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LES CORDELIERS DE CUBURIEN

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La forêt de Cuburien, où s’établirent ces religieux, était comprise dans le domaine considérable que, sur l’ordre du duc de Bretagne, Geffroy III, le comte de Léon, Guyomarc’h VII, céda, vers 1180, à son frère cadet, Hervé, et qui forma, depuis, la vicomté de Léon. Les moines du prieuré Saint-Melaine de Morlaix avaient reçu, vers 1148, de leur fondateur Guyomarc'h IV, comte de Léon, le droit d’y recueillir du bois mort, pour l’usage de leur maison et de leur usine à sel. En cette forêt, note un mémoire produit en 1479 par le vicomte de Rohan, « sont les plus grandes, belles et plaisantes chasses de tout le pays de Basse-Bretagne... ez quelles forests y a bestes noires et rousses... » (Le Guennec).

Le domaine de Cuburien, qui s’étendait alors depuis Saint-Martin jusqu’à la terre de Pennelé et de Lanneguy, possédait le château-fort de Trebez, bâti sur un roc escarpé, à l’entrée de la rivière. Ce domaine passa à la maison de Rohan, par la mort de Jeanne, vicomtesse de Léon, fille de Henri VII de Léon, et de Marguerite d'Avaugour, qui avait épousé, vers 1349, Jean, vicomte de Rohan. Ce dernier, outré des faveurs que le duc Jean IV accordait aux Anglais, s’était rallié au parti français et à du Guesclin, auquel la ville de Morlaix ouvrit ses portes. Le duc, offensé de cette trahison, résolut d’en tirer vengeance. Il partit de Saint-Pol, en 1374, avec une armée d’auxiliaires anglais, et s’avança sur Morlaix dans l’intention de livrer cette place au pillage et au massacre. Les troupes assaillirent le château de Trébez et s’en emparèrent, mais, la population morlaisienne étant venue au devant du duc en criant : « Miséricorde ! Vive Bretagne ! », Jean IV s’attendrit aux supplications de cette multitude, et consentit à épargner la ville, à condition que quarante principaux auteurs de la révolte fussent livrés à sa justice. Il logea cette nuit au château de Trébez, livré le lendemain aux flammes, et entra dans Morlaix, où il fit pendre à la vue de tout le peuple, les otages qui lui avaient été remis.

La tradition a conservé au lieu du supplice de ces malheureux le nom d'Eon Coroller, qui avait, le premier d’entre eux offert sa vie pour sauver ses compatriotes, et on l’appelle encore la Roche-Coroller.

Dès la première moitié du XVème siècle, les Frères Mineurs de l'Observance s’étaient établis sur les côtes de Bretagne. Il est mention, en 1436, d’un couvent de l'Ile-Verte, voisin de l'Ile de Bréhat. Le couvent de l'Ile-Vierge, en Plouguerneau, existait déjà en 1448 (Wadding, Annales Minorum, T. XII, pp. 13, 150). Cette île stérile et inhabitable du diocèse de Léon fut la pépinière d’où sortirent les premiers moines de Cuburien, de Landerneau (1488) [Note : A l’emplacement du Calvaire actuel] et de Notre-Dame des Anges, en Landéda (1507). De là le proverbe : Virgo peperit tres, et postea infirmari coepit, et fuit derelicta et sterilis : « La Vierge a donné naissance à trois enfants, s’est ensuite affaiblie, et est tombée dans l’abandon et la stérilité » (Fr. de Gonzagua, De Origine seraphicae religionis, p. 888).

