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LES GÉNÉRAUX DES PAROISSES BRETONNES
SAINT-MARTIN DE VITRÉ

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« C'est mon aversion que les faux détails, mais j'aime les vrais » (Mme de SÉVIGNÉ à sa fille, 12 février 1672).

PRÉFACE.

Nous devions commencer ce travail par une épigraphe empruntée à la Vitréenne qui fut l'ornement de son siècle. Aussi bien, le château des Rochers, tout plein des souvenirs de la marquise, est-il le joyau de la paroisse de Saint-Martin (GUILLOTIN DE CORSON, Pouillé de Rennes, t. VI, Rennes, 1886, p. 501). Et ce n'est pas sans plaisir que nous rappelons ici que cette église reçut de « Monsieur de Sévigné », le 2 juillet 1427, une « fondation de 20 sols de rente » [Note : Aux archives presbytérales de Saint-Martin, une liasse est intitulée « Fondation de 20 sols de rente faite par Monsieur de Sevigné le 2 juillet 1427, avec sept autres pièces au soustien qui finissent en 1445 ». Les cachets de cire noire, appendus aux documents anciens, représentent un aigle sur lequel paraît en relief un écu, qui porte un lion].

Ceux qui voudront connaître la vie des circonscriptions ecclésiastiques dans la ville des hauts barons, pourront consulter l'étude de M. DE LA BORDERIE sur Les paroisses de Vitré : leurs origines et leur organisation ancienne, puis le Journal historique de Vitré, publié par l'abbé PAUL PARIS-JALLOBERT [Note : Vitré, 1880. — Si, dans sa précieuse compilation, l'admirable travailleur, qui était alors vicaire à Notre-Dame de Vitré, n'a pas analysé les sources curieuses que contiennent les archives presbytérales de Saint-Martin, c'est purement parce que ces archives lui furent fermées, conséquence de la rivalité des deux grandes paroisses], enfin le tableau de M. FRAIN DE LA GAULAYRIE intitulé Cent ans de vie vitréenne (Vitré, 1907. Volume de 252 pages).

M. de la Borderie appréciait à leur valeur les comptes des confréries martiniennes des XVème et XVIème siècles (F. DUINE, Brév. et missels de Bret., Rennes, 1906, p. 34). Et, de ces documents, M. Frain de la Gaulayrie a connu les particularités les plus intéressantes (FRAIN, Cent ans de vie vitréenne, p. 43, 248). Le travail présent formera simplement une esquisse paroissiale, dont j'emprunterai les traits à des pièces qui vont de la fin du XVIIème siècle à l'établissement du Concordat.

Voici la liste des sources, que j'ai consultées au presbytère de Saint-Martin [Note : Avant 1891, M. DUPUY, doyen de la Faculté des Lettres de Rennes, a consulté à Saint-Martin un registre, entre autres, qui s'étendait de 1660 à 1673. Je n'ai pu retrouver ce document] :

1. Registre, à couverture de parchemin, portant ce titre : « Registre des déliberations de Saint Martin de Vitré, commensé en 1693, continué jusques en desembre 1698 ».

2. Registre qui ouvre par une réunion du Général au 28 juin 1699 et se termine par celle du 14 mai 1706.

3. Registre comprenant les délibérations du 6 juin 1706 au 9 mai 1715.

4. Registre allant depuis la réunion du 19 mai 1715 jusqu'à celle du 1er juin 1727.

5. Registre qui débute par la délibération du 7 septembre 1727 et ferme à celle du 30 juillet 1741.

6. Registre qui va du 5 novembre 1741 au 26 octobre 1748 inclusivement.

7. Registre contenant les délibérations du 5 mai 1754 au 25 février 1770. Il est dérelié et incomplet. Folioté, il commence à la page 27. Les vingt-six folios absents comprenaient sans nul doute les réunions de la fin de 1748 aux premiers mois de 1754. Peut-être ne manque-t-il qu'un feuillet à la fin du manuscrit.

8. Registre où l'on voit d'abord une délibération du 10 juin 1770. Il se poursuit jusqu'au 4 septembre 1791.

9. Comptes (Fabrique et Confréries); liasses des procès soutenus par le Général ; testament de l'abbé Thomas Trotin.

10. Registre de baptêmes, mariages et sépultures, pour les années 1801, 1802, 1803. En scrutant les premières et les dernières feuilles de ce manuscrit, on découvre pour 1799 un mariage, au 19 novembre, et un baptême, administré en avril, un mois environ après la naissance de l'enfant, « à cause de la persécution ». Rien pour 1798. Le relevé de 1797 donne 10 baptêmes, du 15 août au 23 septembre ; 3 mariages, du 14 août au 18 septembre ; 8 sépultures, du 31 juillet au 2 septembre, enregistrées avec la formule : « Nous, prêtre soussigné, avons inhumé dans le cimetière », ou bien : « A été inhumé par nous... ». Les signatures de prêtres pour 1797 sont les suivantes : Ji. Bourcier, Brault, J.-M. Jourdan, Le Royer « recteur de Saint-Christophe des bois ».

 

LE GÉNÉRAL DE PAROISSE.

Avant de présenter au lecteur les éphémérides du vieux Saint-Martin de Vitré, il n'est pas inutile d'expliquer ce que la Bretagne entendait sous la dénomination de général de paroisse [Note : Ce nom de général de paroisse ne semble pas antérieur aux premières années du XVIème siècle. Au moyen-âge, on dit « la Fabrique et les paroissiens »].

Voir Vitré (Bretagne) "Le général de paroisse en Bretagne.

Juillet 1693. — Dans le compte de sa gestion de juillet 1692 à juillet 1693, rendu par « noble homme André Morel, sieur de la Loris, cy-devant tresorier et marguillier de l'église et paroisse de Saint-Martin de Vitré », nous trouvons :

« Plus ledit comptable demande descharge de trente sept livres six sous, qu'il a payé à François Jolly et François Baltazart, serviteurs de ladite Eglise, tant pour leurs gages ordinaires de servir en ladite Eglise, port de la bannière, distribution du pain benist, pour avoir tendu et destendu de tapisseries ladite Eglise aux festes solemnelles, fourby les chandeliers, freslonné l'eglise [Note : Dans les comptes, on mentionne à plusieurs reprises des achats de « gaulles à freslonner »], couvert les images au temps de la Passion, et autres ; plus, a rembourré audit Jolly pour de la gresse à servir aux cloches et pour avoir sonné une fois pendant le tonnere vingt cinq sous faisant ensemble trente huit livres onze sous .... 38 l. 11 s. ».

Décembre 1698.« Je sousigné Perrine Rotier, damoiselle de Roupigné, paroissiene de Sainct Martin de Vitré, declare que pour le bon zele de charité que j'ay à madite paroisse donner à jamai à icelle paroisse huit pièces de tapisseries de haute lisse, qui est la vie d'Alexandre, que j'ay achetée à la vante des meubles de defunct monsieur du Verger Bois le baux, pour servir, tandre et orner l'eglise de Sainct Martin, toutefois qu'il en sera necessaire, sans que aucuns de mes heritiers en puissent tirer aucune consequence. Car tel est mon vouloir, supliant seulement les paroissiens de consentir que je jouisse et dispose d'une chaire, proche du bans de la Conception, pour m'y assoir à ma vie durante, sans en payer aucun entretien. Et prie messieurs les recteurs de me donner les prieres et pour mes parents aux prosnes des grand messes des 4 principales festes de l'année, sans etre nommée que apres mon deces.  A Vitré, le 4 décembre 1698 ».

