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SAINT-POL-DE-LEON SOUS LA REVOLUTION (CHAPITRE 31). |
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CHAPITRE XXXI.
SOMMAIRE.
Comité de surveillance de Roscoff. — Noms des personnes arrêtées par son ordre. — Notice sur les personnes qu'il a fait arrêter.
Au début de la Révolution, Roscoff, qui n'était qu'une simple trêve de Saint-Pol, s'érigea, motu proprio, en commune, malgré les protestations du conseil général. de Saint-Pol. L'Assemblée nationale, à laquelle on soumit le différend, ratifia le fait accompli. Roscoff, ayant conquis son autonomie, n'entendit pas rester en arrière des autres communes de la République, et se choisit aussi un Comité de surveillance dont voici les membres : Rouvier l'aîné, Prat, Girault, Joseph Le Creach, Yves Heurtin, Guibert, Madelenau, Benoist, Nourit, Jacques Kerenfort, Sacher, Aubert.
Il ne fut pas plus tôt organisé qu'il se hâta de lancer des mandats d'arrêt.
Nous citerons ici le nom des personnes qui ont été arrêtées par ordre du Comité et la note donnée à chaque prévenu, et qu'on lira, nous sommes porté à le croire, avec un vif intérêt, car elle est vraiment curieuse. Aussi bien, nous ne changerons rien au texte original qui se trouve aux archives départementales, et dont nous avons tiré une copie.
« De par la Loi.
Nous membres du Comité de surveillance de la commune de
Roscoff mandons et ordonnons au commandant de la force armée du 77ème régiment, en
détachement au dit Roscoff, de faire conduire,
sous bonne et sûre garde, en la maison d'arrêt de Saint-Pol-de-Léon :
Marie Kerhervé, fille demeurant à Roscoff.
Nous membres, etc. Mandons et ordonnons au commandant de la force armée de l’Isle-de-Bas de faire conduire, sous bonne et sûre garde, à la maison d’arrêt de Saint-Pol-de-Léon, Anne Toullec actuellement en la dite île et ci-devant à Roscoff,
Pierre Le Roux, ancien maire, domicilié en cette commune,
Marie-Catherine Le Roux, fille aînée de Pierre Le Roux, domiciliée de cette commune,
Marie-Perine Le Roux, fille cadette de Pierre Le Roux, domiciliée en cette commune,
La demoiselle Siohan, domiciliée de cette commune,
Le sieur Villancourt, domicilié de cette commune,
Les demoiselles Bourgonnière, au nombre de quatre sœurs,
Les demoiselles Jouhan de Kervénouel, sœurs, domiciliées en cette commune,
La dame Kerautem, domiciliée de cette commune,
La dame Pascal de Château Laurent, domiciliée de cette commune,
La femme d'Etienne Quarré, dit Daligny, domiciliée en cette commune,
Ethienne Carré, dit d'Alligny, domiciliée en cette commune,
Le sieur Kerautem, ayeul, domicilié de cette commune,
Le nommé Alexandre Negré, domestique des sieur et dame Villancourt, domicilié en cette commune,
La dame Villocourt, domiciliée de cette commune ;
Nous, membres du Comité de surveillance de la commune de Roscoff, district de Morlaix, département du Finistère, mandons et ordonnons au commandant de la force armée du 77ème régiment de faire garder à vu et sûrement les demoiselles Bourgonnière au nombre de quatre sœurs, domiciliées en cette commune, jusqu'à nouvel ordre ;
Picrel, jeune, déjà gardé à vue et en arrestation provisoire en sa demeure ;
Gérard Mège, négociant, domicilié en cette commune ;
La demoiselle Lesné, domiciliée en cette commune ; de les faire conduire dans la maison d'arrêt de Saint-Pol-de-Léon ; mandons au gardien de la dite maison d'arrêt de les y recevoir et de se conformer à la loi ; requérons en même temps tous autres dépositaires de la force publique de prêter main forte pour l'exécution du présent, en cas de besoin ; lequel nous sera raporté déchargé par qui de droit.