Par Bulles données, à Saint-Pierre de Rome, le 9 Février 1445, le pape Eugène IV avait autorisé l’érection de quatorze couvents de l'Ordre des Frères Mineurs de l’Observance. Alain IX, vicomte de Rohan et de Léon, qui venait de fonder, en 1456, le couvent de Pontivy, leur donna, par lettres du 17 Octobre 1458 [Note : La date de 1458 et non 1448 comme le porte par erreur un document de 1611, conservé aux Archives départementales (23 H 17)], trois journaux de terre, à la lisière de la forêt de Cuburien, auprès d’une belle fontaine nommée auparavant la Fontaine Blanche, et d’une petite chapelle de Saint-Jean l'Evangéliste :

« Nous Alain vicomte de Rohan et de Léon comte du Porhoët et de la Gasneche scavoir faissons que pour la singulière devocion et amour que nous avons envers nostre benoist saulveur Jhesu Crist et Monsieur S. François et ceulx qui observent et tiennent son ordre dont ainssi que nous ayons entendu aucuns du dit ordre et auttres bons et vrays catholiques ont propos et volonté de faire ediffier et construire ung hermitaige et habitacion pour la demorance contemplation et reffuge dauchuns des religieux du dit ordre en nostre forest de Cuburien et ses appartenances lez Morlaix. Nous pour les dites causes de nostre don aulmone, singulier désir et affection avons aujourd’hui donné concedé et octroyé donnons concédons et octroyons aux dits religieux leurs custodes gardiens ministres et gouverneurs congée pouvoir et licence de faire construire et ediffier en nostre dite forest couvent ou heremitayge habitacion et demorance pour les religieux du dit ordre qui demorer y vouldront en tel endroit de nostre forest qu’ilz ou l’un d’euz veront l’avoir a faire o pouvoir de y prendre de nostre dite terre et heritaige jusques a troys journeaulx ou plus si besoign en ont si mandons et comandons a noz senechal bailliff procureur et recepveur dessus les lieux de cest nostre present don et octroy faire souffrir et lesser jouyr les dits religieux et leurs commis cessantz tous empeschemens au contraire et en tant que besoign est avons commis et commettons par cestes presentes noz dessus dits officiers et chacun quant affin de limiter borner et mercher les lieux et endroits que les dits religieux esliront et choesiront pour leur couvent ou hermitaige et leur en bailler la possession et y faire toutes les choses pertinentes et necessaires. Donné à la Chese soubz nos signé manuel et signet le XVIIème jour d’octobre lan mil quatre centz cinquante et vingt. Alain de Rohan » (Archives départementales, 23 H).

Pour obtenir des religieux, le vicomte de Rohan s’adressa au frère Rolland Bourdays, vicaire provincial des Frères Mineurs, demeurant dans les îles marines et lieux circonvoisins de la mer, aux portes de Bretagne et Normandie [Note : En 1448, les Franciscains de Bretagne et de Normandie formaient une custodie, dépendant de la province de Touraine (Fr. Odorie Jouve, Notes sur les Frères Mineurs de la province de Bretagne, Paris, 1932, p. 2). Un document de 1611 note que ce sont des religieux de la province turonnienne pictavienne qui vinrent exécuter la donation du vicomte de Rohan]. Fort occupé à ce moment, celui-ci délégua frère Guillaume Rechon, pour traiter l’affaire. Rechon accepta, le 15 Mars 1459, la donation du vicomte de Rohan. L’acte d’acceptation fut dressé à Angers, au Lion d’or, par Guillaume de la Houlle, notaire, au nom de Rechou (Rechon ?) mandaté par Bourdoys (Bourdays ?), en présence de quatre témoins, dont deux recteurs de paroisses du diocèse de Vannes, et deux clercs originaires de Tréguier, étudiants à l'Université d’Angers.

Le 16 Août 1476, Jehan II, fils d'Alain IX, vicomte de Rohan, comte de Porhoët, seigneur de Léon, qui devait fonder, douze ans plus tard, le couvent de Landerneau (1488) donne ordre à ses représentants et officiers de faciliter aux religieux l’achèvement de leur construction et des murs de leur enclos, en leur permettant de prendre de la pierre dans la « périère » de Cuburien.

Le 8 Novembre de la même année, le chapitre de Pontivy ordonne de dire une messe pour le Seigneur de Rohan, et annonce le chapitre suivant à Cuburien, pour le deuxième dimanche après Pâques 1478 (Courtecuisse, Tables Capitulaires des Frères Mineurs de l'Observance et des Récollets de Bretagne, 1930, p. 5).

