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Remarques sur diverses généalogies de la branche aînée des Coëtmen.

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Nous n'avons pas la prétention, dans les quelques pages qui suivent, d'écrire l'histoire de la seigneurie de Coëtmen et de ses possesseurs. Un tel fief demanderait, en effet, une plume plus autorisée et des loisirs qui nous manquent pour toutes les recherches nécessaires. Les documents sur Coëtmen sont fort rares, les archives anciennes de cette seigneurie ayant disparu lors de la destruction des châteaux de Coëtmen et de Tonquédec, et les plus récentes ayant alimenté le feu de joie qu'allumèrent les soudards du bataillon de Calvados dans la chambre des Demoiselles du château de Brissac [Note : Voir le procès-verbal de la destruction de ces archives, le 9 juin 1793, dans : Abbé Ch. GAUTIER, Histoire de Brissac et de son château, p. 429].

Nous nous sommes bornés, d'après les documents que nous avons pu recueillir, à élucider, croyons-nous, certains points demeurés jusqu'ici obscurs, espérant aider, par leur publication, ceux qui seraient un jour tentés d'écrire l'histoire de cette grande famille et de ce fief important du Goëllo.

Remarques sur diverses généalogies de la branche aînée des Coëtmen.

De nombreux auteurs ont étudié la généalogie de la maison de Coëtmen. Sans vouloir faire ici la bibliographie de ces travaux, nous citerons parmi les plus importants, tout d'abord celui de Dom Lobineau [Note : Bibliothèque Nationale, f. fr. 18.711] composé en partie d'après un vieux fragment de la généalogie des maisons de Coëtmen d'Acigné, conservé alors au château de Brissac ; puis celui de Dom Morice (Bibliothèque Nationale, f. fr. 22.348), qui avait entrepris de « magnifiser l'extraction de Gilette de Coëtmen ».

Au XIXème siècle, M. A. de Barthélemy a publié à lui seul trois généalogies différentes de ces seigneurs : la première, parue en 1849 (Bulletin monumental, 1849), est, de l'aveu même de son auteur, très incomplète et erronée ; la seconde, éditée en 1865, est la principale ; enfin, la troisième, dans les Anciens Evéchés, date de 1879.

Plus tard, en 1897, M. de Kerviler consacra à son tour, dans sa biobibliographie, une importante notice à cette illustre famille.

Enfin, de nombreux auteurs ont également reproduit les filiations indiquées soit par Dom Lobineau, soit surtout par de Barthélemy, qui se plaignait, amèrement d'ailleurs, que ces derniers n'aient pas au moins cité sa référence.

Or, bien que plusieurs écrivains aient paru accepter une généalogie des Coëtmen comme indiscutable, sans d'ailleurs indiquer laquelle, et mentionnent dans leurs travaux Prigent I, Prigent II, etc... sans autres détails, l'on reste stupéfait, en comparant celles que nous venons d'énumérer, de constater, tout d'abord, que ces généalogies présentent entre elles de très nombreuses divergences et qu'ensuite, toutes sont inexactes, comme il est facile de le démontrer.

D'où viennent donc ces différences et en même temps ces erreurs ? Toutes du mariage et de la descendance de Prigent, mentionné dans une charte de 1298 avec sa femme Amé de Léon, également, appelée Anne de Laval dans d'autres actes que nous étudierons tout à l'heure.

Dom Lobineau, trompé sans doute par ces deux noms et, comme nous le verrons plus loin, par un acte de 1340, indique deux Prigent : le premier, époux d'Amé ou Annette de Léon, auquel il attribue de nombreux enfants, parmi lesquels Prigent, époux d'Anne de Laval.

Avec Dom Morice, il n'est plus question d'Anne de Léon, mais d'une Anne de Laval, dont il donne également la descendance, petite-fille du roi d'Angleterre, ce qui constitue un important anachronisme, mais était évidemment plus flatteur pour Gilette de Coëtmen.

M. de Barthélemy, lui, bien que connaissant la charte de 1298 qu'il publia plus tard dans les pièces justificatives des Anciens Evéchés, nie que Prigent soit l'époux de la fille d'Hervé de Léon et de Catherine de Laval et prétend qu'Emmette était évidemment soeur de cette Catherine, dont elle hérita des droits qu'elle fit valoir avec son mari. Il indique aussi leurs descendants.

