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SAINT-POL-DE-LEON SOUS LA REVOLUTION (CHAPITRE 3). |
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CHAPITRE III.
SOMMAIRE.
La Révolution. — Convocation des Etats Généraux. — Saint-Brieuc et Lesneven, désignés pour la réunion des électeurs, chargés de choisir des députés pour la Bretagne. — M. Prud'homme de Keraugon est élu par la sénéchaussée de Lesneven. — Divisions dans le clergé de Brest. — Assemblée à Saint-Pol des électeurs ecclésiastiques du diocèse de Léon. — Expilly, recteur de Saint-Martin de Morlaix et dom Verguet, prieur du Relecq de Plounéour-Ménez sont nommés députés.
De rudes épreuves vont assaillir l'Eglise de France. Nous sommes à l'aurore de la Révolution, drame terrible qui n'a pas eu son pareil dans les annales du genre humain. On a souvent répété que la Révolution était faite en France dans les esprits et les mœurs bien longtemps avant de l'être dans le gouvernement. Il suffit en effet de jeter un coup d’œil sur les temps qui précédèrent la grande explosion qui eut lieu en 1789 pour se convaincre qu'une foule de causes concouraient de longue date à préparer cette crise sociale.
Depuis 1614 il ne s'était pas tenu d'Etats Généraux en France. Richelieu et les successeurs de Henri IV avaient sans doute cru que c'était une politique habile de ne pas réunir ces Etats, tandis que ce fut une faute des plus graves, un grand malheur. On le vit bien sous Louis XVI. Dans l'espace de 175 ans, bien des choses auraient pu se modifier insensiblement l'une après l'autre, sans secousse pour le royaume ; accumulées pendant une longue période, leur changement brusque et simultané souleva et devait soulever l’affreux ouragan qui se déchaîna sur la France et sur toute l'Europe et entasser tant de ruines.
Sentant lui-même la nécessité d'une réforme dans l'administration, Louis XVI avait fait des efforts inouïs pour rétablir les affaires de l'Etat ; mais, il n'avait pas pour cela ni le génie, ni l'audace nécessaire. Les ministres lui firent également défaut, pas un ne fut à la hauteur des circonstances. Dans cette lutte inégale, ce prince infortuné, digne d'un meilleur sort, devait fatalement succomber. Ne trouvant aucun remède à la situation si redoutable où se trouvait la France, Louis XVI qui avait à cœur de rendre son peuple heureux, et conservant encore une lueur d'espoir, convoqua les Etats Généraux. Le 4 mai, ils se réunirent à Versailles.
Les instructions données par les électeurs et connues sous le nom de cahiers des bailliages étaient des plus judicieuses. Ces écrits auraient pu faire le salut de la nation, s'ils avaient été suivis, car ils contenaient tout les principes d'amélioration désirables pour toutes les classes de la société. Les députés dont la ligne de conduite était formellement tracée dans ces cahiers passèrent outre. Ils voulurent faire table rase du passé, ce qui amena les plus épouvantables catastrophes.
Il faut le reconnaître, la haute société du XVIIIème siècle était corrompue jusque dans la moelle des os. Les idées les plus subversives de la religion et de la royauté fermentaient dans toutes les têtes. L'absolutisme semi-payen de Louis XIV, les hontes de la Régence et du règne de Louis XV aussi bien que les écrits infâmes et destructifs de tout ordre de Voltaire, de Jean-Jacques Rousseau, de d'Alembert, de Diderot et de Beaumarchais avaient tout disposé pour amener la débâcle. Les décrets de l'Assemblée nationale eurent bientôt jeté partout le désarroi. Dès 1789 on préluda par des scènes sanglantes aux crimes et aux orgies sans nom de 92 et de 93, et pourtant le premier mouvement avait eu quelque chose de national et de généreux. Mais les hommes sinistres que l'Assemblée renfermait dans son sein avaient depuis longtemps tramé la ruine de la monarchie. Tous les moyens leur étaient bons pour saisir le pouvoir et se refaire une fortune aux dépens de leurs victimes. Dieu qui voulait châtier la France à cause de son impiété et des fautes graves de plusieurs de ses souverains, et régénérer une société pourrie, permit à une poignée d'hommes pervers de perpétrer les plus horribles attentats, de se livrer à tous les excès, quitte à les briser à leur tour.
