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LES PAROISSES DE VITRÉ EN BRETAGNE

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LEURS ORIGINES ET LEUR ORGANISATION ANCIENNE

 

I. Origine de Notre-Dame de Vitré, vers 1060.

Albert-le-Grand, dans son Catalogue des évêques de Rennes (p. 3), rapporte que l'église de Notre-Dame de Vitré aurait succédé immédiatement à un temple de Cérès, détruit vers la fin du Ier siècle de Jésus-Christ, à la suite des prédications de saint Clair. Cette tradition ne repose sur aucun fait ni sur aucun document ancien ; une circonstance assez récente est venue la contredire. En effet, dans toutes les fouilles, tranchées et mouvements de terre, qui se sont faits depuis vingt ans à Vitré, tant pour l'établissement du chemin de fer et des nouvelles routes et rues, que pour la démolition et reconstruction d'un grand nombre de maisons particulières, on n'a pas découvert un seul objet de l'époque gallo-romaine. D'autre part, comme on ne trouve point le nom de Vitré dans les textes historiques avant la constitution définitive de la baronnie de Vitré (vers l'an 1040), il faut conclure que la ville a été bâtie pour être le chef-lieu du fief. Comme toutes les villes féodales, elle a donc commencé par un château.

Ce château fut d'abord au lieu qu'occupe à présent l'église Sainte-Croix ; mais, environ 1060, le sire de Vitré, Robert Ier le transporta plus au nord, sur ce promontoire de roches abruptes, où il se dresse encore aujourd'hui. C'est à ce moment, au plus tard, que fut fondée l'église Notre-Dame, un peu à l'est du château, dont elle dut être la première chapelle, en même temps qu'elle servait de centre ecclésiastique à toute la contrée environnante. Le baron de Vitré y établit un corps de chanoines, — réguliers ou séculiers, cela est incertain. Ce qui ne l'est pas, c'est que la paroisse soumise à cette église comprenait dans l'origine tout le territoire maintenant partagé entre les trois paroisses de Vitré. On va bientôt en avoir la preuve.

 

II. — Commencement de la paroisse Sainte-Croix de Vitré, vers l'an 1110.

Peu de temps après avoir changé de résidence, Robert Ier de Vitré donna aux moines de Saint-Martin de Marmoutier-lès-Tours, l'assiette de son premier château, avec quelques domaines, pour y établir un prieuré de douze religieux : c'est la fondation du prieuré de Sainte-Croix de Vitré, faite au temps de Main ou Mainon, évêque de Rennes, et de Barthélemi, abbé de Marmoutier, c'est-à-dire de 1064 à 1076 [Note : Parce que Barthélemi commença d'être abbé en 1064, et que Mainon mourut en 1076. L'acte de cette fondation est imprimé dans D. Morice, Preuves de l'histoire de Bretagne, T. Ier, colonne 424]. Sainte-Croix ne fut d'abord qu'un couvent, non une paroisse, et pour bien régler les droits de chacun, une convention intervint entre les prêtres de Notre-Dame et les moines de Saint-Martin de Marmoutier, par laquelle ceux-ci s'engagèrent à ne point recevoir les droits et devoirs ecclésiastiques (dîme, sépulture, etc.), des individus domiciliés en Notre-Dame, mais obtinrent la faculté d'en agir tout autrement avec les chevaliers, vassaux du baron de Vitré, qui venaient tenir garnison dans le château de cette ville pour satisfaire à leur devoir féodal, attendu que ces derniers ne pouvaient être considérés comme domiciliés dans la paroisse. Cet accord fut conclu en présence et du commun consentement de l'évêque Main, de l'abbé Barthélemi et de Robert Ier de Vitré, par conséquent, fort peu de temps après la fondation du prieuré de Sainte-Croix [Note : Cet acte inédit est entre les mains de M. le comte Le Gonidec de Traissan, dont le bisaïeul avait acheté, peu de temps avant la Révolution, les droits féodaux du prieuré de Sainte-Croix].

Vitré (Bretagne) : les paroisses de Vitré

Malgré cette convention, de nombreuses difficultés survinrent entre les moines et les chanoines, et pour y mettre fin, les seconds se décidèrent, vers le commencement du XIIème siècle, à concéder aux premiers, à l'entour de leur église, un certain territoire où ceux-ci exerceraient, sans contestation, tous les droits et les devoirs paroissiaux. C'est là véritablement la fondation de la paroisse Sainte-Croix, dont l'acte nous a aussi été conservé [Note : Il est inédit et se trouve, comme le précédent, entre les mains de M. Le Gonidec de Traissan].

 

Vitré (Bretagne): les paroisses de Vitré

Vitré (Bretagne): les paroisses de Vitré

Vitré (Bretagne): les paroisses de Vitré

On y voit que les chanoines de Notre-Dame mirent à leur concession, comme c'était l'usage en pareil cas, quelques conditions spéciales destinées à conserver une certaine sujétion de la nouvelle paroisse vis-à-vis de celle d'où elle avait été extraite. Ainsi, il fut stipulé que les moines et prêtres de Sainte-Croix viendraient en procession à Notre-Dame le dimanche des Rameaux et le premier jour des Rogations ; qu'ils viendraient aussi à Notre-Dame chercher le Saint-Chrême et les saintes huiles ; et qu'enfin, le mercredi de la semaine de Pâques, ils paieraient aux chanoines une rente annuelle de dix sols. — Cette convention, sanctionnée une première fois par Marbode, évêque de Rennes, le fut de nouveau, en 1136, par Hamelin, deuxième successeur de Marbode.

Vitré (Bretagne): les paroisses de Vitré

Vitré (Bretagne): les paroisses de Vitré

Vitré (Bretagne): les paroisses de Vitré

 

III. — Notre-Dame donnée aux Bénédictins de Saint-Melaine de Rennes, en 1116.

Cependant le désordre ne tarda pas à s'introduire parmi les chanoines de Notre-Dame. On les vit, au commencement du XIIème siècle, dilapider les biens de leur église sans en faire le service et se rendre, par leur arrogance, également désagréables à leurs seigneurs temporels et à leurs supérieurs ecclésiastiques. C'est pourquoi, en 1116, l'évêque de Rennes, Marbode, du consentement du baron de Vitré et du duc de Bretagne leur retira Notre-Dame pour la donner aux religieux de l'abbaye de Saint-Melaine de Rennes « avec tous ses biens, terres et domaines, et aussi avec les divers revenus des églises que possédaient les chanoines, savoir (dit l'évêque), l'église Saint-Pierre et l'église Saint-Martin dans la même ville de Vitré, les églises de Balazé, de Mecé, de Saint-Didier, et l'église Saint-Symphorien en la ville de Rennes  » (Voir Dom Morice, Preuves de l'histoire de Bretagne, I, col. 532).

L'église Saint-Pierre de Vitré, ici nommée, n'était point différente de celle de Notre-Dame ; seulement on lui donnait de préférence le premier de ces deux noms quand on la considérait comme paroissiale et non comme collégiale, sans doute parce que la paroisse se desservait à un autel dont saint Pierre était patron. Quant à l'église Saint-Martin, c'est celle qui subsiste encore sous ce nom à l'extrémité Est de Vitré. Mais était-elle alors paroissiale ? Nous le saurons bientôt.

Exposons d'abord, en quelques mots, la singulière organisation ecclésiastique qui, au moment de la Révolution, régissait ces deux églises depuis plus de deux siècles.