Enfin, pour M. de Kerviler, Anne de Laval est appelée à tort Anne de Léon. Il donne également sa postérité.

Or, il est aisé d'établir, comme nous l'allons voir, qu'Anne, fille d'Hervé de Léon et de Catherine de Laval, fut bien vicomtesse de Coëtmen et femme de Prigent ; qu'elle n'en eut pas d'enfant ; enfin, qu'elle prit tout d'abord le nom d'Anne de Léon, puis celui d'Anne de Laval.

En effet, Hervé de Léon, époux, le 5 mai 1265, de Catherine de Laval, fille puînée de Guy et de Philippe de Vitré, ayant dilapidé toute sa fortune et vendu au duc Jean le Roux, par contrats des années 1272, 1274 et 1276, la vicomté de Léon, le vicomte de Tonquédec et sa femme firent avec le duc Pierre un accord, daté du samedi avant la Saint-Barnabé 1298, au sujet des biens de l'ex-vicomte de Léon [Note : DE LA BORDERIE : Recueil d'actes inédits des ducs et princes de Bretagne (1889). Charte publiée d'ailleurs dix ans auparavant par MM. DE BARTHELEMY et GESLIN DE BOURGOGNE : Anciens Evêchés, t. VI, pièces justificatives, p. 202]. Il y est écrit :

« A tous ceux, etc... Prigent de Quoitmain, vicomte de Tronguedoc, et Anne, fille Hervé, jadis vicomte de Léon, femme au dit Prigent ; sachent tous, etc... ».

Charte scellée des sceaux de Geoffroy Tournemine, évêque de Tréguier, de Prigent de Coëtmen et de sa femme Anne de Léon.

Cet acte établit sans ambiguïté, ce nous semble, la filiation d'Anne de Léon. De plus, il est à remarquer que son sceau, publié par les Bénédictins [Note : Dom Morice, t. I, preuves. Il est à remarquer, d'ailleurs, que la croix est chargée, sans doute par erreur, de 9 coquilles, alors que l'enquête de 1486 donnant la description du tombeau d'Anne indique bien 5 coquilles], porte non les armes de Léon, mais bien celles de Montmorency Laval, et c'est là ce qui a dérouté plusieurs auteurs.

Sceaux de Prigent de Coëtmen et d'Amette de Laval (Bretagne).

Cependant, il est naturel qu'après la vente de la vicomté de Léon, Anne ait pris les armes de sa mère Catherine de Laval dont elle venait d'hériter.

Le fait que Prigent n'ait laissé aucun enfant d'Anne de Léon résulte, lui, incontestablement, de l'enquête faite peu d'années après, en 1341, pour la succession du duché, acte présentant par conséquent toute garantie et qui, de plus, vient confirmer l'ascendance d'Anne de Léon. Lisons, en effet :

« Item, le vicomte de Léon qui tenoict une des plus grandz et des plus nobles baronnyes de Bretagne, eut une seulle fille, son principal hoir, et fut maryée au vicomte de Quoitmen et sy eut deux soeurs dont l'aînée fut maryée à Monsieur Rolland de Dinan, lequel mourut et laisse deux filz : Monsieur Geffroy de Dinan, l'aisné, et Jean, son frère, puisné : Le dict Monsieur Geffroy mourut et laisse Monsieur Rolland de Dinan, qui vit à présent, son fils aisné ; l'autre fille fut maryée à Monsieur Gilles de Plouer, laquelle mourut et laisse Monsieur Gilles de Plouer qui vit à présent. Après ce, mourut, la dicte fille au vicomte de Léon sans hoirs de corps et vinct le dict Monsieur Rolland qui vit à présent, par représentation de son père et par droict et par cause d'aisnesse, combien qu'il fust en tiers degré, à la succession de la dicte fille et en déboutant et forclos Jan de Dinan et Gilles de Plouer, etc... » (Bibliothèque Nationale, f. fr. 22.338).

Reste à montrer qu'Anne de Léon et Anne de Laval ne font qu'une même personne.

Le sceau de l'acte de 1298 constitue déjà une forte présomption, mais les actes suivants viennent en faire la preuve formelle.

