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SAINT-TUDER

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SAINT TUDER.

Saint Tuder est l'éponyme de la paroisse de Tréduder, petit bourg situé sur la hauteur à 3 kilomètres à peine de la Lieue-de-Grève. Saint Tuder n'est plus le patron de l'église paroissiale, mais une fontaine est toujours dédiée à ce saint, et porte son nom, à 500 mètres environ du bourg. Telle est donc bien la forme actuelle du nom, et la présence de cette fontaine Saint-Tuder est la, preuve que le saint existe, et qu'il n'est pas une création due au nom de lieu Tré-duder. En outre, le cadastre de Tréduder apporte une nouvelle preuve de ce fait : L'Etat des sections, dressé vers 1848 porte, section A, n°s 391-393, Parc lan Tuder, et n° 394, Coat Sant Tuder. Dans le nom de Tréduder, la mutation du T initial après Tré est la règle, comme après Lan ; le nom du village nous est attesté écrit, sous la forme actuelle dès la fin du XIVème s. [Note : LONGNON, Pouillés de la Province de Tours, p. 316 ; de même, en 1444, p. 347]. Toutefois, la déposition du recteur de Tréduder, lors des enquêtes pour la canonisation de saint Yves, donne Trétudel, en 1330 [Note : D'après une copie ms. de 1881 dans le Cahier de paroisse de Tréduder. Cette déposition est reproduite dans les Monuments originaux de l'Histoire de S. Yves, p. p. La Borderie, etc., Saint-Brieuc, in-4°, 1887, p. 74], la mutation n'est pas faite ou plutôt n'est pas transcrite, comme il est courant à cette époque. Quant à la finale l au lieu de r, elle est due au scribe, influencé par Tudal, Tudel, et ne doit pas retenir l'attention : en effet, une forme Tudel ancienne ne pourrait avoir donné une forme Tuder moderne [Note : Tuder peut donner Tudel, mais l final ne peut devenir r. C'est ainsi, comme on le verra plus loin, que le Ros-Tuder du Cartul. de Landevennec est devenu Rostudel] et ne peut être considérée comme la forme primitive du nom de notre saint. Ce ne peut être qu'une faute, ce texte est d'ailleurs rempli de fautes grossières en ce qui concerne les noms propres. Il n'y a pas à en faire état. La forme ancienne est Tuder, il ne peut y avoir de doute.

Saint Tuder, ou du moins le saint désigné sous ce nom, ne se retrouve en nul autre point de la Bretagne ; on ne le rencontre dans aucun autre nom de lieu ; le nom d'homme Tuder existe par contre une fois dans un nom de hameau, Ros-Tuder, cité dans la charte XI du Cartulaire de Landévennec, actuellement Ros-Tudel, sur le territoire de Crozon (F.) [Note : Documents Inédits sur l'Hist. de France, Mélanges histor., tome V, Paris, 1886, in-4° ; p. 555. Cf. index, p. 596. — Je crois cette identification certaine : Crozon est à proximité de Landévennec].

M. JOSEPH LOTH (Ns., p. 122), donne les explications suivantes :

GALLES, S. Tudyr est patrons de Darowain et Montgomeryshire. Mynydd Islwyn en Monmouthshire lui est dédiée (Rees, Essay, 276). Pour le nom, cf. Ros Tuder dans le Cart. de Landevenec, 12. La forme vieille-galloise sincère paraît être Tutir. (B. Llandav. 143) : c'est exactement notre Tuder.

Ces explications vont avoir un intérêt considérable. Elles prouvent que le nom Tuder existe, et d'une façon absolument certaine, qu'il ne peut être question de rattacher ce saint aux autres saints du nom de Tutel, ou Tudal, ou même Tudec.