 

IV. — Organisation des paroisses de Notre-Dame, et Saint-Martin, en 1789.

Les moines du prieuré de Notre-Dame, — alors , comme dans l'origine, dépendant de Saint-Melaine de Rennes, — étaient curés primitifs et gros décimateurs des paroisses de Notre-Dame et de Saint-Martin de Vitré ; mais les canons leur ayant depuis longtemps interdit (ainsi qu'à tous les moines) d'exercer eux-mêmes les fonctions curiales, ces fonctions étaient aux mains de deux prêtres séculiers, appelés l'un et l'autre curés-vicaires et, plus habituellement, vicaires perpétuels de Notre-Dame et de Saint-Martin de Vitré ; nommés tous deux, par l'abbé de Saint-Melaine, institués par l'évêque ; une fois institués, inamovibles ; et enfin recevant des moines du prieuré de Notre-Dame une pension médiocre, désignée ordinairement sous le nom de portion congrue. — Jusque-là rien de bien extraordinaire ; quantité d'autres paroisses, anciennement données à des monastères, étaient dans une situation pareille. Mais, ce qui est plus singulier, c'est que chacun des deux vicaires perpétuels exerçait successivement et alternativement, de semaine en semaine, sa charge pastorale dans chacune des deux paroisses sus-nommées : en sorte qu'après avoir été pendant huit jours curé de Notre-Dame, il devenait pendant les huit jours suivants curé de Saint-Martin, et réciproquement : de là leur donnait-on encore souvent le titre de curés ou recteurs alternatifs des paroisses de Notre-Dame et de Saint-Martin.

 

V. — Limites respectives des paroisses de Vitré avant le Concordat de 1801.

Il est nécessaire ici de marquer quelles étaient alors, quelles ont été jusqu'au Concordat de 1801, les limites respectives de nos paroisses.

La banlieue de Saint-Martin était, à peu de chose prés, ce qu'elle est aujourd'hui ; mais, dans la ville, cette paroisse n'avait que le faubourg Saint-Gilles, le Courgain (aujourd'hui rue d'Ernée) et le faubourg Saint-Martin, des deux côtés, jusqu'à une maison appelée alors l'hôtel du Petit-Louvre, en 1876 marquée du n° 17, et habitée par M. le docteur Rupin.

Sainte-Croix, en fait de ville, ne possédait que la rue Sainte-Croix, le Bourg aux Moines, et le côté Est du faubourg de la Mériaie depuis l'extrémité Sud jusqu'au couvent des Bénédictines (des Ursulines, vers 1876) inclusivement. Sa banlieue même était bien moins étendue que maintenant ; le château de la Baratière, entre autres, n'en faisait point partie et était en Notre-Dame.

Notre-Dame comprenait, de la ville et des faubourgs, tout ce qui n'était point compris dans les deux autres paroisses, c'est-à-dire environ les trois quarts, — et, dans la banlieue, outre ce qu'elle a encore, une partie, comme on l'a vu, de celle de Sainte-Croix.

Cela dit, revenons sur nos pas, pour tâcher de découvrir, s'il est possible, de cette étrange institution des curés alternatifs.

 

VI. — Service de la paroisse Notre-Dame au XIIème siècle.

Il paraît que les chanoines, premiers possesseurs de Notre-Dame, faisaient administrer la paroisse par des chapelains ou vicaires, qu'ils choisissaient, nommaient et pouvaient révoquer à leur plaisir, encore bien que ces vicaires eussent reçu l'institution épiscopale. Un acte de 1138 (voir ci-dessus) prouve que cet état de choses se soutint après la substitution des moines bénédictins aux chanoines. Plus tard, la discipline générale de l'Église ôta aux religieux, en pareil cas, le pouvoir de révoquer leurs vicaires séculiers qui, comme les autres prêtres ayant charge d'âmes, devinrent inamovibles. Mais on ne sait si ce changement était déjà accompli à Notre-Dame en 1208, date d'un nouveau règlement fort important pour l'administration de la paroisse.

Les moines s'étaient bornés jusque là à entretenir, pour le service paroissial, un seul prêtre ou chapelain séculier. Ce prêtre, surchargé de travail et succombant sous le faix, porta ses réclamations jusqu'au Saint-Siége, et le pape Innocent  III délégua trois commissaires — l'évêque de Rennes, l'abbé de Savigny et celui de Clermont — pour informer et statuer ce que de raison.

 

VII. — Règlement de l'an 1208.

Il fut réglé par les commissaires qu'un seul prêtre étant insuffisant pour le service de la paroisse, les moines lui en adjoindraient un second, et de plus un clerc qui serait pour le moins sous-diacre ; — que le clerc et les deux prêtres mangeraient à la table des moines ; — que ceux-ci feraient au clerc une pension annuelle de 20 sols et une de 60 au second prêtre, pour s'acheter des vêtements, le premier prêtre ayant été pourvu auparavant d'un revenu suffisant pour cet objet ; — que les moines feraient construire, près de l'église Saint-Pierre (juxta matrem ecclesiam Beati Petri) une maison neuve pour servir de demeure aux prêtres ; — et qu'ils y entretiendraient un cheval à l'usage de ceux-ci, qui s'en serviraient pour porter avec plus de diligence le secours de leur ministère dans l'étendue de la paroisse.

Vitré (Bretagne): les paroisses de Vitré

Vitré (Bretagne): les paroisses de Vitré

Il y a encore deux choses à remarquer dans ce règlement. D'abord, le second prêtre ou chapelain séculier, dont l'institution s'y trouve décrétée, n'est nullement mis sur la même ligne que le premier ; tout au contraire, il est dit que ce prêtre adjoint, après avoir été choisi par l'abbé de Saint-Melaine et institué par l'évêque, promettra au premier prêtre, sous la foi du serment, de lui être fidèle, de respecter ses droits, et de ne rien lui ôter ni souffrir lui être ôté de ce qui lui est dû [Note : Dans le règlement de 1208, le premier prêtre est désigné par le nom du titulaire actuel de cette charge, maître Jacques Salomon, ou simplement maître Jacques. La clause est ainsi conçue : « Presbyter autem ille (adjunctus), electus ab procuratore abbatis S. Melanii, praesentabitur episcopo Redonensi vel ejus officiali, praesente magistro Jacobo. Qui, si idoneus inventus fuerit et receptus, juramento interposito firmabit quod fidelis erit magistro Jacobo de jure suo et nihil imminuet vel imminui patietur de his quae noscuntur ad ejus debitam portionem pertinere »]. Ainsi, on ne peut trouver là l'origine de cette étrange institution de l'alternative ; car, sous le règne de celle-ci, les deux curés ou recteurs sont absolument égaux en droits et en dignité, et c'est même principalement pour conserver entre eux deux cette égalité parfaite que l'alternative est instituée.

Ici, de plus, nous devons remarquer que l'église Saint-Martin n'est pas nommée ; en revanche, la paroisse dont les commissaires pontificaux règlent l'administration, et dont l'église Saint-Pierre était le centre, est appelée la paroisse de Vitré (parochia de Vitreio), et l'église Saint-Pierre elle-même, église mère ou matrice (juxta matrem ecclesiam B. Petri). D'où il faut conclure que cette paroisse devait renfermer, sauf Sainte-Croix, tout le territoire vitréen, et que l'église Saint-Pierre est appelée mère ou matrice, pour la distinguer d'une autre église, située sur le territoire de cette même paroisse de Vitré, mais qui n'était que succursale, c'est-à-dire apparemment Saint-Martin.

