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LA PAROISSE DE SAINT-THÉGONNEC SOUS LA RÉVOLUTION

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Les prêtres insermentés.

La tourmente révolutionnaire avait dispersé les prêtres fidèles, et ne tardera même pas à emporter dans ses violentes bourrasques les tenants du culte officiel. Le départ des prêtres de Saint-Thégonnec, à la fin de Septembre 1792, avait laissé le curé Allanet et son vicaire, Guillaume Charles, maîtres incontestés de la place, mais l'opposition systématique et irréductible de la population fit comprendre aux prêtres assermentés qu'il ne suffit pas de vouloir pour triompher. Deux mois ne s'étaient pas écoulés que le vicaire disait adieu aux paroissiens de Saint-Thégonnec dans l'espérance de trouver ailleurs des ouailles plus dociles, Allanet s'obstinera à rester jusqu'au mois de Juin suivant. Il fut remplacé, comme nous venons de le voir, par le citoyen Le Frout qui n'obtint pas plus que son prédécesseur les faveurs de la population. On n'avait recours à son ministère qu'en désespoir de cause.

Des prêtres, fidèles à leurs serments religieux, n'avaient pas craint d'affronter les lois révolutionnaires, et s'étaient refusé de prendre, à la suite de de leurs confrères, le chemin de l'exil. Traqués de tous côtés, ils devaient à chaque instant changer de domicile, et aller d'une paroisse à l'autre, exerçant au petit bonheur les fonctions de leur ministère. C'est à ces vaillants surtout que nous devons le maintien de la foi dans le pays. Certes, ceux qui avaient jugé bon de mettre la frontière entre eux et leurs ennemis m'avaient pas démérité de la religion. Ils n'avaient quitté leurs postes que contraints par une violence inéluctable. Ils avaient confessé leur foi et donné, dans les plus terribles épreuves, l'exemple des plus hautes vertus. En partant, ils emportaient les sympathies et l'estime de leurs populations. Quelques-uns avaient dû, malgré leur volonté de rester au pays, prendre le chemin de l'étranger. Arrêtés et incarcérés, ils n'avaient quitté leur prison que pour être embarqués pour l'Espagne ou la Guyane. Les prêtres qui s'étaient exilés n'avaient fait que suivre ce conseil de l'Evangile : « Cum autem persequentur vos in civitate ista, fugite in aliant — St Math., X, 23. Quand vous serez persécutés dans un pays, fuyez dans un autre ».

Dieu, sans doute, avait d'autres desseins en permettant l'exode des prêtres fidèles. Sur la terre étrangère où ils aborderont, ils seront, par la dignité et la sainteté de leur vie, une prédication vivante de l'Evangile. Bien des contrées et en particulier l'Angleterre seront redevables à ces prêtres proscrits d'un réveil et d'une recrudescence de la foi.

Le départ de ces bons pasteurs laissait leurs ouailles sans lumière et sans guide, et aurait pu engendrer à la longue une obnubilation de la foi dans les âmes. Des prêtres heureusement s'étaient rencontrés, qui voulaient, au péril de leur vie, maintenir la foi dans la contrée. Les registres qu'ils nous ont laissés nous font connaître et leurs noms et l'activité de leur ministère.

C'étaient pour la région de Saint-Thégonnec : Jean Combot qui signe : « prêtre de Saint-Thégonnec » (voir la note qui suit) ; Ignace Luguern, prêtre sacristain de la cathédrale de Saint-Pol, et détenu plus tard au Château du Taureau.

Note : Jean Combot, né à Saint-Pol-de-Léon en 1754, fut nommé vicaire à Saint-Martin de Morlaix. Après son refus de serment, il se retira, en 1796, à Saint-Thégonnec, où il fut arrêté chez le sacristain Bonnel le 9 octobre 1797. — Détenu à Rochefort, puis déporté sur La Décade en Guyane, il mourut le 9 octobre 1798 dans la région insalubre et désolée de Commana. (Bulletin diocésain, N° 6, 1927, p. 379).

Yves Kérébel et Nicolas-Marie Moal, curés du Minihy de Léon.

François Abgrall, professeur de Rhétorique.

Alain Le Roux, professeur de Seconde.

Toussaint-Yves Costiou, scholastique du collège de Léon, professeur de Logique, et après la Révolution, chanoine titulaire de la Cathédrale de Quimper. Le collège auquel appartenaient ces trois derniers ecclésiastiques avait été laïcisé le 13 Février 1791.