Fait au Comité de surveillance à Roscoff, les 14, 16, 17 et 30 frimaire, l'an II de la République une et indivisible.
Signé :
Rouvier l'aîné, Prat, Girault, Joseph Le Creach, Yves Heurtin, Guibert,
Madelenau, Benoist, Nourit, Jacques Kerenfors, Sacher, Aubert.
Vu au Comité de surveillance à Saint-Pol-de-Léon, ces jours 1er nivôse, 12, 14, 18 et 19 frimaire, l’an second de la République française, une et indivisible.
Signé :
Villeneufve, Sévézen, Richard, Pouliquen, Le Pen, Pereault, Le
Roux, Loussaut, président, et Miorcec, secrétaire ».
1° Les deux filles Jouhan de Kervénouel, âgée de 36 ans et l'autre de 35. « Dépouillés de son vivant par leur père toujours esclave de l'ancien sistème pour avantager son aîné » émigré. — Arrêtées par l'ordre du Comité de surveillance de Roscoff et détenues à la maison d'arrêt de Saint-Pol conformément à la loy des 12 aoust et 17 septembre 1793. (Mises en liberté par les représentants Villers et Deseures) ;
2° Quarré d'Alligny, âgé de 50 ans, sa femme de 41, un fils à cette dernière, émigré, âgé de 18 ans. Cy-devant chevalier au point d'honneur ou exempt des maréchaux de France, se disant cultivateur parcequ'il travaille son jardin, peu fortuné, mais « singulièrement attaché à son titre de noblesse, disant souvent qu'on n'était pas gentilhomme si l'on n'était Quarré d'Alligny ».
Arrêté ainsi que sa femme par ordre du Comité de surveillance de Roscoff le 10 frimaire dernier pour cause d'incivisme. Son fils, de sa femme, âgé de 16 ans, avait émigré en 1792 lors d'un voyage qu'ils firent sa femme et lui et le fils de sa femme à Paris. — Homme caché et dissimulé, il se croyait impénétrable — revêtu de l'écharpe par cabale en même temps que Villancourt — favorisant les aristocrates et faisant partir pour la frontière les patriotes lors de la levée de 300,000 hommes en 1792 — disant qu'il fallait ménager les gens de campagne pour se les attacher ;
3° Alexandre (nègre), garçon âgé de 36 ans que
Villancourt a acheté fort jeune dans l'Inde. — Arrêté par ordre du Comité
de surveillance de Roscoff le 10 frimaire dernier pour
menée et incivisme. — Exécutant tout ce que lui commandait Villancourt. —
Détenu à Morlaix puis au château de Brest. — Mis en liberté ;
4° Le ci-devant comte de Villancourt, âgé de 66 ans, chevalier de Saint-Louis, « officier dans le régiment cy-devant Royal Comtois, ensuite et après sa sortie du château de Guise employé dans la garde coste ou il était parvenu au grade de chef de division ». — A eu des relations intimes avec la maison d'origine anglaise Maculloh établie à Roscoff depuis 25 à 26 ans, aussi peu attachée au Gouvernement anglois qu'au françois puisqu'il fesoit un commerce interlope qui devoit naturellement nuire à sa mer patrie, ne parloit néanmoins que d'après Pitt, ne voyoit que par luy. C'est probablement là que Villancourt a puisé ses principes antravés, principes qui l'ont conduit à estre l'homme le plus dangereux dans la circonstance. Cette famille, grâce à Villancourt, étoit fréquentée de préférence à celle des républicains. — Mais la municipalité dont Villancourt était membre ayant été culbutée, cette famille fut incarcérée. Quant à Villancourt, « il aurait du depuis longtemps estre soustrait de la société ». — Arrêté le 10 frimaire 1793 dernier par ordre du Comité de surveillance de Roscoff. Détenu d'abord à Morlaix et en dernier lieu au château de Brest.
