Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

LA PAROISSE DE SAINT-THÉGONNEC SOUS LA RÉVOLUTION

  Retour page d'accueil       Retour Ville de Saint-Thégonnec       Retour "Saint-Thégonnec sous la Révolution" 

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Les Municipalités et leurs fonctions.

Le roi Louis XVI venait de publier l'édit qui convoquait les Etats généraux pour le mois de mai 1789. Il demandait aux différentes assemblées du territoire de présenter aux Etats un mémoire où seraient consignés leurs vœux et leurs réclamations. Conformément à cet édit royal, les notables de Saint-Thégonnec se réunirent dans la chambre ordinaire des délibérations, le dimanche 29 mars 1789. Leurs doléances ne sont guères différentes de celles de leurs confrères des autres assemblées de la Province. Avec eux, ils réclament pour la Bretagne « la conservation de ses droits, immunités, libertés, franchises et privilèges, suivant le contrat de mariage de la duchesse Anne et autres titres ». Pour les questions générales, leurs revendications ressemblent à celles de la France entière. Ils demandent la répartition égale de tous les impôts, la suppression des droits de francs-fiefs, des tailles et fouages, et la conversion de la corvée en une imposition payable par tous les sujets du Royaume. Pour toutes ces réclamations et « pour la réforme des abus qui tournent à l'oppression du peuple et des cultivateurs » ils déclarent adhérer à la délibération prise par les dix paroisses de Rennes, le 19 janvier précédent.

La plupart des officiers municipaux du canton de Saint-Thégonnec, étaient domaniers et à ce titre devaient une redevance à des propriétaires qui ne paraissaient dans leurs paroisses que pour percevoir leurs revenus. Dans leurs doléances aux Etats, ils n'auront garde d'oublier leurs propres intérêts, et ils s'élèveront contre les inconvénients qui résultaient pour eux du bail à domaine congéable. Ils ne pouvaient songer à reboiser leurs terres, puisque ces plantations devaient revenir au propriétaire du fonds. D'après eux, c'était là une des causes de la pénurie de bois en Basse-Bretagne. Ils priaient donc Sa Majesté et les Etats généraux de permettre aux domaniers de planter sur leurs terres des bois dont les trois quarts leur appartiendraient et dont l'autre quart reviendrait au propriétaire du fond (Archives de l'église de Saint-Thégonnec). Rien d'anormal ni de révolutionnaire dans cette revendication sociale. Il était tout naturel que, traitant des affaires générales du Royaume, ils n'eussent pas oublié les affaires qui les concernaient d'une façon toute spéciale. Ils ne réclamaient pas pour eux la propriété des fermes qu'ils exploitaient, et ils se contentaient, en bons et loyaux domaniers de payer régulièrement leurs redevances aux propriétaires. Ils ne jetaient pas encore un regard d'envie sur les terres que la Révolution allait bientôt déclarer sans maîtres. Quand paraîtront les lois d'expropriation, on peut croire qu'il fallut toute l'autorité dont jouissaient les prêtres fidèles pour empêcher les paysans, dont on connaît la passion pour la terre et l'âpreté au gain, de prendre part aux premières ventes nationales. Les paysans laisseront tout d'abord les bourgeois se rendre acquéreurs des biens d'église, mais lorsque les biens d'émigrés, divisés en lots, seront nationalement mis à l'encan, ils ne résisteront pas à la tentation de prendre part à la curée. Chacun voudra être propriétaire des terrains que jusque là il exploitait comme domanier. Quelques-uns cependant préférèrent écouter la voix de leur conscience et refusèrent d'acheter à vil prix des biens dont les vrais propriétaires avaient été injustement spoliés. Le 2 Floréal an II (14 mai 1794) soixante-six journaux de terre divisés en six lots et appartenant aux de Coëtlosquet, de Blois, Royon-Kergaradec et du Dresnay furent mis en vente et adjugés à six acquéreurs différents. (voir la note qui suit).

Note : Archives départementales. - Série L. Liasse 219. — La liasse 220 nous donne l'estimation des biens non vendus.
- Saint-Thégonnec : Arrentement 470 livres ; Evaluation 9.400 livres.
- Guiclan : Arrentement 717 livres ; Evaluation 14.340 livres.
- Pleyber-Christ : Arrentement 606 livres ; Evaluation 12.120 livres.
- Plounéour-Ménez : Arrentement 7.125 livres ; Evaluation 142.500 livres.