Une vieille enquête faite par Fouques de Rosmar le 27 octobre 1485 (Bibliothèque Nationale, f. fr. 8.269, fol. 259) mentionne, en effet, d'une part, un livre daté du vendredi avant la Saint-Michel 1318, portant qu'à cette époque, Anne de Laval, dame de Landegonnec, avait été vicomtesse de Coetmen. Or, d'autre part, cette même Anne de Laval, dame de Landegonnec, fonde douze ans plus tard, par acte du vendredi post-Lœtare 1330, la chapellenie de la Serche dans la Cathédrale de Saint-Brieuc, fondation qui donna lieu à des débats terminés, le samedi après la fête de saint Pierre et saint Paul 1343, par un accord qui nous fait connaître que, sans hoirs de corps, cette Anne de Laval, autrefois dame de Landegonnec, avait pour héritier Rolland de Dinan, sr. de Montafilant, et pour exécutrice testamentaire Clémence d'Avaugour, dame de Correc (Archives Côtes-d'Armor : E. 1376). Il suffit donc de rapprocher les deux actes de 1341 et 1343 pour identifier Anne de Laval à Anne de Léon.

Enfin, un mandement du 1er juin 1507, dont copie fut adjugée à la famille d'Acigné par le parlement de Bretagne en 1518, vient confirmer tout ceci et donne d'utiles indications pour la suite de cette étude. Il y est écrit :

« Les sires d'Acigné, prédécesseurs de notre très cher et très aimé cousin, Jehan, sire d'Acigné, baron de Coëtmen, etc... sont issus en droite ligne masculine légitime de nos prédécesseurs de Vitré, de laquelle extraction avons plein (ement) esté informé par les lettres et actes authentiques que avons veu et fait voir et extraicts de notre thrésor des lestres auxquels nous ajoutons pleine foi .... Mêmement, notre très chère et très aimée cousine la dame d'Acigné, vicomtesse de Coëtmen et Tonquédec, son épouse, est semblablement issue de notre maison de Laval à cause de Catherine de Laval, fille de Guy, laquelle Catherine épousa Hervé, fils aisné de Hervé, vicomte de Léon, et de lui eut une fille nommée Annette qui fut femme de Prigent, vicomte de Couetmen, prédécesseur de notre dite cousine » (Archives Côtes-d'Armor : Dossier Coëtmen).

Nous avons tenu à nous appuyer sur des titres indiscutables pour faire la preuve de ce que nous avions avancé, mais plusieurs généalogies des seigneurs de Laval, dont une manuscrite entre autres, établie d'après les anciens chartiers de cette seigneurie et conservée aux Archives nationales (Archives Nationales : Dossier M. 372), viennent, tout en confirmant les points précédents, éclairer en même temps la destinée des différentes filles de la maison de Laval du prénom d'Anne ou Emme, confondues par les divers généalogistes des Coëtmen.

Elles nous apprennent, en effet, qu'Emme [Note : C'est cette Emme que D. M. donne pour femme à Prigent. Voir son sceau dans : DE FARCY : Sigillographie des seigneurs de Laval], dame de Laval après son frère Guyonnet, fille de Guy et d'Havoise de Craon et petite-fille d'autre Guy et d'Emme d'Angleterre, fut mariée trois fois :

1° En 1214, à Robert d'Alençon, « dont elle retint toujours le sceau, sur lequel elle mit le léopard ».

2° En 1221, à Mathieu de Montmorency.

3° A Jean de Tocy, Sr. de Puisaie.

Elle mourut en 1265 et fut enterrée à l'abbaye de Clermont, près Laval, « dans la vouste du choeur, contre l'autel, faite exprès ».

Du deuxième lit issut Guy de Montmorency Laval, qui épousa en premières noces, en 1239, Philippe de Vitré, fille aînée d'André et de Catherine de Thouars, dite de Bretagne, puis en secondes noces, en 1255, Thom.asse de Mathefelon, veuve de son beau-père, André de Vitré, mort en 1250 devant Damiette. Il succéda en 1265 à sa mère et mourut en 1267, laissant un fils, Guy, et deux filles, Emmette et Catherine. L'aînée, Emmette [Note : C'est elle que M. DE BARTHELEMY et M. DE FARCY ont donnée pour femme à Prigent], mourut en 1287 sans alliance « parce qu'il ne se présenta pas de barons assez puissants pour être alliés avec elle » (DE BOURJOLLY : Mémoire chronologique sur la ville de Laval, t. I, p. 210).