Février 1700. — Dans sa délibération du 7 février 1700, le général prit une mesure concernant les bancs et chaises de l'église. Cette décision fut approuvée quelques jours après, sur le registre de l'assemblée, et de sa propre main, par le seigneur du Châtelet [Note : La seigneurie du Châtelet, en Balazé, appartint aux Sévigné, puis à la famille Hay (voir GUILLOTIN DE CORSON, Les grandes seigneuries de Haute-Bretagne, 2ème série, Rennes, 1898, p. 111-118 ; PARIS-JALLOBERT, A. R. P. de Bretagne, Eglise protestante de Vitré, Rennes, 1890, p. 78 ; et Vitré, Rennes, 1895-1896, article : Hay). Sur l'académicien Paul HAY DU CHASTELET (1592-1636), voir Anthologie des poètes bretons du XVIIème siècle, par Halgan, Gourcuff et Kerviler, Nantes, Soc. des biblioph. bret., 1884, p. 93-112 ; et sur Mlle. HAY DES NÉTUMIÈRES, qui édifia la ville de Rennes (1754-1788), voir TRESVAUX, Vies des saints de Bretagne, t. V, p. 483-486], ainsi qu'il suit : « Nous, seigneur marquis du Chastelet, seigneur fondateur et haut justicier de l'Eglise parochiale de St Martin lez Vitré, ayant veu et examiné la délibération de tous messieurs les thresoriers et bourgeois de ladite paroisse de St Martin, dans laquelle presidoit missire Bidaut, leurs recteur, l'avons trouvée non seulement equitable, mais utile au publique, et bienseante pour le service divin ; et à cet effect voulons qu'elle soit executée selon sa forme et teneur ; en foi de quoi avons signé ce présent consentement, et aposé le sceau de nos armes. Fait dans nostre chasteau du Chastelet, ce onziesme fevrier Mil sept cens ». Le cachet de cire rouge porte : de sable au lion morné d'argent. — Signé : Le marquis du Chastelet.

Août 1710. — Le samedi 16 août 1710, « venerable et discret misire Thomas Trotin, sieur de la Duchais, prestre, chaplain de l'hopital general dudit Vitré » [Note : L'Hôpital-Général, qui se trouve dans la rue de Paris, faisait anciennement partie de la paroisse Saint-Martin], fait par devant notaires son testament : « Premier, recommande son ame à Dieu le pere tout puissant, le supliant de la colloquer au rang des Biensheureux, comme ausy suplie la sainte vierge Marie d'etre son avocate, son bon ange gardien, St Thomas son patron, touts les saints et saintes, auxquels il a eu dévotion pendant sa vie, de prier Dieu pour luy dans ce dernier moment. — Après avoir rendu son ame à Dieu qui la luy a donnée,  et la metant entre les mains de sa misericorde pour le temps et pour l'eternité, desire, son decès étant arrivé, que son corps soit inhumé et mis soubs la grosse piere de l'authel St Sebastien de l'eglise de Saint Martin dudit Vitré, soubs les pieds du cellebrant, laquelle il y a fait metre pour cet éfet, l'ouverture de l'eglise luy devant être donnée gratis, à causes des dons et fondations qu'il a faites à ladite Eglise de la confrairie du saint Esprit [Note : Les archives paroissiales de Saint-Martin possèdent le texte original des indulgences accordées par Rome à la confrérie du Saint-Esprit, et une pancarte de l'année 1683 indiquant en français les faveurs spirituelles concédées par le pape Innocent XI à cette « pieuse et devote » sodalité. Celle-ci fut établie pour tous les fidèles, « non toutefois pour personnes d'une seule profession ou métier particulier ». Les associations de ce genre, ouvertes à tous, étaient nombreuses à Saint-Martin : celle de la Conception, fort ancienne, jouissait d'une vive popularité ; je rencontre celle des Défunts, celle du Port du Saint-Sacrement. Dans un passage, je vois mention des « confrères Boulangers » ; mais, si je ne me trompe, la plupart des confréries de métiers avaient leur siège à Notre-Dame de Vitré. Derrière la pancarte de 1683, on a tracé à la main les lignes suivantes : EPITAPHE DE MESSIRE THOMAS TROTIN PRETRE ET SACRISTE DE SAINCT MARTIN [Note : Dans un compte de juillet 1707 à juillet 1708, je lis : « Pour les gages de Monsieur Trotin prebtre sacriste de ladite Eglise, dix livres… 10 l. ». M. Trotin abandonna cette fonction le 2 novembre 1709. — Il était âgé de 66 ans quand il testa. Potier de la Germondave (loc. cit., p. 299-303) examine avec soin la situation du sacriste, « ecclésiastique chargé du dépôt des ornemens et vases sacrés d'une Eglise, et de la recette des droits de la Fabrique et des Prêtres »]. - Passant arreste icy je ne veux qu'un moment - Pour t'aprendre quel est ce triste monument - C'est celuy d un discret et venerable prestre - Que dans cette paroisse on vit autrefois naistre - Il fut des indigens l'azile general - Il consacra son coeur ses biens à l'hôpital - Cette Eglise en resent les marques venerables - Par ses fondations amples et veritables - Jesus est adoré dans son Saint Sacrement - Tous les Jeudis de l'an de tous publiquement - Et du divin Esprit la saincte confrairie - Sont les vrais monuments qui couronnent sa vie. - Passant dis un deprofundis. - Pour le conduire en paradis - Requiescat in pace. Amen] et de la benediction du très St Sacrement de l’authel au iour de jeudy de chaque semaine ». M. Trotin règle le nombre de glas, puis convoque à son convoi les prêtres des trois paroisses, avec les Augustins, les Jacobins et les Hôpitaux. On distribuera « à chacun pauvre du dehors, hommes, femmes, garçons ou filles, qui auront assisté à sa sepulture, un sol » et « à chaque prestre » un cierge du luminaire. M. Trotin réserve « cinquante livres » pour faire célébrer « cent messes pour le répos de son ame, ses parents, amis et bienfaiteurs, vivants et trépassés ». Il offre un legs à l'hôpital général pour construire « une eglise ou chapelle ». Il destine une somme « de deux cent livres ou environ » à des répartitions charitables ; on emploiera cet argent, partie en aumônes jugées opportunes, partie « en toilles pour être fait des chemises, justes-au-corps, culotes, et chauses », qui serviront aux nécessiteux, « lesquelz n'auront pas de linges pour se coûvrir ».

Juillet 1714. — Dans le compte de juillet 1713 à juillet 1714. on lit : « A Collin, vitrier, pour reparation des vittres de l'eglise, que le nommé Bouton, pauvre carent de sens, auroit cassé, la somme de dix livre, suivant l'aquit dudit Collin du 6 may 1714…………….. 10 l ».

