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SAINT-POL-DE-LEON SOUS LA REVOLUTION (CHAPITRE 7). |
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CHAPITRE VII.
SOMMAIRE.
Emeute populaire. — Défense de s'attrouper. — Demande de trois compagnies d'infanterie à Brest. — Réorganisation de la Garde nationale. — Prohibition des vœux de religion. — L'Emigration. — Rixes entre des élèves du collège et la milice nationale. — Appel adressé aux Gardes nationales de Lesneven et de Brest. — Commissaires nommés pour se faire présenter les registres des commumautés religieuses. — Emission des assignats. — Fête de la Fédération au 14 Juillet 1790.
Nous l'avons déjà vu, à Saint-Pol les esprits fermentaient. Quand l'autorité manque de prestige, il est difficile d'assurer l'ordre. Le 23 février 1790, il se produisit dans la ville une émeute populaire. De vingt à trente journaliers, sous le prétexte de demander l'aumône, pénétrèrent dans les maisons en proférant des menaces.
D'après les émeutiers, M. de Villeneuve, secrétaire de Mgr de La Marche, avait donné 600 livres à l'atelier de charité de la part du prélat et cinquante livres de son côté. M. Salaün de Kertanguy et M. de Kermenguy du Roslan auraient également donné une grosse somme. Ces bruits avaient trouvé créance dans le peuple, et il était à craindre qu'il ne se portât à quelques excès. Les conseillers crurent devoir prendre des précautions, et défense fut faite de s'attrouper dans les rues.
Cinq jours après, le 28 février, le conseil municipal envoya à Brest deux de ses membres, MM. Le Floch et Laugée, pour solliciter de M. le comte Monnier, commandant, une garnison de trois compagnies d'infanterie afin de maintenir le bon ordre à Saint-Pol.
M. le comte Monnier répondit le 3 mars qu'il ne pouvait accéder à la demande qui lui avait été faite de trois compagnies, cela excédant ses pouvoirs, mais qu'il allait en référer à M. le comte de Thiard, gouverneur de la province [Note : Reg. 20. Conseil général, fol. 6-9].
Sur ces entrefaites, le conseil reçut communication des Lettres patentes données par Louis XVI, concernant un décret de l'Assemblée nationale du 28 janvier 1790, accordant aux Juifs de France les droits de citoyens actifs. Ce fut une nouvelle maladresse de cette pauvre Assemblée nationale, qui en commit tant d'autres avec ses airs ridicules de liberté. Elle sacrifiait gaiement toute une nation à une race maudite qui ne tardera pas à accaparer presque tous les revenus du pays. De nos jours, n'est-ce pas Israël qui est le détenteur de la fortune publique, et nos gouvernants ne sont-ils pas ses hommes-liges ? Qui, aujourd'hui, le Juif est le roi des finances et il dicte ses ordres au gouvernement.
La garde nationale laissait bien à désirer sous le rapport de l'organisation. Du 14 au 21 mars, on procéda à sa réorganisation. M. de Mézangeau fut élu colonel ; M. Lateste, lieutenant-colonel et M. Riou de Kersalaün, major. Ces messieurs furent conduits, au milieu d'une garde d'honneur sur la Grande Place, où se trouvait la troupe réunie. M. le maire, après avoir fait battre un ban, proclama M. de Mézangeau colonel. Celui-ci agit de même pour M. Lateste, et ce dernier pour M. Riou de Kersalaün, et ainsi de suite pour les autres chefs.
Nos législateurs, obéissant au mot d'ordre des Loges, commencèrent tout d'abord à faire une guerre sourde à l'Eglise, avant de l'attaquer avec fureur. Ne fallait-il pas tromper l'opinion et tous ceux qui, de bonne foi, étaient entrés dans le mouvement ? Des mesures violentes auraient pu révolter et dessiller les yeux de plusieurs ; aussi bien, devait-on aller progressivement afin d'arriver sûrement au but qu'on voulait atteindre.