Quant à Catherine, elle épousa Hervé, vicomte de Léon, et eut en partage le manoir de Landauran, près Vitré, 200 livres de rente, assises moitié sur la terre de Laval et moitié sur celle de Vitré, mille livres tournois, et,

« parce qu'Hervé, vicomte de Léon, disait qu'autre Monsieur de Laval avait promis 150 livres de rente en cas qu'Emmette aisnée vint à décéder sans enfant, dont Monsieur de Laval ne se souvenait plus, fut avisé qu'ils en passeraient par le dire de Messieurs d'Avaugour, de Chasteaubriand et du Pont, qui avaient assisté aux promesses.

De ces lettres de Morice, évêque de Rennes, du 5 may 1265 avant Pâques, du mois de septembre audit an, enfin accord en 1271 ».

De fait, après la mort, sans hoirs, d'Emmette, en 1287, les terres qu'elle possédait en Goëllo revinrent à son frère Guy, qui les donna à sa nièce, Annette de Laval, femme de Prigent de Coëtmen, comme l'a d'ailleurs mentionné déjà le vicomte Urvoy de Portzamparc (Généalogie de la maison de Trogoff, p. 33).

D'où vient donc que Dom Lobineau, toujours si précis, ait fait semblable confusion ? Il l'indique lui-même et explique qu'il a été amené à envisager deux Prigent de Coëtmen par l'acte de mariage de Jean de Coëtmen avec Marie de Dinan, daté du mardi durant les octaves de la Chandeleur 1340, dans lequel Anne de Laval est qualifiée de mère dudit vicomte (Rolland), jadis vicomtesse de Coëtmen. Mais, d'après les actes qui précèdent, cet argument n'est pas à retenir, et il est d'ailleurs naturel qu'Anne, ayant élevé les enfants du premier mariage de Prigent avec Angeïne de Chateaubriand, ait été qualifiée de mère de Rolland.

A partir de ce Rolland, les documents sur la maison de Coëtmen sont un peu plus nombreux ; aussi, les divers généalogistes sont-ils à peu près d'accord sur la succession des vicomtes et sur leurs alliances, sauf toutefois sur le mariage de Marie de Kergorlay, que les uns donnent comme épouse à Guy, décédé en 1330, d'autres à son frère Rolland, décédé en 1364, d'autres enfin à Geffroy, fils de Rolland, décédé en 1362.

Cependant, le nécrologe des frères mineurs de Guingamp portant expressément :

« XII Kal. Obit Domina Maria de Guergorllé consors Domini vicecomitis de Coëtmen anno Domini 1362 »,

la première hypothèse doit être manifestement écartée, car le qualificatif eut été certainement relicta.

Pour justifier la seconde, ses auteurs, après une descendance fantaisiste de Prigent et d'Anne de Léon, où quatre générations se succèdent en moins de cinquante ans, indiquent qu'un Prigent II, fils de Guy, aurait eu trois lits : l'aîné Rolland, tué en 1347 ; son frère Geffroy, époux de Marie de Kergorlay, lui succédant et décédé sans hoirs en 1362 ; enfin, autre Rolland, vicomte de Coëtmen après ses frères, donc après 1362, époux de Jeanne de Quintin, d'où Jean. Le contrat de mariage de Jean, rappelé plus haut et daté de 1340, vient détruire toutes ces assertions, ainsi, d'ailleurs, que l'acte de partage de 1399 entre Rolland, fils de Jean, et son frère, autre Geffroy.

Il semble donc qu'il ne puisse y avoir aucun doute sur l'interprétation du nécrologe de Guingamp et que Marie de Kergorlay fut la seconde femme de Rolland.

Par contre, si l'ascendance masculine de Prigent est également parfaitement connue, grâce aux chartes et au nécrologe de Beauport, depuis le Sr. Geslin, époux de l'héritière de Tonquédec et tige des Sr. de Coëtmen, ces documents ne mentionnent que les prénoms des premières vicomtesses et, là encore, l'incertitude plane sur la famille de Constance, épouse d'Alain, sur celle d'Alix, épouse de Rolland, son fils, enfin sur celle d'Eugénie, première femme de Prigent.