Comme un patriote lui reprochait un jour de porter la croix de Saint-Louis, malgré la loy qui avoit aboli toutes espèces de décoration méritée ou non, il répondit à ce patriote « qu'il portoit toujours sur luy les droits de l'homme (c'étoit une paire de pistolets) et que le premier qui s'aviseroit de la luy demander ne le feroit pas deux fois ».
« Il étoit également accusé de corrompre les soldats. Il popularisoit avec eux, il s'introduisoit dans les casernes, il entroit dans les détails les plus minutieux sur leurs besoins, il leur faisoit sourdement porter des légumes, même du vin, et c'est ainsi que les aristocrates n'ont jamais cessé de chercher à pervertir l'esprit du militaire pour se l'attacher. — Il a profité de l'administration municipale de Mège et de Dalligny dont il étoit lui-même membre pour agir de la sorte et malmener les patriotes et faire échec au gouvernement. — Il étoit également accusé d'avoir propagé une certaine Bulle du Pape qu'il a envoyé au cy-devant recteur de l'Isle de Bas. Cette bulle a été lue au prosne et pour luy donner plus de relief, Villancourt a été dénommé au prosne, comme l'ayant luy-même adressée au recteur ». Il n'a pas accepté la Constitution de 1793 (vieux stile) ;
5° Le Roy de la Trocharday, âgé de 50 ans, lieutenant d’ordre des douanes nationales, sa femme, une fille âgée de 14 ans, un garçon 12 ans, un idem 10 ans 1/2, un idem 6 ans. (Accusé d'avoir favorisé rembarquement de 49 émigrés à bord du bateau de Jean-Marie Jézéquel, maître au petit cabotage). — Conduit à Morlaix par ordre du district et de là à la maison d'arrêt de Carhaix pour cause d'incivisme et de prévarication dans son état de lieutenant d'ordre des douanes nationales.
Accusé de connivence avec Mège et Villancourt pour entrer dans la municipalité, et il a réussi parce qu'il « a dégarni les postes des brigades de Santec et Roscoff qu'il commandoit ; dès lors il étoit sure de 26 voix ». — Sur une dénonciation des patriotes, Rocharday fut mis en arrestation à Morlaix, suspendu, puis réintégré à Roscoff, appuyé par l'inspecteur de Morlaix qui « répondoit sur sa tête de la solidité des principes de Richarday ». — Mis en liberté. Pour copie conforme au tableau fourni par le Comité de surveillance de Roscoff, datte du 3 floréal an II ;
6° Jean-Marie Jézéquel, âgé de 45 ans ; sa femme, 42 id. Huit enfants : 5 garçons, 3 filles. Le plus ancien âgé de 17 ans. Marchand en détail avant et depuis la Révolution, maître au petit cabotage. Détenu au château de Brest sur une dénonciation du club de Morlaix, pour fraude de transport de numéraire en Angleterre et autres effets, sans avoir rempli de formalité.
« Comme il étoit perpétuellement en course, on ne connoit guère ses relations et ses liaisons, lorsqu'il étoit à Roscoff parmi ses concitoyens, il affectoit un grand patriotisme. On ne le voyoit pas fréquenter les aristocrates. — Caractère faux, ses opinions politiques doivent l'être également. Quel fond doit-on faire d'un homme qui par son intérêt sordide embarque clandestinement, au mois d'octobre 1791, 49 ex-nobles ; hommes, femmes, enfants, domestiques et qui n'en déclare que 14 au bureau de la marine, qui ne fait aucune soumission au bureau de la Douane pour constater si ces passagers qui émigroient n'emportoient rien au préjudice des prohibitions et des droits qu'ils auroient du acquiter ; il existoit environ 30,000 livres en numéraire dans cet embarquement, une grande quantité d'argenterie et d'autres objets dont les droits devoient être acquittés. Le numéraire étoit prohibé à sa sortie. C'étoit donc un vol qu'il faisoit à la Nation. C'est donc un contre-révolutionnaire. On l'accuse d'avoir frauduleusement fait le commerce de grain, l'on cherche à acquérir des preuves certaines à cet égard. Il faut qu'il y ait sur son compte d'autres faits graves qui ne sont pas encore venu à notre connoissance puisqu'il est au secret ».
