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L'ANCIEN HÔTEL-DIEU DE NANTES ou HÔPITAL DE L'ERDRE

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L'établissement qui se nomme aujourd'hui l'Hôtel-Dieu n'a pas toujours occupé la prairie de la Madeleine, ni présenté les apparences de splendeur qui s'étalent à nos yeux. Ses commencements ont été très-modestes et ses développements très-lents n'ont progressé qu'après la suppression des aumôneries rivales. Ses origines se rattachent à une petite aumônerie sise dans la rue du Port-Maillard, près du couvent des Jacobins, placée sous l'invocation de Notre-Dame-de-Pitié. Cette maison, qui est la première institution de charité fondée et patronée par les bourgeois de Nantes, n'existait pas avant le XIVème siècle, c'est du moins ce qui paraît résulter d'un acte de donation de 1357, conservé au chartrier des Jacobins, dans lequel il est fait mention d'un immeuble sis « jouxte la nouvelle aumônerie ou hospital » (Série H. Arch. départ.). Il faut s'en tenir à cette indication, car, malgré les investigations les plus minutieuses, je n'ai pu découvrir aucune pièce qui me permette de fournir des données plus précises sur l'origine de Notre-Dame-de-Pitié.

Il y a longtemps que les archives municipales sont dépourvues de tout renseignement à cet égard. Les directeurs de l'Hôtel-Dieu, établi sur la prairie de la Madeleine, que se sont toujours regardés avec raison comme les successeurs des gouverneurs des hôpitaux de l'Erdre et du Port-Maillard, ont en vain tenté au dernier siècle de s'éclairer sur cette question. Lorsqu'en 1779, ils sollicitèrent au Conseil d’Etat des lettres-patentes de confirmation, leurs commissaires, à bout de recherches, furent réduits à déclarer que l'Hôtel-Dieu passait pour très-ancien, mais qu'on n'en connaissait pas la fondation (Registre de délibérations de l'Hôtel-Dieu). Quelle que soit la rareté des sources d'information, les documents relatifs aux autres aumôneries nous en apprennent assez pour affirmer que la maison du Port-Maillard occupait un rang très-secondaire dans l'assistance publique et qu'elle ne méritait pas le nom d'Hôtel-Dieu, tel que nous l'entendons aujourd'hui. Le principal hospice des malades jusqu'en 1500, fut celui de Saint-Clément ; il ne restait donc à celui-ci qu'une minime partie de la population indigente à secourir. C'était une sorte d'hôtellerie assez semblable à l'asile de Saint-Julien, où quelques incurables venaient passer la nuit après avoir mendié leur pain toute la journée dans les rues de la ville. La générosité des bienfaiteurs s’intéressait si peu à l'accroissement de Notre-Dame-de- Pitié, que cette maison ne parvint pas à se constituer la moindre dotation dans le cours de deux siècles. Une requête de 1532, que j'ai déjà plusieurs fois invoquée, accuse formellement que l'hôpital des bourgeois n'avait pas de revenus à la fin du XVème siècle. Dans les nombreux testaments qui me sont passés sous les yeux, je n'ai pas vu figurer la mention d'un seul legs en sa faveur ; tous les dons allaient à Saint-Clément, à Toussaints et à Saint-Lazare.

A la fin du XVème siècle, les fosses du château ayant été reconnus trop étroits pour les besoins de la défense, la reine Anne prit le parti d'éloigner l'un des deux établissements qui touchaient sa résidence. Entre le voisinage d'un asile de malheureux affligés d'infirmités et celui d'une communauté d'hommes voués à l'étude et au service de Dieu, son hésitation ne fut pas longue. Elle entra en arrangement avec les « principaiulx personnages représentans le corps mystique de la dicte ville ; » et après avoir obtenu une pleine et entière cession de droits, elle annexa l'hôpital de Notre-Dame-de-Pitié au couvent des Jacobins (1499), pour dédommager ces religieux du cimetière qu'elle leur avait enlevé au chevet de leur église (Chartrier des Jacobins - série H. Arch. départ.).

Le contrat était à peine conclu, que la ville reçut l'invitation de pourvoir aux moyens d'évacuer l'hôpital du Port-Maillart, dans le plus bref délai. Aucun édifice n'étant préparé pour recevoir les pauvres, le Conseil de ville fut obligé de prendre à loyer quelques maisons, près de la commanderie Sainte-Catherine.

