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FORMATION ET ATTRIBUTIONS DU BUREAU D'ADMINISTRATION

DE L'HOTEL-DIEU DE NANTES

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Les bourgeois de Nantes, même au XIVème siècle et au XVème siècle, ne se sont jamais démis du gouvernement de leur Hôtel-Dieu au profit d'un mandataire muni de pouvoirs illimités ; ils avaient fondé le premier édifice sur un terrain à eux, ils l'entretenaient de leurs deniers et n'entendaient pas qu'il devînt un bénéfice ecclésiastique. Ils firent bien voir qu'ils en étaient les maîtres et patrons lorsque la duchesse Anne voulut les dessaisir de leur immeuble pour agrandir les Jacobins. L'aumônier qui les représentait à Notre-Dame-de-Pitié du Port-Maillard n'avait, en dehors de ses fonctions ecclésiastiques, que les pouvoirs d'un économe. Il recevait les pauvres, les inscrivait, achetait les vivres avec les deniers que lui remettait le miseur, distribuait les aumônes, commandait aux serviteurs et veillait au bon ordre intérieur. Ses gages lui étaient payés sur un mandat du sénéchal de Nantes. Il tenait l'investiture de sa charge du capitaine de Nantes ; mais celui-ci, avant de le nommer, était tenu de prendre l'avis des officiers ducaux ou royaux et des principaux bourgeois.

Cette organisation n'eut guère plus de durée que l'hôpital de Notre-Dame-de-Pitié ; elle se modifia par la force des événements lorsque l'Hôtel-Dieu, transféré sur les bords de l'Erdre, devint un établissement vraiment digne de ce nom. Au commencement du XVIeme siècle et sans attendre l'édit de François Ier, le conseil des bourgeois jugea bon de décharger l'aumônier de tout ce qui était étranger à ses fonctions d'église et de lui adjoindre deux administrateurs laïques. La désignation de ces deux commissaires des pauvres se faisait par élection dans une assemblée composée du capitaine du château, des officiers du Roi et des notables qu'on nommait aussi « la plus saine partie des habitants ». Ils rendaient leurs comptes en présence des mêmes personnages et agissaient comme des délégués dont le mandat était restreint aux menus détails de la vie journalière. Toutes les fois qu'un cas important se présentait, ils étaient tenus d'en conférer avec le sénéchal qui, en qualité de super-intendant de l'Hôtel-Dieu, statuait sur les affaires urgentes qui ne pouvaient être soumises au conseil de ville. Sur la demande du procureur des bourgeois, le roi François Ier confirma, par arrêt du Conseil du 14 décembre 1532, cette organisation et reconnut en mêne temps aux habitants de Nantes quoique non constitués en corps municipal, le droit de désigner les deux gérants de leur hôpital. Lorsque la mairie eût été établie, en 1560, le corps de ville intervint dans tous les actes importants de l'administration et ne leur laissa, comme auparavant, qu'un rôle subalterne.

Si l'Hôtel-Dieu avait été riche de revenus et pourvu d'un nombreux personnel de bureau, les devoirs de ces deux intendants n'auraient pas été bien effrayants, mais il ne faut pas s'imaginer qu'il en fût ainsi. Au contraire, les charges et les tracas se multipliaient autour d'eux au point de décourager les plus intrépides. Il leur fallait non-seulement donner leur temps et leurs peines dans les rôles d'économe et de receveur, mais encore prier leurs femmes de s'occuper des vivres, du linge et de la direction intérieure de la maison. Quelle espèce de repos pouvait-il leur rester quand ils étaient obligés en temps d'épidémie de veiller à l'exécution des ordonnances de salubrité, de pourvoir au traitement et transport des pestiférés, de recueillir et de distribuer des secours en temps de famine, de chasser les gueux étrangers, de poursuivre les débiteurs insolvables, de stimuler les quéteurs indolents, et de protéger leurs revenus casuels contre la fraude. Lorsque la caisse était vide, ce qui arrivait souvent, la nécessité les obligeait à faire de gros déboursés dont le retour s'effectuait très-lentement, il ne faut donc pas s'étonner qu'on rencontrât peu d'empressement parmi ceux que l'élection portait aux fonctions de directeurs de l'Hôtel-Dieu. Cette charge n'engageait que pour une année, cependant chacun faisait tous ses efforts pour s'en exempter.

Le procès-verbal de l'assemblée tenue pour l'élection du bureau de 1548 prévoyant la résistance porte : « Les élus seront contraints par voie de justice et même par détention à accepter la charge ». Ceux qui prétendaient avoir de bonnes raisons pour s'en exempter résistaient aux injonctions que leur faisait la mairie et attendaient qu'on les citât en justice [Note : Les chanoines eux-mêmes refusaient. — Reg. des délib. de 1583, f° 46. Arch. de la ville]. De là naissait un procès qu'on poussait parfois jusqu'au Parlement. Le conseil de ville mettait souvent de l'opiniâtreté dans ses choix sans tenir compte des empêchements légitimes et ne voulait pas qu'aucun bourgeois aisé, quelles que fussent ses occupations, pût se dérober à la charge de père des pauvres. Ceux qui témoignaient le plus mauvais vouloir étaient les avocats. Comme aucune menace, aucune sommation ne pouvait vaincre leurs refus, on eut recours à l'autorité du roi Henri ll qui ordonna à ses officiers de contraindre tous les gens de robe longue et de robe courte à remplir les charges publiques auxquelles ils auraient été appelés par l'assemblée des principaux habitants. Les lettres suivantes montrent que ce prince n'entendait accorder d'exemption à personne :

Henry, par la grâce de Dieu roy de France, à nos amés et féaux conseillers les gens tenant nostre court de Parlement de Bretaigne, séneschal, alloué, prévost et lieutenant, de nostre ville de Nantes et à chaincun d'eux salut et dilection.

