Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

SAINT-POL-DE-LEON SOUS LA REVOLUTION (CHAPITRE 9).

  Retour page d'accueil        Retour page "Saint-Pol-de-Léon sous la Révolution"        Retour page "Ville de Saint-Pol-de-Léon"  

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

CHAPITRE IX.

Sommaire.

Sur le refus du Directoire de Morlaix, trois commissaires de Brest viennent notifier à Mgr de La Marche la Constitution civile du clergé et la suppression de son siège. — M. Le Lann efface dans l'après-midi du 4 décembre 1790 sa signature qu'il avait apposée sur le registre de la mairie dans la matinée. — Colère des municipaux. — Véhément discours de M. Moal, vicaire, à la grand'messe du dimanche, 5 décembre. — Déconfiture des commissaires et du conseil. — Un exemplaire du discours de M. Moal est adressé aux districts de Brest, de Morlaix, à Quimper, à Expilly et à l'Assemblée nationale. — Appréhension du conseil. — Il sollicite l'appui du club des Jacobins de Paris. — Ennuis que lui causent les prédicateurs et principalement le gardien des Capucins de Landerneau. — Nouvelle protestation du conseil municipal de Saint-Pol contre Roscoff. — Le Directoire de Morlaix est d'avis qu'on continue de payer en 1790 les prédicateurs, malgré leurs opinions. — La Société des Amis de la Constitution dénonce au Directoire de Morlaix plusieurs abus qui se perpétuaient à Saint-Pol.

Nous avons vu par ailleurs que le conseil municipal de Saint-Pol avait prié le Directoire de Morlaix de notifier lui-même à Mgr de La Marche la Constitution civile du clergé et la suppression de son siège. Le Directoire du district de Morlaix, ayant décliné cette mission, l'administration départementale en chargea celui de Brest. Le 3 décembre 1790, trois commissaires, les sieurs Brichet, La Ligne et Hanot, accompagnés du sieur Paurain, secrétaire, députés par le district de Brest, arrivaient à Saint-Pol pour notifier à Mgr de La Marche et au chapitre les décrets sur la Constitulion civile du clergé. La municipalité et le conseil général de Saint-Pol craignant qu'on cessât la célébration du culte à la cathédrale, dès que cette nouvelle serait connue, ce qui pourrait amener un soulèvement du peuple, prièrent les commissaires de se rendre auprès de M. Corre, recteur du Minihy, pour lui demander de célébrer, comme par le passé, le service divin à la cathédrale. M. Corre crut devoir le leur promettre. Etant allé le lendemain à la maison commune, il dit qu'il en avait conféré avec Mgr de La Marche et que Sa Grandeur Tautorisait à chanter la messe et les vêpres.

Il signa ensuite sur le registre de la municipalité.

MM. Kérébel, Branellec, Le Moal et Grall, curés du Minihy, promirent également de continuer de remplir leurs fonctions et apposèrent sur le même registre leur signature avec la note : par adhésion. MM. François-Ignace Luguern, prêtre sacristain, Tanguy Jacob et Hervé Le Lann, prêtres, diacre et sous-diacre d'office, prirent le même engagement qu'ils signèrent. Après eux, les musiciens, l'organiste et les plein-chanistes promirent leur concours à la condition d'avoir « un salaire suffisant les jours de fêtes et les dimanches ». La maîtrise de la cathédrale se composait alors des sieurs J.-M. Jac, organiste, Pierre Desteenne, Le Roux, maître de musique, Martin, serpent, Jacques Raoul, pleinchaniste musicien, Livolant, musicien. Le Boulch, musicien, Pirivin, clr Ton., Jean Ochéron, chantre.

Ceci se passait le samedi matin, 4 décembre. Dans l'après-midi, vers les trois heures, M. Le Lann, pris probablement de remords et regrettant ce qu'il avait fait le matin, se rendit à la maison commune, demanda le registre sur lequel il avait apposé sa signature et d'un vigoureux trait de plume l'effaça complètement. Le greffier en demeura tout interdit, ne s'attendant pas à cet acte de la part de M. Le Lann. Revenu de sa stupéfaction, il fit « à ce fautif les représentations convenables sur une viciation de registre, aussi furtive qu'indécente ». M. Le Lann signa alors de nouveau, laissant toutefois sur le bureau « une protestation par lui écrite et souscrite sur une demi-feuille de papier libre contre ses signatures réfferées, la quelle protestation fut remise à la municipalité par le secrétaire, le sieur Meurzec ».