C'est, du reste, ce qui va être fort éclairci par quelques actes authentiques de la première moitié du XVème siècle.

 

VIII. — Saint-Martin, au commencement du XVème siècle, simple chapelle de la paroisse Notre-Dame.

A cette époque, Saint-Martin avait une fabrique particulière, ce qui n'entraîne pas nécessairement l'existence d'une paroisse, puisque avant le Concordat toutes les chapelles un peu considérables de Basse-Bretagne avait leurs fabriques spéciales. — Quoi qu'il en soit, en 1421, les deux églises de Saint-Martin et de Notre-Dame, étant l'une et l'autre fort délabrées et en grande nécessité de restauration, on convint d'unir ensemble, pour cette double oeuvre, les ressources des deux fabriques. Certaines difficultés s'étant présentées dans l'exécution de cet arrangement, la cour ou sénéchaussée de Rennes envoya à Vitré, pour y pourvoir, trois commissaires, dont le rapport fait parfaitement connaître quel était alors l'état de l'église Saint-Martin. Les commissaires déclarent, en effet, « que en icelle église avet nef d'église, chancel, clocher, revétuaire, seins [Note : Cloches, signa], autiers, sacre [Note : Hostie consacrée ; sacraire est le lieu où on la garde], sacraire, livres, calices et autres ornemens d'église, croix, bannières, tronc, et toutes autres choses appartenantes à église parochiale, sauf fons, comme leur avet esté apparu en ladite église.... Et même avoient trouvé par enqueste.... que celle église de St-Martin avet accoustumé, ou temps passé, à estre tenue et réputée pour église parochiale, et y fesoit on les services divins à Nouel, à Pasques, à la Pentecouste, au Sacre, à la Saint Jehan, à l'Angevine, à la Toussains, et à toutes les autres festes solemnes de l'an, et y avet messe solemne au dimanche, pain benoist, aive benoiste [Note : Eau bénite], femmes purifiées, bannies de mariage, espousailles, gens confessez à Pasques et ès autres jours sur sepmaine quand en estet mestier [Note : Quand il en était besoin], enterremens faiz en l'église et ou cimetère dudit lieu de Saint-Martin, et toutes autres solemnitez deues et appartenantes à église parochiale, sauf office de fons ». Sur ce rapport, la cour de Rennes, outre ses autres décisions, donna pouvoir à certaines personnes, nommées en l'arrêt, « de faire maintenir le divin office deu et appartenant à ladite église de Saint-Martin, et de y compeller le priour, curé, et vicaire de l'église et paroisse de Notre-Dame de Vitré, de ce y a esté faire dire et tout continuer en la manière et comme accoustumé ou temps passé, et si ils ou l'un d'eux sont refusans, de ce faire faire par autres chapelains idones » [Note : « Idones » ou « idoines », du latin idoneus].

Vitré (Bretagne): les paroisses de Vitré

Vitré (Bretagne): les paroisses de Vitré

Vitré (Bretagne): les paroisses de Vitré

Il résulte donc de cet acte :

1° Que Saint-Martin, à cette époque, n'avait d'autre recteur que celui de Notre-Dame, puisque c'est le curé et le vicaire de cette dernière église qui devaient (avec le prieur, curé primitif) entretenir à Saint-Martin l'exercice du culte ;

2° Que Saint-Martin n'avait pas de fonts baptismaux, ce qui prouve qu'en réalité cette église, loin d'être paroisse, n'était même pas succursale ; car, suivant nos anciens jurisconsultes et spécialement le traité du Gouvernement des paroisses de Potier de la Germondaye, qui faisait autorité en Bretagne « les marques caractéristiques » d'une succursale, c'est-à-dire celles qui la distinguent d'une chapelle ordinaire, « sont les fonts baptismaux et la conservation des saintes huiles ». [Note : P. de la Germondaye, Introduction au gouvernement des paroisses suivant la jurisprudence du Parlement de Bretagne, Rennes, 1777, in-12, p. 36]. Si donc l'acte ci-dessus donne à Saint-Martin le titre d'église parochiale, cela veut dire seulement que le culte s'y célébrait avec la même solennité que dans une véritable église paroissiale, à la réserve des fonts.

3° L'acte ci-dessus prouve encore que l'alternative et l'égalité n'existaient pas entre les deux prêtres séculiers chargés de l'administration de Notre-Dame et Saint-Martin, puisque l'un est qualifié curé, et l'autre vicaire, ce qui maintient encore entre eux la hiérarchie établie par le règlement de 1208.

 

IX. — Etablissement de fonts baptismaux, à Saint-Martin, en 1434.

En 1420, par un décret ou mandement du 24 octobre, Anselme de Chantemerle, évêque de Rennes, considérant que, dans le cas où la guerre forçait de tenir fermées les portes de la ville de Vitré, il pouvait arriver que des enfants, nés hors des murailles de ladite ville, mourussent sans avoir reçu les cérémonies du baptême, ordonna à la fabrique de Saint-Martin de faire construire en cette église des fonts baptismaux.

Vitré (Bretagne): les paroisses de Vitré

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Malgré ce décret, ces fonts n'étaient pas encore construits quatorze ans plus tard, quand, le 12 juin 1434, Guillaume Brillet, successeur d'Anselme de Chantemerle sur le siége de Rennes, renouvela aux fabriciens de Saint-Martin l'autorisation d'établir des fonts dans leur église, en réservant toutefois expressément les droits « du recteur de l'église paroissiale de Notre-Dame, dans l'étendue de laquelle paroisse (dit l'évêque) l'église de St-Martin est située » [Note : « Fontes prœdictos in ecclesia Sancti Martini construendi licentiam impertimur, jure tamen nostro ac rectoris parochialis ecclesiœ Beatœ Mariœ de Vitreyo, infra cujus parrochiœ fines ecclesia ipsa Sancti Martini consistit, et cujuscumque alterius salvis semper »]. 

Vitré (Bretagne): les paroisses de Vitré

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— Par une autre lettre du 16 juillet de la même année, le prélat borna très-formellement l'usage de ces fonts au cas où, à raison de la clôture des portes de la ville, il deviendrait impossible d'aller à l'église de Notre-Dame [Note : Guillaume Brillet, dans cette lettre, s'adresse à un prêtre appelé Mathieu Lucas, qui alors, par autorisation du curé de Notre-Dame, faisait les fonctions de chapelain de Saint-Martin, et il lui dit : « Nos igitur Guillelmus episcopus.... vobis Matheo Luce, — qui in dicta ecclesia Sancti Martini de voluntate et assensu rectoris parochialis ecclesiœ Beatœ Mariœ in divinis deservitis, — ac etiam aliis capellanis qui pro tempore in dicta ecclesia Sancti Martini in divinis deservient, — dictis fontibus baptismalibus utendi, extremam unctionem cuilibet indigenti ministrandi, cœteraque necessaria circa prœmissa faciendi, dum et quando ad ipsam ecclesiam parochialem Beatœ Mariœ commode recursus haberi non poterit, et non alias absque tamen rectoris Beatœ Mariœ et juris sui prœjudicio, vobis tenore prœsentium licentiam impertimur »].