Donnons à titre documentaire le prix de revient de la terre à la fin de l'Ancien Régime.

Les huit journaux de terre chaude appartenant à Mme de Blois lui rapportaient annuellement une rente de cinquante-six livres. Le domanier devait en outre payer, six chapons, un mouton gras, une oie grasse et vingt livres de beurre.

Revenons aux municipalités et aux fonctions de leur ressort. Outre les questions purement administratives qu'elles avaient à résoudre à l'aide de finances gravement obérées, elles avaient à régler d'autres affaires dont la solution ne comportaient pas moins de difficultés. A elles incombait l'obligation de maintenir l'ordre sur le territoire de la commune, de procéder aux réquisitions prescrites par le Gouvernement et d'aider à l’exécution des lois votées par le pouvoir central, ou des décrets émanés du Directoire du Département. Souvent elles avaient à prendre des mesures que leur conscience réprouvait. Lorsque les officiers municipaux recevaient du chef-lieu du district l'ordre de poursuivre les prêtres réfractaires, ils faisaient d'abord la sourde oreille ; mais, mis en demeure de prêter main forte aux agents de l'autorité, ils faisaient en sorte de faire échouer les perquisitions. La forme ordinaire de leurs protestations n'était jamais la résistance ouverte, c'était le plus souvent le silence et l'inertie. Si des troubles s'élevaient dans la commune, par suite de l'antagonisme existant entre les partisans des prêtres jureurs et ceux du clergé insermenté, ils on rejetaient la responsabilité sur les prêtres intrus et savaient au besoin se donner le beau rôle dans la répression des désordres. Ils tenaient à mettre leur civisme à l'abri de tout soupçon. Le District de Morlaix n'était pas toujours dupe de leurs protestations patriotiques : mais comme c'était l'un des districts les moins sectaires du département, il se contentait souvent des rapports plus ou moins véridiques que lui transmettaient les municipalités de son ressort. Rappelé quelquefois à l'ordre et accusé de modération par le Directoire de Quimper, il se voyait dans l'obligation de sévir contre les communes qui lui avaient valu un blâme de l'Assemblée du département. Le plus grand châtiment, qu'on pouvait infliger à une commune était de recevoir un envoi supplémentaire de soldats.

Les vingt-cinq soldats qui constituaient le poste militaire de Saint-Thégonnec ne furent pas jugés suffisants pour maintenir l'ordre dans cette paroisse. Cent trois autres, envoyés par le district vinrent bientôt les rejoindre (Archives de Saint-Thégonnec. — Correspondance municipale. — Lettre du 21 Vendémiaire an V) de sorte que « voilà cent-vingt-huit militaires, écrivait la municipalité, qui n'ont rien à faire qu'à porter des dépêches, puisque l'ordre n'a jamais été troublé dans cette commune. Guiclan en possède vingt-quatre qui n'y font aucun service ».

La municipalité se plaignait à juste titre du grand nombre de soldats dont l'entretien était laissé à sa charge. Le Département ne s'occupait des militaires que pour leur donner des ordres de parcourir les communes en vue d'arrêter les ennemis de la République, mais leur fournir des vivres à eux et à leurs chevaux, c'était là une affaire dont les Représentants du peuple se désintéressaient facilement. Aussi les soldats se conduisaient-ils dans les campagnes comme en pays conquis.

Ils ne se faisaient pas scrupules de se procurer de force ce que les populations se refusaient de leur céder de plein gré. Plus d'un d'ent'- eux fut surpris dans les champs en flagrant délit de maraude. D'autres ne craignaient pas de s'introduire dans les maisons particulières et d'y dérober ce qu'ils trouvaient à leur convenance.