Ces prêtres bien connus à Saint-Pol-de-Léon auraient été indubitablement arrêtés, s'ils avaient continué de demeurer en aussi grand nombre, soit dans la ville, soit dans les paroisses limitrophes. Aussi prirent-ils le parti de se répandre, plus loin dans les campagnes, là où le lieu de leur retraite courait moins de risques d'étre découvert. Ils venaient remplacer les prêtres que la persécution avait dispersés à l'étranger, et à ce titre, ils devaient nécessairement obtenir la confiance et les faveurs des populations qui ne s'adressaient qu'a regret au ministère des prêtres intrus.

Au plus fort de la tourmente révolutionnaire, les paroissiens de Saint-Thégonnec ne furent pas privés des secours religieux des prêtres fidèles. Les ecclésiastiques que nous venons de citer nous ont laissé des registres qui attestent qu'on réclamait souvent leurs services, et que le régime même de la Terreur et du Directoire n'avait ni refroidi le zèle des missionnaires ni effrayé outre mesure la population. Le tableau synoptique suivant qui n'enregistre que les baptêmes nous donne un aperçu de leurs opérations dans la seule paroisse de Saint-Thégonnec.

Ville de Saint-Thégonnec : les prêtres insermentés.

Leur ministère ne se bornait pas à baptiser les enfants à domicile. On avait encore recours à eux pour la bénédiction nuptiale et pour l'administration des mourants. Ils revalidèrent plusieurs mariages contractés devant des ministres sans juridiction, comme le constatent leurs registres de catholicité. Des personnes de Plounéour-Ménez et de Commana qui s'étaient d'abord adressées aux prêtres intrus pour bénir leur union, venaient ensuite, prises de remords, réclamer des prêtres fidèles une nouvelle bénédiction. L'activité du ministère de ces ecclésiastiques ne se limitait pas à une seule paroisse. Ignace Luguern opérait à Saint-Thégonnec, Guiclan, Guimiliau, Pleyber-Christ, et à Saint-Martin de Morlaix (voir la note qui suit). Moal et Costiou exerçaient principalement à Pleyber-Christ. Ces prêtres ne quittaient le quartier où ils s'étaient retirés que lorsqu'ils se sentaient menacés, et en partant, ils avaient soin d'indiquer le lieu de leur refuge pour qu'au besoin, les fidèles puissent facilement les rejoindre. Alain Le Roux avait sa résidence habituelle au village de Kernisan et opérait dans la section de Sainte Brigitte et le long du vallon du Coat-Toulsac'h jusqu'à Kerdro. François Abgrall s'était réservé le bourg avec ses environs. Ces deux ecclésiastiques que nous venons de nommer en dernier lieu demeurèrent sur le territoire de Saint-Thégonnec durant l'époque révolutionnaire.

Note : M. Luguern devint après la Révolution vicaire à Saint-Derrien. En adressant à M. Corre, vicaire à Saint-Thégonnec, les registres des baptêmes, décès et mariages qu'il avait rédigés, il lui écrivit le billet suivant : Saint-Derrien, le 4 Juillet 1809. Monsieur et cher confrère, Je m'empresse de vous faire passer les petits cahiers des différentes opérations de mon ministère, exercé sur les paroisses où je me suis trouvé pendant les temps malheureux de cette Révolution. Vous voudrez bien en distribuer aux paroisses respectives et me croire avec le respect possible votre humble serviteur. Ignace Luguern, prêtre, vicaire de Saint-Derrien. (Archives paroissiales de St-Thégonnec).

Pendant les premières années de la Révolution de 1791 à 1795, années où la paroisse était gouvernée par un curé constitutionnel, les prêtres intrus ne se faisaient pas faute de dénoncer leurs adversaires au chef-lieu du District.

« Notre curé, écrivait la municipalité aux Administrateurs de Morlaix, à la date du 12 Février 1792, s'est seul chargé de donner les renseignements nécessaires pour ôter la liberté aux sieurs Drolac'h et Rolland ». L'année 1795 vit le départ du dernier curé constitutionnel de Saint-Thégonnec. Est-ce à dire que les prêtres réfractaires allaient jouir désormais d'une liberté sans mesure pour exercer leur ministère ? Certes, ils auront moins à craindre depuis la disparition de leurs ennemis dont la vigilance était toujours en éveil ; mais les lois contre les insermentés étaient toujours en vigueur et les espions n'avaient pas accompagné leurs chefs dans leur retraite. Les rapports dénonciateurs continuaient d'arriver au chef-lieu du District. Le citoyen Kerbrat, arrivé à Saint-Thégonnec avec le titre de « Commissaire du Directoire exécutif », se chargeait de centraliser ces rapports et d'exciter le zèle de ses agents.

