit miroirs de six pouces de haut sur quatre pouces et demi de large, à cadres noirs, valent une pièce.

Six sonnettes, du poids de quatre onces chacune, valent une pièce. Il suffira d'en porter sept à huit cents.

Quarante-huit grelots de cuivre valent une pièce. Il en faut au moins quinze cents douzaines et avoir attention que leur luisant soit bien conservé.

Les platilles sont des pièces de toiles de lin, d'une grande blancheur, qui se fabriquent en Silésie, et pliées si artistement, qu'en 1764, on n'avait point encore pu imiter ce pliage, quoique la province de Bretagne eût offert une récompense de 300 livres à quiconque y réussirait. Il y en a de fines et d'inférieures. Les dernières sont celles qui conviennent le mieux au commerce de Guinée. Il en faut au moins quatre cents pièces pour une cargaison, et chaque platine vaut une pièce.

Le baril de poudre à canon, du poids d'environ 8 livres et demie, vaut une pièce. Mille de ces barils pour une cargaison ne sont pas une trop grande quantité parce que les denrées du pays s'achètent ainsi avec cette poudre, dont la qualité doit être à gros grains et de la plus faible.

Le plomb à giboyer et les balles forment un très bon article. Il faut que les balles soient du calibre des canons de fusils destinés à la traite, et que le plomb à giboyer soit de la plus grosse grenaille. Une vingtaine de quintaux tant en balles qu'en grenaille, doit suffire, et, pour en faciliter la vente, il est bon de mettre l'un et l'autre dans des sacs de dix livres pesant.

La conterie, la verroterie, le contre-brodé et les rassades viennent de Venise en France, à Marseille surtout. C'est de Venise que toutes les nations les tirent, aucune n'ayant encore pu travailler à la conterie et la donner à si bon marché que les verriers vénitiens. Il est, en effet, surprenant que les rassades puissent se vendre à un si vil prix, puisque la livre pesant, achetée en gros à Marseille, ne coûte que huit sols. Or, cinq masses ne pèsent qu'une livre et chaque masse est composée de douze branches de dix filets chacune, c'est-à-dire que pour trois deniers on a vingt filets de ces perles. Il n'est guère possible de travailler à meilleur marché. Outre cela, il faut sur ce prix déduire les frais de barrique, de transport, de fret, de commission, et le profit qu'y font les marchands de Marseille. Quel est donc le bénéfice des fabricants de verroterie ? Nous avouerons que nous n'en savons rien, sinon que ces fabricants ne sont pas les moins riches de Venise.

La conterie et la verroterie valent à Marseille quarante livres le cent pesant. Elles sont passées dans des fils, comme des chapelets ; et plusieurs filets du poids d'une livre composent la flotte.

Les rassades sont de plusieurs couleurs. Le prix est le même que pour la conterie. La masse, ainsi que nous venons de dire, est composée de douze branches, et la branche de dix fils.

Les masses en vert et jaune pèsent six onces. Celles en blanc, noir et bleu, trois onces. Les perles paraissent être cependant de la même grosseur. On attribue cette augmentation de poids à la couleur qui entre dans la fabrication des premières.

Les rassades noires, blanches ou claires, sont celles qui se débitent le mieux. On en forme des masses d'environ quatre livres ; et chacune de ces masses vaut une pièce.

Quelques barriques de sucre raffiné suffisent dans la cargaison d'un navire ; mais il faut observer de choisir les pains depuis une livre jusqu'à trois.

Il sera bon de porter aussi un petit assortiment d'épiceries qui, quelquefois, sont préférées aux marchandises les plus précieuses ; et qui, à défaut de vente, seront toujours débitées avantageusement dans nos îles d'Amérique.

Tels sont les détails que nous avions à donner sur les marchandises d'exportation pour le commerce de Guinée. Sur quoi l'on remarquera, d'après l'état ci-devant employé fort au long, que ces marchandises que nous venons de décrire ne forment point seules, il s'en faut même de beaucoup, la masse du commerce d'exportation dont il s'agit ; mais on peut assurer qu'elles en sont en quelque sorte la base.