Les proscriptions de Sylla, de Marius, d'Antoine, de Lépide et d'Octave ne sont qu'une idylle comparées aux horreurs et aux saturnales dont notre belle patrie a été le théâtre. Mais aussi ne fallait-il pas un immense bain de sang pour purifier les souillures du passé ?
Reprenons notre récit au point où nous l'avons laissé.
Dans la nuit du 28 mars 1789, M. le maire de Saint-Pol recevait du sénéchal du siège royal de Lesneven un paquet auquel étaient joints les lettres du roi et les règlements y annexés, en date du 24 janvier et 16 mars, concernant la convocation des Etats Généraux du royaume fixée au 27 avril. Dans le même pli il y avait une expédition de l'ordonnance du sénéchal portant fixation de l'assemblée du Tiers-Etat de l'arrondissement en la ville de Lesneven aux 1er et 7 du mois d'avril pour procéder à la rédaction du « cahier de ses charges, plaintes et doléances », ainsi qu'au choix de ses députés aux dits Etats Généraux, requérant en conséquence que « M. le maire de la communauté eût à faire les dispositions nécessaires pour convoquer et assembler tous les corps, communautés et corporations qui devaient concourir aux dites opérations en conformité des dits règlements ».
Lecture faite de ces lettres, le corps municipal de Saint-Pol chargea le maire de prier par billet particulier les différents corp et corporations d'arts libéraux et mécaniques, jouissant des privilèges de communauté de s'assembler le lendemain, 29 mars, pour choisir le nombre de députés fixé par les règlements précités, à l'effet de concourir à la rédaction du cahier des remontrances du Tiers-Etat de Saint-Pol et de ses dépendances ainsi qu'à la nomination des huit électeurs qui iraient à l'assemblée générale du siège royal de Lesneven, fixée au 1er avril. Même notification devait être adressée aux habitants de Saint-Pol et des campagnes y annexées et à ceux du port de Roscoff qui n'avait point de communauté.
M. le maire les ferait avertir par une publication prônale de s'assembler aussi le dit jour 29 mars, deux heures de relevée, à la même fin et par quartiers séparés, savoir :
Les habitants des quartiers du Crucifix de la ville, de Notre-Dame, de Saint-Jean et de Roscoff en l'auditoire, devant MM. Hervé Chef du Bois, maire et Le Coat-Kernoter, échevin et ancien procureur du roi-syndic, nommés pour présider la dite assemblée ;
Les habitants du quartier de Saint-Pierre au couvent des Révérends Pères Carmes de Saint-Pol, devant M. Conversy, procureur du roi- syndic actuel ;
Ceux du quartier de Toussaint devant M. Le Floch, échevin ;
Ceux du quartier du Crucifix des Champs encore au dit Couvent, devant M. de Keraugoh, échevin, et ceux du quartier de Saint-Pierre au même lieu, devant M. Joguet, aussi échevin ; finalement M. le maire convoquerait pareillement devant lui, et pour le même sujet, en la dite salle de l'auditoire les négociants, armateurs et marchands de Saint-Pol et de Roscoff pour le lundi 30 du présent mois, à huit heures du matin [Note : Arch. de Saint-Pol. — Reg. 18 des délib. — Fol. 4].
A la réunion qui se tint à Lesneven, au mois d'avril, M. Prud'homme de Keraugon, ayant réuni la majorité des voix, fut nommé par la sénéchaussée député aux Etats Généraux.