Combien que par les anxiennes constitutions de nostre dicte ville de Nantes et suivant les previlléges donnés, concédés et octroiés par nos prédécesseurs ducs de Bretaigne et par nous confirmés ; les manants et habitants de nostre dicte ville de Nantes peuvent, à chaincune fois que bon leur semble, fere assemblée par entreux pour traicter des matières et affaires que concernent le bien de la dicte ville, appellés aulcuns de nos principaux officiers d'icelle et eslir ung procureur pour eux et aultres personnes ainsi que voient bon estre pour la conduicte, direction et administration des affaires de la dicte ville et leur bailler telle puissance que bon leur semble et par tant ce qui a esté conclud et aresté en la dicte assemblée doibt estre gardé et observé tant par les présents que par les absents et ceux qui sont chouaisis et esleus pour l'administration des affaires dépendant du bien de la dicte ville le doibvent voulontairement accepter et vertueusement se y emploier ; ce neantzmoingns, ainsi que nous sommes deument advertis, plussieurs bourgeois, manants et habitants de la dicte ville et aultres qui se disent estre nobles, voullant pour ceste occasion demeurer inutiles à la chose publique pour entendre mieux, ainsi qu'il est à présumer, à leur profict particullier ou bien à leur plaisir ne veulent entretenir ce qui se faict et areste en la dicte assemblée et reffusent d'accepter les charges qui leur sont commises et ordonnées pour le bien et utillité de la dicte ville, mesmement les advocats, l'administration du bien et revenu de l'hospital d'icelle ville qui est unne chose charitable et pitoyable, laquelle chasçun debvroit desirer et procurer en son endroict et par ce moyen contreviennent auxdictes constitutions et prévilléges de leur dicte ville et demonstrent une mauvaise et pernicieuse voye et exemple aux autres ;

Ce que nous ne voullons aulcunement souffrir ne permectre ;

Nous, à ces causes, vous mandons et expressement enjoignons et à chaincun de vous, si comme à luy appartiendra, que tous et chaincuns ceux desdicts habitons soient advocats et gens de robbe longue on aultres qui auroient esté chouaisis et esleus en ladicte assemblée pour la charge, administration et gouvernement de l'hospital et Hostet-Dieu de ladicte ville et pour le regart des aultres affaires dépendant du bien public d'icelle ville, les aultres bourgeois, marchons et gens de robe courte reffusans de prendre et accepter lesdictes charges, vous et chaincun de vous contraignez à ce fere, prandre et accepter par toutes voies et manières deues et raisonnables, nonobstant oppositions ou appellations quelsconques et sans préjudice d'icelles.

Pour lesquelles ne voullons estre aulcunement différé pourveu touteffois que ce ne soient gens de vos ordonnances et aultres suivans les armes de faict pour la défence et protection de nostre royaulme et de ce fere vous avons et à chaincun de vous donné et donnons plain pouvoir, puissance et auctorité par ces dictes presantes ;

Mandant en oultre au premier nostre huissier ou sergent sur ce requis que à ces dictes commectons, de faire toutes et chaincunes les contrainctes pour ce requises et nécessaires, car tel est nostre plaisir.

Donné à Bloys le unzième jour de janvier l'an de grâce mil cinq cens cinquante-cinq et de nostre règne le neufiesme. Ainsi signé : Par le Roy en son conseil.

Copie certifiée par deux notaires. Fait en Parlement à Nantes, le 5 février 1555. (Archives de la Mairie).

Les poursuites judiciaires n'aplanirent pas les difficultés, elles multiplièrent au contraire les embarras. Fatigué de lutter, le conseil des bourgeois résolut de transiger avec les récalcitrants et accepta d'eux une indemnité dont le chiffre fut fixé à deux cents livres en capital ou dix libres de rente. C'est la somme qui se payait en 1577, et beaucoup de gens profitèrent de cette facilité. L'hôpital ne perdit rien à cet arrangement, car les directeurs ne furent pas moins nombreux et ses revenus s'augmentèrent de toutes les indemnités versées.

En 1568, la ville de Nantes se vit en présence de misères nombreuses que les ressources ordinaires étaient incapables de soulager. Cette nécessité impérieuse suggéra aux notables la pensée d'organiser la bienfaisance sur de nouvelles bases et d'établir une surveillance rigoureuse sur tous les mendiants comme sur la distribution des secours. C'est le premier essai de réglementation qui ait été entrepris à Nantes ; les termes en furent arrêtés dans une assemblée tenue à l'évêché sous la présidence de l'Evêque à laquelle assistaient les principaux officiers du Roi et le corps de ville.

Il fut convenu que l'Evêque, de concert avec son chapitre, que les officiers du Présidial réunis à ceux de la Sénéchaussée, que le corps de ville nommeraient un délégué et que ces trois délégués de l'église, de la justice et de la municipalité formeraient un bureau suprême investi de la surintendance de l'Hôtel-Dieu et des autres hôpitaux. Ces trois personnages comparaissaient en assemblée générale de la maison de ville pour jurer de se bien et fidèlement comporter ; ils étaient tenus d'accepter sous peine de 60 livres d'amende. Le chanoine élu représentait non-seulement le chapitre de la cathédrale, mais encore la collégiale de Notre-Dame ; il était choisi alternativement dans l'un et l'autre corps avec cette particularité pourtant que les chanoines de Saint-Pierre seuls concouraient à l'élection, et qu'après notification de leur choix le délégué pris dans la collégiale était tenu de venir au chapitre de la cathédrale prêter serment de se bien comporter. Cet usage se perpétua jusqu'en 1622, époque après laquelle la collégiale eut la liberté de choisir elle-même son représentant, mais sans qu'elle pût se dispenser de l'envoyer prêter serment devant le chapitre.

La mission des trois surintendants consistait à prononcer sur les admissions des pauvres qui se présentaient, à leur délivrer des billets d'entrée pour la maison à laquelle on les destinait et à visiter au moins trois fois la semaine l'Hôtel-Dieu et Toussaints, afin de se rendre compte du nombre de pauvres qu'on pouvait loger et des secours dont chaque maison avait besoin. Tous les dimanches ils appelaient les deux administrateurs de l'Hôtel-Dieu et les prévôts de Toussaints devant eux pour entendre l'état de la recette et de la dépense de la semaine, et quand ils avaient pris connaissance de la situation, ils délivraient des ordonnances de fonds à toucher chez le receveur général des aumônes. Les charités étaient recueillies dans chaque paroisse par un receveur laïque et un receveur ecclésiastique qu'ils désignaient eux-mêmes en présence des marguilliers assemblés. Ces deux receveurs s'enquéraient près des paroissiens et des prêtres de ce qu'ils consentiraient à donner par semaine et le produit de leur collecte était versé entre les mains d'un receveur général. Comme tous les pauvres ne pouvaient être admis dans les hôpitaux, les mêmes surintendants nommaient dans chaque paroisse un particulier pour faire la distribution des aumônes aux nécessiteux. Ce règlement a été invoqué tant de fois sous l'ancien régime que je crois essentiel d'en soumettre les termes au lecteur.