Vitré (Bretagne): les paroisses de Vitré

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Lorsque cette autorisation fut accordée par Guillaume Brillet, le curé de Notre-Dame, appelé Pierre Leclerc, était au concile de Bâle, et par conséquent fort loin de sa paroisse. Dès qu'il fut revenu, considérant comme une atteinte à ses droits l'établissement des fonts de Saint-Martin fait sans son consentement, il intenta aux fabriciens de cette église et à ses habitués un procès en cour de Rome et devant le concile même, qui tenait encore. Ceux que nous appelons ici les habitués de Saint-Martin, c'étaient, dans la ville de Vitré, les habitants du faubourg Saint-Martin, et, dans la campagne, ceux des cantons appelés alors les traits (tractus) de la Foucherie, de Beauchêne, d'Entre-les-Hayes et du Val, correspondant à peu près à ce qui forme encore en 1876 la banlieue de Saint-Martin. Ces habitués ne prétendaient d'ailleurs nullement former une nouvelle paroisse ; ils reconnaissaient, tout au contraire, être et avoir été paroissiens de Notre-Dame de Vitré, compris, ainsi que l'église de Saint-Martin, dans les limites de ladite paroisse, soumis à l'autorité du recteur et du vicaire de Notre-Dame, et ils avouaient que le recteur de Notre-Dame avait dans l'église de Saint-Martin les mêmes droits, les mêmes revenus et les mêmes pré-rogatives que dans l'église de Notre-Dame elle-même [Note : « … Dictis parrochianis seu habitantibus in burgo (S. Martini), metis et finibus supradictis (dans les quatre cantons de banlieue sus-dénommés) dicentibus et asserentibus quod, — licet ipsi sint parrochiani parrochiœ Beatœ Mariœ de Vitreyo ac infra fines et metas ejusdem parrochiœ degentes, fuerintque et sint sub cura et regimine rectoris seu vicarii dictœ parrochialis ecclesiœ Beatœ Mariœ, — nichilominus, tamen, quod à temporibus et per tempora supra designata (i. e. de cujus temporis initio hominum memoria non existit), in ipsa capella seu ecclesia Sancti Martini prope Vitreyum, — quœ infra metas dictœ parrochiœ situata existit, et in qua ipse rector (Beatœ Mariœ) eadem emolumenta capit et copere consuevit quœ ac prout et quemadmodum in ecclesia parochiali Beatœ Mariœ capere consuevit, — per ipsum rectorem, sive per capellanum seu capellanos idoneos, ad hoc de licentia et assensu rectoris dictœ ecclesiœ parochialis Beatœ Mariœ deputandum seu deputandos, celebrari consueverit divina officia, videlicet missœ solemnes diebus dominicis et aliis festivitatibus solemnibus, et in missis dominicalibus pronum solemniter fieri, festa nuntiari, matrimonia banniri, excommunicati denunciari, et alie solemnitates quœ in parochialibus ecclesiis fieri consueverit, etc. ». (Transaction du 1er février 1437)] ; mais ils soutenaient que, de temps immémorial, le culte s'était célébré à Saint-Martin avec les mêmes solennités que dans une église paroissiale, sauf qu'on, n'y voyait ni fonts ni saintes huiles, et que l'érection des fonts, récemment concédée par Guillaume Brillet, devait être maintenue comme faite sur de justes causes et incapable de porter nul préjudice au curé de Notre-Dame, puisque l'évêque, dans ses lettres, avait pris soin de réserver formellement le droit de ce dernier.

Vitré (Bretagne): les paroisses de Vitré

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X. — Erection de Saint-Martin en succursale, en 1437.

Après diverses procédures et avant le jugement de la cause une transaction intervint entre parties, dont l'acte, daté du 1er février 1437, nous a été conservé et nous a fourni tous les détails qui précèdent. Par cette transaction, le curé de Notre-Dame accorda pour l'avenir, à tout jamais, dans l'église Saint-Martin, la continuation du culte divin, more parochiali, comme il y avait été célébré jusque-là, et de plus le maintien des fonts nouvellement érigés — sous la condition expresse que, quand lui curé, ou son vicaire, ne voudrait ou ne pourrait remplir en personne en ladite église les fonctions pastorales, elles y seraient exercées en son nom par un chapelain temporaire, qu'il nommerait et révoquerait à son plaisir ; — sous la condition encore que, outre tous ces droits curiaux qu'il conservait comme par le passé en ladite église, les habitués de Saint-Martin lui feraient dorénavant une rente annuelle de dix livres, payable moitié par moitié à Noël et à la Saint-Jean. — Les habitués de Saint-Martin (c'est-à-dire les habitants du faubourg Saint-Martin et des cantons de la banlieue sus-dénommés) ayant accepté ces conditions, déclarèrent solennellement, par l'acte même de la transaction, « qu'ils sont et qu'ils ont toujours été paroissiens de N.-D. de Vitré, que cette église est et sera leur église matrice et paroissiale, que le recteur de cette église est et sera leur vrai curé, et qu'eux-mêmes sont et seront dans la cure et sous le gouvernement du recteur en question et de son vicaire ; que, de plus, toutes et quantes fois ledit recteur fera procession où que ce soit avec ses autres paroissiens, les paroissiens de Notre-Dame habitués de Saint-Martin se rendront à l'église de Notre-Dame, feront la procession, et reviendront à ladite église, absolument comme les autres paroissiens » [Note : Les habitués de Saint-Martin avaient choisi, pour leurs procureurs et mandataires, cinq d'entre eux, Mathieu Géraut, Etienne Le Bigot, Olivier Ribretière, Jean Chauvel et Jean Chevillart, qui parlent et stipulent pour eux mêmes et tous les autres, ainsi qu'il suit : - « Dicti procuratores — suo et habitantium prœdictorum nominibus — fatentur ex nunc fuisse et esse parrochianos dictœ parrochialis ecclesiœ Beatœ Mariœ de Vitreyo, ipsamque ecclesiam Beatœ Mariœ fore et esse eorum matricem et parrochialem ecclesiam, rectoremque dictœ ecclesiœ Beatœ Mariœ fore et esse eorum verum curatum, ipsosque sub ipsius et vicarii dictœ ecclesiœ Beatœ Mariœ cura et regimine existere ; et, insuper, dum et quotiens rector prœdictus de mandato superioris sui, pro pace aut alias ex causa devotionis, in aliquo loco cum parrochianis suis processionaliter incedere disposuerit, voluerunt parrochiani prœdicti (c'est-à-dire les cinq procureurs ou mandataires), nominibus antedictis  — quod ipsi et cœteri habitantes infra metas et tractus prœdictos (c'est-à-dire les habitués de Saint-Martin) et eorum successores cum aliis parrochianis dictœ parrochiœ Beatœ Mariœ ad ecclesiam parrochialem prœdictam Beatœ Mariœ simul conveniant, et processionaliter incedant et redeant, ad instar aliorum parrochianorum ». (Transaction du 1er février 1437)].

Inutile d'insister sur cet acte important et sur les conséquences qui en ressortent. Cette transaction doit être considérée comme l'érection régulière de l'église Saint-Martin en succursale de la paroisse Notre-Dame, dont elle n'avait été jusque-là qu'une chapelle, — chapelle importante, sans doute, et considérable, où le culte se célébrait (aux fonts près) more parochiali, mais sans pouvoir lui conférer réellement ni la qualité de paroisse (qu'elle n'eut pas davantage après la transaction), ni même celle de succursale véritable.

L'acte que nous venons d'analyser prouve encore que l'alternative n'existait pas en 1437 ; on n'y en trouve pas trace. Le curé de Notre-Dame stipule seul au nom de son église ; si le vicaire est nommé dans la transaction, ce n'est qu'en passant, dans un rang fort secondaire, qui montre qu'il gardait encore envers le recteur la subordination hiérarchique, imposée au prêtre adjoint vis-à-vis du premier prêtre de Saint-Pierre ou Notre-Dame, par le règlement de l'an 1208.