Une lettre de la municipalité de Saint-Thégonnec, en date du 29 Messidor an IV (19 Juillet 1796) nous édifie sur la façon dont les soldats se prenaient pour maintenir l'ordre dans la commune. Il s'agissait d'une enquête au sujet de l'assassinat de Jean-Marie Goarnisson, du village de Coasvout. Ce cultivateur, en revenant des champs, vit « trois militaires armés de fusil et un autre individu portant un tambour » sortir de sa maison, et s'enfuir en toute hâte, dans la direction du vallon de Penzé, Il s'empressa de rentrer chez lui et constata tout de suite le vol dont il avait été victime. D'immenses quartiers de lard, suspendus au plafond de la cuisine avaient disparu. Les voleurs ne devaient pas être bien loin, car, gênés par le poids de leur larcin, ils avaient nécessairement dû ralentir leur course. Le paysan se mit à leur poursuite ; mais, l'un des soldats se voyant sur le point d'être pris, se détourna en le menaçant de son fusil. Goarnisson ne tenait pas à échouer si près du but. Il allait atteindre son larron, lorsqu'il tomba frappé d'une balle à l'épaule. Le lendemain, il mourait des suites de sa blessure.

L'Administration municipale se plaignit au District des violences et des rapines des soldats, et réclama, en outre, un desgrévement des lourdes impositions qui pesaient sur la commune. « Saint-Thégonnec disait-elle, est dans l'impossibilité de fourni la quantité de paille, de foin, de grains qu'on lui réclame ; et nous vous demandons l'autorisation d'exploiter les bois nationaux pour être à même de fournir le bois de chauffage aux militaires ».

A tout instant, les officiers municipaux avaient maille à partir, soit avec l'Administration départementale, soit avec le chef-lieu du district de Morlaix. S'agissait-il d'éluder ou de retarder l'exécution d'une loi anti-religieuse. il leur fallait agir avec la plus grande circonspection pour éviter le reproche d’incivisme. Il leur suffisait de jeter les regards autour d'eux ou d'écouter les rumeurs sinistres qui couraient le pays, pour savoir ce qu'il en coûtait d'enfreindre les lois révolutionnaires. La prison ou l'amende, quand ce n'était pas, après un simulacre de procès, l'échafaud, attendait les personnes accusées de favoriser le retour à l'Ancien Régime, et rien n'était plus facile que d'accuser son voisin d'être aristocrate. Nous avons vu le curé intrus Allanet dénoncer ses deux bedeaux comme aristocrates.

C'est peut-être une pareille imputation qui fit monter, à l'échafaud, le 21 Messidor, an II, le marchand Guillaume Le Roux, originaire de Pleyber-Christ et demeurant à Landivisiau. Sa compatriote Marie-Julienne Gigant, en religion sœur Pauline, fut guillotinée le même jour. Elle allait faire profession religieuse lorsque la loi contre les ordres monastiques la jeta hors du couvent des Sœurs de Saint-Paul de Tréguier. Elle se retira chez ses parents de Taulé. Une de ses amies, Mlle de Kerléan venait d'être arrêtée comme aristocrate et était conduite par les gendarmes à la prison de Morlaix. Mal chaussée, elle marchait péniblement [Note : Les gendarmes ne lui avaient pas permis, avant de se mettre en route, de changer d'habit ni de chaussures] Marie Gigant, la voyant passer devant sa maison, eut pitié de son infortune et lui tendit un bâton, pour l'aider à continuer son voyage. Les deux femmes avant de se séparer échangèrent quelques paroles d'amitié. Le curé intrus, l'ex-Père Hippolyte, témoin de cette scène, se garda de laisser échapper cette occasion de se venger de la religieuse dont il avait eu maintes fois à se plaindre. « Pourquoi, dit-il aux gendarmes, ne pas emmener ces deux personnes. Il y a entr'elles entente complète. Elles sont aussi entichées l'une que l'autre des prêtres réfractaires. ». Sœur Pauline dut suivre son amie à la prison de Morlaix, et de là fut dirigée sur Brest pour être traduite devant le tribunal révolutionnaire. Elle fut accusée de suivre le parti des prêtres insermentés et, pour être venue en aide à Mlle de Kerléan, de pactiser avec les aristocrates. C'étaient là deux chefs d'accusation dont un seul était suffisant pour entraîner la peine capitale. Condamnée à mort, Marie-Julienne Gigant fut guillotinée, le 9 Juillet 1794, à l’âge de trente ans (Tresvaux — tome II, p. 6. Histoire de la persécution révolutionnaire en Bretagne).

D'autres arrestations arbitraires opérées dans leur voisinage ou dans le département, donnaient à réfléchir aux Municipalités chargées de veiller à l'exécution des lois dans leurs communes. On savait, au besoin, leur rappeler qu'il était dangereux de biaiser avec la loi.