Traqués à tout instant par les gardes nationaux, les prêtres fidèles devaient jouer de ruse pour ne pas tomber entre leurs mains. Ils prenaient soin de changer souvent de lieu de retraite, autant pour ne pas compromettre les personnes qui leur donnaient asile que pour dépister les recherches de la police. S'il faut en croire le témoignage d'Allanet, il ne couchaient pas deux nuits de suite sous le même toit. Aussi, sont-elles nombreuses dans la paroisse les familles qui peuvent réclamer l'honneur d'avoir donné asile à un prêtre insermenté. Chaque village, pour ainsi dire, possède « sa cachette ».

Les prêtres se retiraient de préférence dans les endroits d'où ils pouvaient s'enfuir plus facilement et que les gendarmes ne pouvaient aborder sans signaler de loin leur présence. Les villages de Kernisan, de Bodéniry et du Hellin étaient les lieux ordinaires de leur retraite. A la moindre alerte, si le prètre avait lieu de craindre que son refuge ne fût connu des gendarmes, il se hâtait de descendre les pentes escarpés que domine le village de Kernisan. Les sentiers, dissimulées sous les ronces et les bruyères et serpentant entre les assises étagées des rochers, lui étaient familiers. En un instant il était rendu sur les bords de la rivière de Coat-Toulsac'h qui sépare la paroisse de Saint-Thégonnec de celle de Pleyber-Christ. Quelques pas plus loin, c'étaient les hauteurs boisées de l'Hoènec. Le vicaire de Pleyber, Lèveyer, avait établi sa résidence dans ces parages. Prévenu par son confrère que les gendarmes étaient aux trousses des prêtres insermentés, il se chargeait de lui donner asile. Quand le danger venait du côté de Pleyber, c'était au tour de Lèveyer de grimper les rochers de Kernisan et de donner l'alerte à son confrère de Saint-Thégonnec. Les villages de Bodéniry et du Hellin donnaient également toute facilité aux prêtres de prendre la fuite, lorsque le danger était signalé à temps. Ils sont situés à proximité du vallon qu'arrose la Penzé et que dominent de chaque côté de hauts escarpements boisés.

Si ces ecclésiastiques, bien que souvent inquiétés, purent exercer leur ministère durant la période révolutionnaire, ils en furent redevables à la bienveillance de la municipalité et à la vigilance des fidèles. Les officiers municipaux ne montraient pas grande ardeur dans la poursuite des prêtres réfractaires. Sur les ordres menaçants émanés du chef-lieu du District, ils se réunissaient à la maison commune, et chacun d'eux prenait à sa charge de surveiller une partie déterminée de la paroisse. Ils se hâtaient ensuite de rendre public le résultat de leurs délibérations de sorte que ceux qui donnaient asile à un prêtre insermenté étaient informés à temps du jour fixé pour les perquisitions. On comprend que les agents municipaux soient souvent revenus bredouille de leur tournée d'inspection. Si réellement même, ils avaient tenu à l'appplication de la loi, ils auraient dû commencer par se dénoncer eux-mêmes. Ils étaient les premiers à avoir recours aux services des prêtres fidèles. Nous voyons François Marie Rideller, secrétaire de l'administration municipale et notaire de Saint-Thégonnec, faire baptiser son enfant par Nicolas Marie Moal, prêtre catholique de Léon. Le parrain fut Salomon Le Roux, autre agent municipal.

Ce que les prêtres avaient le plus à redouter, c'était l'arrivée inopinée des gendarmes dans le village où ils se cachaient, mais l'active surveillance des fidèles se faisait rarement prendre en défaut. Les enfants eux-mêmes, dit-on, témoins des réponses dilatoires de leurs parents aux interrogations des gendarmes, apprenaient inconsciemment leur rôle, et questionnés à leur tour, savaient dissimuler la vérité. Pour toutes les opérations de leur ministère, les prêtres pouvaient donc compter sur le concours dévoué et sur la discrétion absolue de la population. Comme l'église paroissiale était réservée au culte officiel, ils devaient célébrer la messe dans les maisons particulières, ou encore dans les granges, lorsqu'une plus grande affluence de fidèles, surtout les dimanches et les fêtes, réclamait un local plus vaste (voir la note qui suit). Les habitants du quartier se chargeaient de prévenir les voisins sans éveiller l'attention des pouvoirs publics. A l'heure dite, de nuit ou de bon matin, tous étaient au rendez-vous, et l'on se séparait

Note : L'église de Saint-Thégonnec possédait, jusqu'à ces derniers temps, un verre de forme longue et évasée qui, d'après la tradition locale, avait servi à l'époque révolutionnaire pour la célébration de la messe.