Arrivé au port de Cabende (ou à tel autre de ces parages), sur la côte d'Angola, entre le pays de Congo et celui des Caffres, le capitaine du navire négrier, accompagné d'un interprète, va saluer le roi du pays, lui fait les présents d'usage, ainsi qu'aux principaux officiers de la cour, et convient avec lui des coutumes réglées pour la traite des esclaves. Les présents pour le roi consistent en un collier de corail, ou un miroir de moyenne grandeur, ou un manteau d'écarlate, ou une robe de chambre de damas ou de satin doublée d'un taffetas à flammes, d'une couleur bizarre, avec une cave de liqueur ou d'eau-de-vie. Ceux à faire au masouque et au manbouq sont une cave d'eau-de-vie et des étoffes, de la valeur de quatre à cinq pièces pour chacun. Ces présents peuvent valoir ensemble environ 35 pièces, suivant l'état qui suit :

Au roi, environ. ....  13 pièces.

Au masouque et au manbouq, environ ....... 10 pièces.

Présents des caves d'eau-de-vie ou pourboire à divers, environ ......  4 pièces.

Pour le port du capitaine ou officiers, pendant le voyage du port à la cour ....... 2 pièces.

Pour le port des présents et des vivres, environ ...... 1 pièce.

Pour la nourriture de l'interprète et des nègres de service, environ ...... 3 pièces.

Total ...... 35 pièces.

 

Les coutumes ou droits à payer au roi et à ses fidalques, c'est-à-dire officiers, sont ceux-ci :

Au roi ...... 45 pièces.

Au masouque ...... 20 pièces.

Au manbouq ..... 20 pièces.

Aux manibaux ........ 10 pièces.

Au manabel ........ 10 pièces.

Au maquinbe ........ 10 pièces.

Au capitaine des gardes ........ 10 pièces.

Au capitaine de l'eau ........ 10 pièces.

Au secrétaire du roi ........ 10 pièces.

A la reine ........ 10 pièces.

A la femme du masouque ........ 5 pièces.

A la femme du manbouq ........ 5 pièces.

165 pièces. + Ci-dessus.... 35

Total ...... 200 pièces.

Voilà donc des marchandises employées pour la valeur de 200 pièces, sans qu'il soit possible d'éviter cette dépense. C'est un préliminaire nécessaire, avant de pouvoir acheter aucun esclave, ni même débarquer aucune marchandise.

Avant de commencer la traite, après avoir fait les présents et payé les coutumes, le roi nomme les serviteurs destinés pour le déchargement des marchandises du navire, pour l'embarquement des esclaves et pour les autres travaux qui en sont la suite. Ces serviteurs sont ordinairement au nombre de vingt, y compris deux interprètes. Ils appartiennent au roi et à ses principaux fidalques. C'est une récompense qu'on accorde à ceux qui méritent quelques égards, par leur zèle et leur bonne conduite. Ils sont, en effet, traités très-gracieusement pendant tout le temps que le navire est en charge. Leurs salaires sont pour chacun d'une pièce et demie par mois ; et de deux annabasses ou de deux cannettes de terre par semaine pour fournir à leur nourriture. On leur distribue, outre cela, bien des restes de provision, ainsi que de l'eau-de-vie, toutes les fois qu'ils sont employés au travail, soit à décharger les marchandises, charrier du bois, faire de l'eau et conduire les esclaves dans les chaloupes. Ces serviteurs se rendent au comptoir de bon matin, y demeurent jusqu'à midi, vont dîner, reviennent à une heure et y passent le reste de la journée jusqu'au soir, pour exécuter les ordres du capitaine et de ses officiers. Ils sont obéissants et prévenants, dans la crainte d'être congédiés ; car, sur la moindre plainte, ils sont remplacés de suite.

Tout étant réglé, on arrête à Cabende un comptoir qu'on trouve facilement, moyennant une pièce et demie par mois. Le maître du comptoir fournit un serviteur, pour le garder pendant le jour, aux appointements d'une pièce et demie aussi par mois ; et ce serviteur n'est connu que par le nom de serviteur de la case.