On choisit, pour reconstruire l'Hôtel-Dieu, un emplacement sur la rive gauche de l'Erdre, près du confluent de cette rivière et de la Loire, dont la superficie présentait une façade d'environ 53 mètres, sur une profondeur à peu près égale. Ce terrain circonscrit aujourd'hui par les rues du Vieil-Hôpital et du Pas-Périlleux, par les quais Flesselle et Jean-Bart, ne rachetait son exiguité par aucun avantage hygiénique ; au contraire, il se trouvait dans l'une des positions les moins salubres de la ville. Beaucoup plus bas qu'aujourd'hui, de deux mètres, ce terrain était sujet à des inondations fréquentes et de son fond fangeux s'échappaient des effluves méphitiques, dont les funestes effets étaient aggravés par le voisinage des murs de fortification. Du côté de l'ouest, les vents apportaient les émanations du cimetière de Sainte-Catherine, qui, réunies aux miasmes des marécages de l'Erdre, composaient autour de ce lieu une atmosphère pestilentielle. Un hôpital établi dans de pareilles conditions devait être plutôt un foyer d'infection pour la ville qu'une maison propre à rendre la santé aux malades ; il est du moins très-douteux qu'il ait diminué les cas de mort, dans les épidémies si nombreuses du XVIème siècle.

Comprimée dans l'étroite ceinture de murailles derrière laquelle elle était obligée de s'abriter, la ville de Nantes n'avait pas alors de nombreuses places disponibles et si le Conseil des bourgeois adopta cet endroit, malgré tous ses inconvénients, c'est qu'il y fut forcé par la nécessité.

Commencés en 1503, les bâtiments ne furent achevés qu'en 1508, sous la direction de Guillaume Patissier que les éleva sur des caves voûtées à la hauteur d'un étage au-dessus du rez-de-chaussée, en ayant soin de réserver au nord et au sud des espaces qui furent convertis en jardins [Note : Les habitants furent autorisés à employer quelques deniers d'octroi à la construction du nouvel hôpital, car il n'avait aucun revenu]. La chapelle ne fut construite avec son clocher qu’en 1516. S'il faut en croire les considérants d'un arrêt de 1582, l'ensemble des constructions formait un somptueux édifice.

Pour déterminer le chiffre de la population que pouvait contenir le nouvel Hôtel-Dieu, j'ai en vain cherché des documents positifs ; il ne nous reste que des registres de décès, dont le plus ancien remonte à 1604. Le docteur Maréchal, qui les a compulsés, a déduit de ses calculs que la moyenne ordinaire des pensionnaires devait être de 139. Ce chiffre approximatif est supérieur aux évaluations qu'on peut tirer de l'étendue du terrain ; mais cette différence n'a rien de surprenant pour ceux qui savent combien on redoutait peu l'encombrement dans les anciens hôpitaux. L'ameublement était disposé de telle façon qu'on pouvait admettre 300 pauvres dans les bâtiments où nous en logerions 100 de nos jours. Il semble que nos pères aient ignoré l'influence qu'exerce l'air sur la vie de l'homme comme sur sa santé, tant ils y attachaient peu de prix dans le percement de leurs rues et dans l'agencement de leurs constructions. La proportion qu'on cherche toujours à établir maintenant entre le nombre des malades et la grandeur des salles, ne préoccupait que médiocrement les gouverneurs de l'Hôtel-Dieu. Ils n'avaient qu'un but, c'était de loger le plus d'indigents possible, aux conditions les moins onéreuses, et pour y parvenir, toutes les combinaisons leur semblaient bonnes. Les grands lits dans lesquels ils couchaient plusieurs personnes avaient pour eux le double avantage de ménager l'espace et de dispenser l'administration de grands frais de linge. On agissait encore de la même façon à Paris et à Lyon, au XVIIIème siècle. Cet usage si différent de nos habitudes actuelles nous paraît tellement contraire aux règles de l'hygiène et au respect que doit inspirer la souffrance que nous avons peine à nous expliquer comment il a été adopté. Rappelons-nous la place infime qu'occupaient les classe laborieuses dans l'ancienne société et l'insouciance des puissants pour tout ce qui regardait leur bien-être, nous comprendrons mieux pourquoi la bienfaisance d'autrefois ressemblait si peu à celle de notre temps.