 

XI. — Etat du service religieux de la paroisse Notre-Dame, en 1474.

Les choses demeuraient dans le même état en 1474, suivant une volumineuse enquête, édifiée cette année-là par l'official de Rennes pour établir les droits du prieur de Notre-Dame de Vitré, principalement à l'encontre des chanoines de la Magdeleine, et où le quatrième témoin déclare entre autres choses : « Que le prieur a sous soy deux prestres, l'un appelé curé et l'autre vicaire, qui disent les messes dominicales aux paroissiens à l'autel St-Pierre, chacun à son tour, chacun son dimanche, et peuvent entendre les confessions et donner l'Extrême-Onction ; qu'ils mangent à la table du prieur et sont assis après les religieux ». — L'onzième témoin, plus explicite, déposa : « Que, dans ladite église (de Notre-Dame), il y avoit un prestre, curé ou recteur, et un vicaire, lesquels estoient tous deux prestres séculiers ; que le curé avoit une lettre de réception [Note : c'est-à-dire, d'institution] de l'évesque de Rennes pour desservir la cure ; qu'il estoit en possession de la troisième partie des novales, de la troisième partie des offrandes aux services des défuncts, le corps du défunct estant présent, et de la troisième partie du festin des nopces [Note : Ou past nuptial], et que le prieur prenait le reste. Que, lorsque quelque bourgeois ou personne considérable désiroit que le prieur ou les religieux fissent les obsèques, c'estoient les religieux qui inhumoient le corps du défunct. Que lesdits curé et vicaire administroient les sacrements aux paroissiens de ladite paroisse, entendoient les confessions, et célébroient les messes de paroisse l'autel de Saint-Pierre et Saint-Paul pour les paroissiens, aux jours de dimanche ». — Un autre (le 39ème témoin) affirme « que la rectorerie et le vicariat de Notre-Dame sont deux bénéfices distincts » [Note : Enquête de 1474, aux Archives de Notre-Dame de Vitré, boite B]. Ce dernier renseignement est important ; il montre que le vicaire, quoique subordonné au curé, avait charge et, par conséquent, un pouvoir propre et non délégué par le curé pour le gouvernement de la paroisse. Toutefois, — cette enquête le prouve, on est encore loin ici de cette égalité de titre et de droits utiles, que le régime complet de l'alternative établira plus tard ainsi l'on voit que le curé avait sur les parts nuptiaux, les offrandes et les novales, des droits importants où le vicaire n'avait point part. Verra-t-on un commencement d'alternative dans cet usage des deux prêtres de célébrer successivement, ad turnum, la messe paroissiale à l'autel Saint-Pierre ? Nullement : l'alternative s'établit entre Notre-Dame et Saint-Martin ; or, il semble qu'au temps de l'enquête, le vicaire et le curé, exerçant de préférence et exclusivement les fonctions pastorales dans l'église de Notre-Dame, abandonnaient Saint-Martin à ces chapelains temporaires, désignés par le curé et par lui révocables ad nutum, dont parle la transaction de 1437.

 

XII. — L'alternative s'introduit au XVIème siècle, et pourquoi ?

Mais il en fut autrement au siècle suivant. Les deux prêtres chargée en titre d'office du gouvernement de la paroisse de Notre-Dame (c'est-à-dire le curé et le vicaire) résolurent de reprendre aussi immédiatement en leur main l'administration de sa succursale, Saint-Martin. Alors surgit une difficulté : le service de Saint-Martin était plus pénible que celui de Notre-Dame à cause de l'étendue de la banlieue, et en même temps bien moins lucratif, parce que, à l'exception de quelques familles aisées établies dans le faubourg Saint-Martin, tout le reste des paroissiens de cette dernière église n'était que des métayers et de pauvres laboureurs. Dès lors, si l'un des deux prêtres avait été attaché à demeure et exclusivement à l'administration de la succursale, sa condition serait devenue évidemment beaucoup moins avantageuse que par le passé. Le curé, premier en grade, ne pouvait se condamner à un tel poste ; mais il ne pouvait non plus y condamner son vicaire, puisque celui-ci, par le titre de son institution et de son bénéfice, avait pouvoir d'exercer son ministère dans toute la paroisse de Notre-Dame, c'est-à-dire tout aussi bien dans la paroisse principale que dans la succursale ou annexe. De là, pour ménager les droits et les intérêts de chacun, la nécessité d'un expédient, et cet expédient fut précisément l'alternative. Il fut convenu entre les deux prêtres que l'un d'eux desservirait huit jours la paroisse, pendant que l'autre ferait le service de la succursale, que la semaine suivante ils changeraient d'église, et ainsi de suite indéfiniment.

Cet ordre de choses commença, croit-on, vers 1525, dura et s'affermit pendant le reste du XVIème siècle, et fut explicitement confirmé en 1615 par une sentence rendue en l'officialité de Rennes [Note : Suivant un factum, écrit en 1674, par Pierre Duperron, l'un des deux recteurs alternatifs de Notre-Dame et de Saint-Martin, — car nous n'avons pu retrouver le texte de cette sentence. Dans ce même factum, Duperron affirme que l'alternative subsistait alors depuis 150 ans, ce qui en reporte le commencement en 1524 ou 1525, et il déduit ainsi les raisons, très-concordantes aux notres, qui, selon lui, donnèrent naissance à cet arrangement singulier : « L'église succurssale de Saint-Martin, dit-il, s'étendant à près de cinq quarts de lieue à la campagne (il s'agit de lieues de pays) et n'ayant qu'un revenu fort modique, il n'eût pas été juste que celui qui eût desservi cette église eût eu seul toute la peine sans que le vicaire de Notre-Dame, qui a toute la ville dans sa paroisse et qui perçoit un revenu très-considérable, n'eût récompensé son confrère. C'est pourquoi on n'a pu trouver d'expédient plus facile et plus commode, pour partager également entre les deux vicaires le travail et le profit de ces deux églises  qu'en les faisant desservir alternativement. Sans quoi on auroit peine à trouver des prêtres capables pour résider dans l'église de Saint-Martin, sans autre revenu qu'une portion congrue de 300 livres, sur laquelle il (le recteur de Saint-Martin) seroit obligé de payer son logement et un ou deux curés ». — Ici, le mot de curé est employé, hors de son sens naturel pour désigner un vicaire choisi, entretenu et révocable à plaisir par le recteur. Ce factum de Pierre Duperron est aux Archives paroissiales de Notre-Dame de Vitré, boîte B. Nous y reviendrons un peu plus loin.

L'alternative était florissante ; mais rien ne prouve que l'égalité existât dès lors entre les deux prêtres ; il semble, au contraire, bien plus probable que la supériorité hiérarchique du curé sur le vicaire se maintint, de sorte que, en droit au moins, l'unité de direction et d'autorité continuait de subsister dans le gouvernement de la paroisse. Le XVIIème siècle en vit la fin, dans les circonstances suivantes.