RÈGLEMENT DES PAUVRES DE NANTES.

C'est le règlement et pollice des villes et forsbourgs de Nantes faict et advisé en la maison épiscopalle dudict Nantes le saezeiesme jour d'apvril, l'an 1568, où estoient présens révérend père en Dieu messire Philippe du Bec, évesque dudict Nantes, messire René de Sanzay, sieur dudit lieu, chevalier de l'ordre du Roy, gentilhomme de sa chambre, capitaine et gouverneur des ville et chasteau dudict Nantes, Anthoine de Saint-Marsal, doyen dudict Nantes, François de Bodieu, grand vicaire dudit sieur évesque, nobles gens messires René de Breslay et Guillaume Breziau, sieur des Haies, conseillers du Roy en sa court de Parlement de Bretaigne, Nicolas de Troys, sieur du Boysregnault, aussy conseiller de sa dicte Majesté, trésorier de France et général de ses finances audit pays, René de Cambout, sieur dudit lieu, grant maître et général réformateur des eaues et forestz dudit pays, mre Loys Collobel, sieur de Cadres, conseiller de sadite Majesté, au siége Présidial dudict Nantes, Jan Mesangé, sieur de la Minaudière, procureur dudict seigneur Roy audict siége, mre Mathieu André, docteur ès droicts, advocat audit Parlement, maire de ladicte ville, Robert Poulain, sieur de la Branchouère, Guillaume Gougeon, banquier, eschevins, mre Julian Dauffy, advocat audit siège, procureur scindic des nabitans dudict Nantes, sieur de la Mullonnière, mre Guilleaume Gaudin, sieur de la Chauvinière, greffier d'office audict Nantes et depuis communiqué à mre le Sénéchal qui a soubsigné :

1° Pour obvier que les vrais paovres soient frustés des aulmosnes du peuple par le moyen des mendicans valides, a esté advisé que deffences seront faictes, suivant l'ordonnance du Roy, à tous mendicans vallides qui pourront travailler et gaigner leur vie par leur labeur, tant hommes que femmes, de quester, mandier et demander l'aulmosne en la ville ny aux forsbourgs sur peine du fouet.

2° Et quant aux aultres paovres, deffences leur seront faictes de mandier par les églises ny par les rues et aultres lieux publiques ; parce que il leur sera pourveu de nourriture selon et ainsy qu'il est cy après déclairé.

3° Seront semblablement deffences faictes à tous les habitants de ladite ville et forbourgs de faire ny donner aulcunes aulmosnes èsdites églises, rues, portes et huys de leurs maisons, pourront toutesfois faire porter les reliefs de leurs repas à l'hospital ou aux maisons et demourances desdits paovres à leur dévotion.

4° Et affin que les aulmosnes soient bien et deument distribuées et le revenu des hospitaux administré seront esleus commis et députés trois notables personnaiges qui seront nommés gouverneurs ou administrateurs des paovres dont le premier sera de l'église, que monseigneur l'Evesque et son chappitre nommeront, l'aultre de la justice qui sera par Messieurs de la justice esleu et commis, le troisiesme ung eschevin ou aultre notable bourgeois qui sera nommé et esleu par les maire et eschevins. Lesquels depputés auront la toutalle charge, conduicte et gouvernement du faict des paovres et superintendance sur les administrateurs des hospitaulx et aulmosneries desdites ville et forsbourgs, et feront ceste charge le temps d'un an.

5° Et affin que ceulx qui feront ladite charge l'année après puissent être instruicts, a esté advisé que procédant à l'élection desdits gouverneurs ou administrateurs, seront esleus trois aultres notables personnaiges de la qualité susdite qui seront désignés gouverneurs desdits paovres pour l'année subséquente.

Lesquels désignés assisteront avecque lesdits gouverneurs au bureau qui sera tenu chacun dimanche en la maison de ville pour faire leurs ordonnances et ouïr les comptes.

6° Et advenant que aulcun desdits gouverneurs serait excusé par malladie ou aultre légitime empeschement, seront mis en leur lieu et durant lesdits empeschemens lesdits désignés qui feront et exerceront la charge desdits excusés.

L'élection faicte de la forme que dict est, tant desdits gouverneurs que desdits désignés, elle sera présentée en ladite maison de ville en assemblée générale où lesdits esleus feront le serment de bien et loyaulment faire et exercer lesdites charges et ce, entre les mains de celluy qui présidera en ladite assemblée. Laquelle charge lesdits esleus et désignés seront tenus d'accepter et prester ledit serment sur peine de 60 livres monnoie d'amende applicable à la boiste desdicts paovres.

7° Lesdits gouverneurs et non aultres auront l'auctorité et puissance de faire recevoir les paovres auxdits hospitaulx et aulmoneries et de ce feront délivrer aux administrateurs d'iceulx hospitaux leurs ordonnances signées de leur greffier. Lequel néantmoins en tiendra bon et fidèle registre dans ung livre ou pappier rellié, ensemble de toutes les aultres ordonnances que seront par eulx faictes pour le faict desdicts paovres.

8° Ne pourront toutes fois faire mettre au grand hospital de ladite ville aulcuns mallades de vérole, taigne ou galle ou autres maladies contagieuses, ains seront tels malades mis à l'hospital de Toussaincts ou aultre hospital destiné pour l'espèce de la maladie.

9° Et afin que lesdits gouverneurs puissent mieuix pourveoir à la nourriture et traitement desdits paovres qui seront mis et receus èsdits hospitaulx, y visiteront souvant et du moins trois fois la sepmaine.