Par un décret du 13 novembre 1789, sanctionné par le roi, l'Assemblée nationale avait prescrit aux titulaires de bénéfices et à tous les supérieurs de maisons et établissements ecclésiastiques de faire dans les deux mois la déclaration de tous les biens dépendants des dits bénéfices, maisons et établissements. C'était l'annonce d'une spoliation prochaine des biens de l'Eglise de France. Par un autre décret, rendu le 10 février 1790, l'Assemblée nationale prohibait les vœux monastiques des deux sexes, rejetait le catholicisme comme religion d'Etat et supprimait les congrégations et les ordres qui n'avaient pas pour but le soin des malades. La constitution civile du clergé s'élabore dans l'ombre ; encore quelques mois, elle paraîtra au grand jour, et l'ère des confesseurs et des martyrs va recommencer.
Une lettre de la municipalité de Rennes, en date du 24 mars 1790, invitait la municipalité de Saint-Pol à se joindre à elle pour demander le rappel des fugitifs (les émigrés), dans le délai de deux mois. D'après cette lettre, « leur fuite occasionnait des maux funestes à la patrie dont la source est dans la rareté du numéraire qu'ils ont enlevé à la France, en transportant avec eux toutes les richesses qu'ils ont pu accumuler, etc. » [Note : Reg. 20. Fol. 17, verso].
Cette question de l'émigration a été jugée diversement par ceux qui ont écrit l'histoire de la Révolution Française. Le cardinal Pacca qui se trouvait alors nonce à Cologne est loin de ménager les émigrés ; il les juge même avec la dernière sévérité. Rorhbacher, après avoir assez longuement cité le cardinal, conclut de la sorte : « d'après ces faits qui se confirment par beaucoup d'autres témoignages, il faut bien distinguer l'émigration ecclésiastique et religieuse d'avec l'émigration nobiliaire et royaliste. La première se fit vraiment pour Dieu et son Eglise, conformément à cette parole de Jésus-Christ : quand on vous poursuivra dans une ville, fuyez dans une autre. Aussi, à peu d'exceptions près, fut-elle édifiante pour les peuples, et y déposa des germes de résurrection pour le catholicisme, notamment en Angleterre. L'émigration nobiliaire eut pour cause, non pas Dieu et son Eglise, mais des intérêts de caste ou même de vanité personnelle ; sauf quelques exceptions, elle se montra irréligieuse et immorale, et fut un scandale de plus pour les peuples. Si elle fût revenue triomphante, la corruption de la France eût été irrémédiable, et par contre-coup celle de l'Europe. Dieu, ayant des vues de miséricorde, dut employer des châtiments plus sévères pour instruire et régénérer la France et l'Europe avec elle ».
Nous n'ajouterons rien à ces paroles du savant historien de l'Eglise catholique.
A Saint-Pol, l'ordre public était fréquemment troublé. Les idées nouvelles ne trouvaient bon accueil qu'auprès d'un nombre assez restreint de personnes. Entre la milice nationale et les habitants il n'était pas rare de voir naître des querelles, et plusieurs élèves du collège, ennemis du nouvel ordre de choses, y prenaient très volontiers part. Le 19 avril 1790, M. de Kersalaun, major de la milice nationale, se rendit le soir, vers les sept heures, chez M. le maire, pour lui déclarer que la veille des écoliers avaient, dans l'après-midi, insulté des militaires et des citoyens de la garde nationale qui revenaient de faire l’exercice à la Ville-Neuve. Un commencement d'émeute s'en était suivi. A la tête des mutins se trouvaient les élèves Guiastrennec, Jugelay et Moyot. Ils s'étaient réunis dans la Grand'Rue pour attaquer les volontaires nationaux. M. le maire se rendit sur les lieux et il engagea les émeutiers à rentrer chez eux, ce qu'ils firent, à part dix ou douze avec lesquels était Guiastrennec.
A la suite d'une délibération, prise par le conseil, il fut décidé qu'on repousserait par la force, s'il le fallait, les attroupements, et une copie de la délibération devait être remise à M. le principal afin qu'il en avisât les élèves [Note : Reg. 20. Fol. 26, verso].
Dans la journée du 22 avril il y eut une autre bagarre, et on dut faire appel aux gardes nationales de Lesneven et de Brest pour faire rentrer dans le devoir les agents de la sédition. A l'arrivée de la troupe, le bruit se répandit que quelques particuliers qu'on ne citait pas prendraient leur revanche, qu'ils mettraient le feu dans les quatre coins de la ville, et les officiers municipaux n'avaient qu'à se bien tenir, au départ de la troupe.
