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CAHIER DE DOLÉANCES DE PLOUGRAS (et ses trèves de LOGUIVY et de LOHUEC)

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Subdélégation de Morlaix. — Département des Côtes-du-Nord, arrondissement de Lannion, canton de Tréguier.
POPULATION. — En 1789, 490 feux, avec les trèves de Loguivy et de Lohuec (Procès-verbal) ; — en 1793, Loguivy-Plougras avait 2.107 hab. Plougras 807 hab. et Lohuec 813 hab. (D. TEMPIER, Rapport... au Préfet, dans le volume du Conseil général des Côtes-du-Nord, 3ème partie, pp. 161 et 163).
CAPITATION (paroisse et trèves). — Total en 1770, 3.630 l. 1 s. 7 d., se décomposant ainsi : capitation. 2.392 l. 6 s. ; 21 d. p. I. de la capitation, 209 l. 6 s. 7 d. ; milice, 319 l. 7 s. 9 d. ; casernement, 585 l. 1 s. 3 d. ; frais de milice 124 l. (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 3981).
VINGTIÈMES. — En 1788, 1.136 l. 6 s. pour Plougras ; 779 l. 19 pour Lohuec ; 2.284 l. 1 s. pour Loguivy.
FOUAGES (paroisse et trèves). — 71 feux 1/4. — Fouages extraordinaires, 1.347 l. 6 s. 3 d.

OGÉE. — A 8 lieues au S.-0. de Tréguier ; à 31 lieues de Rennes ; à 5 lieues de Morlaix. — 3.000 communiants, y compris les trêves. — Ce territoire est un pays couvert, qui renferme des terres bien cultivées et beaucoup de landes.

PROCÈS-VERBAL. — Assemblée électorale, le 2 avril 1789, au lieu ordinaire des délibérations, sous la présidence de François Le Foll, « pourvu de provision de sénéchal des juridictions de Guerlesquin. Le Menez et annexes », et doyen des procureurs de ces juridictions ; adjoint, Pierre Péron, commis. — Comparants : Jean Legoff ; Yves Le Lagadec ; M. Derien ; Buhot de Kersers [Note : Ce personnage est peut-être le père ou le frère de François-Marie Buhot de Kersers, né à Plougras en 1764, prêtre assermenté, puis agent national à Guerlesquin en 1794, et finalement condamné comme anarchiste en l'an VIII (R. KERVILER, Bio-bibliogrsphie bretonne. T. VII. P. 116). ] ; Jean Lozach ; Péron ; Guillaume Denu ; Yve Lecam ; Claude Guinement ; Yve Leneuder, syndic ; F. Legoff ; P. Le Gall ; Claude Guinement ; Pierre Thépaut ; François Jaouanet ; Lecornec ; Rospabu ; Lenornet ; René Le Gall  Le Coz ; Yves Creff ; Francois Salaün ; Yves Boëc ; Le Guillerm fils, pour lui et son père ; Et. Roper (?) ; R. Barbier ; J. Lohou ; Alain Denis ; M. Assichou (?) ; Laurent Poho ; F. Lefustec ; Léon ? Lefustec ; G. Prigent ; François Lefustec ; J. Goudet ; Yves Leneuder, syndic ; R. Person ; L. Balch ? Députés : Guillaume-Gabriel Le Coz, pour la paroisse de Plougras ; Pierre Péron, pour la trève de Lohuec ; Yves Le Boëc et René Le Gall, pour la trève de Loguivy.