10° Feront en leur année mettre par bon inventaire les biens meubles et les lettres, tiltres et enseignemens desdits hospitaulx non inventoiriez et sera faict ung papier contenant les rentes, terres et debvoirs qui sera baillé de main en main à ceulx qui auront la charge de recepvoir : auquel sera adjousté foy et sera soubsigné par transumpt afin que les lettres originalles ne soient esgarées.

11° Oultre les administrateurs d'iceulx hospitaulx seront tenus auxdits jours de dimanche présenter audit bureau ung vray estat de la recepte et despence de chacune sepmaine qui sera veu et sommairement examiné par lesdits gouverneurs des pauvres et désignés dont ils retiendront une coppie.

12° Et où ils cognoistront le revenu desdits hospitaulx n'estre suffisant pour la nourriture de tous les paovres qui y seront receus, pourront faire délivrer auxdits administrateurs telles sommes de deniers provenans desdites aulmosnes qu'ils voirront estre nécessaire, et ce, par les mains du recepveur général desdites aulmosnes, auquel ils bailleront leur ordonnance de cest effect, laquelle avecques la quictance desdits administrateurs luy vauldra sur son compte.

13° Et pour lever et recuillir lesdites aulmosnes sera mis en chacune paroisse ung recepveur particulier qui se transportera par devers les habitants de sa paroisse pour sçavoir ce qu'ils vouldront libérallement offrir et donner par sepmaine et ung aultre recepveur de l'église qui se transportera semblablement par devers monseigneur l'évesque, ses chanoines et aultres ecclésiastiques pour sçavoir ce qu'ils vouldront pareillement donner d'aulmosnes par chaque sepmaine.

14° Desquelles aulmosnes lesdits recepveurs feront la recepte et les délivreront au recepveur général qui sera à ceste fin esleu et depputé. Aussi, seront tenus les recepveurs particuliers de chacune paroisse et de Sainct-Pierre et aultres esglises faire ung papier journal de ce qu'ils auront receu chacun jour, qui sera incontinent vérifié par le curé ou vicaire ou l'un des chanoines des esglises dudit Nantes pour servir de controlle et semblablement à l'ouverture de chacun tronc seront appellés quelques notables bourgeois de ladicte ville, en la présence desquels les deniers qui seront trouvés èsdicts troncs seront comptés et incontinent portés audit receveur général à ce qu'il en face charge certaine.

15° Lesquels recepveurs général et particuliers seront esleus et députés par lesdits gouverneurs et désignés audit bureau, appellés les fabricqueurs desdites parroisses pour assister, si bon leur semble, à l'élection desdits recepveurs particuliers.

16° Davantaige en chacune église sera mis ung tronc ou bouette fermans de cleff aux despens des fabrices d'icelles églises et par les hostelleries des bouestes pour y mettre les aulmosnes qui seront offertes èsdites églises et par lés hostes en chacune hostellerie et les deniers baillés au recepveur général par chacune sepmaine.

17° Et pour distribuer les aulmosnes aux paovres de chacune parroisse qui n'auront esté mis et receus auxdits hospitaulx, lesdits pères depputeront en chacune parroisse ung homme. Auxquels depputés ledit recepveur général délivrera deniers selon l'estat et ordonnance desdits gouverneurs et en prendra descharge desdits distributeurs.

18° Et se fera ladite distribution en chacune paroisse à jour de dimanche en une chapelle ou aultre lieu que voira en chacune d'icelles paroisses estre pour cet effect plus commode. Et seront les noms, surnoms, vacation et lieu de l'origine de chacun desdits paovres et leur eage escrits en ung registre et porteront lesdits paovres une marque sur leur robe en lieu apparent et de telle coulleur que lesdits gouverneurs aviseront à ce qu'il n'y ait fraude et sera aussi audict registre spécifié l'aulmosne qui sera ordonnée à chascun desdits paovres, soit par jour ou semaine, affin qu'on entende comme les deniers de ladite aulmosne auront esté distribués.

19° Pour le regard des paovres passans lesdits administrateurs leur feront donner du pain, argent ou telle aultre aulmosne que lesdits gouverneurs aviseront pour passer leur chemin et prendront le nom et surnom desdits paovres passans, le lieu de leur nativité et dont ils viennent, en leur faisant injonction de passer promptement et soi retirer en leurs paroisses, sauf s'ils estoient tombés en quelque malladie, auquel cas les envoieront à l'hospital pour y estre nourris et traictés jusques à reconvallescence.

20° Et sera deffendu auxdits habitans de loger et retirer en leurs maisons lesdits paovres passans plus d'un jour et d'une nuicte et ce attendant qu'on ait pourveu de logeis destiné pour iceulx passans.

21° Lesdicts gouverneurs en leur bureau pourront adviser de faire quelquefois l'an processions généralles où assisteront lesdits paovres et y sera faicte prédication afin d'inciter les riches à continuer les aulmosnes et exhorter les paovres d'avoir patience en leur paovreté.

22° Les aulmosnes, questes et distributions, lettres, contracts et enseignemens et les inventaires desdits biens meubles et lettres desdits hospitaulx seront mis en ladite maison de ville soubs les trois clefs dont le gouverneur de l'esglise en aura une, la justice une et le maire de la ville l'aultre.

23° Tous les sergents tant royaulx et de ville que aultres, premier requis, seront tenus mettre à exécution les ordonnances desdits gouverneurs et faire tous explects à ce requis et nécessaires pour le faict desdicts paovres, sur peine pour chacun deffault, de 20 souls d'amande applicable pour lesdits paovres.

24° Finalement pourront lesdits gouverneurs adviser et ordonner tout ce qui est requis et dépend de l'entretenement et exécution du présent reiglement, mesme envoier les plus valides de ladicte aulmosnerie, cacher le reste des repas, aultres aux portes de la ville avec boettes tant pour demander l'ausmosne que empescher que nul entre en ville en habit de paovre s'il ne l'est, colloquer les jeunes et aultres qui pourront travailler avec maistres, séparer les taigneux et pestiférés, députer barbiers pour les penser et cadener leurs maisons, chasser les putains et autres débauchées et ministres de paillardise, commectre ung maître des gueux et généralement pourveoir et faire tout ce qu'ils verront estre requis et nécessaire pour l'entière exécution et observation de ceste police.