Sans bruit, avec l'intention de se rencontrer de nouveau, là ou ailleurs, du moins les jours de précepte. Pendant l'office, la garde veillait et, en cas de danger, donnait discrètement l'alerte. On se hâtait de faire disparaître toute trace du culte. Les fidèles se faufilaient dans l'obscurité pour rentrer chez eux et le prêtre se retirait dans une cachette préparée d'avance. Les agents pouvaient venir et procéder aux interrogatoires et aux perquisitions. La placidité du paysan déconcertait la finesse légendaire du gendarme. Les fouilles se faisaient parfois minutieusement ; mais comme dans les différents locaux, les agents de l'autorité ne remarquaient rien d'anormal, il ne leur restait plus qu'à se retirer et à retourner à Morlaix pour rendre compte du résultat de leur mission.

C'était le plus souvent la nuit que les prêtres exerçaient leurs fonctions cultuelles. Le jour, ils se tenaient cachés, à moins qu'on ne fît appel à leur dévouement pour un cas d'extrême nécessité ; encore fallait-il se défier des espions qui venaient réclamer leur secours dans le but de découvrir le lieu de leur retraite ou de les attirer dans un guet-apens. Timides dans les premiers temps, en présence des gendarmes et des gardes nationaux, les prêtres et les paroissiens ne tardèrent pas à acquérir un certain aplomb et une grande présence d'esprit qui leur servirent dans plus d'une circontance critique, à endormir sinon à dissiper les soupçons des agents de l'autorité.

Dans un village, non loin de la chapelle de Saint Brigitte, était caché un prêtre réfractaire. La police eut vent du fait et deux gendarmes se présentèrent un soir pour mettre la main au collet de « l'ennemi de la République ». Ils ne trouvèrent à la cuisine que la maîtresse de la maison en train de préparer la nourriture de ses bestiaux. La ménagère leur fit bon accueil et subit sans se trahir leur interrogatoire. Pendant l'entretien survint le prêtre en question. La fermière vit son embarras et brusquement elle s'adressa à lui d'un ton de mégère. « Hé ! va donc, fainéant, porter ce barbotage aux bestiaux ». Le prêtre ne se le fit pas dire deux fois, et de l'air le plus naturel du monde, se mit à accomplir sa nouvelle fonction. Les gendarmes le prirent pour l'un des garçons de la ferme. C'est ce qui le sauva. [Note : Ce fait se serait passé au village du Fers, et nous a été rapporté par la famille Pouliquen].

L'habitude avait fini par rendre à ces prêtres le danger familier. De temps à autre, à la moindre accalmie, ils se hasardaient de jour dans les campagnes et jusque dans les bourgs et les villes, déguisés en paysans ou en marchands venus de loin pour acheter le lin ou la toile de la région. Ces excursions leurs permettaient de converser avec les fidèles, de se mettre au courant des évènements politiques et des besoins des âmes et de ranimer les courages en inspirant confiance dans un avenir meilleur. Par leurs enseignements, ils mettaient la population en garde contre les lois sectaires et ravivaient en elle la foi que ces terribles épreuves auraient pu ébranler. Leurs exemples étaient un réconfort pour leurs ouailles et un stimulant contre l'apostasie.

Le degré de sécurité dont ils pouvaient jouir était variable et soumis aux fluctuations des évènements politiques. La loi du 30 Vendémiaire an II (21 Octobre 1793) condamnait à l'exil ou à la mort les prêtres restés fidèles aux serments de leur ordination. Certes, ces lois de proscription demeuraient toujours en vigueur ; mais dans leur application, il fallait parfois user de prudence. Les agents de l'autorité devaient pour l'exécution de ces lois, tenir compte de l'état d'esprit des populations.