 

Cahier de doléances, plaintes, remontrances et demandes du général de la paroisse de Plougras, Loguivy et Lohuec ses trèves…

Ayant entendu à différentes reprises lecture en français et explication en breton des dites lettres, règlement et ordonnance, a unaniment déclaré faire ici ses remerciements très sincères, tant à Messieurs les députés du Tiers Etat qu'aux corporations de Rennes, de lui avoir fait connaître et à tous les habitants de la province avec combien d’injustice les innocents et crédules cultivateurs, ainsi que le peuple des villes, ont été jusqu'à présent accablés ; ils croyaient de bonne foi que les corvées et les impôts dont on les surchargeait émanaient du gouvernement dont ils respecteront toujours les décrets ; leur ignorance est provenue de ce qu'ils sont privés de l'avantage de se faire représenter aux Etats de la province, d'y exposer leurs griefs et d'en demander le redressement. Heureux que la résistance des deux premiers ordres de l'Etat à une juste et égale répartition des subsides, qu'exige la situation des affaires du royaume, ait déchiré le voile et fait connaître à tous les habitants de la campagne leurs droits comme hommes et comme citoyens ; on ne peut plus résister à l'évidence de l'injustice qu'il y a eu de charger gratuitement le Tiers Etat, et surtout les cultivateurs, cette classe de sujets aussi indigente que précieuse à l'Etat, de percer, former et d'entretenir les grands chemins, de charroyer les bagages et troupes à un prix très modique, de payer exclusivement les tailles et fouages et casernement, de loger les troupes à leurs passages ; à l'injustice encore de répartition de la capitation et des vingtièmes, à l'oppression d'une foule de malheureux qui couvrent la campagne, dont le patrimoine presque unique est la misère, la douceur et l'honnêteté. Considérant encore que la personne et les biens de chaque sujet est auprès de son Roi ce que son âme est à la divinité, qu'il doit par conséquent contribuer aux charges et aux besoins de l'Etat, à proportion de ses forces et de ses biens, comme il doit rendre à Dieu le culte proportionné au talent qu'il en a reçu ;

L'assemblée a arrêté d'un avis commun et general :

1° — Qu'elle adhère à tous les arrêtés et précisions du Tiers Etat et corporations des villes et paroisses de Rennes et autres y réunis, en priant Messieurs les députés d'en solliciter l'exécution de toutes ses forces, auprès de Sa Majesté, reconnue à plus d'un titre pour le père du peuple.

2° — L'assemblée supplie Messieurs les représentants de la Bretagne aux Etats généraux de solliciter de la bonté paternelle du Roi la suppression du droit de franc-fief en Bretagne, comme un reste de l'ancienne anarchie féodale.

3°— Les seigneurs de fiefs ont fait juger par différents arrêts les propriétaires des terres voisines à la réparation des chemins de traverse ; cependant, ce sont eux qui ont tous le profits des fiefs, tels que les amendes, lods, ventes, rachats, arbres des dits chemins et les perrières qui s'y trouvent et autres émoluments ; ainsi les dits seigneurs doivent réparer les dits chemins ou céder les produits aux dits propriétaires (1).

[Note : Dans le minu rendu le 8 juin 1770, après la mort de Louis Pelletier, marquis de Rosambo, il est spécifie que le seigneur de la châtellenie du Menez, en Plougras, a tous droits de justice civile et criminelle, foi, hommage, chambellenage, lods, ventes, rachats, et que les chef-rentes sont payables au 14 septembre, à peine de 15 s. d'amende (Arch. des Côtes-du-Nord, E 926). Le minu rendu en 1753, pour la succession du comte de Goësbriand, mentionne la remise habituelle du quart dans les lods et ventes et donne l'énumération des tenues sujettes au rachat (Ibid.)].

4°— Les seigneurs de fief sont presque les seuls qui aient du bois dans cette contrée, et son vassal ne peut faire ni charrette, ni charrue, ni autres ustensiles nécessaires à l'agriculture, qu'en les achetant des dits seigneurs à un très grand prix. C’est ici un pays à domaine congéable, et les seigneurs fonciers jouissent de toutes espèces d'arbres et plants, même dessus le superficiaire, qui appartient au vassal, tel que les bois qui se trouvent sur les fossés des convenants qui sont à la charge des domaniers et qui leur appartiennent depuis la racine jusqu'au sommet. Cependant, les domaniers ont élevé ces bois, et doivent leur appartenir. Autre inconvénient arrive en privant les pauvres domaniers des bois, parce que ce pays, rempli de rivières, manque de ponts et chaussées, et cela parce qu'ils n'ont pas de quoi les réparer, ce qui cause beaucoup de malheurs dans cette contrée, et les seigneurs, qui emportent presque tout, ne contribuent en rien.