Le 16 Juillet 1495, le pape Alexandre VI, par l’entremise de l'Official du diocèse de Cornouaille, adresse au gardien de Cuburien, Hervé Charaton [Note : Le gardien, pour les Frères Mineurs, c’est le Supérieur du Couvent], une Bulle, où défense est portée de représenter d’autres personnages que saint François d'Assise, avec les stigmates, sous peine d’interdit et d’excommunication. Quiconque prêchera ou agira contre la teneur de cette Bulle sera considéré comme suspect d’hérésie (Archives départementales, 23 H 20).

Le couvent de Cuburien reçut des agrandissements successifs. « Longtemps après que le couvent estoit basty et cerné de murs, selon le premier embornement, l’on trouva que l’habitation estoit fort incommode à cause que la fontaine et la périère estoient hors les murs, l’une et l’autre fort nécessaires pour faire longue et paisible demeurante en ce lieu ». Les premiers moines du couvent n’avaient pas ressenti ces inconvénients. Venus de loin, isolés dans le pays, « répudiés et hués comme des vagabonds », heureux d’avoir vu aboutir leurs efforts, ils étaient « contents de la petite commodité qu'il avait plu à Dieu de leur donner ». Bientôt leur nombre s’accrut, et les nouveaux venus étant « de plus grande qualité » songèrent à agrandir leur domaine.

Les seigneurs de Rohan, auxquels ils firent appel, leur accordèrent tout ce qui était nécessaire pour amplifier le dit lieu, et « l’exécution de ce fut fait par les officiers de la seigneurie et juridiction de Pensez, embornant tout autour du mur déjà faict... et tout ce qui fut alors faict fust clos de fossés commencants au pont qui est au bout du chemin qui conduit au manoir de Kerechou jusqu’à la mer de l'austre côté du couvent devers Lanneguy » [Note : Lettres patentes de Jean de Rohan (12 Octobre 1497), données à Pontivy, — d'Anne de Rohan (1528), — de René de Rohan (1543), données à Landerneau (Archives départementales 23 H, 18)].

Les seigneurs fondateurs fournissaient aussi aux religieux du bois de chauffage « par les mains du receveur de la juridiction et forestier, jusques à quatre milliers de fagots et certain nombre de gros bois et ce qui estoit bon à émonder de la rabine, dempuis Morlaix jusques au dit couvent » [Note : Les Seigneurs de Rohan procuraient du bois de chauffage aux trois couvents qu’ils avaient fondés : Pontivy, Landerneau et Cuburien. (Ibid.)].

Quand René de Rohan [Note : Auteur du mot célèbre dit à Marie Stuart entrant à Morlaix : « Jamais Breton ne fit trahison ». Fait prisonnier en 1551, il fut tué d’un coup de pistolet par un soldat], pour suivre à la guerre le roi de France, François Ier, en lutte contre Charles-Quint, fut amené à vendre sa propriété de Cuburien, en 1549, les religieux se firent donner vingt journaux de terre sous bois taillis, et les émondes de la rabine.

Louis Jourdan, seigneur de Penmené, commissaire du seigneur de Rohan, assisté des officiers de la juridiction de Daoudour, fut chargé d’exécuter la volonté de René de Rohan. Ils « embornèrent et assignèrent aux frères du couvent les susdits vingt journaux de terre sous bois, taillis et les émondements de la rabine ». Dont acte passé en 1549.

Louis Jourdan, la même année, vendit par parcelles les terres de Rohan, à M. Keranroux, bailli de Morlaix.. à M. de Pennelé, Jehan Le Bihan... Par mesure de prudence, les religieux de Cuburien achetèrent eux-mêmes treize journaux de la forêt, qui furent payés avec « les aumônes du couvent, au nom de Vincent Thomas, seigneur de Kercadoret, gentilhomme de Taulé, père spirituel pour le couvent ».