Une enquête par tourbe de 1486 (Archives Côtes-d'Armor, reproduite dans les Anciens Evêchés, t. VI, p. 249 et suiv.) sur les prééminences et droits honorifiques de la maison de Coëtmen, donnant la description de la maîtresse vitre de Tonquédec, indique au-dessous des armes écartelées d'Avaugour et de Tonquédec :

« quattre péres d'armes mi-parties en banière ; en la première partie de chacune des dittes armes sont les armes de Tonquédec du blason susdit, en la seconde partie des dittes armes sont les armes de la vicomté ancienne de Léon qui à présent est en la main de la principauté de Bretaigne et sont icelles armes d'or à ung lion de gueules ; en la seconde sont les armes de Cran qui sont lozangécs d'or et de gueules ; en la seconde partie des dittes tierces armes sont les armes de Laval qui sont d'or à saeze esgletz d'azur, à une croix de gueules à cinq croizilles d'argent, et en la seconde, partie des dittes quartes armes sont les armes de Montafilant qui sont de gueules à seix (tourteaux d'hermines) et quatre fusées de mesme ; et dit l'on communément en celles parties que les armes ajointes es dittes quattre banerets d'armes o les ditz sont les armes de quatre femmes qui furent mariées à Tonquédec les unes après les autres, savoir : la fille du vicomte de Léon, la fille du sire de Cran, la fille de Laval et la fille de Montafilant ».

Cette dernière phrase a conduit les divers généalogistes à admettre que c'étaient là les armes des alliances des quatre vicomtes qui s'étaient succédé depuis Prigent, époux d'Anne de Léon, puis que c'étaient les armes des quatre alliances succédant à celle de Geslin et de l'héritière de Tonquédec [Note : V. entre autres : Bulletin monumental, 1849 ; Revue d'histoire nobiliaire, t. III, p. 306].

Or, les armes de Laval et de Dinan se suivant montrent qu'il n'en est rien, et, à notre avis, la tradition orale est en partie erronée, comme il arrive souvent. Il faut voir là uniquement, croyons-nous, les alliances les plus honorables de la maison de Coëtmen, que l'on retrouvait également, d'ailleurs, dans la grande verrière du Folgoët.

Remarquons, en outre, que l'enquête contient une seconde erreur, très importante celle-là, en attribuant au blason d'or au lion de gueules, les armes de Léon, qui étaient, comme l'on sait : d'or au lion moulé de sable.

Les premières ne peuvent être que les armes du Pont, armes qu'il était, d'ailleurs, naturel d'y rencontrer, cette verrière ayant été donnée par Jean et sa femme Jeanne du Pont.

L'on peut même se demander si cette erreur n'a pas été voulue, l'enquête de 1486 ayant été faite au sujet des préséances respectives des seigneurs du Pont et de Coëtmen à la suite de la défense qui leur fut faite, par lettres du duc du 26 septembre de cette même année, de prendre séance aux Etats jusqu'à ce que leur différend soit vidé ! Il n'était donc pas sans intérêt pour les Coëtmen de substituer les armes de Léon à celles du Pont.

Quoi qu'il en soit, trompés par cette enquête, les différents auteurs ont donné comme femme à Alain, Constance de Léon, puis Constance de Vitré. Dom Lobineau précise même, d'après la chronique de Brissac, que cette dernière était la deuxième fille d'André de Vitré et d'Onguen de Léon.

Outre que son blason (de gueules au lion contourné et couronné d'argent) eût sans doute figuré dans la maîtresse vitre, cette alliance paraît bien improbable, si l'on veut bien se rappeler qu'Enoguen fut la seconde des quatre femmes d'André de Vitré et qu'Alain de Coëtmen est encore mentionné, sans curateur, en 1260, dans le procès d'excommunication dont il fut l'objet de la part de la papauté.

D'un autre côté, le mandement de 1507, relaté plus haut, n'eût pas manqué, semble-t-il, d'indiquer cette descendance commune de la maison de Vitré, des Coëtmen et des d'Acigné.

Enfin, Pierre le Baud, qui paraît particulièrement bien renseigné sur la vie, les quatre mariages, le testament et la descendance d'André de Vitré, ne donne à ce seigneur qu'une seule fille, Emme, épouse, en mai 1207, d'Alard de Châteaugontier (Bibliothèque Nationale : Chronique des seigneurs de Vitré).