Octobre 1716. — Le 11 octobre de cette année, « les dis tresoriers et marguilliers en charge ont remontré que les segretains [Note : Ce terme est usité fréquemment dans les registres de Saint-Martin] ou serviteurs de cette eglise, pour s'exempter de la peine de sonner eux mesme les cloches, introduisent freqemment dans le clocher au-x (Sic) fetes solemnelle, particullierement à la fete et octave du saint Sacrement et à la Toussaint, des gens de bonne volonté, le plus souvent epris de boite [Note : Dans son Dict. des locut. popul. du pays de Rennes, M. COULABIN cite l'adjectif boitte avec le sens de ivre. M. BABEAU dit que les cloches étaient souvent brisées « par suite de l'inexpérience et de la vivacité des sonneurs » (Le village sous l'ancien régime, 1879, p. 113). Mgr de la Vieuxville Pourpris eût été tout à fait de cet avis. Ce prélat, à propos des cloches, écrivait : il est important « qu'on évite inconveniens qui causent des dépenses considérables aux fabriques, lorsqu'on est obligé de refondre des cloches qui souvent ne sont cassées que faute d'observer l'ordre et la methode de la sonnerie : nous ordonnons qu'à l'avenir les cloches ne seront sonnées que par celui que le recteur et les paroissiens auront, selon l'usage ordinaire, choisi pour sonneur, ou par personnes commises par le sonneur, auquel nous défendons de souffrir que les enfans montent confusément au clocher, sous peine de répondre en privé nom de tous les évenemens fâcheux qui en pourroient arriver... » (Statuts de Saint-Brieuc, de 1723, p. 61)], qui, pour le seul plaisir de sonner, plus tost que pour exiter la dévotion des  fidelle, sonnent les cloches si long-temps et avec tant de force et ardeur que, si leur licence continue, ils pouront casser quelque une desdite cloche, particullierement la grosse sur laquelle ils font ordinairement leurs plus grands efforts ; ce qui jeteroit dans un terrible embaras, parce que la fabrique extremement pauvre et beaucoup endettée ne pouroit fournir à la refonte des cloches qui seroient cassées, et encore moins pouroit-on en prendre la depence sur les fonds et heritage situés en cette paroisse, le public etant chargé d'une infinité de taxes qui l'epuisent et luy otent le pouvoir d’en payer de nouvelles ; c'est pourquoy ils ont cru devoir en faire leur remontrance à l'assemblée affin que par sa prudence elle y aporte le remede necessaire ». D'où suit un règlement sur les sonneries, que l'on priera « messieurs les juge de police… d'emologuer ».

Juillet 1717. — Dans le compte de juillet 1716 à juillet 1717, on lit : « un ballay de St Malo………………. 6 s ».

Avril 1745. — Le 13 avril de cette année, on découvrit un nouveau-né « sous le chapiteau »  [Note : Les registres emploient aussi la forme « chapitereau ». A Dol, le peuple dit encore aujourd'hui « le chapitret de l'église ». Ce mot désigne le portail] de l'église. « Mrs les juges du Chatelet en Ballazé » le firent mettre chez une nourrice, aux frais de la paroisse [Note : En Bretagne, explique POTIER DE LA GERMONDAYE, « les seigneurs ne sont point tenus, comme dans plusieurs autres endroits du royaume, de pourvoir à la subsistance des enfans exposés dans l'étendue de leurs Justices. L'article 533 de la Coutume, impose cette obligation aux généraux des paroisses où ces enfans sont trouvés... » (loc. cit., p. 360-361)]. Grand mécontentement du général, qui ergota le mieux et le plus longtemps possible.

Octobre 1748. — Le 26 octobre 1748, « le général de cette paroisse assemblé à l'extraordinaire attendu la celerité du fait… le sr Simon, tresorier, a représenté une denonciation luy faite le jour d'hier, a requete des trésoriers de la paroisse de la Chapelle d'Erbrée, pour obliger les habitants de cette paroisse d'aller garder en differents postes, pour opposer le passage des betes à corne de la province du Maine en celle de Bretagne… A eté d'avis de faire repporter dès aujourd'huy la dite signification aux trésoriers des campagnes de cette paroisse, qui fait un corps distinct et separé de celui-ci, et que pareilles affaires concernent, et non ce general qui a un gouvernement separé de celui des trésoriers de champagne … » [Note : « Quoique les généraux de paroisse n'aient pas à débattre des intérêts aussi considérables que les corps de ville, leurs séances ne manquent pas d'une certaine solennité. Les assemblées sont toujours convoquées huit jours d'avance, au prône de la grand messe, par le recteur ou le curé, qui indique en même temps l'objet de la délibération. Elles doivent se tenir dans un lieu décent... Elles se tiennent généralement dans la sacristie… Le général de campagne de Saint-Martin de Vitré délibère sur une tombe du cimetière, parce que le général de la ville accapare l'église et la sacristie… » (ANT. DUPUY, loc. cit., première partie, p. 139). Saint-Martin avait en effet une organisation très particulière ; la paroisse possédait « deux généraux et trois marguilliers : un général et deux marguilliers pour la partie urbaine ; un général et un seul marguillier pour la banlieue ». — Dans sa délibération du 18 mai 1788 (pour prendre un exemple), le général choisit comme trésoriers Alexis Tizon, Guy Martin, fils, et Etienne Gaumerais, le jeune, « pour en exercer les fonctions pendant le temps de trois ans ». Et les élus remplissent leur charge tour à tour, chacun durant une année, ou, pour employer la locution des Martiniens dans leur séance du 26 mai 1782, « chasques pendant un an ». Aucune pièce ne me permet de dire que l'un de ces trois personnages ait servi de marguillier au général de campagne, ni même que le général de campagne existât encore. Aussi bien n'ai-je pu consulter que des archives incomplètes].

Janvier 1755. — Des discussions s'étaient élevées au sujet d'un banc nouveau et à la suite du déplacement d'un autre banc. Affaire délicate dans les églises d'aujourd'hui, mais grosse question sous l'Ancien Régime. Etiquette et vanité !  « Surquoy délibérant et apres avoir donné lecture d'un memoire de monsieur le marquis des Netumieres, pour le bon ordre de la paroisse, prevenir la desunion et la discorde, à cause de ceux qui pouroient avoir quelques mécontentement et sujets de plainte de la construction du banc des trésoriers et du derangement de ceux dont est fait mention... il a esté arresté que pour la decision du tout le général s'en raporte dès à présent à l'avis  de monsieur le marquis des Netumieres, seigneur fondateur de cette paroisse, et dont sera fait le raport à la premiere assemblée... ». Ainsi fut réglé, le 5 janvier 1755. Mais, le 26 janvier, le général sut que le marquis lui abandonnait la solution de ces disputes : et ledit général, ne voulant pas entrer en procès, laissa les parties libres d'agir à leurs risques et périls.

Janvier 1761. — Naquit le 12 janvier 1761, et le lendemain fut baptisé sur les fonts de l'église Saint-Martin, René-Jean-Sébastien Breteau de la Guereterie (PARIS-JALLOBERT, Journal de Vitré, p. 364). Avant la Révolution, il fut vicaire à St Germain de Rennes. Il passa les derniers mois de 1792 à Paris. Revenu en Bretagne au commencement de l'année suivante, il ne cessa pas d'exercer son ministère dans sa ville natale. A partir de 1798, il eut le titre de curé d'office de Notre-Dame et de Saint-Martin [Note : Dès le début de 1801, mais non pas antérieurement, je rencontre la signature de « Breteau de la Gueretterie curé d'office »]. Après le concordat, nommé curé de cette dernière paroisse, il y fut installé le 6 août 1803. Il mourut subitement le 28 octobre 1840 [Note : LEVOT, Biographie bretonne, 1852, t. I, p. 181. — LA MENNAIS parle d' « une lettre charmante » de M. de la Guéretterie (A l'abbé Jean, 6 juillet 1814 ; OEuvres inédites, publiées par Blaize, t. I, 1866, p. 148)].

Son souvenir est toujours populaire. C'est le saint de Vitré. Dans toutes les vieilles maisons, on garde des lithographies qui représentent ce vénérable prêtre en chaire, ou sur son lit de mort. Les anciennes gens se redisent avec respect quelques-unes des paroles qu'il prononça. La tombe où il repose est un lieu de pèlerinage.