Henri de Rohan, frère et successeur de René, se montra d’abord animé de bonnes dispositions pour les Cordeliers, et il confirma, le 3 Mai 1567, la donaison et dévotion de ses ancêtres. Mais, après la mort de son père, et sous l’influence de sa mère qui « estoit fille de Navarre » il se laissa entraîner au parti des huguenots. Il y avait alors à Morlaix des canailles qui haïssaient les religieux de Cuburien, parce qu’ils criaient contre les loups qui s’ingéraient en la bergerie de Dieu. Ils firent observer au seigneur de Rohan que les Cordeliers tenaient une bonne portion de terre dont il pourrait tirer lui-même « quesques bonnes poignées d’argent ». « Ces bons voisins avaient partagé tout le dos du couvent, sachant bien que ceste estoit un bon morceau pour eux... partie d’eux estimoient faire leur demeurance en la maison des malades, des maladies contagieuses, qui est hors les murs de la première fondation du couvent et près de la perrière, que un bon ami du couvent et bon bourgeois de Morlaix... estant lors syndic et père spirituel du couvent avoit fait bâtir à ses propres dépens pour la nécessité du couvent, à cause que en son temps et avant et après, plusieurs maladies et nécessités se présentoyent de jour à autre, et pour aussy bon refuge des gents spirituels et dévots qui demandoient à y résider pour être près à l’église en laquelle le service ecclésiastique et canonique est continué par les bons frères du dit lieu, — partie d’eux avoient déjà projeté et imaginé faire une maison près la fontaine..., — les autres vouloient faire leur demeure sur la mer et pour ceste fois abatirent une belle croix qui estoit devant la porte du couvent ».

Henri de Rohan se laissa persuader, et mit en vente tout ce que ses ancêtres avaient donné à Saint-François. Mais les religieux restèrent adjudicataires ; « après l’éteinte de la chandelle tout demeura aux frères en l’état qu’il étoit auparavant », sous le nom de Jehan Le Bihan, seigneur de Kerhollou, constitué procureur et père spirituel du couvent, à la demande de frère Jehan du Plessis, « les ennemis du couvent étant présents et quasi-crevants de dépit et d’envie, qui avant la victoire avoient chanté le triomphe ». Tout ce que dessus fut fait l’an 1567 (Archives départementales, 23 H. 17, 18).

Au début du XVIème siècle, la petite chapelle, « qui avait esté faite de faillis pierres et vile estoffe » fut reconnue insuffisante pour la multitude des fidèles qui y venaient, surtout aux grandes fêtes, ouïr le service divin. Elle se trouvait, au reste, partiellement delabrée. Les religieux entreprirent donc la construction d’une nouvelle église, qu’ils purent édifier grâce « aux secours, aide et aumone de grands bons et notables personnages ».

L’église fut fondée, c’est-à-dire la première pierre posée le 11 Mars 1527, selon l’inscription gothique qui se lit encore aujourd’hui, à la droite de la porte principale. Bâtie à la même place que l’ancienne, elle fut terminée en 1530.

Il s’agissait de la consacrer. L’évêque de Léon, Christophe de Chavigné, était absent. Son vicaire général accorda, le 23 Septembre au gardien, frère François Guyrieuc, et à ses religieux, l’autorisation de la faire bénir, consacrer et dédier, ainsi que le cimetière, par un évêque catholique en communion avec le Saint-Siège.

Le 23 Juin 1531, en vertu de cette délégation, la consécration fut faite par Jean du Largez, abbé de Daoulas, évêque in partibus d'Avenne (en Thrace), suffragant de l’évêque de Cornouaille, Claude de Rohan, absent. Il dédia l’église, et l’autel majeur à saint Jean l'Evangéliste, et trois autres autels, en contrebas du chœur, à la Sainte Vierge, à Saint François et à Saint Bonaventure.

Jean du Largez dressa lui-même, le 23 Juin 1531, l’acte de consécration de l’église et des quatre autels « in honorem Dei Omnipotentis et gloriosae Virginis Mariae et omnium sanctorum et ad nomen et memoriam Sti Johannis Apostoli et Evangelistae, et tria alia altaria subtus chorum ejusdem ecclesiae ad nomen et memoriam ejusdem gloriosae Virginis Mariae et Sanctorum Francisci et Bonaventurae respective... », — consécration faite à la demande du gardien, frère F. Guyrieuc, et des religieux du couvent, Jacques de la Marche, Hervé Nyon, Guillaume Jacob, Yves Criber, Yves Derian, Rioc Coatsquiriou, Hervé Guyrieuc, Christophe Guingamp. François Kermelec, Guillaume Caer.