Quant au saint gallois auquel M. J. Loth faisait allusion, il est mentionné dans un calendrier gallois du XIIème s., que M. l'abbé Duine a publié dans son précieux travail sur les Saints de Domnonée [Note : Rennes (1912), petit in-4, p. 45]. Ce calendrier donne au 29 octobre Teuderius, confesseur. Et l'abbé Duine ajoute : « Il y a un Teuder dans la généalogie de l'incomparable et sainte famille de Brychan (J. REES. Lives of the Cambro-British Saints Llandovery, 1843, p. 278) ; nous connaissons un saint Tuder en Bretagne comme un saint Tudir en Galles » [Note : A noter pour l'onomastique le Tuterius, évêque de Lexobie en 162-167, dans la liste fabuleuse des évêques de ce siège donnée par Albert Le Grand, p. 225, éd. 1901. La liste est fabuleuse ruais les noms peuvent être anciens. Le diminutif est peut-être Teudric ; dont le nom fut porté par un fils du comte Budic, dont parle Grégoire de Tours, et qui se signala dans les guerres qui désolèrent, la Bretagne au VIème s. ; il y a eu aussi en Galles un Tewdric, père de Marchell (J. LOTH, Les Mabinogion, nouv. édit., Paris, 1913, Il, p. 281, n. 1). Aucun rapport avec le nom gallois Tewdwr = Teudubr, composé avec l'ancienne racine dubr = eau. Ce Tewdwr a été père de Rhys ab Tewdwr père de Maredudd ab Tewdwr, rois de Galles. (J. LOTH, Ibid., p. 333 et n. 2)].

Or le saint patron de Tréduder est saint Théodore, martyr, et ce saint martyr, on le verra plus loin, était déjà patron de Tréduder en 1632. Le culte de saint Théodore est donc ancien dans la paroisse et d'une date telle que l'on pourrait hésiter à dire que saint Théodore ait été substitué au vieux saint celtique saint Tuder. Et alors une question se pose immédiatement : Tuder serait-il la forme bretonne du nom latin Theodorus, en même temps que le gallois Teuder. Tudyr serait la forme galloise du même nom latin ?

Grégoire de Rostrenen, qui généralement fournit beaucoup de renseignements sur les noms d'hommes, est muet pour Théodore Tuder. Le Gonidec, à la fin de son Dictionnaire français breton, dans la liste des noms de baptême, donne « THÉODORE, Teodor, Diador » [Note : M. PAUL-YVES SÉBILLOT, La Bret. pittoresque et légendaire, Paris, 1911, in-12°, p. 49, reproduisant la liste donnée par Le Gonidec a laissé passer une erreur d'impression : Teoder au lieu de Teodor. — Aucun rapport avec le nom de Teodaour, pseudonyme de l'abbé Le Lay. = ----- (LUZEL, Rev. de Bret. et de Vendée, 1865, p. 309)]. Ces formes sont sans intérêt, le prénom de Théodore étant d'introduction récente en Bretagne. De même pour le nom breton sant Théodoré = saint Théodore ; qui a une chapelle en Primelin, dans le cap Sizun, puisque cette chapelle n'a été construite qu'en 1813, et qu'antérieurement à cette date le saint était inconnu à Primelin [Note : DANIEL BERNARD, in Soc. Arch. Fin. 1911, pp. 151-152. Sur cette chap. vid. et., Le CARGUET, in Soc. Arch. Fin., 1899, p, 424. Aucun rapport avec la Santes Théodoré = Ste Théodora, pénitente d'Alexandrie, 11 sept., dont les Annales de Bret., VII, pp. 334-47, ont donné un cantique qui transcrit servilement la vie latine]. Mais à défaut de renseignements fournis par l'onomastique moderne, la philologie peut dire que cette étymologie est impossible. La diphtongue latine eo, et l’o long, passent couramment à eu ancien gallois, et u gallois moderne [Note : Le latin Dônatus = bret. Sant Dunet ; (J. LOTH, Ns., p. 35)] ; l'o bref donne y en gallois et e en breton [Note : Lat. Honorius = bret. Ener ; (ibid., p. 38)] ; mais le d devait donner th en gallois et z en breton. L'on aurait dû avoir une forme galloise Tuthyr et une forme bretonne Tuzer [Note : Cette forme n'existe pas. — Aucun rapport avec le nom du manoir de Kerdeozer (en 1583) ou Kerdeouzer en Langoat (F.) (Soc. Arch. Fin., 1906, p. 26 ; 1909, p. 187)]. L'étymologie n'est donc pas possible [Note : Au sujet de cette étymologie je ne crois pas que l'on puisse supposer que l'évolution du d en th ou z ne se serait pas produite sous l'influence du nom latin toujours connu. Il est certain qu'il y a eu bien des saints bret. à noms latins et l'on en découvrira tous les jours ; il y a par exemple un Martinus celtique, dont on a fait on disciple de S. Guennolé (Cart. de Landevennec, charte XXIX). Or il existe un village de S. Merzan en Plougonvelin, Lanvarzin en Plozevet, Trémerzin en Bannalec, Locmarzin en Bannalec, en Trégunc, Mené Marzan en Moelan (F.), Trémerzin en Quévin et la paroisse de Marzan (M.) (C. E.-M.). Il n'y a aucun doute qu'il s'agit là d'un saint, celtique ; le nom n'a pas évolué en Merhan parce que l'on a toujours connu la forme latine Martinus. Mais ce qui est vrai pour ce nom ne l'est pas pour Théodorus, dont la forme latine n'était plus connue. Le nom devait évoluer naturellement].