[Note : Dans leur pétition du 5 Janvier 1790 pour la suppression du domaine congéable, « espèce de féodalité très aggravante au peuple breton », les habitants de Loguivy diront : « Nous élevons les bois sur les terres congéables, et les nobles nos seigneurs nous les enlèvent... » (Arch. Nat., D XIV 3). De fait, le minu Le Pelletier de Rosambo, cité dans la note précédente, déclare formellement que, dans les seigneuries de Keradennec et du Menez, « le seigneur avouant est propriétaire de tous les terrains vains, vagues et déclos, des arbres y plantés, ainsi que de ceux plantés dans les chemins avis les terres qui relévent soit en fief ou à domaine dudit fief, sans aucune réservation » (Arch. des Côtes-du-Nord, E 926). Si le seigneur du Dresnay autorise le domanier du convenant Jezequel au Quenquis à abattre trois pieds de chêne sur les fossés de ce convenant pour la réparation de sa maison, c'est à la charge de planter six jeunes pieds de la même essence (Ibid., E 1747, bail du 22 août 1769). — En ce qui concerne la rareté du bois dans la région, le subdélégué de Morlaix remarque, dans son rapport du 3 novembre 1783, que, s'il y a dans son département les grands bois de Relecq, de Coëtlosquet et de Coatcanscour, « la mine de Poullaouen est un gouffre qui absorbe tout. Il se construit très peu de batiments dans notre port et la disette force nos armateurs à faire construire au Havre, Saint-Malo et Redon. Nous ne manquons point de bois de chauffage ….. Si la disette du bois de construction manque (sic), c'est que l'on n'a point été aussi attentif à replanter que l'on a mis d’ardeur à abattre. Quant à la cherté du bois, elle est vennue à Morlaix subitement et accidentellement ; les Etats de 1772 en sont la cause ; la corde de bois doubla presque dans cet hiver, parce que l’événement n’était point prévu ; il n’a point descendu depuis et ne va qu’en augmentant … ». Dans la subdélégation de Callac, dans le voisinage de laquelle se trouve Plougras, on observe la même disette de bois ; la consommation et le prix ont augmenté depuis vingt ans ; la consommation est environ double de la production, et cela s’eplique en grande partie par la présence des forges de Rohan et des mines de Poullaouen et de Coatannos, par la négligence qu’apportent les propriétaires à semer et à replanter après les coupes, et par la liberté trop grande qu’on laisse aux riverains de faire pâturer leurs vaches dans les jeunes coupes ; « à l’égard des domaines congéables, dessus lesquels les arbres et plants appartiennent aux seigneurs fonciers, on croit, dit le subdélégué Even, que le moyen de conserver ces arbres et plants serait d’en accorder une part, lors des ventes, ou de priser cette part quelconque, lors des congéments, aux colons qui en auraient soin et de punir ceux qui les dégraderaient…. ». Même remède proposé par le subdélégué, de Lannion, Le Bricquir Du Meshir, dont le département touche aussi le territoire de Plougras : « La tenure la plus commune est le domaine congéable. Tous les bois, à l'exception du mort bois, des taillis et des émondes, appartiennent au seigneur foncier, qui dispose de celui même que les colons domaniers ont plante et élevé. Qu'on accorde aux colons le sixième des bois émondabies qu'ils auront plantés sur leurs haies, le quart des bois non émondée qu'ils planteront dans les issues voisines de leurs convenants et dans l'intérieur de leurs champs susceptibles de culture. D'un côté les seigneurs y gagneront, et de l'autre l'intérêt des convenanciers les excitera à la plantation. La loi serait donc juste, au lieu qu'aujourd'hui le seigneur foncier décourage ses vassaux en s'appropriant tous les arbres par eux plantés, et les haies restent nues, après avoir été autrefois très garnies... » (Arch. d’Ille-et-Vilaine C 1634)]. 