L’acte mentionne expressément la concession ordinaire des indulgences marquées au Pontifical, et la fixation de l’anniversaire au 25 Juin, à la demande des religieux. Puis il signale la présence de deux prêtres, Maîtres Guillaume Kerguella et François de la Porte, témoins respectifs, officiellement appelés des diocèses de Cornouaille et de Tréguier. Il est signé par J. Caruel, notaire, et reçoit les sceaux du vicaire général de Léon et de Jean du Largez.

L’église conventuelle est composée d’une nef et d’un bas-côté, séparés par six piliers cylindriques, terminés en ogive à moulures prismatiques. Sur les sablières de la nef, on remarque deux écussons aux armes de Rohan, de gueules à neuf mâcles d’or, et un troisième, parti de Rohan et de Bretagne.

La maîtresse-vitre est partagée par deux meneaux formant trois baies, épanouies au tympan en trois lobes. On y voit, agenouillé, Jean II de Rohan, fils du fondateur. Dans la riche verrière de la rosace, on distingue une Résurrection, plusieurs scènes des vies de la Sainte Vierge et de saint François, ainsi que le martyre de saint Etienne.

Un vitrail du XVème siècle occupe la dernière fenêtre de la nef, à droite. Il offre quatre épisodes de la vie de saint Jean-Baptiste : Le baptême de Jésus ; le Précurseur reprochant à Hérode sa vie de désordres ; la décollation de saint Jean ; Hérodiade présentant à sa mère la tête du Saint. C’est un don de Jean Le Barbu, sieur de Bigodou, et de Marie du Bois, sa femme. Tous deux sont représentés, à genoux, dans les panneaux inférieurs. Le donateur est revêtu de sa cotte d’armes en or, chargée d’un sautoir d’azur ; un évêque le présente à saint Jean le Précurseur. La donatrice porte sur sa robe les armoiries de son mari, accolées aux siennes, qui sont d’argent au lion d’azur ; elle est présentée par un évêque à une Vierge qui porte l'Enfant-Jésus. « Le tympan, note M. Le Guennec, renferme un écusson de Le Barbu, parti de Quittier, d’argent à l’arbre de sinople, à la bande de gueules, et la devise des Le Barbu : en Dieu soit, s’y trouve plusieurs fois répétée. L’enfeu situé au-dessous de cette fenêtre, offre encore les armes des Le Barbu, avec un croissant en brisure, indiquant une branche cadette. Les deux autres enfeux, pratiqués du même côté, sont timbrés : l’un aux armoiries d’or au chevron de gueules issant d’une mer d’azur, des Le Bihan de Pennelé, vieille et noble lignée, qui fut, pendant des siècles la bienfaitrice du couvent, et dont bien des membres reposent sous les dalles de l’église, l’autre d’un écartelé aux 1 et 4 d’une fasce chargée d’un annelet, au 2 et 3, d’un losange » (M. Le Guennec).

Dans le pavé quelques dalles tumulaires portent le nom de Y. Balavenne, sculpté en gothique, et les armes des Calloët, des Jégou et des de Léon.

Au pignon Ouest de l’église, à droite de la porte principale, on lit cette inscription en caractères gothiques :

LAN : MIL : VCC : XXII

XI : JOUR : DE : MARS

FUST : CESTE : EGLISE

FONDEE.

En 1530, les religieux de Cuburien, dont François Le Guyrieuc est gardien, reconnaissent comme bienfaitrice du couvent Françoise Boutouyller, dame de Guérand et de Keromnès « qui a donné 80 livres pour édifier l’église et a fait faire la vitre de la deuxième fenêtre ». Elle jouira de la première voûte de l’église, qui est vers le cloître, et de la fenêtre qui la domine pour « enfeux, armoiries, prééminences et intersigne de noblesse pour elle et ses hoirs successeurs » (Archives départementales, 23 H 21).