7° La fille Anne Toulec âgée de 40 ans.
Détenue à Saint-Pol par mandat d'arrest du Comité de surveillance de Roscoff du 27 frimaire dernier, par mesure de sûreté et de fanatisme à l'excès.
Sœur du Tiers-Ordre c'est en dire assez pour définir son caractère et ses opinions politiques. Fanatisée par des prestres imbécile, elle s'est cru en droit de fanatiser ses semblables, elle se portoit souvent à l'Isle de Bas, elle y prechoit une fausse doctrine celle de ses prestres qui ne cherche que la subversion de l'ordre sociale, elle s'insinuoit dans les familles dont elle savoit que le chef étoit patriote, elle y semoit la discorde. Tels sont ces gens de néant, qui n'ayant jamais paru avant la Révolution, sont tout à coup devenu les agents et les instruments de ces monstres que le ciel a vomi pour faire le malheur du genre humain.
L'erreur où est tombée cette fille est sans doute une erreur commune a toutes, mais qui ne doit point la faire préjuger ;
8° Piquerel cadet âgé de 37 ans. Négociant et faisant la comission, avant et depuis la Révolution. Son commerce principal consistoit en graine de lin pour semence qui lui étoit adressé de Libo et de Riga.
Détenu au château de Brest et précédemment à Morlaix pour cause d'incivisme en vertu d'un mandat d'arrêt du Comité de surveillance de Roscoff du 8 frimaire dernier. Une autre raison qui a déterminé son arrestation est qu'il a un frère émigré et qu'au terme de la loy des 2 aoust et 17 septembre il devoit être mis en réclusion.
Voici quelques lignes bien intéressantes à propos du « caractère des opinions politiques qu'il a montrés dans les mois de mai, juillet et octobre 1789, au 10 août, à la fuite et à la mort du tyran, au 31 mai et dans les crises de la guerre ; s'il a signé des pétitions ou arrêtés liberticides » : « L'on auroit du penser que Piquerel le Jeune n'auroit jamais due se séparer de la cause de ceux qui avoit intérêt à la cessation des abus, à l'établissement de la Liberté, de l'Egalité, mes ses relations avec les nobles et les aristocrates qui le flattoient ont fait de luy un de leur projetile. Ils ont captés son amour propre, ils ont du luy dire qu'étant déjà ce garde-coste il pouvoit aspirer au premier grade ; son orgueil, car chacun a le sien a été prévenu, et il n'en a pas fallu d'avantage pour l'attirer dans leurs filets.
Nous pouvons néanmoins dire une vérité, c'est que chargé de l'administration de l'hopital de cette commune, il en a rempli les fonctions avec zèle et intelligence, que cet établissement regénéré par ses soins, par l’ordre qu'il y a établi, il la fait fructiffier et presque doublé son revenu.
Nous pouvons donc affirmer que la caste impie qui l’a gangrené étant tout verrine et hors d'état de nuire d'avantage, nous ne doutons pas de la facilité que nous aurions à le ramener au but désiré, nous dirons plus, et c'est une vérité que rendu parmi nous et connoissant l'esprit des habitants des campagnes, il ne fasse de son côté tous ses efforts pour ramener ces habitants et les faire sortir entièrement de l'erreur ou ils ont été entraîné. Qu'on ne s'imagine pas que la partialité fasse agir le Comité, mais nous connoissons son cœur, il n'est pas vicié, il ne s'est laissé qu'entraîner à la suggestion, nous savons que du fond de sa détention, il a fait sa profession de foy et que rendu parmi nous, il peut estre d'une grande utilité à sa commune et aux environs. Cette leçon luy a fait une grande impression. Au surplus s'il retomboit dans ses erreurs, la hache nationale l'attend et il n'y aurait plus pour lui de répi ».