Les officiers municipaux de Saint-Thégonnec, comme bien d'autres d'ailleurs, avaient reçu le 16 Thermidor, an II (3 août 1794) une lettre pleine de menaces, pour n'avoir pas encore abattu les croix qui se trouvaient sur le territoire de leur commune.

« Je vous déclare, leur disait-on, que si à la prochaine tournée que je ferai dans votre arrondissement, ces signes impurs du fanatisme insultent encore aux yeux des bons citoyens, je serai forcé de vous dénoncer aux autorités supérieures. Vous serez traités de suspects et vous savez la honte attachée à cette punition ».

S'ils avaient été persuadés que la honte eut été leur seule punition, les officiers municipaux n'auraient pas hésité à jeter au panier la lettre du district de Morlaix ; mais ils n'ignoraient pas que d'autres châtiments les attendaient, châtiments autrement redoutables que la honte encourue pour être restés fidèles à leurs convictions religieuses. A plusieurs ordres semblables, reçus antérieurement, ils avaient jugé prudent de donner un commencement d'exécution. Il s'agissait alors, comme au 3 Août 1794, d'abattre toutes les croix, celles des carrefours comme celles du calvaire du cimetière. L'idée d'exécuter un pareil décret dut être odieuse à leur conscience chrétienne. Tiraillés entre la crainte de commettre un acte sacrilège et la peur d'encourir le ressentiment des autorités supérieures comment avaient-ils agi pour se tirer d'affaire en pareille occurrence, et comment agiront-ils pour obéir à l'ordre menaçant du 3 Août ?

Nous devons avouer qu'ils ne se conduisirent pas en héros chrétiens ; mais dans toute société, les héros n'ont toujours été qu'une infime minorité. Les officiers municipaux de Saint-Thégonnec étaient certes de bons chrétiens et tenaient à la conservation de leur religion. Ils l'avaient prouvé en maintes circonstances. Dans leurs relations avec le pouvoir civil, ils s'ingénieront à éviter les heurts trop brusques et préféreront biaiser pour ne pas se compromettre. C'étaient de simples paysans qui n'avaient d'autre désir que de cultiver paisiblement leurs terres et de pratiquer à l'aise leurs devoirs religieux sans être contraints de s'occuper des questions scabreuses et irritantes de la politique. Ce mandat d'officier municipal tant convoité en temps ordinaire, ils ne l'avaient pas recherché, mais comme nous le verrons plus loin, on le leur avait imposé. Dans certaines circonstances critiques, la peur dominera leur conscience chrétienne et leur fera pratiquer la politique qui consiste à ménager la chèvre et le chou. Ils avaient laissé abattre une croix qui se trouvait auprès de la fontaine du bourg, en se disant, sans doute : « En voila assez pour pouvoir déclarer au District que nous avons exécuté la loi… » ; mais ils s'étaient gardés de toucher aux autres calvaires qui se trouvaient sur le territoire de la commune. Ils n'avaient donc fait, semble-t-il, que tolérer un moindre mal pour en éviter un plus grand. Leur roublardise et leur astuce paysannes ne les abandonneront jamais dans leurs démêlés avec les Administrateurs du département ou du District. Leurs atermoiements et leurs explications à dessein embrouillées déconcerteront plus d'une fois le zèle sectaire du Directoire départemental ; mais devant les instances des Autorités supérieures, il leur faudra répondre d'une façon positive.

L'ordre menaçant qui leur parvint le 3 Août 1794 les plongea dans la plus grande perplexité. Ils ne pouvaient abattre les croix des calvaires sans se déshonorer à leurs propres yeux et sans encourir la réprobation de leurs compatriotes. Ils crurent que le plus prudent en l'occurence était de gagner du temps. Ils avaient tant vu de revirements brusques dans l'orientation politique qu'ils pouvaient penser que de nouveaux partis arrivant le lendemain au pouvoir détruiraient l'œuvre de la veille. Cette méthode leur avait réussi, et cette fois encore, ils furent bien inspirés en la suivant. On était aux premiers jours de la réaction thermidorienne. Certes, les nouveaux gouvernants ne rapportèrent par les lois sectaires, votées sous la Terreur, mais ils n'en urgèrent pas l'application. Une courte relâche se produisit dans la persécution religieuse.