La protestation de M. Le Lann était conçue dans ces termes : « Ayant pris connaissance du registre, j'ai vu que je n'étois nullement requis par Mgr l'évêque de Léon, que j'ai reconnu, je reconnois et reconnoitrois toujours pour mon évêque pour continuer avec M. le recteur du Minihy l'office. En conséquence je proteste contre et déclare ma signature nulle ayant été trompé ». Signé : LE LANN, prêtre.

Si le secrétaire fut décontenancé, le conseil municipal ne le fut pas moins en apprenant ce qu'avait fait M. Le Lann. Il se réunit immédiatement pour protester contre la conduite de M. Le Lann qu'il accusait « d'avoir attenté à l'autorité des respectables décrets de l'Assemblée nationale sanctionnés par le roi, et d'avoir osé contre vérité avancer qu'il avait été trompé d'où il résultait une injure atroce contre les souscripteurs du dit registre et surtout contre la municipalité et même messieurs les commissaires de Brest qui étaient présents lors de la souscription. La municipalité se réservait de prendre dans la suite contre le dit Lann tel parti qu'elle verrait ».

Cette pauvre municipalité n'était pas au bout de ses peines. Le lendemain qui se trouvait être le dimanche, ce fut en effet bien pis. Ce jour-là, les municipaux et les commissaires du district de Brest étaient partis en cortège de la maison commune à la cathédrale pour assister à la grand'messe. Ces messieurs étaient si dévots ! Mais quelle ne fut pas leur surprise, en voyant les portes du chœur fermées, et un autel latéral, au lieu du maître autel, préparé pour la célébration de la messe du jour ? Ils en demandèrent la raison à M. Luguern, prêtre sacristain, lui enjoignirent d'ouvrir les portes du chœur, ce qu'il fit, et d'orner le maître autel pour la messe, ce à quoi il se refusa, tels étant, dit-il, les ordres de M. le recteur. Après l'aspersion et la procession qui précéda la messe, les municipaux et les commissaires se rendirent à la sacristie dans le dessein d'avoir une explication avec M. Corre. Mais celui-ci se fit apporter la chasuble à l'autel latéral, aujourd'hui l'autel du Rosaire, et commença immédiatement la messe, au grand désappointement de la municipalité et des commissaires.

Après le chant du Credo, M. Moal, un des curés du Minihy, alla en chaire et fit un vigoureux et pathétique discours contre la constitution civile du clergé. L'assistance était composée d'environ trois mille âmes. Il déclara à son auditoire qu'il n'appartenait pas à l'Assemblée nationale de changer l'ancienne constitution de l'Eglise, que dans le Pape résidait la juridiction, que l'autorité civile n'y pouvait porter atteinte, que Mgr de La Marche et non Expilly était l'évêque légitime de Léon, que c'était à lui et aux prêtres ordonnés par lui qu'il fallait s'adresser et avoir recours pour la confession sous peine de damnation éternelle et que l'absolution des prêtres qui seraient ordonnés par l'évêque du Finistère n'était valable qu'à l'article de la mort. Ce fut en sanglotant que M. Moal prononça son discours. Les municipaux et les commissaires en furent atterrés. Au cours du sermon de M. Moal, il se produisit, paraît-il, un grand mouvement dans l’auditoire, et ces messieurs craignirent d'être écharpés. Du reste ils ont tenu à consigner dans le registre des délibérations la panique dont ils furent alors saisis.

Dans l'après-midi, MM. Corre et Moal furent mandés à la barre du conseil municipal, M. Corre pour dire « les motifs qui l'avaient portés à chanter la messe à un autel latéral et non au maître autel », M. Moal pour « déduire les raisons qui l'avaient portées à prononcer fanatiquement un discours très incendiaire et propre à soulever un peuple malheureusement trop mal instruit des sages décrets sur la nouvelle constitution et qui a fait gémir tous les bons citoyens patriotes amis de la Constitution, qui se sont heureusement contenus pour éviter un grand scandale dans le temple du Seigneur ».

M. Corre répondit aux conseillers municipaux et aux commissaires de Brest que « c'était par les ordres de M. l'évêque qu'il n'avait pas dit la messe au chœur et qu'il chanterait les vêpres à l'autel où il avait chanté la grand'messe ». Il ajouta : « Je suis toujours résolu à suivre les ordres de M. l'évêque, tandis qu'il se déclarera évêque de Léon ».