En liberté ;
9° Le Squin le jeune, garçon, âgé de 42 ans, né à Morlaix, demeurant à Roscoff —
simple commis peu de temps avant la Révolution dans la maison Foucault établie à
Roscoff sous la raison Compinger anglois et régie par Clamecie de cette
profession. Il est passé à celle de négociant, et après un élan assez étonnant
d'après ses facultés conues, et surtout depuis la faillite de la maison
Foucault. L'on ne conçoit même pas comment il est possible qu'il ayt fait un
commerce aussi conséquent et que l'on doit évaluer à 3 ou 4 cent mille livres
par an sans qu'on luy connu d'autre associé que ce Clamecie anglois dont il
révoque l'existence dans sa société.
Il est très singulier que cette maison qui faisoit un commerce considérable se soit trouvée dénuée de toutes espèces de livres, au moment ou le scelé a été mis sur les papiers du Squin.
Patriote en 1789, devenu fanatique en 1790 parce que « les Législateurs s'avisèrent de porter à l'encensoire la main, ce qui selon luy étoit une monstruosité ». La France d'après luy étoit « bien grande pour estre dirigée en république. ». Dans les crises qu'a traversée la république on a remarqué chez luy une vraie satisfaction. Lors de l'invasion de St Pol cependant en mars 1793 par les Brigans, il a pris les armes et s'est porté à St Paul avec les citoyens de Roscofif ; mais pouvait-il faire différemment ?
Détenu au château de Brest et précédemment à l'époque du 7 frimaire dernier en arrestation à Morlaix en vertu d'un mandat du Comité de surveillance de Roscoff.
Acquitté le 16 floréal (5 mai 1794) après un plaidoyer de Me Le Hir, son défenseur, mais détenu jusqu'à la paix sur la réquisition de Donzé-Verteuil ;
10° Marie Catherine Le Roux, âgée de 44 ans. — Sœur du Tiers-Ordre et cy-devant domestique du cy-devant prestre : Hamelin, recteur de Kerbabu dans le Bas-Léon le quel a été déporté.
Détenue à St Paul de Léon par mandat d'arrest du Comité de surveillance de Roscoff du 29 frimaire dernier pour cause d'incivisme.
« Comme cy-devant aux gages d'un prestre réfractaîre, on ne peut douter de son désir un rétablissement de l'ancien ordre des choses, car infailliblement alors les prestres insermentés rentrants leurs vœux seroient comblés, c'est la prière journalière de toutes ces Sœurs du Tiers-Ordre, la mesure que l'on prend actuellement d'incarcérer toutes ces bigotes est un peu tardive, car il sera difficile de reparer tout le mal qu'elles ont faits dans l'esprit du Peuple peu éclairé, elles se sont érigées en prêtresse et leur doctrine empoisonnée s'efface difficilement ».
« Elle est fille de Pierre Le Roux, invalide de la marine et ancien pilote costier, elle est cousine de Mège et ces filles que ce dernier voyoit a peine avant la révolution parce qu'il est plus riche qu'elle, il se les est raliées parce qu'il sentoit qu'elles luy étoient essenciels pour influencer le peuple de ce canton.
Elle est aussi consignée dans la déposition faites par un officier et un sou officier du 106ème bataillon, devant le Comité de surveillance de Lesneven, elle n'y est pas traitée favorablement relativement aux principes qu'elle a manifestée devant les citoyens ».
« Cette pièce a été remise au tribunal révolutionnaire à Brest » ;
11° Perrine Le Roux, âgée de 38 ans. — Sœur du Tiers-Ordre et sœur de Marie Catherine. — « Personne n'a peut estre plus désiré la contre-révolution que cette fille, elle s'avisoit de prédire par exemple que le cy-devant evêque de Léon devoit débarquer à telle ou tel époque sur les costes du cy-devant Evêché et bien accompagné, qu'à la fin d'aoust ou commencement de septembre (vieux stile) en présence du C. Lefevre, sergent au 106ème Bataillon elle cria vive Le Roy que Lefèvre répondant vive la République cette fille ajouta et dit à Lefevre vous parlés loin de votre pensée qu'avant 18 jours il verrait bien du changement, — Cecy est consigné dans un procès verbal dressé par le Comité de surveillance de Lesneven, ou Lefevre et Gallot étoient en garnison, et ce fait pourra estre de nouveau répété par le citoyen Gendarme sergent major aussi au 106ème Bataillon ».