Ont signé tous les assistants du bureau susnommés. (Série H. F. de Saint-Clément. — Arch. dép.).

En somme, on voit que ce règlement déchargeait les deux administrateurs de l'Hôtel-Dieu de la police de la mendicité, des soucis des admissions et de la répartition des aumônes, et leur laissait simplement les soins du gouvernement intérieur de la maison, sous la surveillance du bureau des surintendants. Cette subordination fut peut- être pour eux moins honorable, mais elle eut le précieux avantage de dégager leur responsabilité dans les cas où leur autorité éprouvait des embarras.

Pour donner force de loi à l'ordonnance, la mairie la fit d'abord présenter au Parlement de Rennes qui l'homologua et au roi Charles IX qui en confirma tous les articles, comme on peut le voir par les lettres ci-annexées. Je cite ces lettres, parce qu'elles sont la charte constitutive du bureau de l'Hôtel-Dieu.

Charles, par la grâce de Dieu, roy de France, à tous ceulx que ces présentes lettres verront, salut. Noz bien amez les maire, eschevins, manans et habittans de nostre ville de Nantes nous ont faict remonstrer que pour la police des pauvres affluans ordinairement tant en la dite ville que forsbourgs d'icelle, ilz ont, estans assemblez en la maison commune d'icelle ville, faict certain reiglement, lequel, comme juste et équitable, ilz nous ont très-humblement supplyé ratiffier et avoir pour agréable et sur ce impartir noz lettres. Scavoir faisons qu'après avoir faict veoir en nostre conseil privé le dit reiglement, ensemble l'arrest donné par nostre court de Parlement de Bretaigne sur l'observation et entretenement, de l'advis duquel nous avons tant le dit reiglement que arrest susdit, louez, ratifiez et approuvez, louons, ratiffions et approuvons, voullons et nous plaist que tout le contenu en iceulx soict entretenu, gardé et observé de poinct en poinct selond leurs forme et teneur, et à ce faire et souffrir estre contrainctz tous ceulx qu'il appartiendra par toutes voyes et manières deues et raisonnables, nonobstant oppositions ou appellations quelzconques pour lesquelles ne voullons estre différé. Si donnons en mandement à noz amez et féaulx les gens de nostre court de Parlement et Chambre des comptes de Bretaigne, général de nos finances au dict pays, sénescbal, alloué de Nantes ou son lientetenant et à chacun d'eulx, si comme à luy appartiendra, que tout le contenu cy-dessus ilz facent lire, publier et enregistrer, entretenir, garder et observer comme dessus est dict, cessans et faisans cesser tous troubles et empeschemens au contraire, car tel est nostre plaisir. En tesmoing de quoy nous avons [faict] mettre et apposer nostre scel à ces dictes présantes. Donné à St Maur des Fossez le septiesme jour de janvier l'an de grâce mil cinq cens soixante-neuf et de nostre règne le neufiesme. Ainsi signé sur le reply. Par le Roy, Brulart, et scellé de cire jaulne à double queue [Note : On a laissé en blanc la place où devrait être inscrite la formule : Leus, publiées, registrées, etc. Cette particularité est constatée sur la table des Edits par ces mots : Non vériffié. (Arch. du Parlement)].

Malgré cette sanction royale, il parait que le règlement ne fut pas longtemps exécuté à la lettre et qu'on obligea les pères des pauvres i remplir eux-mêmes les fonctions de receveurs particuliers ; cependant le receveur général seul aurait dû tenir la caisse et leur délivrer des sommes au fur et à mesure de leurs besoins, en les déchargeant de toute la recette des deniers (Voir le règlement de police des pauvres, 1568, art. IV, V et VI). Nous apprenons ce détail par une procédure de 1586 dirigée par la ville contre un notaire nommé Gilles Thomin. Celui-ci avait été décrété de prise de corps par le prévôt de Nantes, sous prétexte qu'il négligeait sa charge et, laissait les pauvres manquer du nécessaire. A cette époque, la ville , lors de l'entrée en charge des pères des pauvres , leur prêtait 100 livres pour les aider à gouverner l'Hôtel-Dieu ; mais en quittant leurs fonctions, il leur fallait, sous peine d'emprisonnement, les remettre à leurs successeurs , même quand les rentes et revenus ëtaient difficiles à recouvrer. Gilles Thomin allègue dans sa plainte que ce système de gouvernement a ruiné plusieurs de ses prédécesseurs et se plaint qu'on écrase de besogne les pères des pauvres en les obligeant à faire l'office de receveur, tout en visitant, traitant et nourrissant les pauvres et de plus à faire des avances de fonds. Il raconte que son prédécesseur, avant d'entrer en charge, voulut obvier à tous ces tracas en demandant l'exécution du règlement de 1568 et, obtint du Présidial, le 31 mai 1586, une sentence qui condamnait le corps de ville à rétablir le receveur des pauvres et à subvenir lui-même aux avances nécessaires. Gilles Thomin fit de même en entrant en charge, mais bientôt on l'obligea à prendre la recette. Sur sa demande en main-levée de saisie, la Cour du Parlement mît les parties à dos et décida que le règlement serait appliqué.

Dans sa requête au Parlement, le sieur Thomin n'avait pas épargné le corps de ville ; il avait dévoilé toutes ses pratiques illégales, irrégulières et injustes. Il fit savoir aux conseillers que la mairie transigeait avec ceux qui refusaient la charge d'administrateur et qu'elle avait deux poids et deux mesures. Le Parlement ordonna d'informer sur le fait, mais je ne sais quel fut le résultat de l'enquête. Si elle fut sérieuse, il fut facile de constater que l'accusation était fondée, car j'en ai vu de nombreuses preuves aux archives. Beaucoup de particuliers déguisaient la transaction en donnant 10 livres de rente à l'Hôtel-Dieu et se mettaient ainsi à l'abri de toute persécution. Afin de détourner les soupçons et la sévérité de la Cour, le corps de ville se montra offensé et chargea son procureur syndic de se porter partie civile contre le dénonciateur, afin de lui demander réparation de son injure. Voici la requête qui fut adressée à ce sujet au Parlement de Rennes :

A NOS SEIGNEURS DE PARLEMENT.