Des légendes fleurissent son nom... Durant les plus mauvais jours, m'a-t-on raconté, M. Breteau de la Guereterie trouvait asile chez la mère du régicide, M. Beaugeard de la Morinays. Celui-ci demeurait sur la place de la Halle-aux-Blés. Au fond d'une petite cour, derrière une maison du flanc oriental de la place, se trouve un appartement détaché, qui servait de cachette au prêtre. Le révolutionnaire ne l'ignorait pas. Parfois il disait à sa mère : « Je sais ! mais je ne veux pas te faire de peine ! ». Plus tard, M. de la Guereterie tentera vainement de convertir M. Beaugeard. Et le cadavre du conventionnel fut conduit au cimetière sur l'affût d'un canon et sous le drapeau tricolore. — J'ai visité ce coin mystérieux du vieux Vitré, qui s'en va !...

Juillet 1768. — Le monastère des Dominicains ne comprenait que quatre religieux, à raison de la modicité de ses revenus. Or, un édit récent ordonnait, sauf des cas particuliers, que seraient supprimés tous les monastères qui ne renfermeraient pas au moins huit religieux, non compris le prieur. Pourtant, le général désire conserver le couvent vitréen, parce que « les paroissiens et habittans de cette paroisse egallement que des autres de la ville de Vitré et celles voisines reçoivent avec edification les instructions des reverends peres dominiquains, fondés et etablis à l'extrémité du faux bourg St Martin, par leur exactitude à leurs offices pour le service divin, leur zele pour assister les pauvres et se rendre aupres des malades, leurs predications eloquentes et patetiques, ordinaires et frequente, qui attire le plus grand nombre de la ville et fauxbourg de Vitré, et singulierement ceux du faux bourg et abittans de cette paroisse, où il n'y a le plus souvent en la même paroisse que deux à trois prestres desservants, le général a unanimement arresté de suplier monseigneur l'evesque de Rennes de solliciter aupres de Sa Majesté la conservation du monastere des dominiquains de Vitré dans  l'état actuel... ».

C'était habituellement un dominicain qui prêchait les deux sermons de la grande fête de la Conception de la Vierge (l'un des sermons, au jour de la solennité ; l'autre, au jour de l'octave). Le prédicateur recevait 6 livres pour honoraires.

Juillet 1769. — Le général charge son trésorier, le 2 juillet 1769, d'attester à M. de la Plesse Thomas, sénéchal de la baronnie de Vitré [Note : Joseph Thomas, sieur de la Plesse et de Maurepas, sénéchal de Vitré, subdélégué de l'Intendance de Bretagne. Son fils, Paul-Alexis, né en 1749, fera figure comme sous-préfet de l'Empire], « qu'il ne possede aucun fonds affecté aumones aux pauvres ; qu'il a l'attention de faire demander par l'un des trésoriers de cette paroisse chasque dimanches autour de l'eglise de cette paroisse, pendant le chant de la grande messe paroissialle, des aumônes pour les pauvres malades au lit de cette paroisse ; que les charités sont modiques tellement qu'elles ne produisent pas plus de trois livres par an ; que la distribution s'en fait à fur et à mesure de ce que le tresorier reçoit pour les pauvres malades ».

Mars 1772. — L'évêque de Rennes avait fait sa visite l'année précédente. Il prescrivit, entre autres choses, de mettre en bon état la grande porte d'entrée du cimetière. Elle n'était pas « bien fermante ». Certes, une restauration s'imposait. Mais le général martinien de réfléchir ! Il nous en fait la confidence dans sa délibération du 22 mars 1772. Est-ce que le cimetière n'était pas commun aux deux grandes paroisses ? Est-ce que le général de Notre-Dame ne percevait pas des rentes et n'exigeait pas des droits, qui, manifestement, le rendaient « seul tenu » de débourser ? [Note : Sur les revenus que la fabrique de Notre-Dame tirait du cimetière de Saint-Martin, voir l'étude que LA BORDERIE a consacrée aux paroisses de Vitré (Association bretonne, session tenue à Vitré en 1876, Saint-Brieuc, Prud'homme, 1877, p. 158)].

Les cimetières, entourant les églises, devenaient facilement un lieu de réunion et constituaient le forum du village. Au premier quart du XVème siècle, les gens du pays Dolois étaient si passionnés pour le jeu de paume, qu'ils se servaient non seulement du cimetière pour leurs ébats, mais encore de l'église, dont ils envahissaient la nef ou dont ils escaladaient les toits. Et c'était des cris et des blasphèmes ! Maintes fois, des dommages en résultaient « pour la Fabrique et les Paroissiens » [Note : ...in ecclesiis, cymiteriis, et supra ecclesias, ad palmam ludere non verentur ; et, dum non applaudit fortuna, in Dei et eius sanctorum [maiestatem ?] prorumpunt iniurias, blasphemias ; et ad verba, et de verbis ad verbera (diabolica suggestione), prosiliunt… et Fabrice et Parochianis damna proveniunt infinila… (Statut d'Etienne Coeuret, datant de 1411 ; dans la collection des statuts synodaux publiés en 1509, par Mathurin de Plédran, fol. 19 v°)] , pour le général, comme on dira plus tard. Même à la fin du XVIIIème siècle, l'évêque de Dol était obligé d'interdire les « foires » et les « marchés » dans le cimetière, et réclamait qu'on défendît ce lieu béni, par des murs ou des haies solides, contre les envahissements du « bétail » (Statuts de Dol, 1771. Dol, Caperan, p. 44-45). Il est curieux d'observer cette familiarité — indécente — de nos ancêtres avec leurs saints et leurs morts (BABEAU, Le village sous l'ancien régime, 1879, p. 116-117). Les prélats ne cessèrent de veiller au respect qu'on doit au campo santo. La loi autorisait le procureur fiscal à saisir les marchandises qui y étaient exposées et à les utiliser « au profit de la Fabrique et des Pauvres » (FREMINVILLE, Dict. de la police générale, article cimetières, édition de 1771, p. 226-227).

Mars 1775. — Le 19 mars de cette année, le général est assemblé « à l'extraordinaire ». C'est qu'au prône de la grand messe, on a lu certaine ordonnance du Roi et de son intendant de Bretagne. Il s'agit de nommer des commissaires, « pour dresser un état contenant le nom, l'âge et la profession des garçons, hommes, veufs sans enfans, de cette paroisse, ou de chaque profession indistinctement, et sans aucune exception, depuis l'âge de dix-huit ans jusqu'à quarante, y demeurant actuellement, soit qu'il soit originaire ou non, domestique ou autrement ». Car le tirage au sort aura lieu devant le subdélégué de Vitré, « le dimanche 26 de ce mois, huit heures du matin ».

Le 24 mars 1776, nous voyons que le général a reçu de nouveaux ordres, et qu'il doit procéder aux mêmes opérations que l'année précédente. Il faut connaître les sujets « aptes, et qui ont la taille, en cette paroisse, pour tirer au sort » et « remplir le nombre des miliciens » nécessaires.

Les années suivantes, mêmes travaux administratifs. Les milices étaient des corps de troupes armées, composés de bourgeois et de paysans, qui formèrent, dès le XVIIème siècle, des bataillons auxiliaires et des recrues de la véritable armée. L'intendant était chargé de faire la répartition du nombre d'hommes que chaque village devait fournir. Ceux qui partaient étaient désignés par le tirage au sort. Il ne faut pas confondre ces milices et gardes provinciales, qui formaient une force sérieuse et solidement organisée, avec les milices bourgeoises, qui, dans les villes, faisaient, de concert avec la maréchaussée, le service de police, et paradaient aux cérémonies locales [Note : CHÉRUEL, Dict. Des Institutions, articles : milices et miliciens ; BOURSIN et CHALLAMEL, Dict. De la Révol., article : milices bourgeoises et gardes provinciales ; DUPUY, loc. cit., p. 244 et suiv].