5° — L'assemblée supplie encore Messieurs les députés de solliciter l'extinction des suites de moulin, comme un des droits le plus à charge au public, et un sûr moyen de les voler impunément, au lieu que, si le public était libre de moudre où il voudrait, il s'adresserait au meunier le plus honnête.

[Note : La pétition, déjà citée, du 5 janvier 1790 contient la même plainte ; elle demande à l'Assemblée nationale d'aider les habitants de Loguivy à se tirer « de la gueule du noble et des mains pesantes des meuniers, qui prennent souvent au lieu du 1/16e le 1/8e , souvent le quart et quelquefois le tiers » (Arch. Nat. D XIV 3). Le moulin du Prat, dépendant de la seigneurie du Dresnay, avait été affermé 300 l. en 1718 et 270 l. en 1762 ; en 1787, il fut baillé à domaine congéable, avec « les moutaux, sujets, detraignables et aventuriers », par le marquis de La Fayette à Yves et Tugdual Guynamant, moyennant 340 l. de rente convenancière et une commission de 1.100 l., payable en deux ans ; il était stipulé que les preneurs seraient « congédiés et expulsés desdits droits avant l'échéance des neuf années d'assurance, si douze hommes des principaux détraignables dudit moulin forment ensemble des plaintes sur leur compte » (Arch. des Côtes-du-Nord, E 926 et 1748). La seigneurie du Menez possédait la moitié du moulin du Guic qu’elle, affermait 209 l. en 1753 (Ibid., E 926, Minu de M. du Plessix pour la succession de Goësbriand). Quant au droit de suite de moulin sur les habitants des lieux de Keraupont et de Garsmorva en Plounevez, il était affermé, en 1770, moyennant 15 l., à Ch. Guillon, meunier du moulin de Toulguidou (Ibid., Minu Le Pelletier de Rosambo). Le moulin de Keradennec, dépendant de la seigneurie du même nom, était affermé 270 l. en 1749 et en 1755, et le bail du 28 septembre 1765 maintint le même prix (Ibid., Minus Du Plessix et Le Pelletier de Rosambo). Le moulin de Trogorre, dépendant de la seigneurie de Trogorre, était affermé 300 l. en 1753 (Ibid., Minu Du Plessis). Le moulin Connan, en Plongeas, avec ses sujets de Guerlesquin, Plougras et Plounérin, était affermé 225 l. par un bail du 29 mars 1767, avec déduction d'un tiers pour les réparations. Ajoutons que le marquis de Rosambo, qui en était propriétaire, jouissait du droit de suite de moulin sur les lieux et convenants relevant en proche fiel du duché de Penthièvre dans les paroisses précédentes (Ibid., E 926, Minn Le Pelletier de Rosambo)].

6° — Demande la suppression des corvées seigneuriales, et, en événement qu'elle ne fût accordée, que les seigneurs ne l'exigent qu'en espèce et non en argent.

[Note : Dans l'étendue de la seigneurie du Dresnay, les corvées ordinaires étaient depuis de longues années, estimées 12 l. par an, et elles étaient payables en nature ou en argent à l’option du seigneur (Arch. des Côtes-du-Nord, E 1747 et 1748, aveux de 1770-1788)].

7° — L'assemblée supplie encore MM. les députés de solliciter de toutes leurs forces la suppression des domaines congéables comme le plus grand fléau dans cette contrée, en occasionnant les plus grands malheurs, tels que meurtres, incendies et la ruine de presque toutes les familles et la dissension et malice au lit de la mort. La veuve et l'orphelin jouissent d’une petite portion dans un convenant à domaine congéable et vivent à l'abri de cette petite portion ; la faculté de les congédier est accordée ; il ne leur reste ni blé, ni autres denrées pour les faire subsister, ni maison pour les loger.