Les conseillers et les commissaires, ayant répliqué qu'il ne devait plus reconnaître Mgr de La Marche pour évêque, le siège étant supprimé, M. Corre répondit qu'il persistait dans ses précédentes résolutions.

Quant à M. Moal, il déclara « qu'il avait prêché suivant la lettre de Mgr de La Marche, sur l'ordre de M. Corre de prêcher ce jour et que son sermon avait été communiqué à l'évêque dont il suivrait toujours la doctrine ».

La municipalité exigea de M. Moal son manuscrit qui comprenait cinq feuilles. On en fît une traduction française, et une copie de cette traduction fut délivrée à MM. les commissaires du district de Brest, une autre aux administrateurs du district de Morlaix, une troisième à ceux du département, une quatrième à M. Expilly, évêque du Finistère et une cinquième au président de l'Assemblée nationale. On verrait plus tard les mesures qu'il y aurait lieu de prendre contre M. Moal.

M. Le Gall de Kerven, procureur de la commune, demanda en outre qu'on donnât connaissance au département du Finistère « de la position désavantageuse des patriotes de Saint-Pol et qu'on y pourvût incessamment pour éviter les événements les plus fâcheux que pouvait entraîner une mauvaise doctrine, inspirée continuellement à ce qui s'appelle peuple par les cy-devant haut clergé et cy-devant nobles dès quels ils étaient entourés en cette ville » [Note : Cons. général, 1790. Fol. 30-40].

La municipalité de Saint-Pol s'était jetée à corps perdu dans la Révolution. Elle dut néanmoins avaler plus d'une couleuvre, car elle fut loin de trouver de l'écho dans la population. Ces braves patriotes, comme nous aurons l'occasion de le voir, eurent souvent maille à partir même avec des femmes qui ne leur ménagèrent pas les plus dures vérités. Il y en eut qui furent emprisonnées à cause de leur franc parler ; quelques-unes ne craignirent pas d'affronter la mort en cachant des prêtres fidèles.

Nous tenons à donner ici les noms des municipaux qui, sans vergogne aucune, ont signé toutes les délibérations dont nous avons donné des extraits : Raoul, maire. Le Gall de Kerven, procureur de la commune, Laugée, Déniel, Miorcec, Louis Bolloré, Yves Perrot, Blandin, Le Guével, Olivier Grall, Michel Combot, Paul Derrien (de Lagad-Vran), Lucas, notable, Louis Combot, Maurice Caroff, F. Pérou, J.-M. Guillaume, Rageul, Joguet, Jean Moré, Berdelo, Ducoin, C. Combot, Meurzec, secrétaire greffier.

Un exemplaire du discours de M. Moal, ainsi que nous l'avons dit, avait été adressé au Directoire du district de Morlaix. Les membres de ce district, s'étant bornés à accuser réception de ce discours à MM. les conseillers de Saint-Pol, ceux-ci écrivirent de nouveau le 17 décembre 1790 au Directoire du district pour le prier d'en informer le Directoire de Quimper afin qu'il infligeât au coupable telle peine qu'il lui plairait de statuer.

Comme la cathédrale servait dorénavant d'église paroissiale, le service religieux réclamait un plus grand nombre d'employés. Le conseil général arrêta qu'il serait attaché à l'église cathédrale un curé chef, dix vicaires prêtres et un sacristain aussi prêtre, quatre pleinchanistes et le serpent, trois musiciens, le maître de la psalette compris, quatre enfants de chœur, un organiste et un souffleur d'orgues, deux bâtonniers, quatre porte-dais, un sonneur de cloches, un armurier pour l'entretien de l'horloge et une blanchisseuse pour le linge de l'église. M. Corre, qui déjà avait été pressenti à ce sujet, répondit que cela regardait ses chefs naturels. On dut en réiérer au Directoire de Morlaix pour avoir son approbation [Note : Cons. général, 1790. Fol. 41-44].