Si les fonctions des officiers municipaux n'étaient pas parfois sans danger, elles étaient loin de constituer par ailleurs une sinécure. Il leur fallait à tous moments quitter leurs travaux pour accourir à la maison commune où les appelaient les ordres des Autorités supérieures. Il s'agissait de porter personnellement main forte aux agents de la force publique pour l'exécution des lois, ou de se mettre eux-mêmes en campagne pour la recherche des émigrés et des prêtres proscrits.

La loi du 12 Septembre 1792 avait imposé aux pères et mères des émigrés l'obligation d'équiper à leurs frais et de payer deux volontaires pour chacun de leurs enfants qui se trouvait en état de porter les armes et qui avait passé la frontière pour se soustraire à la conscription.

La Conseil général du Finistère, dans sa séance du 3 Décembre fixa le prix de l’équipement et le taux de la solde de chaque volontaire. Pour chaque enfant émigré, en âge d'être soldat, les parents devaient payer 913 livres 18 sols. C’était aux officiers municipaux qu'incombait l'obligation de dénoncer les émigrés de leur commune, de les signaler aux pouvoirs publics, s'ils revenaient au pays, et de s'informer du lieu de résidence des parents.

La municipalité de Saint-Thégonnec, par l'organe du maire Bernard Breton, déclare ne connaître aucun émigré de la paroisse. « D'ailleurs, depuis plusieurs années, aucun ci-devant noble n'a fait sa demeure sur le territoire de cette commune ». La municipalite de Guiclan fait une déclaration identique. Le maire de Pleyber-Christ, François Madec, a une lettre du 30 Août 1792, répond le 4 Septembre suivant qu'il ne connait en fait d'émigrés de la commune que les quatre enfants de la famille de Barbier de Lescoët, du château de Lesquiffiou, et encore ignore-t-il les noms des enfants ainsi que le lieu de la résidence de leurs parents. Les officiers municipaux de Plounéour-Ménez disent que : « Charles de Clairambault et son épouse ci-devant nobles, ont trois enfants en état de porter les armes. Quand au père, « il est toujours errant, demeurant tantôt à Paris, tantôt à Vannes ou à Morlaix, aujourd'hui à Plounéour. Nous ignorons les noms de baptême des enfants ; ce sont toujours des Clairambault ».

Ces enquêtes, qu'à chaque instant on imposait aux officiers municipaux, leur enlevait une partie notable du temps qu'ils auraient pu consacrer plus utilement à la culture de leurs terres. Il leur fallait signaler, en outre, au chef-lieu du district ou à l'Administration du département, tous les fauteurs de troubles et exercer eux-mêmes une surveillance active sur le territoire de la commune, pour signaler l'arrivée des chouans, des brigands ou des chauffeurs. Lorsqu'au mois de Juillet 1792, la Patrie fut déclarée en danger, ils décrétèrent qu'ils se tiendraient tous les jours « en état d'activité permanente à la maison commune ». Ils devaient prendre la garde deux par deux et tenir le poste pendant vingt-quatre heures, à partir de six heures du matin. Ils n'avaient pas cependant la naïveté de croire que leur présence continuelle à la mairie était de nature à mettre en fuite les brigands et les chauffeurs ; mais il leur fallait avant tout faire preuve de civisme, et sur ce point, ils avaient beaucoup à se faire pardonner. On comprend que si ces cultivateurs, chargés d'une fonction publique avaient à cœur de défendre les intérêts de leur commune, ils ne tenaient pas non plus à négliger leurs affaires particulières. L'intérêt public opprimait trop leurs intérêts privés. Ils ne se souciaient guère de rechercher une fonction qui entraînait après elle plus de charges et d'inconvénients que de profits et d'honneurs.