Le clergé du second Ordre était aussi appelé à élire deux députés ; mais le rôle qu'il avait à remplir dans la circonstance était hérissé de difficultés. On conférait aux recteurs et aux autres ecclésiastiques un privilège qui n'appartenait qu'au haut clergé. Les ennemis de la religion avaient habilement profité de cette exclusion dont étaient frappés les pasteurs du second Ordre pour les indisposer contre les prélats. Les dénominations de haut et bas clergé, distinction odieuse, inventées aussi alors, n'étaient propres qu'à humilier ceux qui se trouvaient dans les rangs inférieurs de la milice ecclésiastique. Nous verrons sans tarder tout le mal qui en sortira.
La lettre de convocation aux Etats Généraux, adressée par Louis XVI au clergé, était conçue dans ces termes :
« De par le Roi,
Sa Majesté, ayant
ordonné par l'article 11 du règlement rendu le jour d'hier (16 mars) en son
conseil, pour l'exécution dans la province de Bretagne, de ses lettres de
convocation aux Etats Généraux ;
Que les collégiales, communautés rentées, séculières et régulières des deux sexes, prieurs, bénéficiers, recteurs-curés des villes et des campagnes, recevraient de nous, au nom du roi, des lettres pour se réunir en assemblée le 2 avril, dans la ville épiscopale de leur diocèse ;
Que les prieurs et bénéficiers s'y rendraient en personne, ainsi que les recteurs-curés dont la paroisse n'est pas distante de plus de deux lieues de la ville épiscopale ;
Que les recteurs-curés des cures plus éloignées n'y viendraient en personne, qu'autant qu'ils auraient assuré, pendant leur absence, le service de leur paroisse, mais qu'ils pourraient donner leur procuration à quelque personne de leur ordre ;
Que les collégiales et les communautés rentées, séculières et régulières éliraient chacune un représentant, membre du clergé, pour se rendre en leur nom à la dite assemblée diocésaine.
Je vous fais cette lettre pour vous inviter à vous conformer aux intentions du roi en ce qui peut vous concerner, et en conséquence à vous trouver, le 2 avril, dans votre ville diocésaine, pour présider l'assemblée qui y est convoquée.
Fait à Paris, ce dix-sept mars mil sept cent quatre-vingt-neuf.
Le comte de Thiard ».
Ce pli avait pour suscription : M. le recteur de la plus ancienne paroisse de la ville de Saint-Pol-de-Léon.
Cette déclaration fut généralement accueillie avec faveur par le clergé. Plusieurs ecclésiastiques néanmoins la virent de fort mauvais œil. Ainsi, M. Floch [Note : M. Floch refusa le serment et il émigra en Angleterre. A la paix, il rentra en France et devint curé de Saint-Mathieu de Morlaix, où il est mort. Un de ses vicaires, M. Laligne. le remplaça à Saint-Louis, comme curé constitutionnel], recteur de Saint-Louis de Brest, refusa carrément, le 31 mars, l'entrée de son presbytère à MM. Plessix, Dubuisson et Bernicot, représentants du clergé, venus avec d'autres prêtres pour choisir un délégué, conformément à l'article XV du Règlement du 24 janvier 1789.
Devant ce refus formel, ces messieurs protestèrent et se retirèrent dans la chambre de délibération, et là ils élirent pour leur député M. Plessix, prêtre de la paroisse de Saint-Louis, lui donnant pouvoir et procuration pour eux et en leur nom, de concourir à la nomination des électeurs qui devaient, le 20 avril, choisir le nombre des députés, fixé par le roi, et d'assister à la rédaction du cahier des doléances du clergé.
Signèrent à la suite : Pierel, curé de Saint-Louis de Brest, l'abbé Béchennec, Jouanny, Potterie (?), Laporte, prêtre, Bernicot, prêtre, directeur de la Congrégation, O. Le Ribault, prêtre, Laligne, prêtre, Kermarec, prêtre, Dubuisson, prêtre, Plessix, prêtre, Gestin, prêtre, J. Jacopin, prêtre, aumônier de l'hôpital général de Brest.