[Note : Dans leur pétition, déjà citée, du 5 janvier 1790, les habitants de Loguivy s'étendent longuement sur les inconvénients du domaine congéable : « Veuillez bien, Messieurs, remarquer que la faculté de congédier que donne un noble au demandeur en congément lui coûte une somme de 300, 400, 500 et jusques à 600 l. ; les frais pour juger ce congément coûtent 180 l. ; les trois priseurs emportent chacun 150 l., qui font un total de 900 à 1.200 l. Par conséquent, un convenant qui ne sera prisé que 6.000 l., la cinquième ou sixième partie du total de la somme dudit convenant reste entre les mains des nobles et de MM. les priseurs, qui ont jusqu'à présent vécu aux dépens de nos biens et de notre vie...». Les pétitionnaires résolurent de mettre leur désir à exécution quand, en mars 1791. Hervé-Louis Bilouard de Lagadec voulut congédier un de ses domaniers, G. Prigent, qui était alors procureur de la commune ; la municipalité prit alors fait et cause pour le domanier congédié et, par une délibération du 27 mars, elle déclara « s'opposer à toute exploitation et congément jusqu'à la décision définitive de l'Assemblée Nationale ». Cette délibération fut annulé comme illégale par le Directoire du district de Lannion. Voy. sur tous les détails de cette affaire l'intéressant chapitre que lui a consacré M. Léon DUBREUIL, La Révolution dans le département des Côtes-du-Nord, pp. 67-103. — De son côté, la municipalité de Lohuec (ancienne trêve de Plougras) adhérait, le 14 septembre 1790, à la pétition du district de Guingamp et demandait la suppression du domaine congéable : « Les trois-quarts des pauvres de cette contrée, disait-elle, ne doivent leur misère qu'a cet odieux droit…, l’honnête laboureur n'a point le courage, et même ne le peut, à défricher des terres froides immenses qui se trouvent surtout dans ce parage, parce qu'en le faisant ce serait donner la voie de la congédier plus tôt... Si on voyait un convenant bien cultivé, il est presque assuré d'être congédié ou bien le colon sera obligé de payer au seigneur foncier une somme exorbitante qui le fera tomber dans la misère. Devient-il indifférent à ce seigneur foncier en voulant marchander pour cette commission, ce dernier, deux jours après qu'il a donné assurance à son colon, en consent une autre à une tierce personne et ce souvent pour la moitié moins.. Ce pays abonde en mendiants et ils augmenteront toujours pendant que ce droit infernal subsistera, et qui n’avait que très peu de cours dans ce canton il y a trente ans, et depuis nous attestons que les mendiants et vagabonds sont augmentés des trois quarts… ». Ce droit a entraîné la ruine de presque toutes les familles, et « ce que nous appelons aujourd’hul convenant à domaine congéable n’était lors de sa premières concession, que des franchises et des landes remplies de roncières et de rochers. C’étaient des convenants appartenant aux riverains » (Arch. Nat ., D XIV 3)].

8° — Les seigneurs de fief ont, dessus les convenants, outre leurs rentes et corvées, la dîme seigneuriale à raison de la onzième et douzième gerbes ; ce droit est très odieux dans cette contrée, que un pauvre laboureur, qui ait en tout la peine, fût obligé de donner la onzième et douzième gerbes de leur blé.

[Note : Tous les aveux rendus à la seigneurie du Dresnay mentionnent, en effet, que les tenanciers doivent la dîme seigneuriale à la douzième gerbe, « celle ecclésiastique comprise » (Arch. des Côtes-du-Nord, E 926. 1747 et 1748). La dîme seigneuriale du Menez, qui se percevait à la douzième gerbe dans la majeure partie de la paroisse de Plougras, était affermée 62 l. en 1749 et 100 l. en 1769 (Ibid., E 926, Minus Du Plessix et Le Pelletier de Rosambo). La dîme seigneuriale de Keradennec, perçue à Loguivy et à Plougras, s'affermait 33 l. en 1736 et 98 l. en 1767-1786 (Ibid., E 926, mêmes minus, et E 1843). La dîme seigneuriale de Trogorre avait été affermée 84 l. en 1749 (Ibid., E 926, Minu Du Plessis). Mentionnons enfin que, dans diverses terres tenues en fief de la commanderie du Palacret, cette commanderie percevait des dîmes à la sixième gerbe, à la septième ou « de vingt gerbes trois » (Ibid., série H, Terrier du Palacret, fol. 687 et suiv.)].