 

XIII. — L'égalité des recteurs alternatifs s'établit au XVIIème siècle, et comment ?

Au XVIème siècle, la commende s'était introduite partout. Le prieuré de Notre-Dame, en proie à cette lèpre, avait étrangement souffert ; vers 1630, il était en ruines ; il n'y restait que quatre pauvres moines, subsistant à grand'peine on ne sait comment, et qui auraient fini, sans doute, par périr de faim, si le dernier prieur commendataire, —  un digne prêtre, d'ailleurs, et qui rétablit plus tard la règle dans cette maison, appelé Siméon Hay — ne leur eût assuré, en 1638, une pension de 1100 livres (Voyez Archives de Notre-Dame de Vitré, boite B). C'était assez pour les empêcher de mourir : pour les faire vivre honnêtement avec leurs serviteurs, pour entretenir décemment le couvent et l'église, ce n'était pas assez. Aussi ne s'étonnera-t-on point que, pour épargner la double pension due au curé et au vicaire séculiers de Notre-Dame, ces pauvres moines aient remis les fonctions pastorales à deux d'entre eux, qui les exerçaient pour le casuel. Sans doute, c'était irrégulier ; mais quoi de plus irrégulier que la situation même du monastère ? Et, d'ailleurs, nécessité faisait loi. Les deux religieux ainsi chargés des fonctions curiales se nommaient François Joubin et René Hodemon : pendant vingt ans environ, de 1630 à 1650, ils les exercèrent sans aucune supériorité de l'un sur l'autre, avec une parfaite égalité de titre, de droits, de revenu. Et de fait, il ne pouvait exister entre eux nulle distinction de curé et de vicaire, de premier prêtre et de prêtre adjoint ; ils ne remplissaient point leurs fonctions d'après le règlement de 1208 ; ils tenaient leurs droits de la donation même de l'église de Notre-Dame aux moines de Saint-Melaine, d'après laquelle les religieux du prieuré étaient curés primitifs. Mais cette qualité de curés primitifs appartenait en commun et à titre égal à tous les moines ; donc, les révérends Joubin et Hodemon, exerçant d'après ce titre les fonctions curiales, ne pouvaient pas ne pas être entièrement égaux. — Leurs successeurs immédiats, quoique séculiers, suivirent fidèlement cette tradition ; et, dès lors, l'égalité passa en règle avec l'alternative. — Ainsi fut complètement établi, vers 1660, ce singulier régime ecclésiastique indiqué en commençant, qui se maintint à Notre-Dame et à Saint-Martin jusqu'à la Révolution.

 

XIV. — Inconvénient de l'alternative, moindre en pratique qu'en théorie.

Le principal inconvénient de ce régime, et qui d'ailleurs saute aux yeux, c'était (du moins il le semble) de rendre impossible dans chaque paroisse toute unité de direction et de gouvernement, — chaque paroisse ayant de fait deux pasteurs, complètement indépendants l'un de l'autre, et se relayant de semaine en semaine, comme pour avoir mieux moyen de se contrecarer, d'où devait résulter, ce semble, un dualisme incorrigible ou plutôt une anarchie véritable. A la vérité, la source de cet inconvénient était bien moins dans l'alternative que dans la complète égalité des deux pasteurs.

Mais ce qui a lieu de surprendre, et ce qui nous doit donner une haute idée du génie conciliant de nos devanciers, c'est que nulle part on ne trouve trace des luttes qu'un tel dualisme semblerait devoir faire éclater immanquablement. Nul ne se plaint de cette organisation, ni ne s'en étonne. Au contraire, une entreprise dirigée contre elle, dans le but de donner à chaque église un seul et unique pasteur, échoue après deux années sous la désapprobation muette mais générale, de la population vitréenne.

Nous voudrions pouvoir raconter ici en détail cet épisode vraiment curieux de l'histoire ecclésiastique de Vitré ; mais ce détail nous entraînerait trop loin. Du moins indiquerons-nous sommairement les faits, d'autant que nous y trouverons une confirmation intéressante et très-péremptoire des notions que nous avons essayé de mettre en lumière, — et par là nous terminerons cette notice.

 

XV. — Mgr. de la Vieuville, évêque de Rennes, entreprend de supprimer l'alternative sans y réussir, historique de cette affaire (1674-1676).

En 1669, Pierre Roulleaux et Pierre Duperron, tous deux prêtres séculiers, étaient, depuis de longues années déjà, recteurs alternatifs (à titre égal) et vicaires perpétuéls de Notre-Dame et de Saint-Martin de Vitré. Roulleaux demeurait au presbytère de Notre-Dame (Saint-Martin n'en eut jamais avant le Concordat), Duperron en sa maison, faubourg Saint-Martin. Pour leur commodité personnelle, ces deux recteurs firent, cette année-là, entre eux un arrangement important, qui modifiait fortement le régime de l'alternative, substituant à la période de huit jours une période de quatre ans. Roulleaux devait d'abord, pendant quatre ans, administrer Notre-Dame et payer à son confrère, desservant Saint-Martin, une somme annuelle de cent écus pour indemnité ; puis Duperron, durant les quatre années subséquentes, desservirait à son tour Notre-Dame, pendant que Roulleaux gouvernerait Saint-Martin et toucherait l'indemnité. Dans le cas de vacance de l'un des deux bénéfices, par mort, résignation, permutation ou autrement, cet arrangement était annulé de plein droit et le recteur restant en charge restitué au plein usage de l'alternative hebdomadaire. — En 1673, avant la fin des quatre premières années, Roulleaux résigna son bénéfice aux mains du présentateur, l'abbé de Saint-Melaine [Note : C'était alors Messire Jean d'Estrades, ancien évêque de Condom ; il tenait, bien entendu, Saint-Melaine en commende], qui, le 27 novembre 1673, en gratifia un certain Julien Vallet, aumônier de M. de la Vieuville, alors évêque de Rennes. Ce prélat, ayant résolu de détruire l'alternative des paroisses de Notre-Dame et Saint-Martin et obtenu à cet effet le consentement de l'abbé de Saint-Melaine, profita de l'ouverture offerte par le traité de 1669 entre Roulleaux et Duperron. Comme Vallet succédait à Roulleaux, qui depuis quatre ans faisait seul à Notre-Dame, les fonctions de recteur, l'évêque, dans ses lettres d'institution, lui donna exclusivement le titre de recteur de Notre-Dame, lui défendant de s'ingérer aucunement en l'administration de l'église Saint-Martin, et à Duperron de s'immiscer en celle de la paroisse Notre-Dame.

Duperron, par le titre de son bénéfice, était recteur à la fois de Notre-Dame et de Saint-Martin ; l'innovation de M. de la Vieuville lui eût enlevé les plus clairs et les plus productifs de ses droits ; aussi, loin de tenir compte de cette défense, il se présenta immédiatement à Notre-Dame pour faire sa semaine et remplir tous les devoirs de l'alternative hebdomadaire. L'évêque défendit alors à tous les prêtres habitués de la paroisse, au nombre d'une trentaine [Note : La plupart de ces prêtres étaient titulaires des diverses chapellenies desservies en l'église de Notre-Dame], de lui prêter aucune assistance au service divin, en sorte que pendant plusieurs mois, depuis la mi-janvier 1674, Duperron fut réduit, non-seulement à célébrer la messe paroissiale sans assistants, mais même, faute de chantres, à la dire simplement à basse voix. Le dimanche des Rameaux et toute la semaine sainte, il lui fallut faire l'office et procéder à ces grandes cérémonies sans autre aide que celui des enfants de choeur. L'évêque ne se contenta pas de cette sorte d'interdit. Outre son rectorat de Notre-Dame, Duperron tenait aussi une prébende de la Magdeleine de Vitré ; une bulle de la cour de Rome, du 23 novembre 1668, lui avait donné licence de cumuler ces deux bénéfices. Malgré cette bulle, l'officialité rennaise, par sentence du 10 mars 1674, déclara lesdits bénéfices incompatibles et le pauvre Duperron déchu de sa prébende. Le 17 du même mois, l'évêque rendit contre lui un décret en forme, portant désunion expresse des paroisses de Notre-Dame et de Saint-Martin et réduisant, pour tout bien, Duperron à cette dernière.