Constance n'appartenait-elle pas plutôt à la maison de Craon ? La bannière aux armes en alliance de Tonquédec Craon, dans la maîtresse vitre de Tonquédec, autorise cette supposition avec vraisemblance, ainsi que la grande amitié qui unissait Geslin de Coëtmen à Amaury de Craon. Toutefois, l'ouvrage si remarquable de MM. de Broussillon et de Farcy sur la maison de Craon, ainsi que le trésor généalogique de Dom Villevicille, si complet sur cette époque, ne mentionnant pas cette alliance, l'identification de Constance reste à trouver [Note : Le losangé d'or et de gueules pourrait être également Vayer, dont une branche était à Goudelin au début du XIIIème siècle].

M. de Barthélemy a indiqué qu'Alix, épouse de Rolland, troisième seigneur de Coëtmen, appartenait à la maison de la Rochejagu, parce qu'elle fit, en 1311, donation à Beauport de trois rais de froment sur ses dîmes de Lannevez, à charge de célébrer un service annuel ; et ce, avec l'assentiment de Richard de la Rochejagu, lequel était époux de Gasceline de Montfort. Aucune généalogie de la maison de la Rochejagu ne vient confirmer cette hypothèse des plus vraisemblables. Bornons-nous à signaler que dans une vieille généalogie des Coëtmen, provenant des papiers de Pierre de Lannion, seigneur de Quinipily, qui la tenait, sembla-t-il, du Père Du Paz [Note : Cette généalogie intitulée : Breffve et succincte généalogie des vicomptes de Coëtmen entre lesquelz et les sieurs de Quelen et du Vieux Chastel il y a eu alliance, nous a été communiquée simultanément par le vicomte Urvoy de Portzamparc et M. Le Guennec], Rolland est mentionné époux d'Alice de Landegonnec, dame dudit lieu et de Lannevez. Ce serait là l'héritière de la maison de Landegonnec, ce que confirme d'autre part le chroniqueur Ruffelet.

Quant à Eugénie, ou Angéïne suivant la généalogie précédente, elle était indiquée sur la vieille chronique du château de Brissac comme appartenant à la famille de Chateaubriand, ce qui expliquerait la présence du seigneur de Chateaubriand au contrat du second mariage de Prigent.

La généalogie de la branche aînée de la maison de Coëtmen donnée par Dom Lobineau nous semble donc devoir être rectifiée et complétée comme il suit. Cette généalogie est encore bien incomplète, si l'on en juge par les nombreuses et illustres alliances que lui prête Dom Morice et que nous n'avons pu retrouver, en particulier les alliances des héritières de Coëtmen avec les sires de Plusquellec et de Tinténiac [Note : La généalogie de la famille de Plusquellec, par Guy AUTRET DE MISSIRIEN conservée à la Bibliothèque Nationale, celle du manuscrit Le Borgne, enfin celle des archives des Salles, ne mentionnent cette alliance Coëtmen-Plusquellec].

Ces alliances ont-elles d'ailleurs toutes existé ? Il est fort permis d'en douter, tout au moins en ce qui concerne l'alliance Coëtmen-Tinténiac, sur laquelle le savant Bénédictin donne les précisions suivantes :

« Item, une autre fille d'un antre vicomte de Coëtmen fut mariée au Sr de Tinténiac, seigneurie appartenant d'ancienneté aux comtes de Laval, quelle fille de Coëtmen est enterrée et ensépulturée en la grande église de Tinténiac en arche et tombe eslevée, ainsi qu'il est et était coutume anciennement de faire aux grands personnages et sont ses armes avec celles de son seigneur et mary mi-parties en la grande vitre de la dite église et en autres endroits et en plusieurs lieux ».

Or, nous avons sous les yeux le très détaillé procès-verbal, antérieur à Dom Morice, « de toutes marques, écussons, peintures, vitres, armoiries et tombeaux » des églises de Tinténiac, Saint-Domineuc, la Chapelle-Chaussée, les Iffs, la Baussaine, Trimer, etc., dressé en octobre 1627 par Jean du Guichet, Sr de la Raudisière, agent des affaires de hault et puissant Sr Gaspard, comte de Coligny, Sr de Tinténiac, etc..., et M. Léonard Allain, procureur de dame Françoise de la Fayette, abbesse de Saint-Georges, qui se disputaient les prééminences de ces églises (Archives Ille-et-Vilaine. Fonds Saint-Georges 2 H I).