Le défaut d'espace se fit sentir dans l'hôpital de l'Erdre presque aussitôt après son achèvement. Malgré les expédients les plus ingénieux employés pour suppléer à son insuffisance, la ville fut, en 1541, dans la nécessité d'aviser aux moyens de lui créer des annexes surtout pour les années d'épidémies qui revenaient si fréquemment au XVIème siècle. Comme le terrain ne comportait aucun agrandissement, on éleva sur la rive droite de l'Erdre, près du cimetière Sainte-Catherine, une maison qui fut spécialement réservée au traitement des maladies contagieuses. Les frais du nouveau bâtiment furent payés en grande partie avec le secours de la charité publique. L'évêque donna 16 pieds d'arbres de sa forêt de Sautron pour la charpente, quatre confréries versèrent 138 livres et la Chambre des Comptes donna 26 écus. L'historien Travers raconte que le clergé refusa de concourir à cette œuvre et attribue ce mauvais vouloir au mécontentement causé parmi les gens d'église par la sécularisation des hôpitaux.

La situation de l'Hôtel-Dieu est restée la même pendant 150 ans sans que les plaintes de la population aient obtenu la moindre amélioration. Il ne faut pas accuser d'incurie ou d'indifférence le Conseil des bourgeois, mais regretter que les événements aient si peu favorisé l'essor des institutions charitables. En entravant le commerce les guerres civiles et religieuses du XVIème siècle tarissaient les fortunes privées et réduisaient à l'impuissance les intentions les plus généreuses. Les frais d'armement, de fortification et de munition absorbaient la plus grande partie des ressources de la ville et ce qui restait disponible était souvent consacré à soulager les malheureux dans les temps de disette.

Lorsque la sécurité intérieure fut rendue au royaume sous le règne de Louis XIII, par l'énergie du cardinal de Richelieu, la ville de Nantes rompit les murailles de Pierre dans lesquelles elle étouffait pour se répandre au dehors. De nombreuses habitations s'élevèrent de toutes parts dans la banlieue et l'activité commerciale ramena dans les familles une aisance que les troubles avaient depuis longtemps bannie. Il était impossible que dans ce mouvement de rénovation les pères des pauvres ne fissent, aucune tentative pour modifier la situation de l'hôpital des malades. Eussent-ils hésité que l'opinion publique à laquelle s'unissait l'autorité d'un médecin de talent, Alphonse Rivière, les auraient amenés à prendre une prompte détermination.

Par leurs démarches prés du gouverneur de Nantes du Présidial, de la Chambre des Comptes, de l'Evêque et du Chapitre, ils furent à même de constater que les encouragements ne leur manqueraient pas s'ils entraient dans la voie des réformes. Le roi ayant eu connaissance du projet qui occupait les esprits à Nantes, offrit de céder un emplacement dans le quartier du Marchix, près de l'Erdre, mais sa proposition demeura sans suite. De tous les lieux environnant la ville, celui qui paraissait le plus convenable pour un établissement sanitaire était la prairie de la Madeleine.

Les directeurs de l'Hôtel-Dieu portèrent leurs vues de ce côté et présentèrent, en 1642, un mémoire bien motivé à la mairie pour soutenir leurs intentions. Aucune opposition ne se manifesta contre eux ; cependant, en accordant son autorisation, le conseil de ville mit des réserves assez étonnantes de la part d'une administration chargée de la défense de tous les intéréts locaux. Il consentait au déplacement de l'hôpital de l'Erdre, mais à la condition que la ville ne serait engagée dans aucune dépense et que les revenus des pauvres resteraient intacts. Malgré ces restrictions, les promoteurs de l'entreprise ne perdirent pas courage et mirent toute leur confiance dans la charité des habitants de Nantes. Leur attente ne fut pas trompée. M. Goullet fit un don de 8,000 livres, le duc de la Meilleraie, gouverneur du comté, promit de fournir l'emplacement nécessaire pour les constructions et la Chambre des Comptes offrit 3,000 livres.