Août 1778. — On avait décidé précédemment de choisir les commissaires qui se transporteraient au château des Rochers « supplier mes seigneurs et dame des Nétumières, seigneurs fondateurs et patrons de cette paroisse, d'accepter la nomination de la grosse cloche » qui devait être fondue bientôt. Donc, le dimanche 23 août 1778, maître Guy Robert Tribondel, sénéchal, représente « au général de cette paroisse que, pour se conformer à la precedente deliberation, il accompagna Mrs Jean Le Sage, Courtin et Barbé, tresorriers en charge de la ditte paroisse, le treize de ce mois, au chateau des Rochers, pour convier monsieur le marquis et madame la marquise des Netumieres d'accepter la nomination de la grosse cloche de cette paroisse ; qu'ils n'eurent pas l’avantage de voir monsieur le marquis mais bien madame la marquise et monsieur le chevalier des Netumieres ; qu'ils firent entendre à madame le sujet de leur mission, en la supliant d'accepter comme marainne nommer la cloche, qui doit estre fondue dans le courant du mois de septiembre prochain ; qu'elle s'en excusa ; qu'après avoir attendu jusqu'à environ midy, comptant avoir l'honneur de voir Mr le marquis, pour luy faire de vive voix le compliment pour la nommination de la cloche comme parrain, ou en cas de refus de nommer tel autre qu'il aurait jugé apropos parain et marainne pour le représenter et madame en pareille circonstance ; qu'ayant été rapporté au dit Tribondel et tresorriers que l'intention de Mr le marquis n'était pas d'accepter estre parain de la cloche, et madame ayant fait refus d'en estre marainne, egallement que monsieur le chevalier qui declara ne pas vouloir accepter pareille ceremonie ; le général doit sur cela prendre le party qu'il jugera à propos, soit pour nommer parain et marainne, ou arrester que la cloche sera fonduë et remontée et uniquement benie avec les onctions ordinaires. — Sur quoy deliberant, le général a dit qu'il est extremement mortifié de n'avoir pas l'avantage de voir Mr le marquis et madame la marquise des Netumieres parain et marainne de la grosse cloche de cette paroisse, ou monsieur le chevalier des Netumieres representant Mr le marquis son frère ; que dans la circonstance il n'estime pas pouvoir dessemment nommer de leur chef autre personnes pour parrain et marainne, monsieur le marquis et madame la marquise n'ayant prescrit aucuns ordres ce touchant ; il se bornera à prescrire au fondeur d'aller trouver monsr le marquis et madame la marquise pour recevoir leurs ordres à l’occasion de leurs armes qui doivent estre apposée sur la cloche selon l'intention respectueuse du general ; et ont les deliberans dit aller signer » [Note : Pour comprendre l'émoi du général, il faut se souvenir qu'à la pompeuse cérémonie du baptême des cloches, le parrain était presque toujours Haut et Puissant Seigneur, et la marraine Haute et Puissante Dame. C'était même, en beaucoup de paroisses, la seule occasion que la noblesse acceptât de participer largement aux dépenses de l'église. D'ailleurs, les cloches, d'après la coutume, rendaient de plus solennels honneurs aux châteaux. Elles sonnaient pendant quarante jours au décès du seigneur haut-justicier (FRÉMINVILLE, Dict. de la police générale, article cloches ; édition de 1771, p. 228)].

Dénombrement de 1778 (ARCHIVES DÉPART. DE RENNES, Intend. de Bret., Liasse C. 1415). — Pour montrer au lecteur l'importance numérique des trois paroisses de Vitré, sous l'Ancien Régime, nous allons présenter le tableau du « mouvement de la population » en 1778.

Vitré (Bretagne): mouvement de la population en 1778.

 

Septembre 1780. — Le 3 septembre 1780, « le sr Jean André Auffray, cy-devant nommé questeur pour les captifs bretons [Note : En 1732, la Communauté de ville de Vitré s'était plainte de ce que plusieurs habitants, pour s'exempter des charges publiques, avaient acquis « de prétendus privilèges, attachés à la fonction de questeurs dans les paroisses pour la rédemption des captifs » (PARIS-JALLOBERT, Journal hist. de Vitré, p. 312)], a représenté au général de la paroisse avoir questé et receuilly, par les queste exacte qu'il a faitte en l'eglise de cette paroisse, jusqu'à la concurrence de la somme de onse livres, seise sols, un denier ; quelle somme, avec celle de vingt trois livres, quinse sols, dont il demeura chargé par la délibération du 18ème juillet 1779, font ensemble celle de trente cinq livres, seise sols, un denier, qui ont été mise au coffre fort de cette paroisse dans un sacq destiné à cet effet. — Le general a nommé au lieu et place du sr Auffray, cy-devant questeur pour les captifs bretons, le sr Guillaume Bertin, qui a accepté le plat ordinaire destiné pour la queste ».

Dans l'année 1780, de janvier à décembre, il y eut 6 réunions du général. Elles se faisaient le dimanche.

Avril 1786. — Un arrêt du parlement de Rennes, en date du 11 mars 1780, avait autorisé les généraux des paroisses du ressort, à prendre dans leurs coffres-forts telles sommes qu'ils jugeraient nécessaires, pour subvenir aux besoins les plus pressants des pauvres, jusqu'à la récolte prochaine. Le général de Saint-Martin hésita. Puis, le 30 avril 1786, il arrête « qu'il sera distribué aux pauvres de cette paroisse pour six cens livres de pain ».

Mars 1789. — Le dimanche 29 mars 1789, le général de la paroisse de Saint-Martin s'assemble « à l'extraordinaire », en vertu de la convocation faite ce jour, au prône de la grand'messe. Donc, l'assemblée des habitants de cette paroisse est réunie « pour dresser leur cahier de doleances, plaintes et remontrance, et nommer leurs deputtés pour s'assanbler avec les autres deputtés de la senechaussée de Rennes, dans le lieu qui sera indiqué, le sept avril prochain, huit heures du matin, pour deliberer et nommer des deputtés pour assister aux Etats Generaux du Royaume ». Le général choisit à la pluralité des voix le sieur Barbé, et le charge « de se rendre en la ville de Rennes au lieu où se tiendra l’assemblée des deputtés des paroisses de la senechaussée de Rennes, le 7 avril prochain, 8 heures du matin, pour représenter le général et les habittants de cette paroisse, nommer avec les autres deputtés et ellire le nombre prescrit des deputtés pour assister aux Etats Generaux du Royaume ; observer : que la paroisse saint Martin de Vitré est une des paroisses du Royaume dont la population est des plus considérables et où la mizere est des plus grandes ; que, neantmoins, les habittants qui y resident sont excédés par les charges qu'on leur impose, les impositions excessives de la capitation, le logement des gens de guerre, le casernement, les droits de peages et pencarte qu'on exige des habittants, sans reparer les ponts et chaussées qui se trouvent dans les routes des campagnes à Vitré, non plus que les pavés ; que, quoique dans la repartition des impositions publiques les habitants de chaque paroisse sont plus dans le cas de connoitre les facultés de leurs voisins et paroissiens et d'apprecier le taux de leur imposition, neantmoins la communauté de ville de Vitré, composée des habillants de la paroisse de Notre Dame n'a jusqu'à  present pas songé à appeller, lors de la repartion (Sic) des impositions pour ladite ville, aucuns des habillants qui composent le général de cette paroisse, pour quoi les deliberants susnommés ont encore chargés leur deputté de demander que deux des membres dudit général et habittants de la paroisse de Saint Martin soient admis et appelés lors de la confection des rolles et impositions de la ville, meme aux déliberations de ladite ville ; et ont au surplus les deliberants declaré se referer aux plaintes et doleances des municipallittés de toutes les villes et campagnes de la province, et chargé son deputté de faire tout ce qu'il jugera nécessaire et convenable pour l'interrest dudit general et habittants de cette paroisse ; et ont les deliberants dit aller signer ». Suivent les signatures, parmi lesquelles on distingue celle de Jean Barbé.