Tant de rigueurs eurent un résultat contraire à celui qu'on cherchait. A la vue de ce prêtre, qui depuis vingt ans prodiguait ses soins à la paroisse et que maintenant on abandonnait, comme un paria, au pied de l'autel, la population s'émut. A la vue des protestants, encore nombreux alors à Vitré, et qui tournaient ces querelles en risée, les catholiques s'indignèrent, et s'étant assemblés ils envoyèrent à l'évêque des députés pour le prier de lever les défenses faites aux prêtres habitués, « afin de mettre fin au désordre qui se commet, au grand scandale des paroissiens et même de ceux de la religion prétendue réformée, voyant que la grande messe parochiale n'est plus chantée ni le surplus du divin office célébré comme de coustume en cette paroisse, et que quelques sépultures se sont faites avec un seul prêtre, les autres n'osait y aller à cause des défenses ». L'évêque pourtant les maintint. Mais peu après, le prélat ayant lancé son décret de désunion et sollicité des paroissiens quelque marque publique d'approbation, ceux-ci (de Notre-Dame et de Saint-Martin) répondirent respectueusement, mais fort librement, n'avoir aucun intérêt en cette innovation, s'étant toujours très-bien trouvés de l'alternative sans y désirer de changement. En même temps ils redoublaient à Duperron les marques de leur intérêt, vantant sa vie exemplaire, sans aucune tache ni reproche, son zèle dans l'accomplissement de sa charge, etc.

Encouragé par ces sympathies, poussé à bout et, il faut bien le dire, fort de son droit, Duperron, le 31 mars 1674, se porta devant le Parlement de Bretagne appelant comme d'abus de la sentence de l'of­ficialité du 10 mars et du décret de désunion du 17 du même mois. Le prieur de Notre-Dame et les habitants de Vitré se joignirent à sa plainte. Le procureur-général (Charles Huchet) déposa, le 18 juillet, des conclusions de tout point favorables à sa cause. Il était clair désormais que le Parlement ne maintiendrait pas le décret de l'évêque ne pouvant plus espérer de vaincre dans cette lutte, le prélat s'employa du moins pour retarder l'arrêt. Il y réussit si bien qu'il trépassa avant de le voir rendre, le 20 janvier 1676, et cela mit fin au procès, d'autant que Vallet, fort peu rassuré lui-même sur la justice de ses prétentions, se hâta de se débarrasser de son bénéfice en le résignant à un prêtre appelé Jean Méhaignerie, qui ne l'accepta que sous la condition de l'alternative.

 

XVI. — Raisons alléguées en cette occasion contre l'alternative.

Ainsi, aux applaudissements de tout le monde, ou du moins de tous les intéressés, l'alternative triompha. Ce n'est pas toutefois pour le plaisir de constater son triomphe que nous avons rapporté les faits ci-dessus, mais pour en venir aux raisons qu'on fit à cette époque valoir pour et contre. — Nous ne nous arrêterons pas à ce qui, dans cette cause, tenait uniquement aux personnes ou aux circonstances accidentelles. Ainsi, il est évident que Duperron, régulièrement pourvu d'un bénéfice inamovible, n'en pouvait être dépouillé que pour cause d'indignité, par un jugement canonique. Il est sûr aussi que l'officialité de Rennes, en prétendant interdire un cumul de bénéfices formellement autorisé par la cour de Rome, était pour le moins outrecuidante. D'autre part, on peut être choqué de voir Duperron invoquer contre les décisions de son évêque l'autorité de la magistrature seulement, comme la centralisation politique avait dès lors interdit et la tenue des conciles provinciaux et l'appel direct à Rome, on ne voit pas trop où il eût pu exercer son recours sinon devant le Parlement, et d'ailleurs l'évêque ne déclina aucunement cette juridiction. Mais tout cela n'est qu'incident au débat ; venons au fond.

L'évêque, dans son décret du 17 mars 1674, déduisait ainsi qu'il suit ses griefs contre l'alternative : « En faisant notre visite, il y a quelques années, nous ne pûmes apprendre le relâchement des obligations curiales dans lequel s'entretenoient les recteurs ou vicaires perpétuels des églises de Saint-Pierre en Notre-Dame, située dans la ville de Vitré, de Saint-Martin au faubourg de ladite ville, sans en concevoir de la douleur, en ce que, chacun d'eux étant tenu de s'attacher à son église comme à une épouse spirituelle dont on ne peut sans crime détourner sa vue et ses soins, ils exerçoient alternativement leurs fonctions et pratiquoient entre eux une espèce de permutation renaissante de semaine en semaine, en sorte que celui qui avoit régi pendant une semaine l'une des paroisses l'abandonnoit alors à celui qui avoit administré l'autre et alloit prendre sa place, renouvelant ainsi chacun, de semaine en semaine, un divorce à son église, d'où naissoit le déplorable malheur que chacune de ces deux paroisses, pour n'avoir que des pasteurs alternatifs et ambulatoires, n'en avoit aucun véritable, et que les fidèles qui avoient confié la direction de leur conscience à la conduite de l'un d'eux se trouvaient souvent, par cette alternative, destitués de son secours au moment qu'ils en avoient le plus besoin ». — Par ces motifs, sans chercher à démontrer par des témoignages ou par des faits, l'inconvénient de cet usage : « Nous avons ordonné et ordonnons, conclut-il en son dispositif, qu'à l'avenir perpétuellement chacune desdites églises paroissiales de Saint-Pierre en Notre-Dame et de Saint-Martin sera régie par chacun son recteur ou vicaire perpétuel fixe et permanent, sans aucune alternative dans leurs fonctions ; et à cet effet, au cas que l'alternative ci-devant pratiquée eût été fondée sur quelque union desdites églises, nous l'avons révoquée et révoquons comme estant aujourd'hui contraire au bien desdites églises » (Archives de Notre-Dame de Vitré, boite B).

 

XVII. — Raisons alléguées pour sa défense.

Duperron répond : — L'alternative, vieille déjà d'un siècle et demi, a été introduite pour bonnes et justes causes, à savoir (comme nous l'avons dit plus haut), à raison de l'insuffisance du revenu de Saint-Martin pour y entretenir un recteur et un clergé suffisant ; or, cette cause subsiste encore en 1674. Quant aux prétendus inconvénients, s'ils existaient, les premiers intéressés à s'en plaindre seraient à coup sûr les paroissiens : « au contraire, les paroissiens ont déclaré par plusieurs délibérations produites au procès, qu'ils avoient toujours été bien servis pendant l'alternative et ne demandaient aucunement la désunion.... On ne peut dire en effet que, parce que les deux vicaires servent alternativement en deux églises voisines, ils soient obligés d'abandonner la direction des unes qui se sont confiées à leur conduite, puisqu'ils ont, comme tous les prêtres, un lieu de résidence assuré, et qu'ils servent indifféremment dans toutes les semaines ceux qui ont besoin de leur assistance ». En revanche, la désunion « ne peut être que très-préjudiciable aux paroissiens » et la raison en est simple ; car, « pendant l'alternative, chaque église sembloit avoir deux pasteurs et deux vicaires, qui se soulageaient l'un en l'absence de l'autre en tous les lieux où ils étoient appelés, au lieu que, si la désunion subsiste, il arrivera que y ayant plusieurs paroissiens de Notre-Dame hors la ville, ils pourront, la nuit ou dans les nécessités, être privés des sacrements, parce que le vicaire de Saint-Martin, ne les reconnaissant plus pour ses paroissiens, n'aura ni la qualité ni la volonté de les assister, comme auparavant le faisoient les deux vicaires, servant indifféremment, pendant l'alternative, en tous les lieux où la nécessité les demandoit ».