La plupart de ces ecclésiastiques acceptèrent la Constitution civile du clergé et prêtèrent serment.
Conformément à l'ordre de Louis XVI, les deux ordres de l'Eglise et de la noblesse s'étaient rendus, le 16 avril, à Saint-Brieuc, pour choisir les électeurs, appelés à nommer les députés aux Etats Généraux. Mais déjà en Bretagne le Tiers-Etat s'était réuni dès le 1er du mois dans treize villes qui étaient les chefs-lieux des sénéchaussées. Favorisé par le gouvernement, le clergé du second ordre avait été convoqué avant celui du premier, et ses choix pour la députation étaient généralement faits dès le commencement d'avril, c'est-à-dire quinze jours avant que les évêques, les abbés et les députés des chapitres des cathédrales eussent été réunis à Saint-Brieuc.
Cette façon de procéder n'était pas de nature à obtenir l'approbation des ordres de l'Eglise et de la noblesse. Aussi bien, ces deux ordres adressèrent-ils le 17 avril à M. le comte de Thiard, commandant de la province, une délibération par laquelle ils lui notifiaient qu'ils ne pouvaient s'écarter des formes établies par la constitution du pays ; que c'était dans le sein des Etats de Bretagne légalement convoqués, que les députés devaient être élus ; qu'ils donneraient alors volontiers leur adhésion pour que la représentation de l'Eglise et du Tiers-Etat devint plus étendue qu'elle ne l'avait été jusqu'à cette époque.
Ces observations étant restées sans réponse, les mêmes ordres rédigèrent, mais séparément, chacun, une déclaration motivée qui renfermait une protestation contre le préjudice causé aux Etats de Bretagne, et un désaveu de tout ce que les députés, nommés par le Tiers, pourraient faire relativement aux intérêts de la province. La noblesse publia sa déclaration le 19 avril, et l'Eglise, la sienne, le 20. Cette dernière était conçue en ces termes :
DÉCLARATION DE
L'ORDRE DE L'EGLISE.
Saint-Brieuc, le 20 avril 1789.
« L'ordre de
l'Eglise, convoqué par le roi dans la ville de Saint-Brieuc, pour nommer des
députés aux Etats Généraux, considérant que ses députés ne peuvent être nommés
légalement que dans les Etats de Bretagne, déclare ne pouvoir procéder à cette
nomination dans la présente assemblée, et supplie en conséquence Sa Majesté de
convoquer les Etats de la province afin qu'ils puissent députer aux
Etats Généraux suivant les formes anciennes et toujours
observées depuis l'union de la Bretagne à la France. [Note : La Bretagne
n'a jamais élé conquise, et elle ne s'est donnée à la France qu'à la condition
formelle et expresse de conserver ses franchises et privilèges].
Le dit ordre déclare désavouer formellement tous ceux qui, n'ayant pas été nommés par les Etats de Bretagne, prétendraient représenter aux Etats Généraux, la province ou quelqu'un des ordres qui la composent.
L'ordre de l'Eglise déclare de plus protester contre les dispositions du règlement du 16 mars dernier qui opère dans le clergé une division sans exemple aussi funeste à la religion qu'au bien de la province. [Note : C'est le règlemont dont nous avons parlé plus haut et qui appelait aux élections le clergé du second ordre, les bourgs et les paroisses de la campagne, chose sans exemple dans la province, et qui était une violation manifeste de sa constitution].
L'ordre de l'Eglise a arrêté de prier Mgr l'évêque de Rennes, son président, de remettre une expédition de la présente déclaration à M. le Garde des Sceaux et à messieurs les présidents des trois ordres des Etats Généraux. [Note : Histoire de la Persécution révolutionnaire en Bretagne par M. Tresvaux, pages 12-19].
Signé : Fr. (DE GIRAC), évêque de Rennes ».
