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SAINT-POL-DE-LEON SOUS LA REVOLUTION (CHAPITRE 23). |
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CHAPITRE XXIII.
SOMMAIRE.
Le citoyen Le Bourguays, procureur de la Commune. — Il demande qu'on remplace le nom de Saint-Pol par celui de « Mont-sur-Mer ». — Discours à la cathédrale des citoyens Le Bourguays et Trobert. — Ordre d'enlever les objets extérieurs rappelant le culte. — L'église des Minimes est transformée en Temple de la Raison. — Excentricités du citoyen Le Bourguays. — On le renferme chez lui. — Arrestation de M. Branellec et de la veuve Le Guen Kernéizon (Anne Roussel) qui l'avait caché chez elle. — Ils sont transférés à Brest. — Le serment est imposé aux anciennes religieuses. — Seule une sœur du Tiers-Ordre de Saint-François le prête. — Ordre par le conseil au citoyen Le Brun d'enlever les vitres armoriées, existant encore dans la cathédrale. — Le citoyen Le Bihan est dénoncé pour avoir dit qu'il fallait « respecter » la grande crosse du chœur de la cathédrale. — Le Directoire de Morlaix répond à la municipalité qu'il n'y avait là aucun délit.
Le citoyen Bourguays qui avait remplacé le citoyen Déniel comme procureur de la Commune ne valait guère mieux que son prédécesseur. Nous aurons l'occasion de le constater plus d'une fois. Le 14 nivôse, an 2 (4 janvier 1794), c'est-à-dire cinq jours après la délibération prise par le conseil de faire disparaître toutes les armoiries de la commune, le citoyen Bourguays représenta aux conseillers que « ce n'était pas assez d'extirper tous les emblèmes de la féodalité, et qu'on devait encore supprimer jusqu'aux noms qui retraçaient le souvenir de la tyrannie ou de la superstition ; que le nom de Saint-Pol choquait l'oreille de tous les bons républicains, rappelant un prélat mitré, et qu'il fallait changer ce nom en celui qui convient à des républicains libres ».
Le conseil, faisant droit aux conclusions du citoyen Bourguays, arrêta que le nom de « Léon-sur-Mer » remplacerait celui de Saint-Pol. Quelques jours après, à Léon-sur-Mer était substitué « Mont-sur-Mer », sans doute pour honorer la Montagne de la Convention [Note : Reg. 26. Conseil général. Fol. 31].
Le 20 nivôse, an 2 (10 janvier 1794), l'antique et vénérable cathédrale de Léon, transformée ce jour en Temple de la Raison, était profanée par une cérémonie sacrilège. Deux membres du conseil municipal escaladèrent la chaire qui avait tant de fois retenti des enseignements divins pour y débiter deux discours que leurs auteurs, c'est notre conviction, ont dû réprouver plus tard, quand le pays a pu retrouver le calme et la paix.
Dans une séance, tenue trois jours après, un membre ayant demandé que ces discours fussent transcrits sur le registre des délibérations, le conseil arrêta, à l'unanimité, de les reproduire. Nous les donnons ici. Comme le fait observer un éminent critique, « après un siècle écoulé, quand l'heure de l'histoire est véritablement venue, elle a des droits devant lesquels tous doivent s'incliner. L'histoire gravement et consciencieusement comprise, n'est pas autre chose que la justice, et la justice veut que les faits soient dits, sans passion, sans haine, mais en toute sincérité. Ce serait lui manquer que de taire les faits, et, même en indiquant les faits, que de taire les noms. Sans doute, il faut y mettre une grande réserve, une discrétion toute chrétienne, mais il ne faut pas aller jusqu'à faire le silence sur les faits, lorsqu'ils sont certains ; sur les documents, lorsqu'ils sont authentiques ».
Voici ces deux discours.
Discours du citoyen Le Bourguays, agent national provisoire.
« Citoyens républicains,
Nous voici rassemblés dans un temple qui naguère était consacré à
l'idolâtrie et à la superstition. Vous n'y entendiez que des discours
alarmants et capables d'effrayer des âmes faibles et timides.