Jean du Guichet n'eut garde d'omettre un écusson des Tinténiac ou de leurs alliances, et cependant les armes de Coëtmen, soit pleines, soit mi-parties, ne sont mentionnées dans aucune des nombreuses verrières décrites.

Quant à la curieuse chapelle seigneuriale dans l'église de Tinténiac, voici la description qu'en donne le Sr de la Raudisière :

« Une chapelle ruinée, contenant en carré le nombre de quinze pieds, sans aucune couverture ny superficie, aux deux costés de laquelle se remarquent deux voultes de pierres enclavées dedans les murailles, en l'une desquelles, aboutissant au coeur de la dite église, se void ung tombeau sur lequel il y a un grand écusson des plaines armes de Tinténiac, et en l'autre, joignant au cimetière, se voient deux tombeaux élevés d'environ deux pieds et demy sur lesquels sont deux statues et figures de femmes de sculpture de tuffeau et, au milieu de la dite chapelle, avons pareillement veu trois tombeaux élevés de terre de deux pieds et demy ou environ, partie d'iceux portés sur des pions et les autres sur des pierres et sur lesquels tombeaux trois statues d'hommes armés de touttes pièces avecque les écussons des armes de Tinténiac, le tout estant tellement caduc et antien que partie des dites figures sont rompues et disjointes de leurs corps ».

Mais, fait plus curieux encore, une chronique de l'an 1516, relative cependant aux origines de Gilette de Coëtmen et de son époux, passe également sous silence l'union indiquée par Dom Morice et précise ainsi qu'il suit l'alliance des Laval aux d'Acigné par les Tinténiac et Malestroit (Archives des Côtes-d'Armor : Dossier Coëtmen).

« De Godehen de Fougères, femme de Jean, baron de Combour, issurent deux filles, dont l'une, Jeanne de Dol, fut mariée en premières noces à Jean de Tinténiac, d'où Ysabeau de Tinténiac, épouse de Jean de Laval, puis en secondes noces à Jean de Malestroit. L'autre fille fut mariée au Sr d'Acigné (Pierre). On en voit les preuves aux vitres de Saint-François de Rennes.

Dame Aetoise de Tinténiac fut mariée à Fontenay, maison d'où Jeanne, héritière d'Amaury, capitaine de Rennes, porta à Jean d'Acigné Fontenay et Loyat, d'où le sire d'Acigné qui épousa Catherine de Malestroit, petite-fille de Jeanne de Dol et ayeule du sire d'Acigné d'à présent ».

Il est donc bien étrange que l'alliance Coëtmen-Tinténiac, si elle a réellement existé, n'ait pas été signalée dans ces documents.

Nous n'avons pu identifier l'alliance Plougras-Coëtmen, bien réelle celle-là, comme en témoignent les armes en alliance dans la curieuse chapelle de Keranmanach, en Plounévez-Moëdec. Nous n'avons pas été plus heureux en essayant de rattacher d'abord Ysabeau de Coëtmen, qui, en 1485, demandait aux officiers de Carhaix un curateur pour son mari, Henry le Glas (Bibliothèque Nationale, f. fr. 22.338), puis Jeanne de Coëtmen, épouse de Phillippe, Sr de Saint-Denoual, dont la fille Julienne épousa Pierre du Guesclin, fils de Mahaut de Broon [Note : P. ANSELME : Généalogie des grands officiers de la couronne, et LE LABOUREUR : Généalogie Budes, p. 13].

Enfin, nous ignorons également comment relier à la branche principale Jean de Coëtmen, chevalier, Sr de Ploubezre et de Trébeurdain, époux de Bonne de Rieux, et sa soeur Barbe, épouse de haut et puissant Messire Henry de Rohan, Sr de Kerkoët, mentionnés tous les deux sur le seul feuillet qui subsiste d'une vieille généalogie des Coëtmen (Bibliothèque Nationale : Dossiers bleus, Coëtmen).