Lorsque la Mairie vit que le projet de translation était en voie de réussir, elle eut quelque regret de sa première décision et la corrigea par sa délibération du 12 mai 1643. Cette fois, elle voulut bien arrêter que la communauté de ville contribuerait pendant trois ans à l'érection du nouvel Hôtel-Dieu, par une subvention de 10 à 12,000 livres, pourvu, toutefois, que les legs à venir seraient tous employés à la même destination. En prenant cette détermination, elle espérait sans doute que l'abondance des dons, jointe au produit de la vente des bâtiments abandonnés, la dispenserait d'assumer de plus lourdes charges.

Les pères des pères n'avaient plus qu'une chose à craindre, c'était la résistance des divers propriétaires que se partageaient le terrain de la petite prée dont ils avaient besoin. Afin de lever tous les obstacles, ils demandèrent au roi l'autorisation d'acquérir de gré à gré ou par voie d'expropriation forcée, ce qui était nécessaire à leur projet, et trouvèrent à la Cour les dispositions les plus favorables à leur égard. Les lettres patentes qui furent expédiées en décembre 1643 [Note : Chambre des Comptes de Bretagne. (Mandements royaux, vol. 27. Arch. départ.)] ne leur accordaient pas seulement la faveur qu'ils sollicitaient d'exproprier les rebelles ou de traiter à l'amiable, elles leur permettaient également de prendre dans la part du domaine de l'État une quantité à leur convenance avec exemption de tout droit d'amortissement.

Pendant l'accomplissement de ces formalités, le duc de la Meilleraie se mettait en mesure d'acquitter sa promesse. Il acheta en avril 1644, dans la partie de l’île que couvrent les deux squares actuels, un canton de prairie contenant 3 journaux, une boisselée un quart, auquel on ajouta quelques acquisitions en 1651, pour former un enclos convenable. Dès que la première pierre fut posée, en 1646, Marie de Cossé, épouse du gouverneur, voulut contribuer elle aussi à l'érection du nouvel établissement et donna 6,000 livres. Sa générosité entraîna si peu d'imitateurs, que dix années s'écoulèrent avant qu'on pût ouvrir quelques salles aux malades.

Le principal corps de logis regardant le Nord ne fut achevé qu'en 1662 encore il avait été si mal édifié, dit un procès-verbal d'expertise [Note : L'architecte était Jacques Malherbe], que de nombreuses crevasses se manifestaient dans les murs, et, à la même date, les autres bâtiments qui devaient l'accompagner ne dépassaient pas les fondations.

Afin de payer la dépense, qui s'élevait à 120,000 livres, le bureau des pauvres fut obligé d'invoquer le secours du roi, car le total des dons réuni aux subventions de la ville et au produit des aliénations ne dépassait pas 59,000 livres. Il en coûta peu à Louis XIV pour l'aider à combler ce déficit, car il se contenta d'ordonner que le tiers denier de l’impôt établi en faveur du chapitre de Saint-Pierre [Note : Les réparations et augmentations de la cathédrale de Nantes se faisaient au moyen d'un impôt ou devoir de cinq sous, levé sur chaque pipe de vin étranger au diocèse passant sous les ponts de Nantes ou débarqué en ville, L'octroi accordé à l'Hôtel-Dieu fut prorogé jusqu'à la fin du XVIIème siècle], pour les travaux de la cathédrale, serait distrait de sa destination primitive pour être appliqué aux frais de construction de l'hôpital des malades. C'est ainsi que l'État participait autrefois aux charges des villes et des provinces.

Malgré cette concession les administrateurs éprouvèrent dans la poursuite de leur entreprise les mêmes difficultés qu'au début et faillirent plus d'une fois se décourager devant l'indifférence persistante du public. Leur ambition ne visait qu'à élever un édifice de proportions très-ordinaires, augmenté de deux ailes, et après 30 années d'efforts ils n'étaient parvenus qu'à remplir une petite partie de leur programme. Dans un procès-verbal de récolement des travaux, dressé en 1662, il fut constaté qu'une nouvelle somme de 120,000 livres était nécessaire pour exécuter les plans adoptés. Le produit de l'octroi des vins étrangers étant très-insuffisant pour faire face à cette dépense, il fallut attendre bien des années avant que la reprise des travaux pût être conduite sans interruption et avant que l'ensemble présentât un aspect satisfaisant.