Le conseil municipal donna l'ordre d'arrêter Joseph Le Tous, dit Tomic, Yves Quimerch, dit Lafrenese, menuisier, Claude Cromm, dit Clédic, regrattier, René Le Gac, dit Tobic, Alain Le Foll, aussi menuisier, le nommé Gonidec, marchand failli, Pierre Quéau, cloutier et le nommé Le Berre, garçon maréchal, tous désignés pour être les chefs de l'émeute du 22 avril, et de les faire conduire à la prison de Lesneven, attendu que celle de Saint-Pol n'est pas en état, et les parents et les amis pourraient les délivrer.
Claude Cromm, Jean Quéau et Le Berre, sur le rapport du sieur Levot, sous-lieutenant de la garde nationale de Saint-Pol, furent arrêtés dans la nuit par M. Dagorn, officier des volontaires de Lesneven.
A cette occasion, la municipalité dut payer à Madame Maisonneuve qui tenait la grande maison de la ville la somme de 291 livres 6 sols, pour les dépenses faites par les gardes nationales de Brest et de Lesneven, venues à Saint-Pol pour réprimer l'émeute du 22 avril.
L'Assemblée nationale avait porté le 26 mars et le 22 avril des décrets enjoignant aux municipalités de se transporter dans toutes les maisons religieuses afin de se faire présenter les registres, comptes de régie, les arrêter et former un résultat des revenus sur papier libre et sans frais.
Sur la réquisition de M. le procureur de la commune, le conseil nomma, le 2 juin 1790, commissaires pour les Minimes : MM. Quergeffroy Guillaume, Laugée et Le Floch ; pour les Ursulines : MM. Raoul et Le Gall de Kerven ; pour les Carmes : MM. Miorcec, Berdelo et Guillaume, et pour la Charité : MM. Figuières et Grall, leur recommandant d'y descendre incessamment et de se conformer scrupuleusement aux décrets desdits jours, 26 mars et 22 avril.
Ce même jour, M. le maire donna communication au conseil :
— 1° d'une lettre de M. l'Intendant, en date du 25 mai, avec plusieurs exemplaires d'une adresse de l'Assemblée nationale aux Français sur l'émission des assignats-monnaie ;
— 2° d'une autre lettre, en date du 26, avec plusieurs exemplaires également d'une instruction sur le recouvrement de la contribution patriotique, ainsi que d'un décret ou proclamation du roi, du 8 mai, relative au droit de voter dans les assemblées primaires ;
— 3° des lettres-patentes données par Sa Majesté le 30 avril 1790, concernant un décret de l'Assemblée nationale du 28 août 1789, qui déclare qu'aucun citoyen ne peut être inquiété, à raison de ses opinions [Note : Ib. Fol. 40].
Le contraire se verra bientôt, et c'est par centaines que monteront sur l'échafaud des personnes auxquelles on n'imputait d'autre crime que leurs opinions ; ni l'âge, ni le sexe ne trouva grâce.
Le 14 juillet 1790, anniversaire de la prise de la Bastille, on devait célébrer dans toute la France la fête de la Fédération. A Saint-Pol, les municipaux, voulant se mettre à l'unisson des citoyens patriotes, se disposaient à célébrer cette fête avec éclat. Sans toutefois en prévenir Mgr de La Marche, et sans avoir préalablement demandé son agrément, le conseil général de Saint-Pol, dans sa séance du 5 juillet, avait ordonné de dresser sur la Grande Place un autel à la Patrie et d'y faire célébrer le 14 une messe par le P. Turquet, supérieur des Minimes et aumônier de la municipalité et de la garde nationale. Quelques jours après, le conseil fit demander à Sa Grandeur de faire elle-même la cérémonie. Voici la réponse si digne que Mgr de La Marche adressa, le 11 juillet, aux officiers municipaux de Saint-Pol. Nous la reproduisons intégralement ; elle était de nature à ouvrir les yeux aux moins clairvoyants :
«
Messieurs,
Les municipalités de Landerneau et de Brest
m'ont demandé mon agrément pour élever un autel dans les places publiques,
relativement au même objet pour lequel vous vous bornez à me prévenir que vous
en avez fait dresser un sur la grande place de cette ville. Je ne puis vous
faire d'autre réponse que celle que je leur ai faite ; elle a été dictée par ma
conscience et mon devoir et portée sur des principes invariables. L'Eglise peut