Vous remonstre humblement Mre Loys Michel, procureur syndic des nobles bourgeois, maire et eschevins, manans et habitans de la ville de Nantes,

Comme par vostre arrest donné le 22 8bre dernier cy-attaché, contre Mre Gilles Thomin, notaire royal, refusant la charge d'administrateur de l’hospital de ladicte ville, auriez, sur la requête de Monsieur le Procureur général, décerné commission audit sieur Procureur d'informer contre ceux qu'on prétend avoir reçeu deux cens livres de plussieurs des habitans pour les exempter de ladicte charge d'administrateur, de quoy ledict suppliant audict nom se sent offensé et le revocque à injure pour lesdicts sieurs maire et eschevins et habitans, d'autant que auxdicts sieurs maire et eschevins privativement appartient la nomination, élection ou exemption, si aucune est, desdicts administrateurs, si bien qu'il faut par conséquence nécessaire que soint lesdicts sieurs ou autres personnes d'honneur et qualité qui ont esté cy devent en ladicte charge, qui auroint reçeu ou plutost exigé desdicts habitans ladicte somme de deux cens livres pour les exempter qui seroit un abus manifeste et malversation en leur dicte charge et laquelle seroit digne de punition exemplaire ;

A ces moyens vous supplie qu'il vous plaise ordonner et enjoindre audict sieur Procureur général de nommer et déclarer l'instigateur ou dénunciateur d'un tel abus et exaction prétendue, déclarant dès à présent ledict Procureur syndic audict nom se rendre partie tant contre ledict dénunciateur que tous autres qu'il voirra l'avoir affaire, et d'en avoir réparation selon la qualité des personnes et le corps d'une ville, le mérite et la qualité de l'injure luy faicte en plein sénat et aux yeulx d'une court souveraine, ensemble tous despens, dommages et intérests pour ladicte fausse accussation.

MICHEL, Procureur syndic.

Il y a tout lieu de croire que le Parlement fit la sourde oreille à cette demande et se contenta d'adresser des remontrances au corps de ville, car on ne trouve plus trace de procédure après cette pièce.

Pour mettre fin à toutes les querelles et difficultés qui s'élevaient chaque fois qu'il s'agissait de désigner deux nouveaux administrateurs, la municipalité renonça aux usages qu'elle avait suivis dans le cours du XVIème siècle et adopta un nouveau mode de recrutement. Le règlement de police de 1568 qui avait été rédigé surtout en vue de parer aux grandes calamités du XVIème siècle, tomba en désuétude dans la première moitié du XVIIème ; cependant tous les articles ne furent pas délaissés. Il parut bon d'adopter pour l'élection du bureau de l'Hôtel-Dieu les règles qui avaient été fixées pour la désignation des trois surintendants. Les deux administrateurs furent donc remplacés par les trois délégués du chapitre, du Présidial et de la mairie, qui prirent la direction immédiate de l'Hôtel-Dieu. Dans tous les titres et registres qui me sont passés sous les yeux, ces trois personnages sont appelés tantôt les pères des pauvres, tantôt les gouverneurs des pauvres et très-souvent les directeurs de l'Hôtel-Dieu.

Quant à la recette des deniers, qui avait soulevé tant de réclamations dans le XVIème siècle, elle fut tour-à-tour confiée à un homme de bonne volonté et à un employé rétribué. Il fut arrêté, en août 1647, que, vu les inconvénients des changements de personnel trop fréquents, on créerait un receveur à gages et qu'il toucherait 120 livres. Cette décision ne resta pas toujours invariable, car je pourrais citer plusieurs directeurs qui furent priés de remplir les fonctions de trésorier.

Le bureau de l'Hôtel-Dieu demeura constitué, comme je l'ai dit plus haut, pendant le cours du XVIIème siècle et le commencement du XVIIIème, non toutefois sans s'écarter un peu des termes du règlement de 1568. Ainsi on ne voyait pas aux séances comme auditeurs les directeurs présumés et suppléants qui devaient y prendre place l'année suivante ; mais, afin de conserver l'esprit des traditions, les membres du bureau ne sortaient pas tous de leur charge à la même époque. Suivant une décision prise le 21 juin 1646, le député du chapitre entrait à la Saint-Jean, celui de la justice à la Toussaints et celui de la ville à Noël. Quand un membre du bureau s'acquittait de ses devoirs avec distinction, il n'était pas rare qu'il fût maintenu dans sa place en vertu d'un ordre royal. J'ai vu des lettres de cachet de Louis XIV adressées au chapitre de Saint-Pierre pour l'inviter à ne pas remplacer tel et tel chanoine avant qu'il n'en eût donné l'ordre.

Avant l'épiscopat de M. Gilles de Beauveau, aucune rivalité ne s'était révélée parmi les directeurs ; les querelles commencèrent lorsque ce prélat, désireux d'assister aux réunions, se fit attribuer la présidence du bureau par lettres de cachet. Sa présence souleva d'abord une question de prépondérance telle qu'on les aimait sous l'ancien régime, puis, un débat de préséance. Le clergé étant représenté par deux délégués, devait-on leur donner la parole à tous deux ? Le bureau, sur les instances des officiers du Présidial, décida que non, et refusa voix délibérative au délégué du chapitre, lorsque l'évêque était présent. Le chanoine crut qu'il prendrait sa revanche en occupant le fauteuil de l'évêque en son absence ; ses efforts pour s'emparer de la présidence furent sans succès. Ses collègues mirent fin à ses prétentions en arrêtant que le fauteuil resterait inoccupé quand l'évêque ne paraîtrait pas au bureau.

Le Roi jugea ces deux conflits tout différemment. Il entendait que le délégué du chapitre eût voix délibérative même en présence de l'évêque et qu'il fût le remplaçant du prélat au fauteuil de la présidence. Cet avis fut formulé dans un arrêt en date du 30 mars 1726, avec ordre exprès de s'y conformer. Le même arrêt portait que désormais le bureau de l’Hôtel-Dieu se composerait de sept membres : de l'évêque du diocèse, président-né, des trois anciens délégués de l'église, de la justice et de la ville, et de trois notables bourgeois de la cité de Nantes, lesquels seraient élus pour quatre ans par les directeurs eux-mêmes. Je pourrais énumérer d'autres détails relatifs aux innovations introduites alors, j'aime mieux citer le texte de cet acte important :

Arrest du Conseil d'Estat du Roy
Portant Augmentation du Bureau de l'hôtel-Dieu de la Ville de Nantes.
Du 30 Mars 1726.