Un prélat mitré et des despotes enharnachés d'habits pontificaux se présentaient audacieusement devant vous pour vous dire que votre félicité et votre réprobation dans l'autre monde étaient entre leurs mains ; ces despotes vous ouvraient à prix d'argent les portes du ciel, mais un seul acte de votre part, contraire à leur volonté, vous précipitait dans les abymes de l'enfer. Ces mots vous faisaient trembler, et vous vous hâtiez de vous préserver de tels malheurs, en vous prosternant humblement aux pieds de vos despotes et en y déposant tous les fruits de vos veilles et de vos sueurs dont ils s'engraissaient.
Trop heureux pour vous, citoyens, si de tels sacrifices leur avaient suffi. Mais non, ils étaient avides de sang, et il leur fallait, pour contenter leurs passions et satisfaire leur ambition, en faire couler des flots. Pour vous en convaincre, citoyens, il n'est pas nécessaire que je vous cite toutes les guerres injustes des papes contre les puissances de l'Europe, que je vous rappelle les massacres des Vêpres siciliennes, de la Saint-Barthélémy, et d'une infinité d'autres qu'il serait trop long de vous dire. Nous n'en avons malheureusement que trop d'exemples sous les yeux ; une ville de Lyon détruite, la Vendée massacrée, nos campagnes circonvoisines nous font connaître assez jusqu'à quels excès le fanatisme peut porter les âmes prêtrisées.
O vous, citoyens, tous tant que vous êtes et me faites l'honneur de m'entendre, abjurez vos erreurs religieuses, et ne regrettez plus des monstres qui ont fait tant de maux à la nature. Animez-vous d'une juste vengeance et courez sus comme sur des bêtes féroces, car si vous les laissez échapper à la surveillance des vrais amis de la liberté, tôt ou tard ils s'élèveront contre vous et vous feront égorger ainsi que vos enfants.
Venez donc, citoyens, assidûment dans ce temple de la Raison et déposez-y toutes vos frayeurs chimériques. C'est dans ce temple où l'auteur ranimera vos esprits et réchauffera vos âmes. C'est là où vous apprendrez à vous connaître vous-mêmes et à connaître vos droits. C'est dans cette enceinte sacrée où vous puiserez toutes les consolations qui peuvent immortaliser l'homme et le mettre à la hauteur de la Révolution.
Un peu de patience et quelques sacrifices de plus et bientôt vous verrez tomber la tête des despotes coalisés qui ne nous ont déclaré une guerre cruelle que pour nous remettre dans les fers et rétablir sur les débris de notre Liberté un trône tyrannique et une servitude outrageante à l'espèce humaine.
Non, citoyens, il n'en sera point ainsi, les Français, en dépit de ces despotes, seront libres, car ils le veulent, et ce jour, où la Raison triomphera de ses ennemis, sera à jamais mémorable.
Nos arrières petits-neveux, à l'exemple de leurs ancêtres, répéteront ce beau cantique : Chant : Grâce à nos canonniers......
Et si, contre toute attente, il se trouvait encore quelque embryon du despotisme et du fanatisme, ces mêmes neveux s'élèveront spontanément et feront retentir d'un bout à l'autre de la République ce cri : « Aux armes, citoyens...... ». Musique...
O divine philosophie ! grâce immortelle te soit rendue pour être après des milliers de siècles venue à bout à tirer du chaos de l'ignorance, des François qui ignoraient leur existence et leur bonheur puissant.
Et toi, temple, maintenant dédié à la Raison, que tes échos retentissent de ces paroles sacrées : Vive la Montagne ! Vive la République !.
Citoyens administrateurs, c'est à vous que j'adresse la parole. Vous avez déjà fait quelque chose pour la Révolution, mais votre tâche n'est pas encore finie ; il vous reste des devoirs à remplir et ces devoirs vous commandent impérieusement de vous rendre tous les décades dans ce temple sacré pour y lire les lois, les expliquer au peuple et lui faire connaître l'obéissance et la soumission qu'il leur doit ; vous devez en outre travailler à la sûreté générale et au bonheur d'un chacun.
Et vous, citoyens militaires et militaires citoyens, vous avez aussi vos devoirs ; l'obéissance à la loi et son exécution.
Chefs, vous devez traiter vos soldats avec douceur, ne point les aigrir, leur parler fraternellement, mais être impassibles comme la Loi quand il s'agit de son exécution et du devoir militaire.
Et vous, soldats, vous devez être subordonnés à vos chefs, ainsi qu'aux autorités constituées.
En un mot, vous devez avoir entre vous, pour base, l’Union, la Concorde et la Fraternité qui fait votre force, et nous sommes certains du triomphe de nos ennemis.