Tant que ces paysans se crurent les maîtres de diriger à leur gré les affaires de la commune, tant qu'ils furent libres de délibérer entr'eux pour décider les mesures à prendre aux mieux des intérêts de leurs administrés, ils considéraient leurs fonctions municipales comme une charge supportable bien que pénible et onéreuse parfois. Les gens du district ou du Comité de surveillance de Morlaix et surtout les Administrateurs du département étaient trop loin pour influencer leurs délibérations et pour exercer un contrôle continuel et minutieux sur leurs actes administratifs. Dans les rapports qu'ils adressaient à ces Autorités, ils ne consignaient que ce qui était à leur avantage. Ils s'efforçaient d'expliquer leurs manières d'agir lorsqu'elles ne concordaient pas avec les ordres reçus. Si aucune dénonciation ne venait démentir leurs renseignements, ils réussissaient le plus souvent à se tirer tant bien que mal d'affaire. De temps à autre, cependant, ils se voyaient infliger une verte remontrance ou un violent rappel à l'ordre. Ils en étaient quittes pour délibérer de nouveau et pour suivre la même procédure. Mais voilà qu'au 18 Brumaire an V (10 novembre 1796) l'ennemi venait prendre pied dans la place. Le citoyen Kerbrat, notaire à Morlaix, arrivait à Saint-Thégonnec avec le titre de Commissaire du Directoire exécutif. Désormais plus de sécurité pour les officier municipaux, plus de possibilite d'éluder l'exécution des lois. Ils apporteront dans leurs relations avec ce haut personnage la défiance du paysan à l'égard du bourgeois plus instruit et investi d'une fonction officielle. Aussi ne se croiront-ils tranquilles que lorsqu'ils auront pu quitter un poste qui devenait de plus en plus dangereux.

Le 15 ventose an V (5 mars 1797), Jacques Pennec du village de Bodeniry propose à l'Administration du canton sa démission d'adjoint. Son exemple devient contagieux Jean-Marie Abgrall, et le président lui-même, Thomas Le Maguet de Kerfaven en Guiclan, veulent également résilier leurs fonctions Ils ont tous trois d'assez brillants états de service pour qu'on ne puisse pas suspecter leur patriotisme.

Jacques Pennec n'a cessé d'exercer de fonction publique dans le canton depuis le 25 Novembre 1794. D'abord procureur de la commune, puis officier municipal, il a été enfin nommé agent municipal du canton de Saint-Thégonnec. Il en appelle au souvenir de ses concitoyens pour constater les nombreuses occupations que ces charges ont entraînées pour lui. Ce n'est pas par peur aes responsabilités, qu'il désire s'en aller. S'il n'avait écouté que son patriotisme, il n'aurait pas mieux demandé que de continuer ses fonctions ; mais l'état précaire de sa santé et sa situation commerciale forcément négligée, lui font un devoir de se retirer.

Jean-Marie Abgrall, élu capitaine de la garde nationale en 1792, n'a quitté cette charge que pour exercer les foncions d'adjoint municipal. Il est à la tête d'une exploitation agricole, et pour tout auxiliaire, il n'a que sa mère âgée de soixante-dix ans. S'il doit conserver ses fonctions et y employer tout le temps qu'elles réclament, il devra nécessairement laisser ses terres en friches. Depuis seize mois d'ailleurs, il s'est adonné presque exclusivement aux affaires de la commune.

Le président Thomas Le Maguet est un vétéran de la politique. Il est en charge depuis 1790, époque à laquelle il fut nommé procureur de la commune de Guiclan. Deux ans après, il est élu notable, puis maire de cette commune, et enfin il a été appelé par les vœux de ses concitoyens à présider l'administration municipale du canton de Saint-Thégonnec. C'est purement par patriotisme qu'il a accepté cette présidence. S'il n'avait écouté que ses intérêts personnels, il serait plus volontiers resté dans la vie privée. Aujourd'hui, il est contraint d'avouer qu'il ne peut plus mener de front et les affaires publiques et les travaux de sa ferme. Il a une nombreuse famille à nourrir. Les terres de Kerfaven négligées depuis de longues années exigent des soins urgents.

Ces habiles et touchants plaidoyers « pro domo » eurent le don d'émouvoir l'Administration. La démission de ces officiers municipaux fut acceptée. Pour les remplacer, de nouvelles élections furent décrétées pour le mois de Germinal suivant. On dut cette fois battre la grosse caisse pour faire appel aux candidats. La municipalité de Saint-Thégonnec, dans son rapport à l'Administration centrale, se plaignit de ce qu'aucun électeur ne fut encore venu inscrire sa candidature sur le registre déposé à la maison commune. De Quimper, on lui répondit qu'il fallait tout de même procéder aux élections, tout en laissant aux 647 citoyens qui, dans le canton, avaient droit de vote aux assemblées primaires, le soin de désigner eux-mêmes les candidats.