Parmi les coutumes, il entre un droit domanial sur la vente des esclaves. Ce droit consiste en la valeur d'une annabasse pour chaque esclave de la part de l'acheteur, et en la valeur d'une demi-annabasse de la part du vendeur ; mais il ne peut nuire aux acheteurs, parce que cette valeur se prélève sur le prix convenu. Sur quoi il est à observer que les esclaves que vendent le roi, le mansouque et le manbouq, sont exempts de ce droit ; exemption, au reste, plus préjudiciable qu'avantageuse, puisque lesdits esclaves, outre le prix réglé, coûtent chacun une pièce en sus.

Il est rare que le roi et ses principaux officiers, qui ont reçu des présents, ne fassent pas présent au capitaine chacun d'un esclave, pour lui témoigner combien son arrivée leur est agréable.

Nous observerons encore que le droit d'une annabasse, pour l'achat de chaque esclave, ne se paie à plein qu'autant que cet esclave est pièze d'Inde. Pour entendre ceci, il faut savoir que les nègres qu'on achetait pour être transportés aux Indes, avant que le commerce de l'Amérique fut ouvert, étaient choisis bien faits et bien portants, de l'âge depuis seize à trente ans, et tous mâles. C'est la raison qui les a fait appeler pièces d'Inde, comme si l'on disait esclaves propres pour le commerce des Indes. Aujourd'hui qu'on achète des vieillards, des femmes et des enfants, il ne serait pas juste de les payer tous comme s'ils étaient pièces d'Inde, puisque la valeur n'est pas la même. Voici le prix qui s'observe, tant pour le prix de l'achat que pour le paiement du droit domanial :

Un noir de 15 à 30 ans, sain, robuste, bien fait et qui a toutes ses dents : nègre, pièce d'Inde.

Deux négrillons ou négrites, de cinq à dix ans : un nègre, pièce d'Inde.

Trois négresses, de 15 à 30 ans, bien portantes : deux nègres, pièce d'Inde.

Trois négrillons ou négrites, de 10 à 15 ans, deux nègres, pièce d'Inde.

Trois nègres d'environ 50 ans : deux nègres, pièce d'Inde.

A l'égard des nègres d'un âge plus avancé ou valétudinaires, ce n'est que par l'examen qu'on en fait, qu'on juge combien il en faut pour faire un nègre, pièce d'Inde.

Pour la sûreté de ce droit domanial, le roi établit un serviteur à la porte du comptoir, qui tient note des esclaves achetés, et quoique la traite ne soit pas finie, si le roi veut être payé sur le nombre de ceux qui ont été délivrés, on le satisfera en marchandises, suivant le prix courant.

L'interprète a le droit d'un pagne sur chaque nègre, pièce d'Inde, qu'il fait vendre, et on le lui paye à la fin de la traite. Ces sortes de gens n'agissent qu'en vue de l'intérêt ; ce qui oblige à bien prendre garde à leur conduite.

L'essentiel de ce commerce consiste à faire valoir les marchandises de la cargaison, à se défaire premièrement de celles qui sont en plus grande quantité ou d'une moindre valeur, et à mettre un prix modéré sur les premiers nègres, pièce d'Inde, qu'on achète. Ce premier prix sert de règle pour toute la traite du navire, à moins que quelque accident imprévu ne le fasse rehausser, comme serait l'arrivée de plusieurs navires dans le temps de la traite.

On ne peut donc rien déterminer de stable, tant sur le prix des marchandises de la cargaison, que sur la valeur d'un nègre, pièce d'Inde, les circonstances pouvant causer une augmentation et une diminution aux uns et aux autres.

Voici cependant le prix courant d'un nègre, pièce d'Inde, quand il n'y a aucune concurrence pour l'achat.

Un nègre, pièce d'Inde, acheté du roi, du masouque et du manbouq, 10 pièces.

Un nègre, pièce d'Inde, acheté de toute autre personne, et le droit domanial en sus, 9 pièces.

On a vu ci-dessus quelle est la valeur, en pièces du pays, des marchandises d'une cargaison. Mais il arrive souvent que cette valeur varie, et que la traite ne se fait plus sur le même pied. Quant au prix des nègres il est de la dernière conséquence de ne point prendre le change sur l'état des esclaves qui sont présentés, et de s'assurer de leur âge, de leur tempérament et de leur caractère.