9° — Les recteurs de ces pays perçoivent les dîmes et prémices dessus tous les convenants de sa paroisse cumulativement ; cependant il paraît à l'assemblée qu'il ne leur serait dû qu'un de ces droits, et elle prie aussi les députés aux Etats généraux de solliciter un règlement général à ce sujet.

[Note : Les aveux, qui énoncent les charges dont sont grevées les terres pour lesquelles ils sont rendus, mentionnent à part les pièces ou les domaines exempts de dîmes, et indiquent généralement qu'ils doivent des prémices : ainsi, un aveu rendu en 1788 au marquis de La Fayette, seigneur du Dresnay, déclare que les avouants doivent, sur les convenants qu'ils occupent, la dîme seigneuriale à la douzième gerbe, « celle ecclésiastique comprise, à l'exception de Parc Bian, qui est exempt de dîme et chargé d'un boisseau de seigle de prémice envers M. le Recteur de Plougras » (Arch. des Côtes-du-Nord. E 1747) ; parmi les biens tenus en fief de la commanderie du Palacret à Loguivy, le Parc Nicolas est exempt de dîme, mais il doit une demi-rennée de blé au recteur pour prémices (Ibid., série H, Terrier du Palacret, fol. 688). D'autre part, dans sa déclaration du 3 décembre 1790, le recteur de Plougras, Ellis, mentionne, parmi les revenus de sa cure, la « dîme ecclésiastique à la trente-sixième gerbe sur presque (car MM. de Malte ont des dîme en Loguivy, s'ils n'en ont pas à Plougras) tous les blés de la paroisse, comme seigle, blé noir ou sarrazin et avoine, et sur les productions du pays, excepté dans les terres sujettes à la prémice ». Ces dîmes rapportaient alors 1.273 l. à Loguivy, 346 à Plougras et 440 l. à Lohuec, soit au total 2.059 l. Quant aux prémices, elles rapportaient 285 boisseaux de blé, ce qui, à l'apprécis de 3 l. le boisseau, faisait 855 l. ; « les prémices ci-dessus, observait le recteur, ne se perçoivent qu'en Plougras et Loguivy ; à Lohuec, il n'y a point, au dire des habitants, de terres exemptes de dîmes... ». Les dîmes et les prémices de Loguivy furent affermées 606 l. par la municipalité, le 25 juillet 1790. Le recteur jouissait, en outre, du tiers des offrandes, qui valait environ 100 l. Le revenu total de la cure était donc de 3.111 l., outre la jouissance du presbytère. Les charges montaient à 2.230 l., savoir : célébration de 70 messes, 210 l., décimes, 150 l. ; pension de trois curés (ou vicaires), à raison de 350 l. l'un ; entretien du chœur, du chanceau et du presbytère dans la paroisse et ses trêves, 300 l., etc. (Ibid., Lv. 19). ? Les chevaliers de Malte, auxquels fait allusion la déclaration du recteur, possédaient à Loguivy le manoir de Toulguidou, dépendance de la commanderie de La Feuillée (membre de la Feuillée) : ce domaine se composait, à la fin du XVIIème siècle, de quatorze tenues à convenant et d’une petite dîme (GUILLOTIN DE CORSON , Les Templiers .... en Bretagne, p. 25)].

10° — Tous les dits habitants désirent que tous les abbés qui ont des abbayes royales, pour accélérer la restauration du Trésor public, Sa Majesté soit suppliée de retenir au profit de la caisse des parties casuelles les revenus de tous les bénéfices en général qui ne sont point à charge d'âmes, même la suppression des dites abbayes et de les réduire à une pension viagère, avec défense de prendre de novices dans les dits monastères ; Sa Majesté trouverait dans ses abbayes beaucoup de bois pour sa construction.