Le conseil municipal voyait les difficultés aller en augmentant chaque jour, et ses embarras croissaient en conséquence. Le 17 décembre il écrivait au Directoire de Morlaix à l'occasion du discours de M. Moal ; cinq jours après, le 22, il s'adressait de nouveau en ces termes au Directoire pour lui faire part de la situation : « Les municipaux de Saint-Pol requièrent l'appui et les sages avis de MM. du Directoire de Morlaix dans la situation si périlleuse où ils se trouvent. A Saint-Pol, tous les dimanches et fêtes, on n'entend que des sermons incendiaires soit à l'hôpital, soit aux Ursulines, à la paroisse et à l'église de Creisker ; dimanche dernier le sieur Costiou, scholastique du collège, en a débité un très enflammé. Les décrets de l'Assemblée nationale y étaient dépeints comme des poisons subtils contre la religion. Il y a à craindre qu'il n'enseigne ces principes à nos jeunes écoliers et quelques professeurs les insinuent même déjà à leurs disciples. Notre capucin stationnaire des Avents colore un peu plus ses sermons, cependant il est aisé de connaître que sa morale est aussi dangereuse que celle des autres.

M. de La Marche ci-devant évêque de Léon s'est présenté dimanche dernier à la ci-devant cathédrale en rochet et en camaille placé dans un grand fauteil qu'il avait fait porter dans l'endroit ordinaire entre les deux grilles du chœur ; il a assisté au sermon français et donné sa bénédiction épiscopale au prédicateur comme de coutume et lorsqu'il était en place.

Tous les jours il se tient à l'évêché de nombreuses assemblées composées du prélat, des chanoines, des nobles et même du corps d'officiers de la troupe de ligne que nous avons ici. Leur résistance à obéir aux décrets ne peut nous laisser douter qu'ils cabalent fortement pour une contre-révolution. La lenteur qu'on met à punir les coupables les autorise sans doute. Il serait bien à désirer que sans attendre des décisions supérieures on nous autorise provisoirement à nous rendre justice. M. Corre du Minihy ne veut rien entendre au sujet du service paroissial ; il n'a d'ordre à recevoir que de ses chefs naturels. A Saint-Pol il n'y a que quatre-vingts hommes dont le patriotisme est douteux ; que deviendrions-nous dans une émeute ? [Note : Lettres Missives, Fol. 58-59].

Le conseil municipal de Saint-Pol s'était mis en relation avec le club des Jacobins de Paris, et c'est auprès d'eux, nous aurons l'occasion de le voir, qu'il ira chercher ses inspirations en mainte circonstance. Dans la séance du 26 décembre 1790, M. le maire donna communication :

« 1° D'une lettre qu'il avait reçue le 18 du club des Jacobins en réponse à la demande qui lui avait été adressée pour solliciter sa protection auprès de l'Assemblée nationale. Le club faisait savoir à la municipalité qu'il appuierait ses réclamations, tout en l'engageant à soutenir le patriotisme qui avait toujours distingué la ci-devant province de Bretagne ;

2° Lecture fut ensuite faite d'une lettre d'Expilly, évêque du Finistère, datée du 19 décembre et reçue le 24. Expilly y disait que la municipalité pouvait compter sur son dévouement pour seconder son zèle à soustraire la ville de Saint-Pol à une ruine totale ;

3° Communication était également donnée d'une lettre du Directoire du district de Morlaix, écrite le 21 décembre et parvenue à Saint-Pol le 24. Le Directoire de Morlaix demandait à la municipalité de nommer une commission « pour prendre des renseignements certains et spécifiques sur la nature et qualité, phrases, maintien, propositions et discours qu'on attribuait au ci-devant théologal de Léon, au recteur, curé de Plouénan, au curé-vicaire à Roscoff d'avoir publiquement prêché contre les décrets de l'Assemblée nationale et les sanctions du Roi, ainsi que sur les discours attribués aux différents ecclésiastiques de la ville et des environs contre les décrets sanctionnés et d'en informer le Directoire ».

MM. Le Breton, recteur de Sibiril, Hervieux, recteur de Primelin, Le Moal, curé du Minihy de Saint-Pol, Joguet, curé de Saint-Houardon de Landerneau, dénoncés au département comme perturbateurs de l'ordre public, seront traduits devant les tribunaux pour être jugés.