Vivent les sans-culottes ! Signé : Le Bourguays, agent national » [Note : Reg. 26. Fol. 41].
Discours du citoyen Trobert, maire provisoire.
« Citoyens, nous pouvons donc enfin respirer un air plus serein. Les orages dévastateurs qui, amoncelés sur nos têtes, menaçaient d'une nuit éternelle l'aurore de notre régénération, se dissipent en éclats impuissants, ou plutôt leurs coups les plus terribles sont retombés sur les monstres eux-mêmes dont les exhalaisons pestiférés leur avaient donné naissance. La Liberté, la Raison, l'Egalité vont enfin sortir triomphantes de leur combat à mort contre la tyrannie, le fanatisme et l'aristocratie. En vain la noire perfidie leur a prêté ses horribles secours. En vain se produisant sous mille formes différentes, ce dernier monstre a-t-il attaqué à la fois, nos villes, nos ports, nos armées, nos départements ; le génie vivifiant de la France s'est élancé de la Sainte Montagne, l'a poursuivi, atteint et frappé victorieusement au milieu de ses affreux succès :
Victoire, citoyens, c'est en ce moment que ce cri nous est permis. Etendons nos regards sur toute la surface de la République ! Vendée ! que sont devenus tes bataillons fanatiques, tes armées parricides ? Tu as cruellement déchiré le sein de ta mère, mais ton atrocité a trouvé son juste supplice. Tu t'es vu condamnée à dévorer tes propres enfants.
Bataillons de la Liberté ! Vous surtout, héros de Mayence, c'est à votre valeur, c'est à votre brûlant patriotisme que nous devons cette vengeance terrible, mais seule digne d'apaiser les mânes de nos frères.
77ème régiment ! Garde nationale de Morlaix ! Vous avez partagé cette gloire et votre sang l'a cimentée.
Lyon, ville rebelle, fière de ton opulence et des cohortes de traîtres que tu renfermais dans tes murs, tu as osé insulter à l'unité de la République, tu as voulu briser le faisceau national ; la foudre républicaine a brisé tes remparts et Lyon n'existe plus. Toulon, ville vénale, tu as fait l’infâme échange de la Liberté contre l'esclavage, de l’honneur français contre l'infamie, le troc encore plus abominable du sang de tes frères contre l'or de Pitt.
Eh ! bien, les traîtres Anglais, les lâches Espagnols t'ont-ils sauvé de la destruction ? Ont-ils su défendre contre les phalanges républicaines ces forts inaccessibles dont chacun pouvait défier une armée ?
L'Univers est-il enfin convaincu qu'il n'est rien d'impossible à des hommes libres ?
Français, jouissez donc de vos victoires, voyez ce que vous avez déjà fait. Encore quelques pas et vous avez fourni la plus glorieuse carrière.
Despotes, coalisés contre nous ou plutôt contre la liberté de l'Univers, en vain vos troupeaux d'esclaves infestent encore nos frontières. Si parmi vos défaites, vous comptez encore quelques succès éphémères dus à la trahison, pouvez-vous vous en glorifier ?
Mais, tremblez ! les traîtres sont démasqués, la hache nationale les atteint partout, et si vos efforts n'ont porté à la France que des coups impuissants alors même qu'elle se déchirait de ses propres mains ; que deviendrez-vous au moment que nous n'avons que vos légions à exterminer ?
Déjà ces fameuses lignes de Wissembourg, que la perfidie vous avait livrées, sont reprises par la valeur française ; vos bataillons y ont. mordu la poussière et une fuite honteuse vous en a seule conservé les débris.
Landau ! tu seras l'écueil où se briseront les forces réunies de la Prusse et de l'Autriche.
Lille ! Dunkerque ! vous punirez la témérité de l'Anglais et du Batave.
France ! tu extermineras tous tes ennemis ! Encore quelques efforts, et tu auras conquis la liberté, la paix, le bonheur !
Saint-Pol-de-Léon ! et vous aussi, vous avez des droits à la reconnaissance de la Patrie. Vous avez triomphé de la fureur du fanatisme, et votre garde nationale a su, dans la journée du 19 mars dernier, répondre victorieusement à ses calomniateurs. Vous avez su vous garantir des pièges dangereux du fédéralisme. Les premiers vous avez dénoncé au Département coupable, et votre fermeté a obtenu de la Convention le prix flatteur d'une mention honorable.