Novembre 1789. — Le dimanche 22 novembre 1789, « le sieur Estienne Gaumerais, trésorier en charge [Note : Souvent, les registres appliquent au trésorier en charge le titre de « président » de l'assemblée. En fait, c'est presque toujours lui qui prend la parole. Le recteur n'assistait pas régulièrement aux séances. Mais, avec les autres commissaires, il examinait les comptes des trésoriers. Ces comptes n'entraînaient pas ordinairement de difficultés. Toutefois, en 1774, deux ans après avoir quitté sa charge, le sieur Gilles Doré persévérait dans sa « morosité » et refusait de se mettre en règle. Depuis avril 1789, on ne mentionne plus dans la réunion paroissiale la présence des officiers de l'ancienne juridiction], a representé au general qu'il lui a esté adressé, de la part du bureau servant de la municipalité et du comité militaire de Vitré, une lettre d'invitation au dit général » pour souscrire « pour un aprovisionnement de farinnes et de grains etrangers, pour estre vendus et distribués aux habitants du pays, le 31 octobre dernier, dans laquelle lettre est un areté de la dite municipalité et comité, datté du 14 dudit mois d'octobre… sur quoi le général deliberant, eu égard à la necessité pressante, et sous le bon plaisir de la cour, a esté unanimement d'avis d'employer des deniers qui sont au cofre fort jusques à la concurrence de douze cents livres, pour contribuer à l'aprovisionnement et achapt de grains pour l'utilité publique… ».

Mai 1790. — Dans la réunion du 23 mai 1790, le trésorier en charge représente à l'assemblée « qu'il lui a été remis, de la part du conseil général de la commune de Vitré, un extrait de délibération par lui prise, à l'occasion de la suppression des bancs, qui étaient dans les trois églises paroissiales de cette ville, pour y substituer des chaises ». La réunion martinienne est d'avis qu'on place donc des chaises pour la commodité du public, « le plus promptement possible ». Et « la ferme des dites chaises » sera mise en adjudication, au plus offrant.

Le dimanche 30 mai, — comme il est avéré par une pièce adjointe au registre de Saint-Martin, — « MM. les nobles, bourgeois, et anciens trésoriers de la paroisse de Notre-Dame » protestèrent avec vigueur contre l'enlèvement des bancs de leur église, contre « les debris et le scandal qui en est resulté » (sic), et invitèrent les autres généraux à certaine réunion, qui se tiendrait le 13 juin suivant, « pour venger une voye de fait aussi scandaleuse ».

Le 6 juin, les Martiniens choisirent quelques députés pour assister au meeting de Notre-Dame. Mais l'indignation de ces « gros messieurs », comme dirait La Fontaine, ne leur causa sans doute qu'une douce émotion. Peut-être le souvenir de cette coupable indifférence pour des bancs bien sculptés, bien armoriés, détermina-t-il le général de Notre-Dame à chercher noise au général de Saint-Martin, relativement à des pierres tombales (Registres de Saint-Martin, séance du 7 novembre 1790). Braves gens, qui se jalousent encore, pendant que 93 est à leurs portes !

Le 26 septembre 1790, le général martinien régla la question des chaises, « sous le bon plaisir de la municipalité de Vitré ». On devait disposer 350 sièges dans l'église, pour lesquels on réclamerait un liard « par chaque personne et à chaque office » ; mais on devait ménager aussi des espaces libres pour ceux qui ne voudraient pas payer. Jean Bertin, enchérisseur, accepta les charges, et demeura pour six ans adjudicataire de la ferme des chaises, à raison de 256 livres par année.

Mars 1791. — Le 27 mars 1791, l'administration vitréenne fait connaître au département l'état de tous les fonctionnaires publics ecclésiastiques des municipalités du district de Vitré qui ont prêté le serment ou qui ont cru devoir le refuser [Note : ARCHIVES DÉPART. DE RENNES, série L, liasse intitulée : Tableaux des fonctionnaires ecclésiastiques ayant prêté ou refusé de prêter le serment]. MM. Brunet [Note : M. Brunet, impotent, ne pouvait guère remplir son ministère. Il mourut à 72 ans, le 24 juillet 1793 (Date donnée par GUILLOTIN DE CORSON, Pouillé de Rennes, VI, p. 505)] et Moulin [Note : M. Moulin fut exilé à Jersey en 1793. Il mourut en revenant en France (eod. loc., VI, p. 505, 617)], recteurs alternatifs de Notre-Dame et de Saint-Martin, M. Levesque [Note : M. Levesque devint, au Concordat, curé de Notre-Dame de Vitré (eod. loc., VI, p. 507)], recteur de Sainte-Croix ; MM. Herrembourg [Note : M. Hérembourg devint, au Concordat, recteur de Saint-Grégoire, près de Rennes (eod. loc., VI, p. 69)] et Châtelais [Note : M. Châtelais fut exilé à Jersey (eod. loc., VI, p. 617).], vicaires à Notre-Dame ; MM. Royer et Halloche [Note : Il sera question de M. Halloche au paragraphe suivant. — M. Royer mourut à Vitré, en 1795, chez une pieuse dame qui lui donnait asile (D'après GUILLOTIN DE CORSON, Les confesseurs de la foi, Rennes, 1900, p. 235)], vicaires à Saint-Martin ; M. Barbot, vicaire à Sainte-Croix [Note : M. Barbol, poursuivi en 1797 comme « fanatique », devint plus tard recteur de la paroisse dont il avait été vicaire. Il décéda en 1824 (D'après GUILLOTIN DE CORSON, Les confesseurs de la foi, p. 235)], refusèrent de se soumettre à la constitution civile du clergé. Au total, dans le district de Vitré, 79 prêtres, occupant des postes de curés ou de vicaires, rejetèrent le serment ; et 8 prêtres, dont 3 étaient curés, et 5 vicaires, acceptèrent le nouvel ordre de choses.

Juin 1791. — On a conservé le billet de convocation, dont lecture fut donnée au prône, pour réunir le général, au 19 juin 1791. Nous le reproduisons ici, à titre de document sur l'ancienne administration.

« Messieurs les deliberans du corps politique de cette paroisse sont avertis de s'assembler aujourd'hui a lissus de la grande messe en la chambre des Deliberations pour affaires qui regarde la paroisse (Sic) Et pour l'Election de trois nouveau tresoriers. Vitré 19 Juin 1791. G. MARTIN, tresorier en charge ». « Lu et publié les mêmes jours et ans que dessus et dimanche dernier treize juin 1791. HALOCHE curé de St Martin de Vitré ».

Ce billet, dont nous respectons l'orthographe, avait été composé d'une belle écriture appliquée par Guy Martin. Quant à M. HALOCHE, — curé, ou, comme nous dirions aujourd'hui, vicaire, du recteur alternatif de Notre-Dame et de Saint-Martin [Note : La paroisse Saint-Martin possède une organisaiion « à peu près sans exemple. Elle a deux recteurs qui lui sont communs avec la paroisse de Notre-Dame. Chacun des deux recteurs exerce alternativement les fonctions curiales huit jours dans une paroisse et huit jours dans l'autre » (DUPUY, loc. cit., p. 114). Le recteur qui fait le service à Saint-Martin est appelé par le général : le « recteur en semaine »], — il devait partir bientôt en exil, à Jersey (GUILLOTIN DE CORSON, Pouillé de Rennes, VI, p. 617 ; voir aussi p. 455).