11° — L'assemblée supplie Messieurs les députés aux Etats généraux de demander d'établir des sénéchaussées royales dans les villes où il y a foires et marchés toutes les semaines, et que l'arrondissement de ces sénéchaussées soit le même que l'arrondissement des contrôles, ce qui accélérerait le jugement des affaires, et que les dites sénéchaussées pourraient juger définitivement jusqu'à cent livres, et que les appels ressortiraient nûment au Parlement.

12° — Les greffiers de ce pays ruinent encore la veuve et l'orphelin, et un inventaire fait du consentement des parents par tout autre devrait être aussi bon sans ministère de greffier.

13° — Que les membres du Tiers Etat participent avec ceux de la noblesse aux places et bénéfices ecclésiastiques, à toutes les charges de la magistrature, aux grades et marques d'honneur militaires, pensions et récompenses y attachées, suivant le mérite, le talent et les vertus que Sa Majesté leur connaîtra.

14° — Depuis les deux dernières [années], le public de cette province a levé six cent mille francs pour la réparation des grands chemins, et les corvoyeurs n'ont point discontinué d'y travailler gratis et à leurs dépens ; on demande l'emploi de cette somme ; auparavant, on n'avait non plus reçu aucun salaire.

[Note : La tâche de cette paroisse et de ses trèves était assignée sur la route de Rennes à Brest ; en 1788, celle de Plougras était longue de 803 toises et avait son centre à une lieue 3/4 du clocher ; celle de Loguivy était longue de 1.204 toises et avait son centre à une lieue 1/2 du clocher ; celle de Lohuec était longue de 452 toises et avait son centre à deux lieues 1/2 du clocher (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 4883). — C'est le 16 janvier 1787 que les Etats de Bretagne avaient décidé de faire lever 10 s. d'augmentation sur chaque pot d'eau-de-vie et d'affecter le produit de cet impôt au soulagement de la corvée ; la répartition en a été faite entre les neuf évêchés au marc la livre et en proportion de la quantité de lieues de routes use comportait chacun d'eux. Le produit total a été de 90.945 l. 6 s. 3 d. en 1787, 128.624 l. 15 s. en 1788 et de 133.768 l. 12 s. 4 d. en 1789, soit, pour les trois années, la somme globale de 331.381 l. 13 s. 6 d., sur laquelle 24.195 l. 10 s. 3 d. ont été attribuées à l'évêché de Tréguier. Pour la répartition de cette somme à l'intérieur de l'évêché, la Commission diocésaine de Tréguier a décidé de l'appliquer aux parties de routes « qui, se trouvant sur un mauvais fond, exigent plus de travail pour leur entretien ; à celles où il n'y a pas de matériaux de bonne qualité à proximité ; à celles qui, étant par leur position extrêmement fréquentées sont sujettes à des réparations continuelles ; à celles où les corvoyeurs, par disette de paroisses, ont une tâche très longue eu égard à leur capitation ; enfin, à celles dont les corvoyeurs sont fort éloignés de leur travail ». Un tableau dressé, le 17 janvier 1788, d'après ces considérations, par l'ingénieur Anfray ne prévoit d'indemnités, sur la route de Paris à Brest, que pour les paroisses de Goudelin, Bringolo et Plouaret (Ibid., C 4736)].

15° — Les délibérants adhèrent par répétition à toutes les charges, doléances et demandes déjà formées par les députés du Tiers Etat à la dernière tenue, dont il ne serait pas fait mention ci-devant.

Les malheureux esclaves de la paroisse de Plougras et ses deux trèves Loguivy et Lohuec payent annuellement pour tailles, fouages, garnison et nouvel acquêt la somme de deux mille huit cent huit livres, deux sols, deux deniers, ci : 2.808 l. 2 s. 2 d. De vingtièmes, quatre mille deux cent trente livres, six sols, ci : 4.230 l. 6 s. De capitation, trois mille huit cent vingt-trois livres, dix-neuf sols, un denier, ci : 3.823 l. 19 s. 1 d. TOTAL : 10.862 l. 7 s. 3 d.

Tel est leur arrêté sous leurs seings et celui du commis, ce jour deux avril mil sept cent quatre-vingt-neuf.

[44 signatures, dont celle du président Le Foll].

(H. E. Sée).

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