L'on peut donc conclure qu'il n'y a aucun rapport entre Tuder et Theodorus, une simple ressemblance de forme a poussé à confondre, les deux noms pour substituer au vieux saint breton le martyr Theodorus [Note : On a donné les étymologies les plus fantaisistes à Tréduder. JOLLIVET, Géographie des C.-d.-N., IV, p. 142, suppose « trêve des gens de l'air » (tref tud [an] aer) parce que la paroisse est sur une hauteur. GAULT. DU MOTTAY, Répert. Archéol. des C.-d.-N., in Mém. Soc. Arch. C.-d.-N., VI, p. 320 : « ce village tire son nom d'une enceinte fortifiée de forme triangulaire et d'origine romaine ». L'année dernière, un érudit local me disait « trêve des gens du dragon (aer = serpent). La légion romaine en garnison dans le camp de Tréduder, avait pour enseigne un dragon ; elle était idolâtre ; ce fut contre elle que S. Efflam eut à lutter, d'où l'épisode du dragon de S. Efflam »].

Le Culte de saint Tuder.

Saint Tuder a une fontaine à environ 500 mètres du bourg de Tréduder [Note : Restaurée en 1764 comme le porte une inscription]. On l'invoque pour la guérison des pourceaux ; l'on vient prendre de l'eau à la fontaine pour leur donner, et l'on faisait à cette occasion, présent au recteur d'un ou plusieurs cochons de lait. Le cahier de paroisse mentionne à ce sujet un renseignement très intéressant :

Anciennement et jusqu'en 1852, un particulier de Lannion avait chez lui un dépôt d'eau de la fontaine de S. Théodore, pour les pèlerins empêchés de venir jusqu'à Tréduder. Ce particulier, en échange de cette eau, fournissait l'huile nécessaire à l'entretien de la lampe du Saint-Sacrement de l'église de Tréduder.

La fête de Tréduder a lieu le 21 juillet, ou plutôt, le troisième dimanche de juillet. Le pardon se célèbre le 9 novembre, précédé d'un triduum (ABBÉ LE GUILLOU, op. cit., p. 5-6). Cette seconde fête est celle de saint Théodore, martyr, qui, dans toute la chrétienté, tombe à cette date du 9 novembre [Note : Il y a d'ailleurs beaucoup de saints du calendrier romain qui portent le nom de Théodore. Aucun n'a sa fête en juillet] ; par contre, on a vu que le Teuder gallois cité par l'abbé Duine a sa fête le 29 octobre. Les dates des fêtes sont trop changeantes pour qu'on puisse les utiliser pour identifier des saints, et surtout les dates des pardons d'été, comme c'est le cas ici pour la fête de juillet à Tréduder ; il est difficile de dire si la fête de juillet, fête qui n'est pas actuellement religieuse, est la fête de saint Tuder ; et si ce serait là une survivance du vieux culte rendu à saint Tuder, de même il est impossible de dire à quelle époque a été organisé la fête du 9 novembre.

Ce qui est certain, c'est qu'actuellement saint Théodore est le patron de Tréduder. En 1912, j'ai interrogé plusieurs habitants de Tréduder qui m'ont assuré que saint Théodore n'était pas le même que saint Tuder, que saint Tuder avait sa fête le troisième dimanche de juillet, alors que saint Théodore avait la sienne on novembre, enfin que saint Tuder était arrivé avec saint Efflam. Y a-t-il eu ici l'influence du nouveau cantique de saint Efflam, il se peut, il est difficile de l'affirmer ; mais ce qui doit retenir l'attention, c'est que saint Théodore est ancien dans la paroisse. Des papiers anciens de la fabrique recopiés en 1881 par l'abbé Pierre-Marie Bermat, lors recteur, sur le cahier de paroisse, mentionnent en 1632 une délibération des marguillers décidant l'achat d'une nouvelle statue de saint Théodore, « une image de Monseigneur saint Théodore, martyr, patron d'icelle » ; on a gardé aussi le procès-verbal de la bénédiction de cette image [Note : M. l'abbé Le Gonidec, recteur actuel de Tréduder, m'a dit que M. l'abbé Le Guillou, auteur du petit livre cité supra avait trouvé dans des papiers de Lanvellec mention en 1601, de la « fête de Monsieur S Tuder le 9 nov. ». Je n'ai pas vu ce document, et n'ose en faire état. — Le cahier de paroisse rapporte une légende selon laquelle le culte de S. Théodore aurait été apporté par un seigneur revenant de la Croisade. Il est inutile de discuter cette légende. Le nom de nos paroisses est bien antérieur à l'époque des Croisades].