Elus malgré eux, les nouveaux officiers municipaux ne montrèrent pas grande hâte d'entrer en fonctions. Le 18 Avril, le citoyen François Floc'h du Kermat reçut avis de la part de la municipalité de se rendre à la maison commune pour y être installé comme président de l'adminstration cantonale. L'assemblée primaire et communale de Saint-Thégonnec ainsi que l'assemblée de la commune de Guiclan l'avaient élu à cette charge. Charles Grall de Guélébara et Jacques Drolac'h, du Lividic, furent nommés l'un comme agent et l'autre comme adjoint de Saint-Thégonnec. Alain Le Breton et Yves Le Guen avaient été désignés pour les mêmes fonctions dans la commune de Guiclan. La lettre qui leur faisait part de leur nomination laissait percer une certaine crainte de voir les nouveaux élus se dérober au choix des électeurs.

Elle se terminait ainsi : « Nous espérons que vous ne refuserez pas de vous rendre à notre invitation ». Cette crainte n'était pas chimérique. Déjà François Breton, de Menhars et Jacques Riou, de Parc-ar-Bourg, deux des officiers municipaux sortis des élections de Germinal, venaient de répondre par un refus à l'invitation de la municipalité. A la fin de l'année, Charles Grall de Guélébara, qui avait remplacé Jacques Pennec comme agent municipal proposera également sa démission. Nous verrons même les principaux personnages de Saint-Thégonnec, tels que Bernard Breton, François-Marie Le Rideller et Salomon Le Roux nominés électeurs du second degré, accepter, à leur corps défendant, le choix de l'assemblée primaire du canton. On devra faire appel à leur patriotisme éclairé pour les décider à se rendre à Quimper où ils auraient à prendre part aux réunions de l'assemblée électorale du Département.

Le citoyen Kerbrat, commissaire du Directoire exécutif tiendra à l'honneur, malgré les difficultés de l'entreprise, de recruter de gré ou de force les membres des Administrations des communes et du canton. Il réussira à tenir debout des municipalités qui, à chaque instant, menaçaient de crouler. Devant les tracasseries et les menaces gouvernementales, les paysans n'auront d'autre ressource que de se taire et de se soumettre.

Références. — Arch. départ. — Série L. Liasses 194 et 219. — Registre de correspondance — Lettre du 16 Thermidor an II — Archives de l'église de Saint-Thégonnec — pour les Remontrances aux États généraux. — Archives municipales. — Correspondance de l'administration municipale du canton. — Lettres des 17 Germinal et 29 Thermidor an IV, des 21 Vendémiaire, des 10, 15 et 22 Ventôse an V. — 71ème, 111ème et 128ème lettres.

 

APPENDICE I.

Du 15 Ventose an V
Jacques Pennec agent municipal de la commune de Saint-Thégonnec à l'Administration municipale du canton de Saint-Thégonnec.

CITOYEN
Depuis le 5 Frimaire an trois, je n'ai discontinué d'exercer quelque fonction publique en ce canton. J'ai d'abord rempli les fonctions de procureur de la commune, et puis celle d'officier municipal de la commune de Saint-Thégonnec. En acquittant cette dernière place, je suis nommé agent municipal de ma commune ; vous connaissez et l'état de délabrement où s'est trouvé ma santé et les occupations que m'a données cette dernière charge. Ces occupations ont tellement absorbé mon tems que si je regarde la situation de mes affaires particulières, je n'y vois que des champs manquant de culture et un commerce délabré. J'aurois désiré continuer à pouvoir remplir les fonctions qui m'étoient confiées, mais l'état où se trouvent ma santé, mes travaux domestiques et mon commerce ne me le permettent pas. En conséquence, citoyens, je vous déclare me démettre de la charge d'agent municipal de la commune de Saint-Thégonnec, et vous invite à convoquer l'assemblée des citoyens pour procéder à l'élection d'un nouvel agent municipal et à me donner acte de ma présente démission.
Salut et Fraternité. Jacques PENNEC.
(Extrait de la Correspondance municipale de Saint-Thégonnec).

 

APPENDICE II.

§ I. — ETAT NOMINATIF DES CITOYENS COMPOSANT LES AUTORITÉS CONSTITUÉES DU RESSORT DU DISTRICT DE MORLAIX DRESSÉ EN VERTU DES LETTRES DU COMITÉ DE LÉGISLATION DE LA CONVENTION NATIONALE DES 28 FRUCTIDOR AN II ET 27 VENDÉMIAIRE AN III DE LA RÉPUBLIQUE UNE ET INDIVISIBLE.