Après cette manifestation de leurs sentiments, les membres du clergé et de la noblesse quittèrent Saint-Brieuc, sans vouloir s'occuper d'élections. Ainsi, ces deux ordres ne furent pas représentés, pour la Bretagne, aux Etats Généraux. On doit cependant regretter qu'ils ne se soient pas, dans cette circonstance, conformés aux volontés du roi, car ils auraient trouvé dans leur sein des hommes sages et capables de s'opposer aux entreprises des factieux.
Les électeurs du clergé de Léon s'étaient réunis le 20 avril sous la présidence de M. Corre, recteur du Minihy. Vers les 9 heures du matin, M. le président leur communiqua un pli qui leur était adressé de Saint-Brieuc le 17 avril par MM. de Thiard et Dufaure de Rochefort. Cette lettre priait MM. les électeurs de surseoir à l'élection des députés, le roi voulant tout d'abord savoir ce qui se serait passé à Saint-Brieuc. Ils devaient rester réunis dans leur ville épiscopale jusqu'à ce qu'ils eussent reçu de nouvelles instructions. Ces messieurs se retirèrent alors, se donnant rendez-vous pour 3 heures de l'après-midi.
Le 21 avril, M. Corre reçut une nouvelle lettre, écrite également de Saint-Brieuc par MM. de Thiard et Dufaure de Rochefort. Dans cette lettre on recommandait aux électeurs de procéder promptement à l'élection des deux députés, Sa Majesté désirant que les députés nommés pussent être rendus à Versailles le 27 du mois, jour de l'ouverture des Etats.
M. le président requit qu'on procédât sur le champ aux élections.
L'assemblée, instruite de la décision prise par les deux ordres convoqués à Saint-Brieuc, et guidée « par l'amour de l'ordre et de l'union qui doit toujours régner dans le clergé, refusa, à la majorité de quatre voix, de nommer des députés aux Etats Généraux ».
Signèrent cette délibération dont copie dut être adressée à M. de Thiard : — J. Coat, recteur de Lesneven, Le Bris, prieur de Ploudiry, Breton, recteur de Sibirill, Goret, recteur de Ploudalmézeau, Laot, recteur de Taulé, Branellec, recteur de Plougar, Grall, recteur de Pleyber-Christ, G. Le Bras, recteur de Plounéventer, Le Bihan, recteur de Plouvorn, Laurent, recteur de Cléder, J. Richou, recteur de Guimiliau, Le Floch, recteur de Sizun, Le Pen de Kerrolant, recteur de Ploudaniel, F. Verguet, prieur du Relecq, Expilly, recteur de Saint-Martin, Pilven, recteur de La Forest, Authueil (?), recteur de Guiclan, Roulloin, recteur de Landunvez, G. Le Jeune, recteur de Plougoulm.
CORRE, recteur de Saint-Pol-de-Léon.
Il est peut-être à regretter que ces messieurs n'aient point persévéré dans leur résolution. Notre pays n'eût pas eu à éplorer la défection de l'abbé Expilly ni celle de Dom Verguet [Note : Louis-Alexandre Expilly naquit à Brest le 24 février 1742. Il fit ses études à Quimper et devint recteur de Saint-Martin de Morlaix. Député aux Etats Généraux par le clergé de Léon, il se montra partisan des opinions nouvelles et adopta les idées révolutionnaires. Il fut choisi comme évêque du Finistère par des électeurs ignorants et sacré le 24 février 1791 dans l'église des pères de l’Oratoire de la rue Saint Honoré. Il se hâta de venir prendre possession de son évêché. Il persécuta et fit persécuter ses anciens confrères, restés fidèles à l'Eglise. Compromis dans l'affaire du Fédéralisme, avec vingt-cinq autres membres du Conseil du département, il périt, le 22 mai 1794. sur l’échafaud, à Brest, à l’âge de 52 ans. L'église actuelle de Saint-Martin de Morlaix a été reconstruite par lui.