Détenu à St Paul de Léon en vertu d'un mandat d'arrest du Comité de surveillance de Roscoff du 29 frimaire dernier pour cause d'incivisme ;
12° Pierre Le Roux de Roscoff, âgé de 78 ans, deux filles en réclusion à St Paul et dont il sera question en d'autres rapports. — Ancien marin et pilote costier. — Détenu à St Paul de Léon en vertu d'un mandat d'arrêt du Comité de surveillance de Roscoff du 29 frimaire dernier pour cause d'incivisme. — Il avoit des relations avec « les aristocrates, tels que Mege son neveux qui n'a pas peu contribué à pervertir son opinion car le Roux est trop stupide pour en avoir une à luy ».
« Son caractère et ses opinions politiques absolument contraires à la révolution. La déposition faite au Comité de surveillance de Lesneven par un officier et un sous-officier du 106ème atteste que cet individus professoit des principes erronnés ». — En liberté ;
13° Kermerchou-Kerautem, père, âgé de 75 ans. — Gentilhomme pouvant avoir un revenu de 6 à 7000 livres. — Détenu à Saint-Paul par mandat d'arrêt du Comité de surveillance de Roscoff du 10 frimaire dernier par mesure de sûreté, et ayant un fils émigré, il a été mis en arrestation au terme de la loy des 12 aoust et 17 septembre 1793. — Rien à lui reprocher sous le rapport des relations, étant absolument concentré dans sa famille. Mais comme cy-devant noble, il doit regretter l'ancien régime aussi bien que tous ceux de sa caste. — En liberté ;
14° (Pascal). La femme Villancourt, âgée de 60 ans. Détenue au château de Brest et précédemment à Morlaix en vertu d'un mandat d'arrest du Comité de surveillance de Roscoff du 10 frimaire dernier, — accusée de donner protection ouverte aux prêtres réfractaires et ayant sur la Révolution les mêmes pensées néfastes que son mari Villancourt. De plus « on a une anecdocte sur son compte que l'on ne doit pas oublier icy. — C'est que lorsqu'à la fin de 1791, il fut question de rétablir les membres de la municipalité, l'on vit clairement que le but des aristocrates étoit de s'élever à ces places pour se rapprocher plus directement du peuple, cette femme étoit de planton à la porte de l’église paroissiale ou se tenoit l'assemblée, la elle avoit établi une cantine ou elle invitoit tous les individus votants à venir se rafraîchir gratuitement et alors elle désignoit ceux qu'il falloit nommer et ceux des patriotes qui dévoient être exclus ».
« Cette femme est une des plus intrigantes que l’on connoîsse, elle parcouroit toutes ses métairies et les voisines des siennes, elle flagornoit ceux qui les habitent, ses comptes endormeurs se propageoient avec rapidité, de la perversion de l'esprit public dans ce canton, l'on ajoutoit d'autant plus de foy à ses rêveries, qu'elle tient une famille en possession de gouverner cette commune depuis de longues années. Il étoit donc essenciel d'extirper cette femme de la société, le mal qu'elle y a occasionné a forcé le Comité à la mettre en réclusion et comme elle parle breton, elle étoit l'interprète de son mari, et par là aussi dangereuse que luy » ;
15° La demoiselle de Robec, femme Kerautem, âgée de 36 ans. — Détenue à Saint-Paul en vertu d'un mandat d'arrêt du Comité de surveillance de Roscoff du 10 frimaire dernier par mesure de sûreté et au terme de la loy des 12 aoust et 17 septembre 1793. Son mari capitaine dans la garde-côtes avoit émigré en Angleterre.