Vous avez volé les premiers au devant de l'acte constitutionnel fait pour le bonheur de la Patrie, et l'unanimité qui l’a accepté est le sûr garant de votre patriotisme. Vous ne vous démentirez plus.
Vous venez de renouveler courageusement à la Patrie le sacrifice de vos frères, de vos enfants ; espérez que la victoire les ramènera bientôt triomphants recevoir vos embrassements et partager le bonheur dont l'aurore luit déjà pour la France. Après ce dévouement, quel sacrifice peut vous coûter encore ? Oui, nous mangerons gaiement le pain de l'Egalité et nous conjurerons la disette factice que des malveillants s'attachent à nous faire craindre.
Ce temple que vous avez choisi pour offrir désormais vos vœux à la Raison, vous verra chaque décade réunis fraternellement écouter dans le respect les lois sages que méditent, pour notre bonheur, nos infatigables représentants, y chanter des hymnes patriotiques et y consacrer les actions civiques de nos concitoyens.
Gardez-vous de croire que cette sage institution heurte d'aucune manière la liberté de notre culte, comme le fanatisme s'efforce de le persuader : cette liberté est assurée par l'acte constitutionnel et nous n'avons à répondre qu'à l'Etre Suprême de nos opinions religieuses tandis que leur manifestation ne sera pas dangereuse à l'Etat.
Sexe charmant, dont les âmes délicates et sensibles sont façonnées pour notre bonheur, vous avez aussi votre tâche à remplir : c'est à vous d'animer le courage de nos héros, d'enflammer leur valeur par l'espoir de chastes jouissances que vous réservez à leurs exploits, c'est à vous à leur donner en récompense le doux nom de pères, et à faire sucer à nos enfants, avec un lait pur, les principes de la Liberté, de l'Egalité, de la Raison et de toutes les vertus républicaines, et vous formerez une génération invincible autant qu'heureuse.
Républicains, républicaines, réunissons en ce moment nos voix libres et témoignons notre joie pure des victoires de nos armées, des triomphes de la République, de la gloire de nos représentants par les cris répétés de : Vivent la Montagne ! Vivent nos armées, etc., etc. — Trobert, maire provisoire.
Signé : Peychaud, officier municipal. Le Roux, id., Le Guével, Berdelo, Louis Bolloré, O. Grall, Richard, Le Bot-Le Bihan, adjoint. Le Bourguays, agent national, Conversy, Villeneufve, Ménez, Labbé, serétaire greffier, Guillaume Corre, Lafitte » [Note : Reg. 26. Fol. 40-41].
Moins d'un mois après, le 12 février 1794, la municipalité, considérant que la liberté des cultes étaient indéfiniment décrétée, pourvu que l'exercice ne troublât point l'ordre public et que chaque culte se renfermât dans l'intérieur de son temple, arrêta, ouï l'agent national, de supprimer toutes les marques extérieures du culte, existant sur le ressort de la commune ; en conséquence de faire abattre les deux croix de pierre qui existent sur la Grande Place, ainsi que la croix, dite de la Mission, qui sera transférée dans l'église paroissiale ; de faire enlever également les différentes statues placées extérieurement et appartenant audit culte.
Arrêta aussi de charger et charge le citoyen Le Roux, officier public, d'escorter les convois funèbres jusqu'au lieu de leur inhumation.
Le citoyen Jean Pouliquen, qui avait accepté d'accomplir la triste besogne précitée, reçut, après l'enlèvement des croix, pour son salaire, du conseil, la somme de 67 livres, 10 sols. Plus tard, cet argent, croyons-nous, a dû lui causer plus d'un remords. Selon la remarque de Tertullien, l'âme est naturellement chrétienne, et il est des besognes que tout honnête homme se gardera bien d'accepter, moins encore d'accomplir.
Le 24, le conseil général de la commune transformait la ci-devant église des Minimes en temple de la Raison. Ce conseil était vraiment imprégné d'impiété.
Le citoyen Jacques Menez, boucher de Saint-Pol, était le fournisseur de viandes aux militaires de la région. Des plaintes s'élevèrent contre lui. Et en- effet, la municipalité de l'île de Batz fit observer, le 15 mars, aux officiers municipaux de Saint-Pol qu'une certaine quantité de viande, délivrée à la garnison de l'île n'était pas recevable.