Le 13 Juin 1538, le gardien François Kermelec et ses frères attestent que feu Léonard Le Bihan, baron en son temps de Pennelé, a contribué à bâtir leur église. Ils consentent que ce bienfaiteur et Jehan, son fils et héritier, qui avaient enfeu dans l’église démolie, jouissent de la voûte et des fenêtres qui, vers le cloître, sont proches de l’autel de saint François [Note : Ibid. — Cette pièce porte les sceaux du couvent et de la province. Dans le premier on voit le Christ sortant du tombeau à mi-corps, puis, de part et d’autre, les verges et le fouet de la flagellation. Les neuf mâcles de Rohan y figurent également. Le sceau de la province porte la Vierge Mère les pieds sur un croissant. Au-dessous, dans un écu, apparaissent des hermines].

Les Cordeliers entretenaient les meilleures relations avec leurs voisins les Dominicains de Morlaix. Les fils de saint François prêchaient chez ceux de saint Dominique, un dimanche sur trois, au cours de l’année, y compris les fêtes gardées ; ils y donnaient également les sermons de l'Avent et du Carême, tous les trois ans.

Cette antique coutume est reconnue dans un acte du 31 Janvier 1531, qui nous apprend que Dominicains et Franciscains payaient leur quote-part pour les frais du logement et de pension du prédicateur (Archives départementales, 23 H 19).

Soumis jusqu’en 1472, à un custode particulier, les Franciscains observants de Bretagne furent alors rattachés à la vicairie de Touraine. En 1484, ils devinrent autonomes, avec un vicaire provincial. Puis, en 1517, Léon X les érigea en province régulière sous le nom de Saint-Yves.

La province de Bretagne comprenait alors les couvents qui suivent : L'Ile Verte, près de Bréhat, fondée vers 1434 ; l'Ile Vierge (1434) ; Cuburien (1445) ; Sainte-Catherine de Blavet, dans une île de la rade de Lorient (1446) ; Bernon, près de Sarzeau (1449) ; Saint-Brieuc (1451) ; Pontivy (1456) ; l'Ile Césambre, près de Saint-Malo (1488) ; Tréguier, en la paroisse de Plouguiel (1483) ; Landerneau (1488) ; Sainte-Marie-des-Anges, en Landéda (1507).

Le chapitre de l'Ile Césambre, en 1521, où Jean Le Roux (Johannès Ruffi), gardien de Cuburien, était définiteur, nomma, comme maître des novices en ce dernier couvent, frère Guillaume Kerargouezou [Note : Courtecuisse, Tables Capitulaires, pp. 5-7. Les définiteurs (4 par province) formient le Conseil du Provincial].

Deux ans plus tard, Jacques Abgrall, du couvent de Cuburien, est secrétaire de la province de Bretagne. Le Père Général lui écrit de Rome touchant la mort du Père Saturnin, définiteur.

L’esprit de dissension s’était glissé dans les couvents à propos de la diversité des langues. D’entre les couvents franciscains, deux seulement, Césambre et Saint-Brieuc, étaient en terre purement française. Pour remédier au conflit, un Chapitre provincial eut lieu à Cuburien, le 31 Août 1539, présidé par le Général de l'Ordre, Vincent Lunel, assisté de Jean Doridolou, Provincial. Une série de statuts y fut publiée, pour apaiser les troubles nés de la différence des langues.

En voici quelques-uns : 1. Stricte probibentur antipodia et extraordinariae potationes ; — 2. Si frater percusserit fratrem, in domo disciplinae recludatur ; — 3. Minantes et conantes percutere, etiam si non percusserint, per diem naturalem in domo disciplinae includantur ; — 4. Si quis percusserit soecularem, graviter puniatur... (Courtecuisse, op. cit., p. 195).

Ces statuts, approuvés à Paris en 1543, par le P. Jean Le Chauve, successeur de Lunel (Archives départementales, 23 H 3), décidaient que les ministres de la nation et langue bretonne dirigeraient les provinces six ans, et les gallos trois ans seulement. Au surplus, le Custode désigné pour aller au Chapitre général ne serait jamais de la même nation et langue que le Provincial.