La Convention, avant de déposer son mandat, avait, au milieu de beaucoup de décrets sectaires, voté quelques mesures libérales, en particulier le 3 Ventose an III (21 Février 1795) en décrétant le libre exercice du culte en France. Le Directoire du Finistère, par l’organe des Représentants du peuple, Guesno et Guermeur, avait le 6 Germinal an III, proclamé l'amnistie en faveur des prêtres réfractaires. Ces ecclésiastiques n'étaient pas cependant admis sans condition à rentrer dans la société. Il leur fallait ou prêter serment de soumission à la loi et de fidélité à la République, on s'engager à « vivre en citoyens paisibles, et tâcher par leurs discours et leur conduite de consolider la paix, l'union et la concorde entre les citoyens ».

L'adhésion à l'une ou à l'autre de ces formules n'engageait aucunement leur conscience sacerdotale ; mais on comprend que des prêtres qui avaient eu tant à souffrir de la part de la République, aient hésité à donner leur adhésion formelle à un gouvernement qui incarnait pour eux l'impiété et la persécution. Aussi, bien plus nombreux furent ceux qui souscrivirent à la seconde formule, et de ce nombre furent François Abgrall, Alain Le Roux, Jean Combot et Nicolas-Marie Moal. Toussaint-Yves Costiou et Léveyer vicaire de Pleyber-Christ crurent pouvoir adopter la première formule de serment (Arch. dépt. Série L. Liasse 18). Tous devaient en outre indiquer le lieu de leur domicile, pour permettre de constater à tous moments qu'ils n'avaient pas renié leur serment. Cette indication de leur résidence les mettait à la discrétion des autorités civiles, et pouvait, au moindre changement dans les directions politiques, rendre facile leur arrestation. Il est à croire que ces ecclésiastiques savaient à quoi s'en tenir sur la libéralité des partis au pouvoir et qu'ils n'avaient qu'une médiocre confiance dans un décret plus ou moins tolérant qu'un décret sectaire pouvait remplacer le lendemain. La leçon de l'avenir se dégageait pour eux du passé.

Le décret de Germinal fit place à la loi du 3 Vendémiaire an IV (24 Septembre 1795) qui ordonnait l'arrestation en masse des prêtres réfractaires. Les perquisitions faites dans le district de Morlaix n'eurent d'autre aboutissement que de saisir quelques prêtres septuagénaires ou infirmes dont la loi elle-même n'autorisait pas l'incarcération. Tous ceux qui pouvaient s'enfuir ou se cacher n'avaient pas cru prudent d'affronter l'arrivée des gendarmes ou des gardes nationaux.

La persécution, un moment ralentie, reprit de plus belle. Le nouveau gouvernement dont fut dotée la France remporta encore, s'il est possible, sur les régimes précédents par son hypocrisie et par le raffinement de ses mesures persécutrices. Après le coup d'Etat du 18 Fructidor an V (4 Septembre 1797), il n'est plus de différence entre prêtres assermentés et prêtres réfractaires. Le Directoire s'arroge le droit « par arrêté individuel motivé », de déporter tout ecclésiastique qui trouble la tranquillité publique, c'est-à-dire qui exerce son ministère et prêche sa foi. Plus de guillotine, il est vrai, mais en revanche les pontons de La Rochelle, les casemates de l'île de Ré ou les marais de Sinnamary attendent les prêtres qui n'ont pas renoncé à leur vocation. Ces mesures draconiennes n'arrêtent ni le zèle des prêtres ni le dévouement des fidèles. Le tableau synoptique que nous avons reproduit un peu plus haut nous montre que l'ardeur croissait avec le danger et que dans cette année 1797, Le Roux, Abgrall et Combot ont au tableau le chiffre de 100 baptêmes.

Bien des fois, ces prêtres traqués, avaient cru saluer l'aurore d'une ère nouvelle, lorsqu'à une période de persécution violente, avaient succédé quelques jours d'accalmie ; mais bientôt d'autres nuages, s'élevant au ciel de France, venaient de nouveau obscurcir l'horizon. Certes le dévouement de leurs ouailles et la foi restée intacte dans leurs paroisses étaient pour ces pasteurs un réconfort au milieu de tant d'épreuves ; mais il est des limites aux forces morales comme aux forces physiques. Après avoir mené pendant une dizaine d'années une vie toute de privations et d'angoisses, il était permis à ces prêtres d'aspirer au moment où ils pourraient vivre libres, sous un gouvernement respectueux de leurs convictions religieuses.

Références. — Registres paroissiaux, traditions locales. — Arch. dép. Série L. Liasses 18, 195. 198. —Archives communales : Correspondance de la Municipalité. — Lettres des 22 Messidor, an VI, 22 Floréal, 22 et 30 Prairial an IX, 9 Fructidor an X, Taine. — Origines tome VIII.

(F. Quiniou).

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