Officiers municipaux et membres du Conseil général réunissant des fonctions incompatibles et à remplacer.

EGONNEC

Officiers municipaux.
Bernard Breton, maire ; Gabriel Cam; Jean-Marie Pouliquen . Salomon-Marie Le Roux . Guillaume Corre . Alain Le Saint . Alain Rannou . Charles Grall ; Jacques Pennec, agent national.

Notables.
Guillaume Prigent ; François Breton ; Joseph Croguennec ; Yves Croguennec ; Alain Pouliquen ; Jacques Drolac'h ; François-Marie Cotain ; Jean-Hervé Le Loutre ; Jacques Le Guen ; Guillaume Coat ; Jacques Le Goff ; Alain Breton ; Jean-Marie Menez ; Yves Caroff ; Jean Fichou ; Jean-Marie Goarnisson ; Michel Martin.

 

GUICLAN.

Officiers municipaux.
Jean Bléas, maire ; Francois Parson ; Yves Larvor ; Alain Tanguy ; Guillaume Mingam ; Jean Grall ; Milliau Larvor, agent national.

Notables.
François Mingam ; Jean Quéméner ; Jean Breton ; Yves Abgrall ; Yves Cardinal ; Jacques Tanguy ; Jean Laurent ; Yves Pouliquen ; François Salaün ; Jean Bécam ; Alain Mingam ; Jean Abgrall (Archives départementales — Série L. Liasse 198).

 

§ II. — CANTON DE SAINT-THÉGONNEC (Archives départementales — Série L. Liasse 219).

Justice de paix.
François-Marie Menez, du Bourg, juge de paix ; Francois Breton, de Menhars ; Francois Cottain, de Cozlen ; Guillaume Prigent, du Bourg ; Charles Grall, de Kerfeultz.

Assesseurs pour la commune de Saint-Thégonnec.

Thomas Le Maguet, de Kerfaven ; Yves Rannou, de Kerbriant ; Charles Le Maguet, de La Haye ; Yves Coquil, de Penhoadic.

Assesseur pour la commune de Guiclan.

Francois-Marie Le Rideller, du bourg de Saint-Thégonnec, secrétaire-greffier.

 

§ III. — PLOUNÉOUR-MÉNEZ (Archives départementales — série L. Liasse 219).
Etat des fontionnaires publics : 25 Floréal an III (15 Mai 1795)

PROFESSIONS :

Yves Coat : Notaire (avant la Révolution) puis Maire (après la Révolution).
Yve Corre : Ecolier du droit (avant la Révolution) puis Agent municipal (après la Révolution).
Goulven Cleuziou : Cabaretier (avant la Révolution) puis Agent municipal (après la Révolution).
Yves André : Cultivateur (avant la Révolution) puis Officier municipal (après la Révolution).
Alain Cam : Cultivateur (avant la Révolution) puis Officier municipal (après la Révolution).
Jean Thoer : Cultivateur (avant la Révolution) puis Officier municipal (après la Révolution).
Yves Herry : Cultivateur (avant la Révolution) puis Officier municipal (après la Révolution).
Hervé Prouff : Cultivateur (avant la Révolution) puis Officier municipal (après la Révolution).
Hervé Lédan : Cultivateur (avant la Révolution) puis Officier municipal (après la Révolution).
Yves Grall : Minoré (avant la Révolution) puis Officier public (après la Révolution).
Guillaume Charles : Récollet (avant la Révolution) puis Ministre du culte (après la Révolution).
Francois Rioual : Prêtre (avant la Révolution) puis Ministre du culte (après la Révolution).
Antoine Fabre : Garde de forêt (avant la Révolution) puis Garde de forêt (après la Révolution).
Jean Jézéquel : Garde de forêt (avant la Révolution) puis Garde de forêt (après la Révolution).

 

§ IV — PLEYBER-CHRIST (Archives municipals de Pleyber-Christ).
Liste des officiers municipaux (20 Janvier 1793).

Maire : François Madec
Officiers municipaux : Guillaume Criminec ; Alain Pinvidic ; Thomas Le Maguet ; Yves Joncour ; Jacques Mazé ; Julien Messager ; Jean-Marie Guillou ; Francois Léon ; Sébastien Martin ; Guillaume Pouliquen.

(F. Quiniou).

© Copyright - Tous droits réservés.