Il y a à Angola des esclaves de trois classes différentes : 1° les malfaiteurs, que la certitude d'en purger le pays avec avantage a enlevés au glaive de la justice ; 2° les prisonniers de guerre ; et 3° les esclaves naturels du pays. Tous les esclaves ne sont point enchaînés. On se contente de leur passer au bras une espèce de menotte, à laquelle une pièce de bois est attachée. C'est là la marque de l'esclavage, et une précaution suffisante pour empêcher la fuite des esclaves, qui, d'ailleurs, sont toujours gardés.

On serait dans l'erreur si l'on s'imaginait que, par les lois des royaumes qui sont vers les côtes de Guinée, tous les nègres naissent esclaves, et que le souverain a le droit de les vendre quand bon lui semble. Les choses ne sont point ainsi ; et, quoiqu'il n'arrive que trop souvent que des gens soient vendus pour l'esclavage par ceux qui ont l'autorité en main, il ne s'ensuit pas que tous ceux qui sont ainsi vendus soient réellement esclaves. C'est très souvent, par violence et contre toute justice, que la liberté leur est ravie : nous entendons cette justice reconnue même sur les côtes d'Afrique, qui assure à chacun son état et la légitime possession de ses biens. Il y a des esclaves, mais tous ne le sont pas.

Dans le royaume d'Angola, le roi est monarque d'une autorité presque absolue, qui approche du despotisme et qui le serait, si elle n'était tempérée par celle des seigneurs appelés sovas et saugas. Ces seigneurs sont autant de petits souverains, sous la dépendance de la puissance royale, ayant chacun une petite cour particulière, composée de la noblesse des environs. Le corps des nobles et des mocatas ou gentilshommes, est le second ordre dans l'Etat. L'occupation de ce corps est d'être au service et comme aux gages du seigneur, dans la juridiction duquel ils se trouvent et devant qui ils se prosternent, lorsqu'ils veulent lui parler. Après les nobles viennent les marchands, les artisans, les laboureurs et généralement tous ceux qui sont libres par le droit de naissance.

Il faut ajouter un quatrième ordre, qui est un état moyen entre le libre et les esclaves, et qui participe aux avantages de la liberté et à la sujétion de la servitude. Ceux de ce quatrième ordre sont appelés quisiens. Ce sont des domestiques à perpétuité, qui partagent le bénéfice de leur travail avec leurs maîtres ou qui, moyennant leur entretien, sont obligés d'exécuter ce qui leur est donné pour les travaux de la campagne. Leurs enfants suivent leur condition et appartiennent à ceux qui les possèdent ; mais ils ne peuvent être vendus pour l'esclavage, tel que nous l'entendons, et qui fait le sujet du commerce de Guinée.

Les navires négriers, ayant fini leur traite sur les côtes de Guinée, se rendent aux îles françaises de l'Amérique pour y vendre leurs esclaves, et cette vente se fait la plus grande partie en échange contre les marchandises du pays. Mais la poudre d'or, l'ivoire, les gommes et autres marchandises, achetées également en Guinée, sont portées de l'Amérique en Europe.

Le prix des nègres aux colonies de l'Amérique varie, selon le besoin, la rareté ou l'abondance. Un nègre, pièce d'Inde, y est ordinairement vendu depuis 1000 jusqu'à 1500 livres. En supposant le prix moyen de 1250 livres, que du montant des marchandises expédiées de Nantes pour la côte de Guinée, par 29 navires en 1764, il ait été traité, comme il a été dit, 10,260 noirs, le produit en Amérique aurait été de 12,825,000 livres. Mais il est très rare et contre l'expérience qu'il ne meure point de noirs dans la traversée de Guinée en Amérique, ce qui occasionne une diminution qui ne saurait être évaluée.

Traite des nègres à Nantes

 

COMMERCE AUX ÎLES FRANÇAISES DE L'AMÉRIQUE. – Avant de parler de la partie de ce commerce qui concerne la ville de Nantes, il ne sera peut-être pas hors de propos de rappeler ici l'origine des premiers établissements des Français aux îles de l'Amérique.

On sait que cette partie de la terre fut découverte par Christophe Colomb, génois d'origine, en 1492, et que Vespuce Améric, Florentin lui donna son nom après le premier voyage qu'il y fit en 1497. Vers ce temps-là, les Français firent la découverte de l'Amérique septentrionale.