1632 peut paraître une date ancienne pour supposer déjà une substitution. L'on a vu en ce qui concerne saint Carré, que le culte de N.-D. de Pitié lui était substitué dès avant l'époque de la Ligue. On sait que, en 1334, l'évêque de Tréguier enjoignait de substituer saint Yves et saint Tudual aux petits saints inconnus (DUINE, Memento, I, avant-propos, n° VI, p. 8). Ce fait précis indique que les substitutions sont parfois plus anciennes qu'on le suppose généralement. Le mouvement a pris de plus vastes proportions vers la fin du XVIIème s., et l'on a vu que c'est vers 1687 que saint Chéron avait été mis à la place de saint Garan à Cavan. Le mouvement s'était accentué sous l'influence des tendances d'unification romaine de la liturgie catholique, par suite des railleries du protestantisme, et pour obéir aux instructions du Concile de Trente [Note : Mouvement, qui s'est fait sentir particulièrement dans la liturgie, v. DUINE, Bréviaires et Missels bret., préface n° 1, p. 5 et 6. — L'on peut faire remarquer que depuis Albert Le Grand dont les Vies des Saints paraissaient en 1636, nombreuses sont les substitutions : à Locquirec, S. Kirec était, encore patron à l'époque d'Albert ; depuis, on lui a substitué S. Jacques] ; mais il y avait longtemps que l'on sapait nos saints nationaux et il y avait longtemps aussi que certains de nos vieux saints étaient tombés dans l'oubli, laissant la place libre aux cultes nouveaux que l'on allait instaurer. Aussi l'on ne saurait conclure que le fait que le culte de saint Théodore martyr existait déjà en 1632 à Tréduder indique qu'il n'y a pas eu de substitution.

La présence à Tréduder, comme éponyme d'une paroisse ancienne, d'un saint romain serait une exception si formelle dans l'hagio-onomastique bretonne, qu'on ne peut l'admettre un seul instant. M. J. Loth a, à ce sujet formulé, la règle qu'en ce qui concerne les saints bretons « il est inutile de chercher du côté de la Gaule et de l'Eglise Romaine : tout est d'origine insulaire, ou breton indigène » (Ns., pp. 4-5). Il est impossible de soutenir un seul instant que l'éponyme de Tréduder serait le saint Théodore martyr. de l'Eglise latine ; à Tréduder, on aurait, peut-être de très bonne heure, bien avant le grand mouvement contre nos saints nationaux, pris l'habitude de transcrire le nom de Tuder sous la forme savante Theodorus ; mais cette graphie ne doit être considérée que comme une graphie, sans relation aucune avec l'étymologie du nom. Ce serait probablement cette graphie qui, peut-être dès le XVIème s., aurait entraîné la substitution de saint Théodore, martyr, à saint Tuder. Comme il était dit plus haut, cette substitution serait bien antérieure au vaste mouvement méthodique qui a « déniché » nos vieux saints nationaux.

Que reste-t-il dans tout cela, du saint Tuder, compagnon de saint-Efflam ? Saint Tuder a un homonyme en Galles, son nom est brittonique. Cela, suffit à le ranger dans la catégorie des saints venus de l'Ile-de-Bretagne et non pas dans la catégorie des saints venus d'Irlande [Note : Venus pendant leur vie, ou venus après leur mort par transport du culte ; pour S. Tuder, rien ne permet de dire s'il a vécu à Tréduder, d'autant plus que nous savons que son culte existe en Galles]. Il n'est donc pas un compagnon de saint Efflam [Note : Ajoutons qu'il ne peut plus être question de disputer à S. Théodore l'honneur d'être le patron de Tréduder, l'église paroissiale possède depuis 1883 des reliques de S. Théodore ; la table d'autel est supportée par de splendides bas-reliefs sculptés par les frères Merrer de Lanvellec, qui représentent, le martyr de S. Théodore ; on y voit le saint déchiré avec des râteaux de fer. — Sur les frères Merrer, cf. LE BRAZ, Les Saints bretons d'après la trad. pop., XIII, p. 110 et seq.].

(R. Largillière).

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