seule faire des changements dans la discipline générale ; elle est seule la
source de la juridiction spirituelle ; tout catholique doit reconnaître que le
Souverain Pontife comme chef de l'Eglise a reçu de Jésus-Christ la même primatie
d'honneur de juridiction que Jésus-Christ a donné à saint Pierre. Cependant les
décrets, concernant la Constitution ecclésiastique annoncée faire partie de la
Constitution de l'Etat, méconnaissent ces droits et ces principes constitutifs
de l'Eglise établie par Jésus-Christ, puisqu'ils statuent sans le concours
d'aucune puissance ecclésiastique, que des métropolitains, des évêques et des
curés seront supprimés et perdront leur juridiction en vertu des seuls décrets,
que d'autres seront établis et que leur juridiction s'étendra sur les nouveaux
territoires qui leur seront assignés, qu'un nouvel évêque élu s'adressera au
métropolitain ou à l’ancien évêque pour en recevoir l'institution canonique,
pouvoir que l'Eglise de France ne leur reconnaît pas, que ce même évêque élu ne
pourra s'adresser au pape pour en obtenir aucune confirmation. Il s'agit donc,
Messieurs, comme vous me le marquez de faire le serment de maintenir de tout son
pouvoir une constitution qui contredit évidemment la doctrine de l'Eglise et
brise le lien qui forme sa hiérarchie. Je ne puis y concourir sous aucun rapport
sans trahir mon ministère. Si j'avais cette lâcheté, vous et tous mes diocésains
me voueraient au mépris et je suis jaloux de conserver votre estime et la leur.
Vous jugerez sans doute d'après les justes motifs exprimés dans cette réponse et
que vous n'aviez peut-être pas encore aperçus, que je ne puis donner mon
agrément pour que le P. Turquet, minime, ni aucun
autre prêtre célèbre la messe sur l'autel que vous avez dressé.
Je suis avec respect. Messieurs, votre très humble et très obéissant serviteur.
+ J.-F., év. de Léon. A Léon, le 11 juillet 1790 ».
Devant ce refus formel de Mgr de La Marche, le conseil général de Saint-Pol fit demander au P. Turquet s'il pouvait compter sur lui pour la fête de la Fédération. Ce religieux qui avait tout d'abord accepté de chanter la messe sur l'autel de la patrie, donna communication au conseil d'une lettre que l'évêque de Léon lui avait écrite et dont voici la teneur :
« On m'a dit, mon Révérend Père, que vous vous proposiez de dire la messe à l'autel que MM. de la municipalité font dresser sur la place ; pour éviter toute erreur de votre part, je crois devoir vous prévenir que je n'ai pas pensé pouvoir donner la permission d'y célébrer et qu'en conséquence aucun prêtre ne pourrait y dire la messe, sans encourir la suspense portée par les statuts du diocèse, instruit soit par moi, soit par MM. de la municipalité que j'ai refusé cette permission. Je suis bien assuré que vous vous excuserez de remplir les engagements conditionnels que vous pourriez avoir pris.
Je suis avec un sincère attachement, mon Révérend Père, votre très humble et très obéissant serviteur.
+ J. F., év. de Léon. Léon 13 j... et 90 ».
Les municipaux ne se tinrent pas pour battus. Ce même jour, 13 juillet, ils adressèrent un message au P. Paulier, prieur des Minimes de Saint-Fiacre, près Morlaix, évêché de Tréguier, le priant de venir remplacer son confrère, le P. Turquet, à la fête de la Fédération. Voici dans quels termes injurieux pour Mgr de La Marche était conçue la lettre adressée au P. Paulier. Nous tenons à la reproduire ici ; elle donnera une idée du savoir-faire et du savoir-vivre des municipaux de Saint-Pol.
« 13 Juillet 1790
A M. le Prieur de St-Fiacre de Morlaix.
Monsieur,
Le second tome de J.-F.
Maury, J.-F. de La Marche, évêque de Léon, vient de nous refuser la permission
de faire célébrer le saint sacrifice de la messe sur l'autel de la Patrie que
nous avons fait élever sur la place de notre ville pour y prêter le serment
civique. Il ne s'est pas borné à nous refuser cette permission ; il vient encore
de défendre à votre brave confrère le Prieur des Minimes de Léon d'y dire la
messe sous peine d'encourir la suspense portée par les statuts du diocèse.