Les îles Antilles furent les premières découvertes par Christophe Colomb, qui fit son premier établissement dans l'île de Saint-Domingue ou l'île Espagnole, la même que nous connaissons aujourd'hui sous le nom de Saint-Domingue. Au commencement du XVIème siècle, les Français firent divers établissements dans les lieux vacants dans cette île, depuis le massacre des Indiens arrivé l'an 1502, ou par l'abandon qu'en avaient fait les Espagnols.

En 1625, le sieur d'Enambuc prit possession, pour une compagnie française, de l'île de Saint-Christophe, d'où il envoya diverses colonies dans les îles des environs. Les sieurs de Loline et Duplessis arrivèrent à la Martinique le 25 mai 1635, et trois jours après à la Guadeloupe. Presque en même temps, le sieur Duparquet fit des établissements à la Grenade, à Sainte-Lucie, à la Tortue, etc.

L'île de Saint-Christophe est regardée comme le premier et le principal établissement des Français aux Antilles. C'est de là qu'ils se répandirent dans les îles voisines, après avoir persuadé aux Caraïbes, ou naturels du pays, de les partager avec eux. C'est donc au sr. d'Enambuc que la France doit le commencement du riche commerce qu'elle n'a cessé de faire aux îles de l'Amérique. Le commerce qu'y fait, entr'autres, la ville de Nantes, est des plus considérables et des plus avantageux .........

(Greslan, Hubelot - 1766)

Bretagne : Histoire, Voyage, Vacances, Location, Hôtel et Patrimoine Immobilier

 

CORPS DES NÉGOCIANTS-ARMATEURS DE NANTES. - Ce corps si riche, si utile, si respectable  qui a si bien mérité de la patrie et de l'Etat, est actuellement composé d'environ deux cent cinquante négociants-armateurs.

On observe que, dans tous les temps, le commerce en général (et celui de Nantes en particulier), surtout celui de mer, a été honoré d'une façon particulière par les rois de France. Plusieurs des, négociants de Nantes, entre autres de ceux qui furent députés du commerce de cette ville à Paris, ont été décorés de la noblesse par nos souverains. Nombre d'autres ont acquis des charges qui la leur ont donnée, ainsi qu'à leur postérité, dont quelques membres ont eu la sagesse d'exercer la même profession que leur père.

Charles IX, ayant fait son entrée solennelle à Nantes en 1564, traversa toute la ville et alla dîner chez un riche négociant de ce temps-là, nommé André Ruys, dans la belle maison qui a deux tourettes, à l'entrée de la Fosse, vis-à-vis de l'Echelle-Macé. On sait que le grand Henri, roi de France et de Navarre, faisait souvent le même honneur au financier Zamet. C'est la maison qu'occupa depuis le fameux Joachim des Caseaux du Hallay, le même qui, après avoir fait une immense fortune dans le commerce, aux Indes et au Mexique, fut fait député du commerce de Nantes et annobli à la fin du siècle précédent. Il s'était établi à Paris, pour y jouir de ses richesses, et s'y maria avec une demoiselle de grande maison, nommée Marie-Henriette de Briquemault. Devenue veuve, cette dame, remplie de zèle et de charité pour les pauvres, employa une partie de sa fortune à fonder, en 1734, l'hospice des Incurables d'Angers.

Combien d'autres illustres et célèbres négociants de Nantes dont nous aurions à parler, s'il nous était loisible de donner ici de longs détails sur cette partie ! Forcé de nous renfermer dans le plus court espace possible, nous nous bornerons aux deux familles Montaudouin et Michel Gabriel, persuadé que nous sommes, d'ailleurs, que les autres familles de négociants de cette ville, qui ont toutes des droits à nos égards, ne désapprouveront pas l'espèce de préférence que nous donnons à ces deux familles.

La famille de Montaudouin fait, depuis plus d'un siècle, un commerce des plus étendus, tant par mer que par terre.