Dom Claude-François Verguet, né en 1744 à Champtille, village de la Franche Comté, où son père était médecin, entra par ambition, comme il l'assurait plus tard, dans l'ordre de Citeaux et devint prieur du Relecq, abbaye de Bernardins, située dans la paroisse de Plounéour-Ménez. Le clergé de Léon l'envoya avec Expilly aux Etats Généraux. Lors de la Constitution civile du clergé, il prêta serment. Bientôt il jeta le froc aux orties. Sous le consulat de Bonaparte, il fut nommé sous-préfet de Lure, département de la Haute-Saône. A la suite de difficultés avec son préfet, il fut révoqué en 1800, un an après sa nomination. Il passa le reste de ses jours à Montarlot où il vivait dans une grande aisance. Ses aumônes étaient considérables, et on loue sa charité envers les pauvres. Il se renfermait quelquefois dans sa chambre et donnait à la prière un temps considérable. Mais, c'est à ce seul exercice et à l'assistance régulière aux offices que se bornait la pratique de ses devoirs de religion. En 1814, on le trouva mort au lit, n'ayant rétracté ni ses erreurs ni reçu les sacrements. — V. Tresvaux].
Ils revinrent bientôt malheureusement sur leur décision. Le 3 juillet, M. Corre faisait part aux électeurs de Léon d'une lettre adressée de Versailles par les recteurs de Bretagne, députés aux Etats Généraux, à M. Expilly, recteur de Saint-Martin et que ce dernier lui avait envoyée. Dans cette lettre ces messieurs exprimaient le plus vif désir de voir les électeurs de Léon choisir les deux députés qui manquaient, ajoutant que ces deux députés, à leur arrivée à Versailles, n'y rencontreraient aucune difficulté, en suivant les formes prescrites. M. Expilly, disait M. Corre, se ferait un devoir de communiquer lui-même cette lettre à tous les électeurs le lundi matin, 6 juillet, dans la réunion qui aurait lieu ce jour. M. le président demandait en terminant que l'Assemblée se tînt dans le même endroit où l'on s'était réuni les 2 et 20 avril.
Le 29 juillet, M. Corre écrivait de nouveau dans ces termes à chacun de ses confrères :
« Monsieur et très honoré confrère,
Monseigneur l'Evêque, Monsieur, m'a fait part ce matin des nouvelles qu'il a reçues des Etats Généraux, par lesquelles on lui marque que l'Assemblée nationale a reconnu bonne et valable la nomination des députés de Bretagne, sauf, a-t-il été dit, au clergé de cette province à compléter sa députation. D'après cette nouvelle, je me suis déterminé à écrire à tous les électeurs et à leur assigner le jour de lundi, 3 août prochain, pour s'assembler. Je vous prie de vous tenir pour averti pour ce jour. Je suis avec respect,
Monsieur et très honoré confrère,
Votre très humble et très obéissant serviteur, Corre, recteur du Minihy ».
Trois jours après, le samedi, 1er août, M. Breton, recteur de Sibirill (ou Sibiril), adressait au président la lettre suivante :
Ce 1er
aoust 1789.
« Je vous prie de vous tenir averti, Monsieur le président, que
je ne crois pas devoir me trouver à l'assemblée des électeurs, assignée par vous
au trois de ce mois. Cette assemblée se tiendra sans doute où elle pourra, la
ville et le lieu n'étant pas indiqués.
Ne doutez pas, mon cher recteur, de la sincérité avec laquelle je me fais un plaisir de me dire. Votre très humble serviteur, Breton, recteur de Sibirill. ».
Le ton de cette lettre affecta grandement M. Corre. Il crut devoir en entretenir quelques confrères. Dans cet écrit, il se défend d'avoir eu l'intention d'offenser qui que ce soit. Si, disait-il, il n'avait pas expressément désigné la ville et le lieu de réunion, c'est parce qu'il était convaincu que l'assemblée devait tout naturellement se tenir à Saint-Pol. Il espérait que M. Breton reviendrait sur sa décision et que le prieur du Relecq et les prêtres de Pleyber-Christ et de Taulé viendraient à l'assemblée.