Comme nous ne voulons pas du tout le compromettre avec J.-F. de La Marche, son évêque, et que nous sommes assurés qu'il sera jaloux de tenir sa parole qu'il nous a donnée, d'y célébrer la messe et d'y faire chanter les prières et cantiques analogues à la fête, nous vous invitons. Monsieur, à nous faire le plaisir de venir demain à Saint-Pol pour le remplacer. Connaissant votre dévouement au bien de la chose publique, le zèle et le patriotisme dont vous êtes animé, nous espérons que vous voudrez bien vous rendre à notre invitation.
Nous avons l'honneur, etc. ».
Le malheureux Prieur de Saint-Fiacre eut la faiblesse d'accepter.
Le 14 juillet il arriva à Saint-Pol vers les huit ou neuf heures du matin. Comme il ventait fort, il fit demander par une députation, composée de MM. Guillaume, Miorcec et Grall, officiers municipaux, décorés de leurs écharpes, et Le Guével, notable, la permission de célébrer dans la cathédrale. A deux reprises, M. Troërin, grand chantre, leur répondit par un refus, ajoutant « qu'il n'était pas décent d'aller de l'autel au théâtre ».
Voici comment les choses se passèrent par suite. Nous nous ferions un reproche de ne pas reproduire textuellement ce qui est relaté dans le registre du conseil général à ce sujet, persuadé qu'on lira ces détails avec un vif intérêt.
« La municipalité, ayant, en conséquence du refus du Chapitre, fait donner les ordres pour que toutes les précautions possibles fussent prises pour célébrer sans risque d'enlèvement de l’hostie le saint sacrifice de la messe, une garde d'honneur de la garde nationale s'étant rendue pour nous prendre à la municipalité vers les onze heures et demie, nous nous serions transporté avec elle sur la grande place et entré avec notre aumônier accompagné du prieur des Minimes de cette ville et des autres religieux de sa communauté dans le bataillon quarré, composé de la garde nationale ayant ses drapeaux et des détachements de Normandie et de Beauce formant quatre faces lattérales autour d'un autel à la romaine décoré de quatre colonnes avec bases et chapiteaux couvert d'un dôme surmonté dans son endroit le plus élevé d'une pyramide avec une couronne garnie de lauriers et de fleurs, les colonnes garnies également ainsi que les espaces, les quatre ouvertures de l'édifice surmontées d'arcs de triomphe garnis de lauriers et les colonnes de pyramides d'une même hauteur aussi garnies de lauriers ; nous aurions pris place aux deux côtés de l'autel, dans les stales disposées à cet effet, M. le maire placé à la tête de la municipalité, M. le procureur de la commune fermant la marche, suivi du secrétaire greffier, ensuite les notables, les écoliers placés dans un des angles à droite devant l'autel. Un roulement ayant annoncé la messe, la quelle dite, l'officiant a prononcé un discours analogue à la cérémonie, dans le quel il a prouvé les avantages de la nouvelle constitution, le plaisir que l'on doit avoir à s'y soumettre, à la soutenir avec zèle et courage, en s'unissant à jamais par le serment fédératif qui tendait à consacrer la concorde, l'union et la bonne intelligence qui doit régner à jamais entre les bons Français. Il a exhorté également les pères à élever leurs enfants dans les sentiments d'attachement à leur religion, et à leur inspirer de belle heure les sentiments de dévouement à leur patrie, au roi et à leurs concitoyens. A la suite de cette cérémonie religieuse, M. le maire a aussi prononcé un discours analogue à la fête et prêté le serment fédératif, l'officiant, les religieux qui l'accompagnaient à l'autel, les officiers municipaux, le procureur de la commune, les notables et le secrétaire greffier l'ayant aussi prêté individuellement dans la forme prescrite par les décrets de l'Assemblée nationale après avoir mis la main sur l'autel et l'avoir levée ensuite en se retournant vers l'Assemblée. Cela fait, M. de Mézangeau, commandant de la garde nationale, et M. Dure, commandant les détachements de Normandie et de Beauce, s'étant avancés auprès de l'autel, M. le maire leur a donné lecture du serment qu'ils ont aussi prononcé la main sur l'autel en disant : Je le jure, et se sont ensuite rendu à la tête de leurs troupes respectives où ils l’ont fait prêter en termes exprès à leurs officiers et les officiers s'étant retirés à la tête de leurs compagnies, à leurs soldats qui tous la main levée, l'ont prononcé en disant : Je le jure.