Le sieur René MONTAUDOUIN fut un des plus célèbres négociants de l'Europe. Il armait un grand nombre de navires pour l'Afrique, l'Amérique, et la pêche de la morue. Par son moyen des richesses immenses entrèrent dans le royaume. Il fut toujours plus touché du bien qu'il procurait aux autres, que du sien propre. Il reçut plusieurs fois des marques d'attention du gouvernement, et le duc d'Orléans, régent du royaume, qui se connaissait si bien en hommes de tout genre, lui donna souvent les marques de bonté les plus flatteuses. Il laissa une fortune considérable, laquelle fut partagée par sa nombreuse postérité, qui, décorée de la noblesse, a pris des alliances dans les meilleures maisons de la province de Bretagne. Ses fils prirent, les uns le parti du commerce et les autres celui des armes.

Thomas Montaudouin de Launay, frère de René, fut aussi un très habile et très riche négociant. Il laissa plusieurs enfants qui ont presque tous eu la sagesse de suivre la profession de leur père. Daniel Montaudouin, l'un de ses fils (car il eut jusqu'à vingt-trois enfants, tant garçons que filles), sut unir au titre d'habile négociant celui d'homme de lettres distingué. Il avait fait de grands progrès dans l'étude des hautes sciences, et surtout dans les mathématiques, qu'il avait apprises de son ami intime, le P. Giraud, prêtre de l'Oratoire, ancien secrétaire de sa congrégation, aujourd'hui (en 1766) conservateur de la Bibliothèque de la ville, en leur maison, aussi profond mathématicien que savant chronologiste et habile littérateur, et d'ailleurs de la plus grande modestie ; ce qui dérobe au public plusieurs ouvrages très utiles, qui supposent de longues recherches et une étude profonde.

Semblable à tous les hommes qui cherchent à s'instruire, Daniel Montaudouin parcourut les principales villes de l'Europe, et surtout les grandes places de commerce. Il séjourna longtemps en Angleterre, où il se plaisait beaucoup. Son caractère et son génie le firent goûter en ce pays, où le savoir et les talents sont toujours admirés et récompensés d'une manière ou d'autre. Aussi fut-il reçu de la Société royale des sciences de Londres. Après avoir langui longtemps dans une espèce de consomption, il mourut garçon, dans un âge peu avancé, en 1754, regretté de tous ses concitoyens, et surtout des gens de lettres. Son éloge fut inséré au Mercure de France, du mois de septembre de l'année suivante. On peut dire à son sujet, comme de Pascal, de Locke et de Malebranche, que chez lui la lame usait le fourreau.

L'esprit de patriotisme et les talents distingués étant comme héréditaires dans la famille Montaudouin, d'ailleurs si recommandable à tant d'égards, nous ne pouvons nous dispenser de dire que la ville de Nantes possède encore (en 1766) deux des frères de Daniel-René, savoir : Jean-Gabriel et Arthus. Le premier, J.-G. Montaudouin de la Touche, est aussi connu dans l'Europe commerçante que dans la république des lettres. Par modestie, il a presque toujours gardé l'incognito, lorsqu'il a donné, dans les ouvrages périodiques et dans d'autres plus considérables, d'excellents mémoires, tant sur la théorie et la pratique du commerce, que sur plusieurs objets de finances, de politique et de littérature. A ses heures de loisir, s'il en a, ou plutôt pour se délasser des travaux du cabinet, il lui échappe de petites pièces de vers, dont se feraient honneur des poètes qui méritent véritablement cette qualification. Aussi, depuis longtemps, sa maison est-elle fréquentée par tous les gens de lettres et bons citoyens du pays, de même que par ceux qui voyagent. Lui et ses frères étaient étroitement liés avec le célèbre Bouguer.

Ce fut en conséquence d'un excellent mémoire, envoyé par Jean-Gabriel Montaudouin aux Etats de Bretagne, assemblés à Saint-Brieuc en 1757, et d'après le rapport avantageux qu'en fit la commission du commerce, que ces Etats établirent en Bretagne une Société d'agriculture, de commerce et des arts, et qu'ils nommèrent des correspondants de cette nouvelle Société dans toutes les villes considérables de la province.