Les choses, en effet, se passèrent à peu près de la sorte, comme le prouve le procès-verbal suivant que nous reproduisons intégralement :
« Du trois août mil sept cent quatre-vingt-neuf, assemblée des électeurs du diocèse de Léon en la ville épiscopale par suite de l'élection faite le deux avril dernier par le clergé du second ordre du dit diocèse, conformément à la lettre de convocation du roi et du règlement y annexé pour la Bretagne, relativement à la tenue des Etats Généraux.
Les soussignés électeurs, dans leur assemblée du vingt-un avril dernier, par la fatalité des circonstances, s'étant trouvés incertains sur le moïen de coopérer au bien public, et de remplir les vœux du roi, de la nation et de leurs commettants, se virent avec douleur obligés d'arrêter l'ardeur de leur zèle en différant la députation dont ils s'étoient chargés. Aucun moment n'a vu rallentir ce même zèle, et ils l'ont manifesté dans l'occasion. Aujourd'hui que l'auguste assemblée (!!!) des Etats Généraux qui, par sa sagesse, son courage et sa fermeté, remplit l'Europe d'admiration (!!!) et annonce le bonheur du monarque et du peuple, leur permet de faire usage de leurs pouvoirs et de la confiance de leurs commettants, ils saisissent, avec le plus vif empressement, l'heureux moment de devenir les témoins et les admirateurs présents des merveilles (!!!) qui assurent à jamais la félicité de l'empire français ; et, s'ils n'ont pas pu partager jusqu'à présent ses glorieux travaux et les dangers qu'elle a courus, ils se feront au moins gloire d'imiter ses grands exemples de générosité, d'énergie et de patriotisme et de les suivre constamment pendant le reste de la carrière qu'elle a ouverte d'une manière si éclatante.
A cet effet réunis dans la ville de Léon, ils ont procédé au scrutin pour l'élection des deux députés qu'il a plû au roi d'accorder à ce diocèse, observant les formes prescrites ; et ils ont élu dabord dom Claude Verguet prieur de l'abbaye royale du Relecq et vicaire général de l'Ordre de Cîteaux en cette province et Mre Louis-Alexandre Expilly recteur de la paroisse de Saint-Martin de Morlaix ; auxquels les dits électeurs ont donné et donnent, ont transmis et transmettent tous pouvoirs généraux et suffisants pour proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qu'ils croiront utile tant au bien de l'état qu'à l'intérêt de leur Ordre, et leur ont été remises en l'endroit les minutes du cahier, commun des doléances du procès-verbal de nomination des électeurs et du présent, pour être par eux présentées à l'Assemblée nationale.
Fait et arrêté en la maison rectorale de la ville de Léon les mêmes jour, mois et an que ci-dessus, et ont signé : — Le Pen de Kerrolant, recteur de Ploudaniel, — G. Le Bris, prieur de Ploudiry, — Le Floch, recteur de Sizun, — G. Le Jeune, recteur de Plougoulm, — Laot, recteur de Taulé, — Grall, recteur de Pleiber-Christ, — J. Branellec, recteur de Plougar, — Authueil, recteur de Guiclan, — F. Verguet, prieur du Relecq, — Le Bihan, recteur de Plouvorn, — G. Le Bras, recteur de Plounéventer, — Laurent, recteur de Cléder, — L. Balanec, curé de Saint-Pol-de-Léon, secrétaire de l'Assemblée et par procuration de M. Richou, recteur de Guimiliau, — Corre, recteur de Saint-Pol-de-Léon, — Expilly, recteur de Saint-Martin de Morlaix » [Note : Archives de la cure de Saint-Pol].
M. Breton, recteur de Sibirill, ne dut point paraître à cette réunion, car sa signature ne se voit pas au procès-verbal. Bientôt il sera signalé comme un perturbateur et poursuivi comme tel. M. Breton avait entrevu l'abîme vers lequel on marchait.
(abbé J. Tanguy).
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