EXTRAIT DES REGISTRES DU CONSEIL D’ESTAT.

Sur ce qui a été representé au Roy étant en son Conseil, par le Sieur Evêque de Nantes, que la Maison où sont renfermez les pauvres Malades de la Ville de Nantes, dite Hôtel-Dieu, laquelle a été établie en 1569, par Lettres Patentes du Roy Charles IX, enregistrées au Parlement de Bretagne, est devenuë une Maison beaucoup plus considérable qu'elle n'étoit dans ses commencemens, et qui augmente encore tous les jours, tant par le grand nombre de personnes de toutes les Nations qui viennent habiter la Ville de Nantes, que par le Renfermement des Pauvres ordonné par Sa Majesté, qui tombant malades à l'Hôpital-Général, sont transportez à l'Hôtel-Dieu pour y être soignez ;

Que le nombre de trois Directeurs fixé par les Lettres Patentes ; sçavoir, un de l'Eglise, l'autre de la Justice, et le troisième de la Ville, n'est pas suffisant pour gouverner une Maison qui renferme un si grand nombre de personnes ;

Que les différentes occupations de ces trois Directeurs ne leur permettent pas de donner tous leurs soins à l'administration de cette Maison ; en sorte qu'il est arrivé souvent qu'elle a été conduite et gouvernée pendant des tems considérables par une seule personne, même par le Greffier de la Maison, qui en l'absence des Directeurs, en faisoit les fonctions, et conduisoit tout comme il le jugeoit à propos ; ce qui est sujet à bien des inconvénients, et pourroit dans la suite causer la ruïne de la Maison ;

Que d'ailleurs les Officiers du Présidial ne vouloient pas que le Député du Chapitre eût voix délibérative lorsque l'Evêque se trouveroit au Bureau, à quoi ils avoient formé opposition le vingt-six Mars de l'année dernière ; prétention également contraire à l'Etablissement dudit Bureau, et à la Déclaration du Roy de 1695, qui en établissant les Evêques Chefs et Présidens nez des Bureaux de Charitez de leurs Diocéses, ne leur donne point la qualité de simple Député de l'Eglise, dont la présence doit ôter la voix délibérative à celui qui est nommé par le Corps d'un Chapitre, pour se trouver à tous les Bureaux, et donner durant tout le cours de l'année, ses soins et ses peines pour veiller au bien spirituel et temporel de cette Maison ;

Et sur la demande qui a été faite à Sa Majesté par ledit Sieur Evêque de Nantes, de vouloir bien par un Arrest explicatif des dites Lettres Patentes, augmenter de trois Directeurs le Bureau de l'Hôtel-Dieu de la Ville de Nantes, qui seront pendant quatre années dans la Direction, et nommez pour la première fois par Sa Majesté, d'entre les Notables Bourgeois et Habitans de la Ville et Fauxbourgs de Nantes, et ensuite élus par le Bureau, même à la pluralité des voix ; lesquels auront séance audit Bureau après les Députez des Corps, suivant le rang de leur Nomination inscrite sur le Registre ;

Comme aussi pour obvier aux difficultez formées par les Officiers du Présidial, ordonner que le Député du Chapitre de Saint-Pierre, aura voix délibérative au Bureau, même en présence dudit Sieur Evêque, étant nécessaire qu'il donne une attention particulière aux affaires de la Maison, et qu'il se trouve à tous les Bureaux ; ce qu'il ne pourrait faire, s'il étoit privé de la voix délibérative lorsque l'Evêque y est en personne.

Oüy le Rapport, et tout considéré : SA MAJESTÉ ETANT EN SON CONSEIL, Veut et entend, que sans déroger au Règlement de Police de l'Hôtel-Dieu de la Ville et Fauxbourgs de Nantes, vérifié en la Cour de Parlement de Bretagne le 16 Octobre 1568, confirmé par Lettres Patentes du Roy Charles IX, le 7 Janvier 1569 enregistrées au Parlement de Bretagne le 18 Aoust de la même année, que Sa Majesté confirme en ce qu'elles contiennent, le Bureau de l'Hôtel-Dieu de la Ville de Nantes soit augmenté de trois Directeurs, outre ceux portez par le Règlement et Lettres Patentes en conséquence ; en sorte que le Bureau se trouve composé de sept personnes ; sçavoir, du Sieur Evêque de Nantes, Chef et Président-né dudit Bureau, d'un Député dudit Chapitre de Saint-Pierre de Nantes, d'un Député du Présidial, d'un de l’Hôtel de Ville, et de trois Députez, qui seront choisis d'entre les notables et principaux Bourgeois et Habitans de la Ville et Fauxbourgs de Nantes, nommez par Sa Majesté pour la première fois, et ensuite par le Bureau même, à la pluralité des voix ; lesquels nouveaux Députez auront séance audit Bureau après les Députez des Corps, et présideront en leur absence, suivant l'ordre et l'ancienneté de leur nomination inscrite sur le Registre.

Veut Sa Majesté que le Député du Chapitre de Saint-Pierre, ait voix délibérative, même lorsque le Sieur Evêque se trouvera au Bureau, nonobstant tous usages ou transactions à ce contraires et qu'il y préside en son absence.

Ordonne que les nouveaux Directeurs seront pour quatre années dans la Direction, et commenceront du jour que le présent Arrest leur sera signifié ; et s'il venoit à décéder quelques-uns desdits Directeurs avant que le temps de leur exercice fût fini, que le Bureau en nommera d'autres à la pluralité des voix, et de même lorsque le temps marqué pour l'exercice de leur Charge sera expiré. Pourront lesdits Directeurs être continuez plus longtems par le Bureau, s'ils y consentent, et que le bien de la Maison le demande.