En 1670, Jean de Marques, sieur de la Motte, légua 10,000 livres, qui fournirent les moyens de poursuivre l'aile orientale, et un legs de 20,000 livres, inscrit au testament du duc de la Meilleraie, permit de continuer en 1672 l'aile du couchant. Sans ces deux dons qui sont les dernières libéralités importantes à signaler, la première partie de la reconstruction de l'Hôtel-Dieu n'aurait sans doute pas été achevée en 1700.

Dans le cours du XVIIIème siècle les embarras de la période précédente se représentèrent avec les mêmes nècessités. Pressés par l'affluence d'une population indigente toujours croissante les pères des pauvres employèrent leurs ressources, toujours très-minimes, à allonger les deux ailes primitives vers la rivière, sans se préoccuper de l'effet que composerait l'assemblage.

Toutes les parties qui vinrent s'ajouter les unes aux autres se firent au hasard des événements, sans ordre, suivant les besoins du moment sans qu'il fût possible de rien préparer pour l'avenir. On vivait au jour le jour en tirant le meilleur parti possible de ce qui existait jusqu'à ce que les aumônes fussent assez considérables pour exhausser ou prolonger l'un des bâtiments inachevés. Il est aisé d'imaginer les résultats qu'on pouvait atteindre en édifiant dans de pareilles conditions. Des sommes énormes avaient été dépensées, les constructions avaient été multipliées pendant 150 ans et cependant on n'avait pas augmenté d'un pouce l'espace consacré aux pauvres malades ni trouvé de quoi loger un lit de plus. Les logements qu'on avait disposés non-seulement étaient peu spacieux et mal appropriés, mais encore ils manquaient de solidité, c'est-à-dire de la qualité la plus essentielle à un édifice. Dans cette série d'additions établies sur un terrain d'alluvion, on avait à tel point négligé les règles les plus vulgaires de la prudence, que les malades furent plusieurs fois en danger d'être engloutis sous des ruines. En 1779, le plancher d'une des salles du levant s'effondra tout-à-coup et le reste du bâtiment offrait si peu de sécurité en 1783, qu'il fut question de le démolir. La même partie, quoique consolidée, inspira de nouvelles craintes en 1802, et peu s'en fallut que les malades ne fussent transférés à la Visitation ; on ne parvint à la conserver qu'en la renforçant par de grands travaux d'appui.

Il faut croire qu'on ignorait autrefois quel est le prix de la salubrité pour un hospice, car il ne paraît pas qu'on ait pris les moindres dispositions pour procurer un air pur aux malades. La cour située au centre de l'établissement, n'avait qu'une médiocre grandeur qui peut-être aurait suffi si elle avait été maintenue complète ; mais on jugea à propos de fermer la vue du côté de la Loire par une grosse maison de 60 pieds de hauteur qui couvrait un sixième de sa superficie, de sorte qu'elle se trouva réduite à une étendue longue de 46 toises et large de 44 seulement. Quoique cette cour fût la principale, il ne répugnait pas aux mœurs d'alors qu'elle fût affectée aux usages les plus divers et les plus dégoûtants [Note : Dans cette cour se tenait le marché de la volaille et du gibier pendant le carême]. On y voyait des fumiers amoncelés, des toits à porcs, des poulaillers et une boucherie, diverses mâsures, des hangars qui, sous le premier empire, servirent pendant quelques années d'abri aux chevaux et aux chars de l'entreprise des pompes funèbres. La pièce qui servait de cuisine, placée au-dessus et à côté des malades, était petite, sans décharge, sans dégagement et sans basse-cour.

La plupart des caves étaient impraticables à cause de l'insuffisance des remblais ; les moins humides étaient converties en étables, remises et écuries. Les eaux immondes de la maison séjournaient, sous le rez-de- chaussée dans des trous fangeux, et, au midi, un égoût découvert formait un abominable cloaque qui répandait des odeurs méphitiques. Les fenêtres étaient très-distancées les unes des autres et plusieurs étaient obstruées par des constructions contiguës et ridicules.