Quoique très sédentaire chez elle « elle avoit pour la servir un hussard femelle qui souvent couroit les campagnes soit de sa part ou d'autres mais l‘on n'a pu découvrir le but de ces courses ».
Quelque temps après l'émigration de son mari, elle avoit emprunté à la femme du C. Fs. Guéguen de l'Isle de Bas une somme de « six cent livres en numéraire », sans doute pour faire passer à son mari, ce qui n'étoit pas difficile à Roscoff — la femme Guéguen avoit donné cet argent en l'absence de son mari bon patriote et elle ne doit pas être inculpée, attendu que le motif ne lui étoit pas connu ;
16° Les 4 filles Bourgonière âgée de 25 à 35 ans, n'ayant pas été batisée sur cette commune il n'a pas été possible de constater leur âge. — Elles vivaient toutes les 4 ensemble du fruit de leur travail ainsy que du produit des messes et autres revenants bon de l'autel que leur frère prestre attaché à l'église de Roscoff apportoit à cette espèce de communauté qu'il dirigeoit.
Détenues à St Paul en vertu d'un mandat d'arrest du comité de Roscoff du 16 frimaire dernier pour cause d'incivisme, ayant trois frères émigrés, un étoit officier dans les chasseurs cy devant Cantabres, un autre passé en Angleterre au commencement de la révolution et le 3ème prestre réfractère que l'on ne croit pas hors du territoire de la République, mais qui caché dans les campagnes y fait tout le mal dont un prestre est susceptible.
En relation avec les aristocrates, engouée de leur noblesse, endoctrinée par leur frère prestre et par suite totalement opposée à l'ordre des choses ;
17° La femme Pascal Châteaulaurent, âgée de 53 ans, un fils âgé de 20 ans émigré.
Détenue à St Paul par mandat d'arrest du Comité de surveillance du 10 frimaire à cause de son mari et de son fils émigrés en vertu de la loy des 12 aoust et 17 septembre 1793. Son mari étoit chevalier de Saint Louis et chef de division dans la garde-coste. On ignore si elle a reçu des lettres de son mari depuis son départ à moins que ce ne soit par la voie d'Angleterre ce qui étoit très facile à Roscoff. — Malgré les pertes que son caractère et ses opinions politiques lui ont fait éprouver aussi bien que tous les aristocrates elle désire la contre-révolution.
Le 30 brumaire an III remis copie à Marie Kerhervé de Roscoff ;
18° La fille Scyohan, âgée de 80 ans. — Détenue à Saint Paul de Léon en vertu d'un mandat d'arrest du Comité de surveillance de Roscoff du 27 frimaire dernier pour cause d'incivisme. — Et en effet elle fréquentoit les gens se disant nobles et particulièrement les prestres inconstitutionnels.
Depuis le commencement de la Révolution elle a constamment donné des preuves d'incivisme, étoit de toutes les cabales, flattant les cultivateurs pour leur faire écarter des charges les patriotes.
Au mois de novembre 1790 elle a fait émigrer Eugène Pascal, fils de la femme d'Aligny en son absence et celui du mari de cette dernière. Ce fait est constaté par la déclaration qu'en a fait à la municipalité de Roscoff, la fille Sciohan et dont copie certifiée est cy-jointe ;
19° La fille Duhain Lesné, âgée de 34 ans. — Détenue à Saint-Paul par mandat d'arrest du Comité de surveillance du 10 frimaire dernier, pour cause d'incivisme et ayant un frère émigré, et la loy du 12 aoust et 17 septembre 1793 ayant du l'atteindre elle a été mise en réclusion. — Vivant fort retirée, on ne pouvoit rien dire au sujet de ses relations, — mais « se disant de la caste nobiliaire, l’on doit augurer de son caracter et de son opinion politique, ce qui luy donne de la certitude, c'est qu'elle disoit un jour, qu'elle étoit encore pure dans la circonstance, qu'elle ne s'étoit point souillée des couleurs nationales ; »
20° La fille Marie Kerhervé, âgée de 44 ans. — Détenue à Saint-Paul par mandat d'arrest du Comité de Roscoff du 27 frimaire. En réclusion par mesure de sûreté, fanatique à l’excès.