Le 19 juin 1791, le général choisit pour trésoriers « les sieurs Charil de Vilanfray, Beaugeard-Martinet, et Jarnoüen-Vilartay, habitants de laditte paroisse ».

Juin 1791. — Le dimanche 26 juin 1791, le général s'assemble « à l'extraordinaire, à l'issue des vêpres, après le son de la cloche, en la chambre haute des délibérations, en vertu de la convocation faite vendredi dernier et répétée ce jour au prône de la grand messe ».

« Le sieur Guy Martin, trésorier en charge, a représenté au Général que MM. Les administrateurs du directoire du district de Vitré lui ont remis copie d'une lettre, leur adressée, par le sieur Briand, prêtre, résidant à Rennes, nommé à la cure de cette paroisse, en date du 13 de ce mois, par laquelle il annonce qu'il ne peut se rendre à sa cure avant quinze jours ; comme ce délai est sur le point d'expirer, et qu'il convient de lui trouver le logement et la pension à son arrivée : pour quoi le sieur Martin a requis le général de prendre en considération ses observations. Sur quoi délibéré.

Le général a été d'avis, dans le cas où le sieur Briand ne Voudrait pas occuper la maison destinée pour le logement du curé, située dans le cimetière de cette paroisse [Note : L'ancienne église de Saint-Martin était enveloppée du cimetière de la ville. On a conservé de ce monument une assez grande et assez belle fenêtre du XVème siècle, et une tour en partie du XVIIème, dont la laideur n'est l'objet d'aucune discussion], de lui trouver un logement et la pension ; et pour cet effet a nommé députés les dits sieurs Oger fils et Martin, de se rendre chez quelques uns des habitants du faubourg St Martin ; lesquels ont sorti sur le champ. De retour, ils ont déclaré qu'après avoir été chez plusieurs desdits habitants, ils ont trouvé une chambre et un cabinet, dépendant de la maison dont jouissent les sieur et dame Bigot, qui consentent la louer dès à présent, mais qu'ils n'ont pu trouver une pension ; pour quoi le général va s'occuper au plus tôt pour trouver une pension audit sieur Briand, même un logement, au cas que celui des sieur et dame Bigot ne lui convient pas ; et ont nommé pour cet effet pour commissaires, à l'effet de faire les démarches convenables, les sieurs Jean Baptiste Onfray et Guy Martin.

« A l'endroit, s'est présenté à l'assemblée le sieur Jean Bourcier, prêtre, sacriste de cette paroisse, lequel a déclaré que ne pouvant plus remplir la place de sacriste, il a prié le général de vouloir bien agréer sa démission de ladite place, et son remerciment de l'honneur de sa confiance, et l'a prié de vouloir bien nommer un autre sacriste en sa place et a signé.

Sur quoi nouvellement délibéré.

Le général considérant que l'emploi de sacriste est libre et volontaire, a, avec bien du regret, reçu et accepté la démission du sieur Bourcier. Et ont les délibérants signé ».

Deux réunions suivirent la précédente ; elles eurent lieu le 10 juillet et le 4 septembre : elles ne nous apprennent rien au sujet du curé constitutionnel.

Nous avons rencontré le nom du sacriste démissionnaire parmi les prêtres qui exercèrent leur ministère à Vitré en 1797. Il signait alors comme au mois de juin 1791 : « Ji. Bourcier ptre ».

Septembre 1791. — Le dimanche 4 septembre 1791, le général s'assembla, suivant la formule coutumière, « en la chambre haute des délibérations, en vertu de l'avertissement en fait dimanche dernier et répété ce jour au prône de la grand messe, et après le son de la cloche ». C'est la dernière réunion dont je trouve trace. Et le registre se termine par l'inventaire des objets qui appartenaient à la Fabrique. Cette pièce fut dressée pour établir la responsabilité du nouveau sacriste, Jacques-Pierre Morel, prêtre. Dans la longue liste des ornements et des instruments du culte, je ne vois rien qui attire spécialement l'attention. Notons toutefois « une grande armoire à quatre ventaux servant à ramasser les ornements et tapisseries » ; et l'on signale « douze pièces de tapisseries vertes et une autre pièce de haute lice » (Sic).

La petite ville de Vitré paraît une des vieilles cités françaises où l'on contemple le plus d'anciennes tapisseries dans les maisons bourgeoises. Et combien ont été perdues avant que la mode ait imposé la recherche et l'entretien de ces somptueuses décorations ! Il est naturel d'attribuer cette abondance de tentures à la richesse de la bourgeoisie locale et aux avantages du commerce international, qui fut si florissant jadis à Vitré [Note : FRAIN DE LA GAULAYRIE, Les Vitréens et le commerce international (brochure in-8° de 101 pages) : Commerce des Vitréens en Espagne (broch. in-12 de 29 p.) ; Vitréenne et Malouine : Mme de la Villeblanche et Mme de Lorvinière (Vitré, 1902, brochure de 100 pages)].

Il y eut en 1791, — du 9 janvier au 4 septembre, — huit réunions du général martinien [Note : Il serait intéressant d'étudier les généraux constitutionnels. Mais leurs registres sont difficiles à dénicher. Voici deux types d'assemblées paroissiales, qui ont un prêtre soumis à la constitution civile du clergé. Nous sommes à Dol, le dimanche 22 avril 1792. Le culte officiel s'exerce dans la cathédrale, devenue seule église de paroisse. Le général se réunit « en la sacristie », suivant la manière accoutumée. Il a deux trésoriers en charge. Il prend des mesures pour assurer la dignité des offices et résout de choisir « deux bacheliers pour le service journalier de l'église » [Note : Le mot bachelier (ou plutôt basselier, puisque tout le monde prononçait ainsi à Dol) désigne un petit servant de messe, un employé du choeur (F. DUINE, Hist. du livre à Dol, 1906, p. 24, note)]. Huit membres seulement assistent à la délibération (les deux trésoriers en plus), soit par négligence, soit à cause de l'impopularité du service religieux assermenté. Le 24 avril, le maire et trois officiers municipaux écrivent au général pour lui reprocher son peu de souci des règles, son manque de déférence à l'égard du nouveau curé constitutionnel, son dédain de la commune et de tout « corps surveillant ». Dans sa séance du 26 avril, le district prit la défense du général [Note : ARCHIVES. DÉPART. DE RENNES, Liasse intitulée : Municipalité de Dol. Administration communale, 1790-1792]. Passons à Rennes. L'église abbatiale de St-Melaine vient d'absorber les paroisses de St-Germain, St-Georges, St-Jean et St-Martin. Elle se présente transformée en « paroisse métropolitaine ». Un général constitutionnel s'organise. La dernière réunion que nous connaissions est datée du dimanche 30 décembre 1792. Elle se fit « à l'issue de la grand messe », dans « la chambre des délibérations », à la suite de « billets de convocation portés par les bedeaux, comme de coutume ». Vingt membres étaient présents [Note : Délibérations du général de la paroisse métropolitaine de St-Melaine, aux ARCHIVES DÉPART. DE RENNES, registre portant la cote L. V. et G. 207. — Les mêmes Archives possèdent un Journal des recettes et dépenses de la fabrique de ladite paroisse (Journal qui se poursuit jusqu'au 21 février 1793)]. Sur un point, ces deux généraux constitutionnels se ressemblent. Ils ont fait démolir les jubés de leur église paroissiale. A la fin de 1791, le général de St-Melaine dit : « Le jubé de l'Eglise obstrue le service, les fidèles ne peuvent voir la célébration de l'office ». Le 21 juin 1792, sur la demande du général de Dol, le district de cette ville approuve le projet de démolition du jubé, afin que le choeur ne soit pas, comme les « temples des druides », fermé aux fidèles].