MM. les écoliers du collège se sont ensuite présentés et après que l’un d'eux a prononcé un discours flatteur, relatif à la cérémonie et à la Constitution, ils ont tous également prêté le serment fédératif, ainsi que MM. Peychand, Destienne, Raoul pleinchaniste, Guillaume Fissot, Livolant, Joguet père, Fr. Desteenne, Rhunervé, Blandin, Peychora, Lesmel, Duparc Lucas, Le Bian, employé, La Croix mois, Laugée l'aîné, Rosec, Kerhorre, du Rochglas, Osseron, Christophe Lestèven, Le Joyeux, François Floch, capitaine de navire. Du Rusquec, Kernoter, Le Verger par procuration, Joseph Le Hir, Lucas, F. Guilmer par procuration, et une foule de citoyens qui entouroient les quatre fâces du bataillon ».
L'officiant ayant entonné le Te Deum, en actions de grâces de l'heureuse fédération qui unit à jamais les Français, pendant lequel on a fait une décharge de vingt-un coups de canons pour salve à la nation et au roi, la municipalité s'est ensuite retirée dans le même ordre de marche, accompagnée d'une garde d'honneur de la garde nationale jusques et en l'hôtel de ville où nous avons fait et rédigé le présent procès-verbal pour servir de monument à la fête mémorable du jour et au glorieux événement qu'il a procuré, les dits jour et an. — Ainsi signé sur la minute, Le Hir, maire, Le Floch, premier officier municipal, Miorcec, Raoul, Yves Derrien, Louis Bolloré, Figuières, François Le Guével, Laugée, Louis Le Masson, Berdelo, Yves Ménès, Elie-Joseph Créach, Guy Fr. Caroff, Jean Kerrien, Michel Du Coin, Ollivier Grall, Paul Derrien, Quergeffroy Guillaume, Lois Saillour, Louis Combot, J. Plantec, Yves Perrot, Le Gall de Kerven, procureur de la commune et Meurzec, secrétaire greffier [Note : Reg. des délib. du Cons. Général du 5 juillet 1790 au 29 mars 1792. Fol 1-5].
Le discours du P. Paulier fut déposé le même jour au bureau de la municipalité « pour y avoir recours au besoin ».
Le 16 juillet, les conseillers de Saint-Pol adressèrent la lettre suivante au P. Paulier :
« La municipalité flattée de l'empressement que vous avez mis à déférer à son invitation pour la célébration en notre ville du saint sacrifice de la messe sur l'autel de la Patrie me charge, Monsieur, de vous témoigner sa vive et éternelle reconnaissance de la manière gracieuse avec la quelle vous vous êtes prêté à lui être utile dans un moment ou le clergé le plus aristocratique de France prétendoit traverser et anéantir tous les projets et préparatifs pour l'acte le plus religieux du pacte si solennel qui vient de lier et d'unir à jamais tous les bons Français et zélés patriotes. J'ai l'honneur, etc. ».
Le nouvel ordre de choses que l'Assemblée nationale voulait imposer à la France entière, n'était pas de nature à relever la situation financière de la ville de Saint-Pol. Chaque décret était un coup porté à sa prospérité ; c'était, à bref délai, la ruine complète d'une ville qui n'avait d'existence que par ses communautés religieuses. Dans la séance du 28 juillet 1790, le conseil municipal chargea deux de ses membres, MM. Floch et Raoul, de faire ressortir dans un mémoire la situation désastreuse de Saint-Pol qui « naguère encore était une ville sinon florissante, au moins heureuse et pacifique. Privée de tout commerce extérieur, elle tirait sa subsistance des établissements religieux qu'elle renfermait dans son sein. Son évêque consacrait la presque totalité de ses revenus ou à des établissements de bienfaisance ou à des édifices qui embellissaient la ville, tenaient sans cesse occupée la classe nombreuse et indigente des artisans... ».
La municipalité demandait en conséquence à l'Assemblée nationale certaines compensations, un tribunal ou un hôpital maritime pour réparer ou adoucir les pertes que la ville avait essuyées par la Révolution.