Ces sages ordonnances furent heureusement observées jusqu’en 1575. A cette époque, leur violation donna lieu à nombre de scandales. Mais, quatre ans plus tard, le Chapitre de Tréguier, présidé par le P. Thomas Ridart, commissaire délégué par le Général de l'Ordre, remit les choses en état, avec l’assentiment de tous (1579). En 1581, le tout fut approuvé par le Général, François Gonzague. L’ensemble de la question fut confié aux Tables de la Province, imprimées à Cuburien, le 3 Juillet 1585 [Note : G. Pondaven, La querelle des Langues du XVIème au XVIIIème siècle dans une branche de Franciscains de Bretagne. Association Bretonne, 1923, p. 40 ss.].

Les Tables capitulaires des Observantins de Bretagne nous font connaître certains détails concernant Cuburien.

C’est ainsi qu’en 1552, à Pontivy, Robert Guéran, gardien de Saint-François, est au nombre des définiteurs. Au Chapitre de Cuburien de 1579, l’on décrète que les Frères qui feront du commerce seront punis, la première fois, d’un mois, la seconde fois, de trois mois de prison, la troisième fois, d’un an (Courtecuisse, op. cit., pp. 15, 196). A Pontivy, en 1585, Jean Keraudren, discret de Cuburien, compte parmi les définiteurs [Note : Les discrets sont les religieux qui, en vertu de leur titre, par élection faite en chaque couvent, accompagnent les gardiens aux Chapitres provinciaux où ils ont voix]. Il en est de même pour M. Guyomarch, gardien de Saint-François au Chapitre de Tréguier, en 1595. Trois ans plus tard, O. Laouénan, gardien de Cuburien, figure au Chapitre de l'Ile-Verte (1598).

En 1598, les études de philosophie et de théologie, qui, trois ans plus tôt, se faisaient à Landerneau, se font à Cuburien, sous la direction de Jean Roquinach, et, à Césambre, avec Guillaume Thennou, professeur. Chaque couvent doit y envoyer deux Frères, capables d’études au jugement du provincial. Les couvents respectifs paieront une pension de 15 couronnes, à cette condition que les maisons d’études fourniront la nourriture, le logement, les plumes et l’encre. Les étudiants seront dispensés de l’office du chœur. Tout cela selon certains règlements du Père Christophe de Penfenteuniou (Cheffontaines) du couvent de Cuburien, ministre général de l'Ordre de 1571 à 1579 (Courtecuisse. Tables Capitulaires … pp. 19-22).

Pour subvenir aux frais d’entretien de leur couvent, les Cordeliers faisaient des quêtes parmi les fidèles. Leurs tournées les menaient parfois assez loin ; c’est ainsi que nous les voyons quêter, en Août et Septembre 1545, au pays de Carhaix, Scrignac, Pont-Croix et Ploaré. Ils y étaient autorisés par une pièce signée du Grand Vicaire de Cornouaille, en date du 31 Juillet de la même année (Archives départementales, 23 H 11).

Leurs prédications leur fournissaient aussi quelques ressources. A ce point de vue, ils adressent, le 10 Mai 1578, une curieuse réclamation [Note : Ils l’appellent une « amyable admonition »] au Procureur des bourgeois de Morlaix, à MM. les Maires, jurés et citadins, contre l’appel des prédicateurs étrangers pour l'Avent et le Carême. Ils rappellent qu’en vertu du concordat passé entre la ville et les deux couvents de Saint-Dominique et de Saint-François, la prédication doit être faite alternativement par des religieux des deux Ordres, et que, loin de manquer à leur devoir, ils ont toujours servi les Morlaisiens, leur donnant la préférence. Et voici les considérations qu’ils font valoir : 1. Les habitants de Morlaix sont des ingrats ; — 2. Ils privent les religieux des émoluments sur lesquels ils comptent pour vivre ; — 3. S’ils appellent des étrangers, c’est plutôt par vaine curiosité ; — 4. La ville cathédrale est une prébende affectée aux prédicateurs. Dans les simples paroisses ce sont les marguilliers qui attribuent aux religieux prédicateurs « leur réfection compétente ». Et à Morlaix, les pauvres Franciscains « ont congé de se promener aux champs ». Les étrangers emportent les beaux écus, alors que les pauvres couvents religieux, où les Morlaisiens ont des parents et des amis, sont privés de leur salaire (Courtecuisse, op. cit. pp. LXXXII-LXXXIV).