Accusée de fréquenter les aristocrates et malveillants.
« Son caractère et son opinion politique sont absolument contraires à l'ordre des choses, tenant à une société nommée Tiers-Ordre dont les ex-capucins étoient directeur et par conséquent fanatisées par ces enfants chéris de St François ».
« Il est impossible qu'elles ne soient pas opposées à la Révolution. L'on a dit à ces filles la religion dans la quelle vous estes née est anéantie, on ne vous laissera pas même croire à l'existence d'un estre suprême, telles sont les flagorneries dont on a exalté leur esprit, de la tout le mal qu'elles ont propagé parmi les cultivateurs, par la confiance que le peuple avoit dans ces demie prestresse, parce qu'il les croyoient initiée dans les misters. Aussi dangereuse que les prestres réfractaires, il a donc été de toute nécessité et pour mettre aux autres un frein d'en séquestrer quelqu'une des plus hardies. Le tout par mesure de sûreté, mais il est à propos avant de les rendre à la société de s'assurer si leur esprit plus calme revenu de toutes ces forfanteries, elles éclaireront le peuple de son propre intérêt, il faut qu'elles luy disent, notre opinion sur le culte est libre, notre opinion politique est calqué sur les loix ; ne troublons point l'ordre publique en suivant le 1er, le 2ème assure notre bonheur, qu'il soit notre idole sur la terre, car nous ne devons avoir qu'un même esprit, celuy de l'ordre, de la paix et de la tranquillité » ;
21° Gérard Mège, garçon de Roscofï, y demeurant avant sa détention, âgé de 34 ans. — Négociant avant et depuis la Révolution.
Détenu au château de Brest et précédemment à Saint-Paul et à Morlaix. — Le mandat d'arrêt lancé par le Comité de surveillance du 7 frimaire dernier. — On observe que cet individu s'étant caché il n'a pu estre transféré à la maison d'arrest que plus de huit jours après.
Accusé de capter la bienveillance, — de s'estre fait nommé juge de paix. — Pendant les trois ans où il a été maire il a protégé les émigrations et le transport du numéraire, — fréquentant les aristocrates et les gens suspects ennemys comme lui de la Révolution — des ex-nobles qui auroient rougi avant la Constituante de l'admettre parmi eux — chassé même des jeux publiques, « ils l'ont entourés et en ont fait une espèce d'authomathe qu'ils tournent à volonté pour influencer d'une manière perverse le peuple peu éclairé qui machinalement avoit placé en luy une confiance aveugle ».
« Après le 20 aoust il avoit quitté clandestinement son poste de maire, au moment où la patrie était en danger, sous prétexte de se rendre à Lannion, mais en vérité il avoit passé secretement à Jersey et à Guernesey et de là en Angleterre même où il s'est abouché avec les émigrés. — Mais on n'a aucune preuve positive de ce voyage. — Dans sa prison il insulte au patriotisme, gagné par les nobles.
Quant à son opinion religieuse nous savons qu'il n'a jamais plus préféré un culte qu'un autre. Nous pouvons dire même que sa religion est nul, encore passe s'il eut eu celle de la raison. Mais les ex-nobles et les aristocrates de toutes les couleurs s'étant fait un égide de la bande noire en religion du pape, il s'est montré en vrai singe le protecteur le plus ardent. Nous pouvons ajouter qu'il n'a point accepté la Constitution ». (Voilà pour son caractère et ses opinions en abrégé).
A Roscoff en Comité de surveillance le trois floréal 2ème année de la République française une et indivisible.
Signé : Rouvier l'aîné, Girault, Yves Heurtin, Benoist, Guibert, Madelenau, Kerenfors, Nourit, Aubert, Sacher, Prat, Joseph Creach.
(abbé J. Tanguy).
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