Et pour la première fois Sa Majesté a nommé pour Directeurs les Sieurs Groust, Villebonnet, et Loüis Bernier de la ruë de la Casserie. Veut au surplus Sa Majesté que la Maison de Dieu soit gouvernée suivant les mêmes Règles et Coûtumes qu'elle l'a été par le passé, Et seront sur le présent Arrest toutes Lettres Patentes expediées, si besoin est. FAIT au Conseil d'État du Roy, Sa Majesté y étant, tenu à Versailles le trentième jour de Mars mil sept cens vingt-six. Signé, PHELYPEAUX.

Cette augmentation de personnel était un peu tardive, car depuis longtemps le bureau avait des attributions qui réclamaient des soins assidus. Jusqu'à la création de l'hôpital général, il eut sur les bras tous les services qui se rattachent à l'assistance publique et lorsqu'il fut débarrassé de la police des pauvres renfermés, il eut à étudier et à résoudre les problèmes que soulevait la reconstruction de l'Hôtel-Dieu, à chercher les moyens d'augmenter ses ressources, à diriger un nombreux personnel de gens de service, à veiller sur l'éducation des enfants trouvés ; le concours, de trois auxiliaires n'était donc pas superflu.

Ainsi après avoir relevé directement de l'assemblée de l'Hôtel-de-Ville, qui lui conférait seule ses pouvoirs, le bureau était devenu, dans le cours du XVIIème siècle, le représentant de trois castes importantes de Nantes et au XVIIIème siècle il comptait parmi sept assesseurs quatre membres de la bourgeoisie. En lui donnant la liberté de se recruter par lui-même presque entièrement, Louis XV avait relevé la dignité de ses fonctions sans toutefois l'isoler de la mairie. La dépendance était moins étroite qu'au XVIème siècle, mais elle subsistait toujours et le corps de ville conserva jusqu'en 1789 l'habitude d'envoyer un délégué aux délibérations du bureau pour y communiquer son avis quand une question importante était en débat. Quoique la Justice et l'Eglise fussent représentées, il était néanmoins d'usage, quand les directeurs de l'Hôtel-Dieu voulaient emprunter des fonds, aliéner et acheter des immeubles, ou créer des revenus sur des impôts, de prendre l'avis du Chapitre, du Présidial, de la Chambre des Comptes et des Juges-Consuls, en envoyant des mémoires explicatifs à ces compagnies. Cette pratique a été suivie surtout dans les derniers temps de l'ancien régime.

En pénétrant dans le XVIIIème siècle on remarque qu'une nouvelle autorité intervient dans l'administration de l'Hôtel-Dieu, c'est celle de l'intendant de la province de Bretagne, qui, au nom du pouvoir central qu'il représente, interroge le bureau sur ses faits et gestes, lui réclame des statistiques de tous genres, lui transmet les instructions du contrôleur général et lui marque la ligne à suivre dans les innovations à entreprendre. Cet intermédiaire n'était pas le seul qu'on employât alors à l'Hôtel-Dieu : quand on avait quelque faveur à solliciter près de la Cour ; l'évêque du diocèse et le gouverneur du château se faisaient aussi très-souvent les avocats des pauvres à Versailles. C'est avec l'appui de l'évêque qu'on tenta, en 1779, d'obtenir des lettres-patentes portant à neuf le nombre des membres du bureau. Malgré cette puissante protection, les démarches de l'avocat au Conseil d'Etat, dont on avait réclamé l'office, restèrent sans résultat.

En compensation de toutes les peines qu'ils prenaient pour leurs administrés, les pères des pauvres jouissaient de quelques priviléges comme tous les officiers de justice et de finance. Ceux qui leur étaient reconnus par la coutume les dispensaient de toute charge publique, des devoirs de tutelle et de curatelle, du logement des gens de guerre, de la corvée des grands chemins, des ennuis du guet, de la garde et de la patrouille. L'octroi de toutes ces franchises n'avait pas été consacré par lettres-patentes spéciales ; mais quand les agents du fisc ou de l'administration les leur contestaient, le Parlement de Rennes et l'intendant de la province ne manquaient pas de les maintenir en possession.

L'organisation dont je viens d'indiquer les principaux traits disparut en 1790, lorsque l'Assemblée nationale supprima les institutions civiles et religieuses de l'ancien régime. Les députés du Chapitre et du Présidial s'étant tenus à l'écart, pour se conformer à la loi qui frappait leurs compagnies, le bureau se trouva réduit à trois membres, MM. Edelin de la Praudière, Petit des Rochettes et le Pot, qui, malgré les embarras d'une situation financière déplorable, consentirent à rester à leur poste. Ils se présentèrent au Directoire du département (en novembre 1790) et déclarèrent qu'ils voulaient bien garder leurs fonctions par humanité, pourvu qu'on leur accordât des secours et qu'on leur adjoignît des collègues. Les promesses qui leur avaient été faites n'étant pas encore réalisées au mois de juin 1791, ces trois administrateurs donnèrent leur démission. Pour les remplacer, la municipalité institua une commission composée de quatorze membres et de quatre délégués du corps municipal qui réunit dans ses mains l'administration de tous les hôpitaux de Nantes : l'Hospice des enfants de la Patrie, celui de la Réunion et le Temple de l'humanité, avaient à leur tête chacun un directeur qui veillait au gouvernement intérieur de chaque établissement. Cette nouvelle organisation ne dura pas plus de six années et fut remplacée par la loi du 16 vendémiaire an V, la même qui rétablit les hospices dans la jouissance de leurs biens ; cependant le principe d'unité administrative qu'elle avait innové fut conservé et s'est maintenu dans la législation depuis cette époque. Les commissions administratives instituées par la loi de l'an V se composaient de cinq membres renouvelables par cinquième d'année en année, et leur nomination appartenait, comme sous l'ancien régime, aux autorités locales, qui, à cette date, se désignaient sous le nom d'administration municipale de canton. Dans les lois et les règlements qui se sont succédé dans notre siècle, l'Etat s'est montré si jaloux de son autorité et si soupçonneux qu'il n'a pas cru devoir laisser aux villes ces inoffensives libertés locales que Louis XIV lui-même et les autocrates de la Révolution avaient respectées ; il s'est réservé à lui seul le droit de désigner, par ses agents, les citoyens qui auraient l'honneur de gérer le bien des pauvres.

(Léon Maître).

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