La géne qui liait les mains des administrateurs se trahissait partout, mais nulle part elle ne se manifestait plus amèrement que dans l'aménagement intérieur. Les dix salles de l'Hôtel-Dieu contenaient en 1790, toutes réunies, 150 à 160 lits de 3 pieds de largeur enveloppés d'épais rideaux de laine, dans chacun desquels on plaçait deux malades. Aux époques de maladies épidémiques, pour parer à l'insuffisance des lits, on ne craignait pas de mettre des paillasses dans les espaces libres. Le fait n'est pas douteux, il a été rapporté par des médecins de ce temps et de plus il est bien constaté que 400 malades ont été logés à la fois dans ces mêmes salles, notamment en 1747. M. le docteur Laennec pouvait donc dire avec raison « que l'Hôtel-Dieu était au XVIIIème siècle une espèce de catacombe décorée du nom d'hôpital » [Note : Extrait de son discours prononcé à la distribution des prix de l'Ecole de Médecine de Nantes, en 1815 (Archives de l'Ecole de Médecine)]. Etait-il possible au malheureux qu'on y transportait de ne pas frémir de frayeur en approchant de cet asile et, en pensant que sa santé dépendait de son séjour dans un lieu aussi répugnant.

Les médecins s'élevèrent à plusieurs reprises, sous le règne de Louis XV, contre des installations aussi défectueuses et aussi funestes pour les pensionnaires. En 1751, M. Cassard, doyen de la Faculté de médecine, médecin en chef de l'Hôtel-Dieu, annonça dans une réunion extraordinaire, que cette maison finirait par être le tombeau de tous ceux qui y rempliraient des fonctions, si on ne prenait le parti de dégager ses abords, de renoncer aux aliénations, d'élever le sol au-dessus des inondations, de supprimer les deux cimetières voisins, de coucher les malades seuls à seuls et d'espacer largement les lits.

Quarante ans après cette protestation, tout était encore dans le même état, la situation n'avait pas changé. Les directeurs spéculaient à l'extérieur sur la zone d'espace libre environnant l'Hôtel-Dieu, tantôt en élevant des maisons sur la chaussée de la Madeleine, tantôt en aliénant des portions de leurs prairies à des particuliers. Au couchant, le commerce avait élevé des hôtels et des magasins immenses et à l'est on avait été forcé de condescendre vers 1740, à la formation du quartier de la Madelaine, sentine physique et morale, privée d'égoûts et de fosses de vidange, dans laquelle les dépôts de fumiers et les amidonneries occupaient une large place. Telle était la physionomie de notre Hôtel-Dieu et de ses abords à la fin de l'ancien régime.

Les directeurs qui prirent, en 1793, le gouvernement de la maison, eurent le mérite d'apprécier les observations du corps médical et de sortir de la routine si pernicieuse de leurs prédécesseurs. En prenant le titre pompeux de Temple de l'Humanité, l'Hôtel-Dieu revêtit en même temps un aspect tout nouveau. Chaque malade eut son lit distinct, les rideaux furent enlevés et les murs blanchis à la chaux. Sous le premier Empire, les réformes commencées se poursuivirent. La cour fut débarrassée de la boucherie et des mesures, les cloaques de la Madeleine furent comblés et les deux cimetières totalement supprimés. En 1815, la transformation était si complète, au point de vue hygiénique, que le docteur Laënnec, dans son discours aux étudiants de l'École de Médecine, pouvait dire : « L'Hôtel-Dieu est une demeure éminemment saine, un véritable asile de consolation, de bienfaisance et de charité ».

Malgré ces heureuses améliorations, l'établissement laissait encore beaucoup à désirer sous le rapport des aménagements, son étendue était loin de satisfaire ceux qui voyaient avec quelle parcimonie l'espace était mesuré aux malades. Je ne m'arrêterai pas à décrire les divers travaux d'appropriation et d'agrandissement qui furent exécutés dans le cours du XIXème siècle, pour répondre au mouvement ascendant de la population laborieuse de Nantes, le lecteur n'y trouverait qu'un médiocre intérêt. Il me suffira de dire qu'en transformant les greniers et en donnant à l'édifice primitif toute l'extension dont il était susceptible, on était parvenu, sans parler des gens de service au nombre de 150, à entasser 637 malades où nous en placerions à peine 400 aujourd'hui. Ce chiffre n'était pas encore le maximum de la contenance, le règlement de 1841 l'avait fixé à 759 [Note : En 1815, 440 malades dans 14 salles et en 1828, 445 malades, plus 120 employés]. Or, il faut qu'on sache que la superficie de la maison ne couvrait pas plus des deux tiers de la place restée libre devant le nouvel Hôtel-Dieu. J'ai donc raison de dire qu'on entassait les malades, puisque les bâtiments élevés sur un espace aussi restreint n'offraient même pas la ressource de plusieurs étages superposés.