Les religieux de Saint-François étaient exempts d’impositions pour leur vin, beurre, drap et autres marchandises. Un arrêt du Parlement de Bretagne du 19 Février 1598 fait défense à tous receveurs de les troubler dans cette franchise (Archives départementales, 23 H 2).

Les Cordeliers de Cuburien eurent l’honneur de donner un Ministre Général à leur Ordre en la personne de Christophe Penfenteuniou.

Né en 1532, il était le fils cadet de Jean de Penfenteuniou, seigneur de Kermorus, près de Saint-Pol de Léon, et d'Anne de Coatquis, de la maison de Kernéguès, en Saint-Mathieu de Morlaix. Le berceau de cette famille fut le manoir de Penfenteunio, au Sud du bourg de Sibiril, aujourd’hui disparu.

Il fit ses études à Saint-François de Cuburien, puis à Paris. Revenu à Saint-François, il prit son doctorat. Prieur de Cuburien en 1563, il y fonda une imprimerie cinq ans plus tard avec la permission du roi Charles IX [Note : Cette imprimerie publia cinq ou six plaquettes dont une vie latine de saint François, parue en 1575, sous la forme d’un petit in 8° de 102 feuillets non chiffrés. Ce livret est vers 1935 la propriété de M. Le Guennec].

Prédicateur célèbre, il donna le Carême, en 1571, à Saint-Eustache de Paris, et fut l’adversaire redouté des protestants. Il préserva le diocèse de Léon de la contagion de l'hérésie, tant par ses prédications que par l’établissement de la Confrérie du Saint-Sacrement [Note : Albert Le Grand, Les Vies des Saints..., édit. des chanoines, p. 247. Etant à Rome, en 1584, il y obtient l’autorisation de fonder cette confrérie à Landerneau]. Nommé, en 1571, ministre général de son Ordre, il tint cette charge pendant huit ans, qu’il consacra en grande partie à la visite des couvents de Cordeliers en différents pays. En 1579, il fut créé archevêque de Césarés, et donné comme auxiliaire au cardinal de Pellevé, archevêque de Sens.

Travailleur acharné, il composa plusieurs ouvrages ; mais la témérité de ses opinions le fit appeler à Rome, en 1586, pour y demeurer à la disposition du Saint-Office. Trois de ses livres furent alors absolument condamnés, et les autres interdits donec expurgentur.

Il mourut, dans la Ville Eternelle, le 26 Mai 1595, au couvent de Saint-Pierre in Montorio (Vacant-Mangenot, Dictionnaire de Théologie, s. v. Cheffontaines). Ses restes furent transférés en 1634, par son neveu Tanguy de Penfenteunio, époux de Catherine Kermorvan, dans la chapelle du manoir de Kermorvan, en Trébabu. On y lit son épitaphe en vers et en prose, dont l’auteur joue sur les mots de Christophorus et de Caput Fontium.

Voici les vers :

TUMULUS

Sat caput haud cecidit fontis fluet unda perennis,

Nam finit aeternum fontis origo caput.

Ou

Le corps dans le tombeau, dans le monde le los,

L’esprit dedans le ciel font Cheffontaine enclos.

En un chacun des trois Cheffontaine est en vie :

En voïant son tombeau qui ressere son corps,

En oyant son renom que le monde publie,

Croyant son âme au ciel, est-il au rang des morts ?

ANAGRAPHETA

Christophorus a Capite Fontium

Christi amore a fonte fui captus.

Christophorus Penfentenyo

Fons Christo perenne fluit.

D. O. M.

Sume. viator. aquam. Caput. hic. est. Fontium. et. illi.

Nomen. Christophorus. qui. minor. Armoricus

Caesareae. praesul. factus. pietate. minorum.

Doctrina. saecli. lucida. stella. sui.

AEterno ipsius librorum ex amne fluentes

Ebibe aquas siccum si sine fonte caput

(Albert Le Grand, Vie des Saints …., édition Kerdanet, p. 512).

(Archives de l'Evêché).

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