Ces plaintes, si bien fondées fussent-elles, ne trouvèrent aucun écho [Note : Ib. Fol. 52-55]. Quelques semaines après, le conseil municipal recevait du maire de Landerneau une lettre, datée du 6 septembre, et qui l'informait que le 19 il se tiendrait dans cette ville une réunion des municipalités du diocèse de Léon pour demander le rapport du décret qui fixait le chef-lieu du département à Quimper. Avant de prendre aucune décision, le conseil voulut tout d'abord s'adresser au Directoire de Morlaix pour savoir s'il fallait envoyer des députés le 19 à Landerneau.
Dans cette même séance, sur la réquisition du procureur de la commune, on arrêta que « la journée du travail, fixée jusque là à 12 sols serait désormais réduite à dix, attendu les pertes considérables que Saint-Pol avait éprouvées par l'anéantissement de plusieurs de ses établissements, par les émigrations qui ont eu lieu dans la classe des habitants les plus riches de la ville, par le peu des travaux qui s'y font et la misère qui règne parmi les artisans. » [Note : Ib. Fol. 66-68].
L'esprit de révolte se propageait un peu partout ; l'indiscipline commençait aussi à se mettre dans l'armée. A Nancy, trois régiments refusèrent d'obéir à leurs officiers. L'Assemblée nationale ordonna aux commandants de Metz de faire rentrer dans le devoir la garnison de Nancy.
Il fallut faire marcher des troupes ; on se battit dans les rues durant trois heures ; il y eut plus de trois mille personnes de tuées.
Les officiers de la garde nationale de Saint-Pol, persuadés sans doute que « l'insurrection était le plus saint des devoirs », adressèrent le 15 septembre 1790 un pli à M. le maire, le priant d'inviter les conseillers, M. le procureur de la commune et les notables d'assister le lendemain à un service solennel qu'ils se proposaient de faire célébrer dans l'église des P. Minimes, à 10 heures du matin, « pour leurs camarades péris sur le champ de bataille, à l’affaire de Nancy ». C'était une très pieuse façon de glorifier l'insurrection.
Avec cette lettre des officiers de la garde nationale, M. le maire déposa sur le bureau « un état et un inventaire du mobilier, titres et papiers de la maison et communauté des Dames religieuses Ursulines de Saint-Pol, fait en vertu des décrets de l'Assemblée nationale et notamment de celui du 22 avril 1790, auquel il avait été vaqué en sa présence par Claude-René Raoul, officier municipal, et Hyacinthe Le Gall de Kerven, procureur de. la commune, nommé pour ladite commission par le conseil municipal le 2 juin 1790, les 14, 15, 16, 17, 18 et 19 juin.
Signé à la minute : Sœur Marie-Catherine de Goasmoal, dite sœur Saint-Pierre, supérieure, sœur Marie-Anne La Marre, dite Saint-Joseph, sous-prieure, sœur Marie Gabrielle Pirivin, dite Cœur-de-Jésus, procureuse. — Le Hir, maire, Raoul et Le Gall de Kerven, procureur de la commune.
Item, un état des meubles et effets appartenant à l'hôpital de Saint-Pol, fait par Claude-René Raoul, Hervé-Marie Figuières, officiers municipaux, en présence du procureur de la commune et de Mme Grolleau de Kervot, supérieure dudit hôpital ; état dressé les 20 et 22 mai dernier.
Signé : Le Hir, maire, Hervé Figuières, — Grolleau de Kervot, supérieure ».
— 4° Un état de l'inventaire des titres, garants et renseignements qui furent trouvés dans les armoires servant d'archives à l’hôpital de Saint-Pol, et auquel il avait été procédé le 1er juin 1790.
C'était la spoliation, à bref délai ; le numéraire était devenu rare, le papier-monnaie n'avait aucun crédit. Il fallait donc se rabattre sur les communautés religieuses, comme sur autant de riches proies. La Révolution avait des appétits féroces, extrêmement difficiles à assouvir.
Le 20 septembre, le sieur Meurzec, secrétaire greffier, se rendait au bureau de MM. du Directoire du district de Morlaix pour y déposer l'inventaire précité, les pièces au soutien, ainsi qu'une copie des procès-verbaux faits chez les Dames religieuses, les Pères Carmes, Minimes et Maison de charité de Saint-Pol. [Note : Ib. Fol. 69-72].
(abbé J. Tanguy).
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