Quant au gardien des capucins de Landerneau qui prêche la station de l'Avent dans l'église paroissiale de Saint-Pol, dans tous sermons il jette continuellement des anathèmes contre l'Assemblée nationale et l'exécution des décrets concernant le clergé ; avec beaucoup d'esprit il croit les voiler ; sa pernicieuse morale dont le poison subtil n'a pu plaire qu'aux aristocrates a fait prendre provisoirement aux messieurs du bureau un parti. Il est connu que c'est des deniers de la ville qu'on paie les prédicateurs français et breton. Ils ont la même rétribution, cinquante livres chacun pour la station des Avents. Le bureau a donc pensé qu'il n'était pas juste de payer un prédicateur qui au lieu de prêcher la parole de Dieu et son Evangile, prêche au contraire une doctrine envenimée et propre à faire sous lever le peuple contre les décrets de l'Assemblée et ceux qui tiennent la main à leur exécution. C'est pourquoi MM. du bureau jointement avec M. le procureur de la commune ont le 24 de ce mois enjoint au sieur Menez miseur de ne rien payer audit capucin, qu'après un ordre particulier du conseil municipal, sous peine d'en répondre et lui être dénié dans la dépensé de son compte. A l'égard du sieur Saout, curé de Carantec, prédicateur breton, on n'a pas eu raison d'agir ainsi, parce que ses sermons n'ont été que ceux que prêchaient jadis les apôtres pour la conversion des fidèles ».

Surtout quoi le dit sieur maire invite l'Assemblée à délibérer.

Séance tenante, le conseil municipal arrête :

« 1° Que les membres du bureau entretiendront leur correspondance avec MM. du club des Jacobins de Paris dans toutes les occurences qui leur paraitront utiles pour demander secours à la ville de Saint-Pol ;

2° D'écrire à M. l'évêque du Finistère pour le remercier de son dévouement en faveur de la même ville et le prier de mettre tout son crédit auprès de l'Assemblée nationale pour nous faire avoir les établissements qui font l'objet des réclamations de la municipalité et suivre la marche qu'il indique envers le département ;

3° De faire par les dits membres du bureau toutes les recherches qu'ils pourront pour se procurer les renseignements demandés par les arrêtés de MM. du département du Finistère et du Directoire de Morlaix contre les prédicateurs et perturbateurs de l'ordre public, et si en effet quelques renseignements leur parvenaient d'en donner connaissance aux dits département et district ;

4° D'écrire à messieurs du club de Brest pour leur témoigner la vive reconnaissance de la municipalité de l'adresse qu'ils ont bien voulu faire envoyer à MM. du club des Jacobins de Paris et de les assurer que l'on n'oubliera jamais la tentative qu'ils ont faite pour favoriser les demandes et réclamations consignées dans les adresses qui ont été envoyées à l'Assemblée nationale de la part de la commune de Saint-Pol...

Finalement le conseil municipal approuve l'opposition mise par le bureau et le sieur procureur de la commune aux mains du dit miseur pour qu il ne paye pas au dit capucin prédicateur français les cinquante livres qu'il devoit avoir pour sa station, comme ayant réellement débité des sermons dangereux et capables de faire soulever le peuple contre l'heureuse Révolution et l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale, surtout en ce qui concerne le clergé et les biens nationaux cy-devant lui appartenant, charge le dit bureau d'en donner connaissance à MM. du Directoire du district de Morlaix de ladite opposition et du motif qui l’a occasionnée et demander son approbation à ce que la dite somme de cinquante livres soit donnée à la maison de charité pour le soulagement des pauvres dont le nombre augmente journellement [Note : Reg. 21. Fol. 8-10].

Fait et délibéré les dits jour et an que devant.

Signé : Miorcec, Raoul, maire, Jos.-M. Guillaume, Blandin, Laugée, Deniel, Figuières, Le Bihan, Berdelo, Le Gall de Kerven, procureur de la commune, Meurzec, secrétaire-greffier ».

A Saint-Pol, un embarras avait-il disparu qu'il en survenait un autre. Roscoff, nous l'avons vu, s'était détaché de Saint-Pol pour se constituer, le 31 janvier 1790, en municipalité, et il entendait maintenir son autonomie. Le 30 décembre 1790, le sieur Gravot, huissier à Morlaix, arrivait à Saint-Pol pour signifier à la mairie un arrêté du département par lequel ledit département avait statué :

« 1° Que les arrêts de conservation mis par la municipalité de Roscoff entre les mains du receveur-miseur de la municipalité de Saint-Pol subsisteraient jusqu'à la réponse du Corps législatif ;

2° Qu'à compter du 1er janvier 1791, la municipalité de Roscoff pourrait par provision et jusqu'à la réception de l’Assemblée nationale, faire percevoir par un trésorier particulier les octrois qui se perçoivent à Roscoff ».