D'après oe document, la fille de Jean et de Bonne de Rieux, Catherine de Coëtmen, dame de Kercoedon et Klanvelic, aurait épousé, par contrat passé à Dol devant Cleret, notaire, le 26 août 1374, Messire René du Coskaer, écuyer, Sr de Kermalaick, fils puîné de feu noble et puissant Messire Alain du Coskaer, dit de la Vieuxville, vivant Sr de Kermaria et autres lieux, et de Jeanne d'Este, demoiselle ferraroise, fille d'Obizon et d'Anne de Gonzague.

Que vaut ce document, et comment de si illustres alliances, si elles sont exactes, n'ont-elles pas été mentionnées par les divers généalogistes ? Nos recherches sur ce point ont été vaines. Une généalogie ancienne de la famille de la Vieuxville confirme cependant ces alliances et précise qu'Alain du Coskaer mourut le 16 septembre 1360.

« pour lors au service de Madame Jeanne, reine de Naples, qui l'avait retenu pour l'un de ses ministres à la mort de Charles, roi de Naples, son époux, dont le dit de la Vieuxville était premier chambellan et affidé conseiller ».

Alain du Coskaer, d'après cette généalogie, serait le père de René Alphonse, époux de Catherine de Coëtmen, de Jean du Coskaer, tige des Srs de Farbus, et d'autre Alain, tige des Srs de Rosambo (Bibliothèque Nationale : Dossiers bleus 212).

Signalons, en terminant, trois erreurs communes faites soit par des copistes, soit par des héraldistes, sur les Coëtmen.

Plusieurs copies des arrêts de la réformation de 1669 indiquent une Eléonore de Coëtmen [Note : Mentionnée également dans l'Armorial de GUERIN DE LA GRASSERIE, t. I, p. 81], épouse de Mayeuc Buzic. Le comte de Rosmorduc a prouvé, d'après la grosse originale, qu'il s'agissait là d'une substitution à Coëtmen, ou plus exactement à Coethamon, qui figure en toutes lettres dans le contrat du mariage d'Alain Buzic, fils de cette Eléonore, avec Jeanne de Nevet, acte daté du 18 avril 1455 [Note : Comte de Rosmorduc : La noblesse bretonne devant la réformation, Bibliothèque Nationale, Réserve Lm2 325, t. I, p. 61].

Divers auteurs ont également mentionné le tombeau d'un juveigneur de Coëtmen dans la chapelle Sainte-Anne de la cathédrale de Tréguier, orné de deux écussons portant l'un 9 annelets et un franc canton et l'autre les armes de Kerbouric. Nous avions longtemps recherché sans succès cette alliance, lorsque le manuscrit inédit de Morice le Borgne nous apprit qu'il s'agissait certainement là du tombeau d'un cadet de la vicomté de Troguindy (de gueules à 9 annelets d'argent 3-3-3, au franc canton d'or), qui épousa l'héritière de Kerbouric. Celle-ci était vraisemblablement fille, ajoute l'auteur, de Thomas de Kerbouric qui, l'an 1318, reçut Hervé de Kerbouric, son frère puîné, pour son homme ramager du manoir de la Rivière, en Tréduder.

Ce furent les père et mère de Messire Henry de Troguindy, chevalier, Sr de Launay, en Camlez, époux de Jeanne de Keraliou.

Enfin, plusieurs archéologues ont cru identifier dans une clef de voûte de l'église de Brélévenez, les armes en alliance des Coëtmen et des Crésolles. Ce sont, en réalité, les armes de Maudet de Crésolles, Sr de la Villeneuve, fils de François et de Marie le Du, héritière de la Villeneuve, et celles de sa femme, Jeanne de Troguindy, fille de Jean, Sr de Launay, et de Jeanne de Kerloaguen.

L'erreur était excusable, car Tonquédec et Troguindy avaient, au blason près des annelets, mêmes armes, et eurent vraisemblablement une commune origine. Les armes des Coëtmen figurent d'autre part en alliance avec celles des Kerimel dans cette même église (R. Couffon).

Tombeau du Sire de Troguindy (Bretagne).

Voir aussi   Généalogie des Coetmen (Bretagne) " Généalogie de la Maison de Coëtmen (branche aînée).

Voir aussi   Généalogie des Coetmen (Bretagne) " Généalogie de la Maison de Coëtmen (branche cadette).

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