Si les Commissions administratives qui se sont succédées au XIXème siècle n'avaient eu qu'à perfectionner l'organisation des services, il est probable qu'elles seraient arrivées en peu de temps à réaliser des progrès sensibles, mais d'autres préoccupations réclamaient leur attention. L'état matériel dans lequel l'Hôtel-Dieu leur fut transmis était loin d'être satisfaisant, des indices de ruine se révélaient de plusieurs côtés dans les constructions. Cette décrépitude prématurée provenait autant de la nature inconsistante du terrain d'alluvion sur lequel il était établi que de la mauvaise qualité des matériaux employés par les entrepreneurs. Contraints de compter, toujours avec des ressources très-limitées, les administrateurs firent tous leurs efforts pour retarder, aussi longtemps que possible, le moment de la reconstruction. Malgré les travaux de consolidation, la vétusté dévorait l'édifice avec tant de rapidité, qu'on se vit, en 1842, dans la nécessité de prendre une décision à bref délai. De nombreuses discussions s'élevèrent alors parmi les médecins, sur le lieu qu'il convenait d'adopter, pour fonder un nouvel hôpital, et se prolongèrent jusqu'en 1848, sans amoindrir la préférence qu'on accordait à l'ancien emplacement [Note : La cour de l'Hôtel-Dieu, au moment de sa démolition, vers 1860, formait un carré long de 46 toises de longueur sur 44 de largeur, entouré de bâtiments d'un étage]. Huit années se passèrent encore en études préliminaires, en hésitations, en démarches, en consultations et en concours. Enfin, en 1856, fut posée la première pierre du vaste et magnifique établissement dont s'honore aujourd'hui la ville de Nantes.

Ville de Nantes  Les pensionnaires de l'ancien Hôtel-Dieu

Ville de Nantes  Formation et attributions du bureau administratif de l'Hôtel-Dieu

Ville de Nantes  Personnel de service de l'Hôtel-Dieu à Nantes

Ville de Nantes  Revenus casuels et communs de l'Hôtel-Dieu et du Sanitat

(Léon Maître).

Note : Le premier hôpital de la ville (dit « Notre-Dame-de-Pitié »), fut d'abord situé quartier du Bouffay, rue de l'Emery, jusqu'en 1499, avant d'être transféré « rue d'Erdre » (aujourd'hui rue du Vieil-Hôpital) près de l'embouchure de cette rivière, jouxtant ainsi le château du Bouffay d'où il prit le nom d'« Hôpital de l'Erdre ». Construit de 1503 à 1508 sous la direction de Guillaume Patissier, cet hôpital devient en 1569, l'Hôtel-Dieu de la ville. En 1655, l'édifice fut vendu par la ville et l'Hôtel-Dieu fut transféré sur son site actuel que l'on appelait autrefois la « Prairie de la Madeleine » (celle-ci incorporée plus tard à l'île Gloriette), près de la chaussée homonyme qui la traversait. Ce bâtiment fut terminé en 1662. De 1856 à 1863, l'Hôtel-Dieu est reconstruit par l'architecte Joseph-Fleury Chenantais. Un vaste square fermé par des grilles (occupant l'emplacement de l'actuelle place Alexis-Ricordeau) en commande l'entrée principale au nord-est. L'emprise de l'hôpital s'étendait alors : au nord, le long du « quai de l'Hôpital » (aujourd'hui disparu), à l'ouest de l'actuelle rue Gaston-Veil (anciennement « rue Haudaudine »), le long du quai Moncousu au sud, et jusqu'à la chaussée de la Madeleine à l'est.

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