Le citoyen Ménez, mandé au bureau municipal, attesta que la viande fournie par lui était certainement bonne.
Pendant le débat, voici que paraît le citoyen Le Bourguays, agent national, « indécemment pris de boisson, et le quel, avant aucune décision du conseil, s'emporte violemment contre le dit Ménez, puis injurie le conseil municipal en marchant et en gesticulant d'une manière ridiculement menaçante ».
« Il se retire ensuite dans son bureau, en sommant le secrétaire greffier de le suivre. Plusieurs officiers municipaux se portèrent alors près le dit agent national pour tâcher de le porter à la décence, sans y parvenir. Au contraire, ne pouvant écrire lui-même, il dicta un réquisitoire qu'il remit aux gendarmes présents, sommant ceux-ci de le mettre à exécution.
Le conseil, vu l'état d'ivresse du citoyen agent national, requit connaissance du dit réquisitoire, déposé sur le bureau par les gendarmes et qui serait remis au conseil général, convoqué ce jour.
Le conseil général, réuni, demande qu'on représente la viande refusée, et comme elle n'est pas représentée, l'assemblée dédare ne pouvoir délibérer.
Le citoyen Le Bourguays ne désarme pas. Il enjoint de nouveau aux gendarmes de mettre en arrestation le citoyen Ménez. Ces militaires répondent qu'ils ont été sommés de remettre le réquisitoire aux officiers municipaux. Le citoyen agent national disparait ».
Nous ne sommes pas encore à la fin de la comédie.
« Voici en effet que se présentent un caporal et quatre fusiliers de la garde, se disant requis par l'agent national de conduire sur le champ le citoyen Ménez en prison. Le conseil, par l'organe du maire, ordonne à la dite garde de n'avoir aucun égard à l'ordre du citoyen Le Bourguays et de se retirer.
Se présente également le citoyen Marion, officier de la garde, porteur d'un nouveau réquisitoire que le conseil se fait également remettre.
L'assemblée, considérant ensuite que l'état d'ivresse du citoyen Le Bourguays le met dans le cas de prendre des mesures violentes et inconsidérées et qu'il vient d’occasionner plusieurs scènes désagréables, — arrête de donner à l'officier de garde un réquisitoire à l'effet de consigner le citoyen Bourguays chez lui et de le faire garder par un factionnaire jusqu'à demain, 8 heures du matin ».
Il faut le reconnaître, la municipalité de Saint-Pol avait, dans son sein, de dignes magistrats !
Sur ces entrefaites, se présentèrent devant le conseil des soldats, porteurs de la viande fournie par le citoyen Ménez. Deux experts, désignés pour la vérifier, séance tenante, déclarèrent, sur leur âme et conscience, que la viande était bonne et valable, et que si elle était ternie, c'était grâce à l'effet de l'eau de mer, en traversant le chenal de l'Ile de Batz. Cela mit fin au débat.
M. l'abbé Jean-Marie Branellec, ex-curé du Minihy, avait refusé de prêter serment et se tenait caché à Saint-Pol. Le 10 nivôse, an II (31 décembre 1793), sa retraite fut découverte par le comité de surveillance qui le fit appréhender, ainsi que Anne Roussel, veuve Le Guen (Kerneizon), qui l'avait reçu chez elle. Tous les deux furent transférés de nuit de la prison de Saint-Pol à celle de Morlaix, puis de là à Brest.
Le lendemain, 11, les citoyens Villeneufve, Pen et Le Roux, chargés d'effectuer cette translation présentaient au conseil un billet, signé des administrateurs du district de Morlaix, attestant qu'ils s'étaient acquittés de leur commission.
Le 24 ventôse, an II (15 mars 1794), l'accusateur public près le tribunal révolutionnaire de Brest, Donzé-Verteuil, adressait ce pli aux citoyens composant le comité de surveillance de Saint-Pol :
Citoyens,
« Il existe
dans les prisons du château de Brest une femme, nommée Le Guen, receleuse du
prêtre réfractaire Branellec, tous les deux arrêtés sur votre commune. Il est
important que vous fassiez connaître par le retour du courrier les personnes que
je devrai faire assigner pour reconnaître de l'identité du réfractaire, et
celles qui ont connaissance du fait dont est accusée la femme Le Guen. J'attends
votre réponse incessamment. Signé : Donzé-Verteuil.