Voilà pour l'utilité. Quant à la question de droit : — Eh quoi, répond Duperron, vous avez cru désunir deux églises paroissiales ! Et vous nous reprochez d'abandonner, de huit jours en huit jours, notre épouse légitime, parce que, de semaine en semaine, nous passons du service de Notre-Dame à celui de Saint-Martin et réciproquement ! Mais vous vous trompez sur un point de fait capital, fondamental, et d'ailleurs incontestable. Il n'y a point ici, comme vous le pensez, deux paroisses distinctes : il n'y en a qu'une, Notre-Dame, dont Saint-Martin n'est qu'un membre, annexe ou succursale. Donc, vous ne pouvez aucunement désunir deux paroisses là où il n'y en a qu'une ; donc, en desservant successivement Notre-Dame et Saint-Martin, non-seulement nous ne nous détournons point de l'épouse légitime, mais nous ne faisons qu'accomplir plus entièrement toutes nos obligations envers elle, en prodiguant les mêmes soins au chef et aux membres. — cette réponse (que nous nous bornons à résumer) est à coup sûr péremptoire, pourvu toutefois que soit bien établie la qualité de succursale de Saint-Martin à l'égard de Notre-Dame. Nous en avons présenté ci-dessus des preuves authentiques, Duperron y en ajoute d'autres qui ne sont pas sans valeur.

Ainsi il remarque judicieusement que, Saint-Martin ayant toujours été gouverné [Note : Soit directement, soit par délégation irrévocable] par un des deux prêtres séculiers établis en 1208 pour le service de l'église Saint-Pierre, qualifiée église matrice, et paroisse de Vitré, Saint-Martin « n'a jamais eu de pasteur propre ni de recteur particulier », pas plus que de presbytère ; car avant le Concordat de 1801, il n'y en eut toujours qu'un seul pour les deux églises, celui-là même dont le règlement de 1208 avait stipulé la construction tout près de Notre-Dame. Mais la plus curieuse remarque de Duperron, c'est que l'église Saint-Martin était bâtie sur un fonds appartenant en propriété à la fabrique de Notre-Dame. Et le fait est rigoureusement vrai, car c'étaient les fabriciens de Notre-Dame qui affermaient le cimetière Saint-Martin, dans lequel est située l'église de ce nom, et qui en touchaient le loyer.

Duperron le prouve par un bail de 1665, et par une lettre de l'archevêque de Tours, de l'an 1400, portant que « le cimetière de la chapelle Saint-Martin était le cimetière de l'église matrice de Notre-Dame et que les paroissiens de Notre-Dame fournissaient aux réparations de ladite chapelle » [Note : Comme nous n'avons pas retrouvé l'original de cet acte de 1400, nous citerons le passage de Duperron qui le concerne. Il est tiré d'un écrit appelé Induction, contenant l'inventaire des pièces produites par lui au Parlement : « Et pour faire voir de plus en plus, dit-il, que Saint-Martin de Vitré n'a jamais été qu'une simple chapelle succursale, c'est que, en l'an 1400, le seigneur archevêque de Tours concéda plusieurs indulgences aux paroissiens de Vitré qui donneroient des aumônes pour la réédification de l'église ou chapelle de Saint-Martin ; — et [pour faire voir] que, dès le même temps, le cimetière de ladite chapelle étoit le cimetière de l'église matrice de Notre-Dame et que les paroissiens de Notre-Dame étoient ceux qui fournissaient pour l'entretien et réparation de ladite chapelle, — l'appelant, (Duperron) induit [c'est-à-dire produit] acte dudit effet du 20 juin 1400, par original, scellé sur vélin, coté M + »). Archives de Notre-Dame de Vitré, boite B]. Il y a plus, dit Duperron : « c'est que le reliquaire, où sont (en 1674) les ossements des corps morts des fidèles inhumés audit cimetière, appartient aussi aux paroissiens de Notre-Dame, qui en font faire les réparations à leurs frais, et il est à remarquer que ce reliquaire est engravé dans la muraille de l'église St-Martin » [Notes de Duperron, aux Archives de Notre-Dame]. Ainsi, le cimetière dit de Saint-Martin avait de tout temps appartenu aux paroissiens de Notre-Dame, avec son ossuaire, et sans doute, dans le principe, avec l'église elle-même, qu'ils réparaient à leurs frais. — Aussi, conclut Duperron, « tous ces faits justifient la dépendance de l'église de St-Martin envers celle de Notre-Dame, et l'on ne peut soutenir avec raison qu'une église qui n'a jamais eu de cimetière, ni de presbytère, ni de pasteur particulier, puisse être qualifiée paroissiale ».

Vitré (Bretagne): les paroisses de Vitré

On voit donc maintenant pourquoi l'entreprise de M. de la Vieuville contre l'alternative, inspirée par d'excellentes intentions, mais mal conçue en la forme, devait nécessairement échouer. Au lieu de désunir deux paroisses là où il n'y avait qu'une paroisse et une succursale, il eût fallu tout d'abord ériger la succursale en paroisse et en titre de bénéfice ; puis, à cette nouvelle paroisse et à son bénéficiaire assurer des ressources suffisantes pour subsister décemment, et alors, tout porte à le croire, l'entreprise eût réussi.

Après la mort de M. de la Vieuville, l'alternative se rétablit sans débat, et depuis lors jusqu'à la Révolution elle continua de subsister, sans avoir à soutenir aucune attaque et aussi, constatons-le, sans soulever aucune plainte.

 

XVIII. — Résumé et conclusion.

Nous avons recherché les causes de ce singulier usage de l'alternative ; cette recherche nous a amené à mettre en lumière un fait qui en atténue certainement la singularité : c'est que l'alternative ne s'appliquait point à deux paroisses distinctes, mais à une église matrice et à sa succursale. On vient de le voir, en effet, en 1674 aussi bien qu'au XVème siècle et au XIIIème, Saint-Martin était considéré comme une annexe et une dépendance de Notre-Dame. Voici donc, en bref, le résultat de cette étude sur les origines des paroisses de Vitré.

Notre-Dame, fondée vers le milieu du XIème siècle (1050 à 1060 environ), a été dans le principe l'unique paroisse du territoire immédiatement attaché au château de Vitré. — Au commencement du siècle suivant (vers l'an 1110), un petit coin de la paroisse Notre-Dame en fut distrait, par concession des prêtres de cette église, pour faire une seconde paroisse au profit du prieuré de Sainte-Croix, fondé vers 1070. — Saint-Martin n'était alors qu'une chapelle de secours pour le soulagement des paroissiens de la banlieue de Notre-Dame, mais sans attribution de territoire. Elle n'eut de fonts baptismaux qu'en 1434, et trois ans après seulement (au commencement de 1437), elle fut érigée en succursale régulière de Notre-Dame avec assignation de territoire. — Cet état de choses subsista jusqu'au Concordat de 1801.

Vitré Le général de la paroisse de Saint-Martin de Vitré.

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