Ce projet de M. Montaudouin, après avoir été approuvé et autorisé par un brevet particulier de S. M., a occasionné plusieurs utiles établissements pareils, dans les diverses provinces du royaume. C'est à cause de cela, et en considération de ses talents et de ses lumières, que M. Montaudouin est de plusieurs sociétés d'agriculture, ainsi que de l'Académie des belles lettres de La Rochelle (Note : "Jean-Gabriel Montaudouin, négociant de Nantes, né en 1722, mort en 1781, fut associé à l'Académie de La Rochelle, le 9 juillet 1760, et lui communiqua douze morceaux, qui furent lus à ses séances publiques. Cinq seulement ont été conservés, avec quelques lettres"), et, comme feu son frère Daniel, correspondant de l'Académie royale des sciences de Paris. Lui et son frère Arthus viennent de se marier à deux demoiselles, qui joignent les grâces de la figure aux talents et à l'esprit cultivé par les lettres, et d'ailleurs toutes deux d'un caractère bien propre à faire le bonheur de pareils hommes.

Au reste, cette famille Montaudouin, si distinguée dans le commerce, a été célébrée par plusieurs écrivains, nommément par M. Duclos, l'abbé Coyer et par M. Valin, auteur du nouveau Commentaire sur l'ordonnance de la marine.

La famille de Gabriel MICHEL, mort dernièrement à Paris, avec la réputation d'un des plus habiles négociants de France, et qui traitait le commerce en grand et vrai politique, a également produit de grands hommes de commerce, dans le siècle précédent et dans celui-ci. Plusieurs frères de ce nom, établis à Paris, en Hollande, et deux autres à Nantes, ont donné successivement des preuves de leur grande capacité pour le commerce, surtout dans un temps qu'il n'était encore en France que comme au berceau. Tout le monde sait que Gabriel Michel, depuis son séjour à Paris, fut longtemps le directeur de la compagnie des Indes. C'était un des plus grands travailleurs de cette compagnie. soutenue et protégée par le ministère. On le consultait souvent sur des matières importantes, relatives au commerce des colonies françaises, qu'il fit toujours, et à celui des Indes, dont il dirigeait en partie les opérations. Après avoir marié deux de ses filles, l'une à M. de Lévis-Ventadour, et l'autre à M. de Marboeuf, il mourut trésorier-général du corps d'artillerie, du génie et des fortifications maritimes, âgé de soixante et quelques années.

 

CONFRAIRIE DE LA CONTRACTATION - On conserve, à l'Hôtel de ville de Nantes, un ancien registre des délibérations d'une confrairie, connue dans le commerce sous le titre de Contractation. Elle existait depuis deux siècles au moins en cette ville. Elle commença en 1601, et finit en 1733. C'était une espèce d'association entre les négociants de Nantes et ceux de Bilbao, en Espagne. Elle cessa à l'occasion du nouveau tarif de droits dus aux fabriques et prêtres des paroisses de la ville et faubourgs, publié en 1732, par ordonnance de l'évêque de Nantes. Elle faisait les cérémonies de religion et prenait ses délibérations au couvent des Cordeliers de cette ville.

Le registre dont il a été parlé contient les noms de plusieurs anciennes familles de commerçants de Nantes, dont plusieurs sont sorties de l'Espagne, avec les avantages de la noblesse, à laquelle le commerce en gros et surtout celui de mer n'a jamais dérogé, ainsi que l'ont déclaré authentiquement les ordonnances de nos rois.

Voici comment s'explique la Martinière sur cette confrairie de la Contractation : « On remarque une société bien singulière, établie depuis plus d'un siècle, entre les marchands de Nantes et ceux de Bilbao. Cette société s'appelle de la Contractation, et a un tribunal réciproque en forme de juridiction consulaire. Un marchand de Nantes, qui se trouve à Bilbao, a droit d'assister à ce tribunal et y a voix délibérative. De même les marchands de Bilbao, quand ils sont à Nantes, sont traités de la même manière. C'est à cause de cette société que les laines d'Espagne ne paient à Nantes qu'un droit fort léger, et, en revanche, les toiles de Bretagne sont traitées sur le même pied à Bilbao ».

Ces deux villes avaient même autrefois des vaisseaux communs qui trafiquaient au profit de la société ; mais cet usage a aussi cessé (Greslan, Hubelot - 1766).

Ville de Nantes Voir aussi  L'histoire du commerce nantais : la Contractation.

Ville de Nantes Voir aussi Le port de Nantes et Colbert.

Ville de Nantes Voir aussi  La traite des nègres.

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