La Révolution. — En juillet 1791, Maurice-Pierre Briand fut installé comme curé constitutionnel de Saint-Martin de Vitré (PARIS-JALLOBERT, Journal de Vitré, p. 440). Il est quasi impossible de savoir quels étaient les vrais sentiments du général envers cet ecclésiastique séparé de la communion romaine. La dernière délibération paroissiale est énigmatique. Peut-être les trésoriers jouèrent-ils une parodie de bonne volonté. Quoi qu'il en soit, la population témoigna bientôt le plus admirable dévouement aux pasteurs réfractaires. Pendant la Terreur, le service des sacrements fut assuré par M. l'abbé de la Guéreterie, qui, à mainte reprise, risqua son existence pour sa foi. D'après les traditions orales des vieilles Vitréennes, on n'osa pas célébrer dans une église la Fête de la Raison. Cette solennité carnavalesque aurait été exécutée dans le parc, — qui est devenu le délicieux jardin public de la ville. Ainsi que dans beaucoup d'endroits, la déesse était une jeune fille des bonnes familles bourgeoises du pays. Ses descendants n'ont pas assez de mépris pour les prêtres qui ne combattent point la constitution républicaine ! En mars 1795, les pasteurs fidèles pratiquèrent le culte privé ; on officiait dans des maisons particulières, après déclaration à la municipalité [Note : Loc. cit., p. 484. On peut dire que la Convention présente trois attitudes : tout d'abord elle respecte la foi et désire garder une église nationale ; puis, elle essaie de l'impiété et veut écraser toute religion révélée ; enfin, fatiguée, elle offre une égale liberté aux cultes qu'elle méprise : les diverses pratiques religieuses s'exerceront, aux conditions fixées par l'Etat, et sous la surveillance de la police. Dans ces trois attitudes, elle prétendit travailler ad majorern Patriae salutem]. Une chapelle (celle de Saint-Nicolas, à l'hôpital du Rachapt), fut même ouverte, avec permission d'y chanter la messe (Loc. cit., p. 483). Une détente morale était nécessaire. En Ille-et-Vilaine, les proclamations de Brue et de Grenot, représentants du peuple, laissèrent de l'espoir [Note : P. DELARUE, Le clergé et le culte cath. en Bretagne, pendant la Rév., District de Dol, IIIème part., p. 58-59, 151-153]. Les administrateurs du district de Vitré criaient à Rennes et à Paris la misère profonde des campagnes et suppliaient les pouvoirs de ne plus pratiquer à l'égard des paysans d'inutiles et odieuses violences [Note : Le 8 floréal, an III (27 avril 1795), les administrateurs du district de Vitré écrivent aux administrateurs du département d'Ille-et-Vilaine : « Il est impossible de vous peindre, citoyens, la misère à laquelle sont réduits les habitants du district de Vitré. Depuis quatre mois nous luttons contre la famine la plus affreuse, nous manquons de tout à la fois, même de bois pour cuire le pain. Depuis ce temps on ne vit ici que de sarrazin ; les gros grains sont consommés, ainsi que les avoines : et si nous n'avions pas tiré des grains de Redon, Bain et Merdrignac, la plupart des habitants seroient morts de faim ». Deux jours après, le 10 floréal, an III (29 avril 1795), les administrateurs du district de Vitré écrivent au Comité de salut public : « L'ouvrier, la mère de famille, qui gagnent peu et ont cinq à six enfans à nourrir, peuvent-ils payer le pain un écu la livre ? [Note : Un écu en assignats]. C'est là cependant le prix qu'il coûte depuis longtemps ». Et le 25 prairial de l'an III (13 juin 1795), les administrateurs du district et les maire et officiers municipaux de la commune de Vitré adressent au Comité de salut public ces nobles et sages paroles : Les troupes républicaines commettent des abus détestables, « nous n'ignorons point que le pays est rempli de rebelles, que plusieurs habitants les accueillent, qu'il sera indispensable d'entretenir ici, longtemps, une forte garnison. Mais ramènera-t-on des gens égarés, en leur enlevant tout ce qu'ils possèdent? Leur persuadera-t-on, en les réduisant à la dernière misère, que le gouvernement républicain est le plus juste de tous et le seul qui puisse faire notre bonheur ? » (ARCHIVES DÉPART. DE RENNES, District de Vitré, Registres, 2 L 144)]. Cependant le clergé dut subir de nouvelles vexations (PARIS-JALLOBERT, loc. cit., p. 49). Depuis la fin de juillet 1797 jusqu'au commencement de septembre, les pasteurs fidèles purent accomplir leurs fonctions, puisque, pendant cette période, ils emploient la formule : « Nous avons inhumé dans le cimetière » (ce qui suppose la liberté et la tranquillité) (Voir dans cette étude, Préface, liste des sources, n° 10). Mais, le 9 septembre de la dite année, les églises vitréennes furent fermées pour la troisième fois (PARIS-JALLOBERT, loc. cit., p. 501). La tourmente sévit. En avril 1799, il faut retarder un baptême durant un mois, « à cause de la persécution ». Une année plus tard, — avril 1800, — les édifices du culte se rouvrirent définitivement (Loc. cit., p. 520). Quelques mois après, Mgr Le Coz, évêque constitutionnel de Rennes, écrivait : Le sous-préfet de Vitré ne fréquente que l'église des prêtres « insoumis » à la constitution civile du clergé, et traite les autres de « coquins » [Note : Le Coz vint à Vitré en 1791 (PARIS-JALLOBERT, loc. cit., p. 436). Il y passa quelques jours en avril 1799 (A. ROUSSEL, Correspondance de Le Coz, Paris, 1900, t. Ier, p. 324). Le 3 brumaire an IX (25 octobre 1800), il exprimait à Grégoire, évêque constitutionnel de Blois, son désappointement de voir des fonctionnaires aller vers l'ancien clergé réfractaire (ROUSSEL, loc. cit., p. 369). Le sous-préfet de Vitré à cette époque était Paul-Alexis Thomas de Maurepas, qui deviendra baron de l'Empire en 1811, et sera autorisé à substituer au titre de Maurepas celui de la Plesse].

Le Concordat. — En 1790, la ville de Vitré fut divisée en deux justices de paix, celle du canton ouest, ou de Notre-Dame, celle du canton est, ou de Saint-Martin. Par une ordonnance du 16 juillet 1803, Mgr de Maillé, évêque de Rennes, forma les trois paroisses vitréennes, en donnant à Notre-Dame et à Saint-Martin les mêmes limites que celles des justices de paix dans lesquelles se trouvait chacune des deux églises, sauf les distractions en faveur de Sainte-Croix.

Dès la première année de la réorganisation épiscopale du culte, Mgr de Maillé dut résoudre des questions de rivalité entre Saint-Martin et Notre-Dame. En vertu des pouvoirs spéciaux que le Pape délégua aux évêques pour la réglementation nouvelle des diocèses, le prélat de Rennes établit que la prochaine procession de Vitré serait commune aux trois paroisses et qu'elle partirait de Notre-Dame. Mais il déclarait ne tenir compte dans cette circonstance que de l'ancienneté du curé, M. Levesque de la Mesrie, sur son collègue de Saint-Martin. C'était en finir avec la condition d'église-mère et d'église-fille, et supprimer radicalement, au point de vue ecclésiastique, l'ancien régime vitréen [Note : Lettre de Mgr de Maillé, écrite de « La Freslonnière près Vennes », datée du 7 octobre 1803, adressée au curé de St-Martin].

(F. Duine).

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