Tout cela n'était guère de nature à réjouir les Pères conscrits de Saint-Pol. Aussi bien, se hâtèrent-ils de protester contre cette façon d'agir. Ils firent remarquer aux administrateurs du département que « les décrets de l'Assemblée nationale portent que les villes, bourgs et paroisses qui ne formaient qu'un seul et même rôle de capitation n'auraient pu se diviser et se seraient réunis pour ne former qu'une seule et même municipalité, dont l'Assemblée se tiendrait dans le lieu où serait situé le clocher principal ; que les rôles de capitation étaient communs aux habitants de Saint-Pol et de Roscoff ; que les citoyens de cet endroit fournissaient un tiers d'échevins à la communauté de ville de Saint-Pol pour concourir à la chose publique. ».

Si d'un autre côté on envisage la prétendue réalité de la municipalité de Roscoff, on aperçoit qu'aucun décret ne l'autorise ; n'étant pas légalement établie, il faut une décision de l'Assemblée nationale pour la confirmer ;

En conséquence, la commune de Saint-Pol demande au département qu'il lui plaise de retirer ou de rapporter l’arrêt notifié au receveur-miseur, et donner maîn-levée provisoire de l'opposition des habitants de Roscoff ».

Saint-Pol aura, beau protester ; ce sera en pure perte et Roscoff restera commune. M. du Bois Le Coat, membre du Directoire du département du Finistère, adressait le 24 décembre à M. le maire de Saint-Pol une lettre que celui-ci communiquait, le 31, à son conseil. M. du Bois demandait à la municipalité :

« 1° Si elle avait fait sa soumission pour acquérir les deux communautés des Carmes et des Minimes ;

2° Il lui annonçait que le Directoire, au terme de son arrêté, désirait qu'il y eût toujours à demeure à Saint-Pol un bataillon ou plus si on le jugeait à propos ;

3° Qu'on voulait qu'il y eût par département un dépôt pour les vagabonds et qu'on désirait l'établir à Saint-Pol ;

4° Si la ville était susceptible d'autres établissements avantageux, de le faire savoir afin que le Directoire s'en occupât » [Note : Reg. 21. Fol. 12].

Par des lettres du 30 et 31 décembre 1790, le Directoire de Morlaix informait la municipalité de Saint-Pol qu'il fallait payer cette année leur traitement aux ecclésiastiques « sans égards à leurs serments, mais qu'en 1791, ils ne pourront rien toucher qu'après l'avoir prêté ».

Dans la même séance M. le maire dit qu'il serait à propos d'écrire au département pour solliciter une prompte décision sur la délibération du conseil général de la commune du 19 décembre et de lui envoyer copie concernant le nombre des curés, vicaires, sacristain, pleinchanistes, musiciens, enfants de chœur, etc., nécessaire pour le service de l'église paroissiale et les besoins spirituels des paroissiens.

Il serait également bon, ajoutait-il, d'adresser à Quimper une expédition de la délibération du 17 octobre 1790, relativement à la démolition des armoiries, écussons et titres des ci-devant seigneurs et gentilshommes pour savoir enfin l'intention du département à ce sujet.

Dans sa séance du 26 décembre 1790, le conseil municipal de Saint-Pol avait arrêté que le gardien des capucins de Landerneau ne percevrait pas les cinquante livres affectées à la station de l'Avent. Le 5 janvier 1791, le Directoire de Morlaix donnait son approbation à la mesure prise par le conseil et le félicitait de sa conduite.

Dans une autre lettre, datée du 15 janvier, le Directoire de Morlaix faisait savoir à la municipalité que la Société des Amis de la Constitution lui avait dénoncé plusieurs abus qui se perpétuaient au mépris des décrets de l’Assemblée nationale :

« 1° sur la différence du son des cloches lors des baptêmes et enterrements suivant les qualités des personnes ;

2° sur l'encens qu'on attribue dans les paroisses à des chantres laïcs, tandis qu'il ne doit être offert qu'à la divinité ;

3° sur la qualité de monseigneur que l'on donne dans les prières prônales et souvent à des personnes qui ne sont pas reconnues par la constitution ; en conséquence on adresse la prière aux officiers municipaux de réprimer ces abus et de tenir strictement la main à ce que les décrets de l'Assemblée nationale, sanctionnés par le roi, soient strictement observés à cet égard ».

« Le maire charge le bureau d'envoyer une copie conforme de la lettre du Directoire afin qu'il se conforme sous peine de désobéissance à l'ordre venu de Morlaix » [Note : Reg. 21. Fol. 28-30]. 

(abbé J. Tanguy).

© Copyright - Tous droits réservés.