P. S. — J'observe, citoïens, qu'il est essentiel que vous me fassiés parvenir les preuves avec lesquelles je puis convaincre cet individu de n'avoir pas prêté dans le temps le serment prescrit par la loi ; preuves ou par témoins, ou preuves par écrit » [Note : Donzé-Verteuil (Joseph-François Ignace), né vers 1736 à Belfort (Haut Rhin). Dans son acte de décès, Archives du département de la Meurthe, il est qualifié par M. Lepage, archiviste de ce département, de prêtre, ex jésuite. Ardent à la curée, il se faisait un plaisir de la poursuite, et la savourait avec délices. A l’occasion, il était mielleux, patelin, comme ces animaux de la race féline qui caressent afin de pouvoir mieux enfoncer leurs griffes].
Le 28 germinal (17 avril 1794), M. Branellec était condamné à mort par le tribunal révolutionnaire de Brest et exécuté le même jour sur la place des Triomphes du Peuple.
M. Branellec était natif de Guissény, et était âgé de 37 ans, lorsqu'il subit le martyre.
Quant à la veuve Le Guen, Anne Roussel de Saint-Pol, qui l'avait caché chez elle pendant trois jours, elle fut condamnée à la déportation [Note : Extrait des archives de la municipalité de Brest].
Quelques jours après, le 8 floréal, an II (28 avril 1794), le conseil municipal de Saint-Pol publiait le décret prescrivant aux femmes qui avaient appartenu aux ci-devant communautés religieuses de faire le serment requis par la Convention.
La citoyenne Louise Prigent, ci-devant sœur du Tiers-Ordre de Saint-François, fut seule à s'y conformer.
Le 4 mai, la municipalité de Saint-Pol, informée qu'il existait des signes proscrits par la loi sur la chapelle dite « Paul » sur la route menant à Roscoff, ordonnait au citoyen Jacques Le Brun, chargé de la radiation des marques de royauté et de féodalité sur le ressort de la commune, de s'acquitter sans délai des obligations prescrites par son marché. Quinze jours après, il était de nouveau invité à enlever les vitres armoiriées, pouvant exister encore sur la ci-devant cathédrale.
Tous ces vitraux rappelaient des traits historiques ; c'étaient des sources où pouvaient puiser les historiens. Les vandales et les iconoclastes du XVIIIème siècle les ont fait disparaître. Mais qu'importaient à ces barbares ? Leur but unique c'était de faire table rase du passé [Note : Reg. 25. Fol. 3].
Le 1er prairial, an II (20 mai 1794), les citoyens Bonaissier, commissaire des guerres, Ceuillard et La Salle, officiers du 2ème bataillon de la Seine-Inférieure, Armand, Henrion, Richard, volontaires du dit bataillon, et Charles Bailleul, domicilié en la commune de Saint-Pol, se présentaient au conseil municipal, à l'effet de dénoncer le citoyen Yves Le Bihan, officier municipal, « pour avoir ce jour, après midi, dans la ci-devant église cathédrale, sur l'observation du dit citoyen Bonaissier qu'une crosse, rappelant l'ancien régime, devait être enlevée de tous les lieux désignés pour le rassemblement des républicains, répondu qu'elle devait être respectée, et même que le dit citoyen a répété deux fois ce propos ».
Le citoyen Lucas, chef du 2ème bataillon de la Seine-Inférieure, en garnison à Saint-Pol, se rendit aussitôt au comité de surveillance pour y dénoncer le citoyen Le Bihan.
Un réquisitoire de la municipalité enjoignit au poste le plus voisin de mettre un factionnaire à la porte du citoyen Le Bihan avec défense expresse de le laisser sortir jusqu'à nouvel ordre.
L'affaire fut déférée au Directoire du district de Morlaix qui répondit à la municipalité de Saint-Pol qu'il ne pouvait reconnaître un délit quelconque, après examen fait de la dénonciation, dans le propos tenu par le citoyen Le Bihan.
Signé : Verchin, André Rozec, etc.
Après la réception de la lettre du Directoire de Morlaix, le conseil de Saint-Pol fit lever la consigne qui concernait le citoyen Le Bihan au quel on doit la conservation de la crosse qui se voit au chœur de la cathédrale [Note : Reg. 25. Fol. 13, verso].
(abbé J. Tanguy).
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