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SAINT-POL-DE-LEON SOUS LA REVOLUTION (CHAPITRE 22).

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CHAPITRE XXII.

SOMMAIRE.

Dumay demande de nouveau le renvoi des Hospitalières. — Infâme réquisitoire du citoyen Deniel contre ces religieuses. — Installation des séculières. — Lâches et fausses accusations portées contre les Hospitalières par le misérable Deniel. — Destitution de Dreppe, professeur d'hydrographie. — Noble et généreuse conduite de Trobert, à ce sujet. — Demandes de poursuites contre les suspects par le citoyen Deniel. — Institution du comité de surveillance. — Le citoyen Dumay réclame les honoraires de messes que la municipalité ne lui a pas soldés. — Adjudication pour descendre les cloches. — Sur les ordres des représentants du peuple, résidant à Brest le misérable Deniel est destitué, à cause de son inconduite. — Taxe des Journées de travail. — Le conseil municipal consulte les représentants du peuple sur le remplacement de ses membres.

Dans le courant de septembre 1792, le citoyen Dumay, curé intrus de Saint-Pol, avait fait plusieurs démarches pour obtenir le renvoi des sœurs hospitalières de l’hospice de la ville. Le 30, le conseil général se réunissait et signifiait aux religieuses qu'elles eussent à évacuer l'hospice, le 4 octobre suivant. Mais, à la date de ce jour, un membre fit observer au conseil qu'il serait impossible de pourvoir si promptement au remplacement des sœurs et qu'il était de toute nécessité de s'entendre avec celles-ci et de les prier de rester encore six mois à l'hospice. La supérieure, après mûre réflexion, répondit aux conseillers qu'elles y resteraient.

Cette décision ne fut pas du goût du citoyen Dumay, et le maintien provisoire des religieuses hospitalières à Saint-Pol devint un perpétuel cauchemar pour ce renégat. Il ne cherchait qu'une occasion favorable d'exécuter son projet. En septembre 1793, de concert avec le citoyen Damey, officier au 106ème régiment de ligne, il revint à la charge. Députés, tous deux, à la société populaire de Saint-Pol, ils présentèrent une pétition pour demander le renvoi « des femmes connues sous le nom de Filles de Saint Thomas et chargées de la direction de l'hôpital ».

Le citoyen Deniel, l'infatigable dénonciateur, s'empressa de leur prêter son concours. Voici le violent réquisitoire, adressé au conseil, par ce farouche procureur de la Commune :

« Il est honteux qu'on n'ait pas encore expulsé de l'hôpital celles qui s'en prétendent les reines. Je dis honteux, c'est par oubli, parce que nos conseils généraux sont occupés de beaucoup d'affaires, ce qui a été cause qu'on n'a pas pensé à l'expulsion. Je veux vivre avec l'amitié de mes confrères, je leur observe qu'on doit dès ce jour même chasser de l'hôpital de cette ville des filles de Saint Thomas qui osent s'appeler dames ; des filles qui font très bonne chère, mais qu'elles ne partagent pas avec les pauvres ; des filles qui donnent une mauvaise éducation aux petits enfants ; qui devraient hanter l'église paroissiale.

En conséquence je requiers que les dites filles de Saint Thomas soient expulsées dès ce jour.

J'indique pour les remplacer les citoyennes veuve Martin dont les enfants sont aux frontières, la veuve Jac et sa fille aînée, sauf aux dites citoyennes d'agréer des subalternes ».

Ceci se passait le 10 septembre 1793.

Le conseil général, délibérant tant sur la pétition des députés de la société populaire que sur le réquisitoire du procureur de la Commune, nomme des commissaires pour descendre le jour suivant à l'hôpital, y faire le recensement des effets et expulser les filles de Saint Thomas [Note : Reg. 24 Fol. 165].

Les sœurs de la Charité furent mandées, le 11, au conseil et sommées de rendre des services aux malades pendant quelques jours ; elles refusèrent formellement. Quand les avanies se multiplient, la patience finit par se lasser.

Quatre jours après, le citoyen Dumay, chargé de recruter des citoyennes pour remplacer les sœurs de la Charité, présentait au conseil Marie-Perrine Beuscher, Thérèse-Paule Le Gros et Marie-Louise-Antoinette Boutet qui furent installées sur le champ.

Désormais l'Intrus pouvait dormir tranquille. Ce misérable n'avait du prêtre que le caractère sacerdotal.

Le lendemain de l'installation des citoyennes, ci-dessus nommées, le citoyen Berdelo, trésorier administrateur de l'hôpital, déclare ne pouvoir continuer ses fonctions et est remplacé par le citoyen Péréault [Note : Reg. 24 Fol. 168].

Le 17 septembre, le citoyen Déniel revient à la rescousse, — nouvelle dénonciation. Voici l'infâme réquisitoire qu'il lança au conseil, tenu ce jour ; c'est d'un fanatique, d'un énergumène.

« On a enfin expulsé de notre hôpital des filles qui étaient les souveraines, quant au temporel, et les ministres quant au spirituel. Avoir expulsé ces chiennes de la République, ça été bien faire. Ces serpents se sont glissés dans différents repaires de contre-révolutionnaires. Sans doute avant leur sortie, les fines et astucieuses tyrantes de l'hôpital se sont prémunies, soit de meubles, soit de papiers pour assouvir leur cupidité.

En conséquence, je requières que des commissaires descendent dans le jour dans le refuge de ces filles expulsées de l'hôpital de notre cité pour vérifier les effets et les papiers que les expulsées peuvent avoir en leur possession ».

Ce misérable était digne de figurer aux côtés de l'accusateur public du tribunal révolutionnaire de Paris. Quant au conseil municipal, il pouvait être fier d'avoir parmi ses membres un tel procureur dont il suivait toutes les volontés.

Le 18 août 1793, le conseil général de Saint-Pol, après avoir prononcé la destitution du citoyen Dreppe, comme professeur d'hydrographie, rapportait, ainsi que nous l'avons dit plus haut, son arrêté et le maintenait provisoirement. Mais le 30 septembre, considérant qu'un décret du 5 août de la Convention déclarait que « tout fonctionnaire public suspendu provisoirement ou destitué par une autorité supérieure pour cause d'incivisme ou comme suspect ne pouvait plus exercer les emplois qui exigeaient un certificat de civisme, la municipalité revenait sur sa décision et remplaçait dans l'école d'hydrographie le citoyen Dreppe par le citoyen Trobert, malgré la protestation de ce dernier. Trobert, en effet, et c'est à son honneur, n'accepta que pour échapper à une dénonciation dont le menaçait le conseil, en cas de refus. Il plaignait sincèrement le sort de l'ancien rofesseur, père de plusieurs enfants. Quant au malheureux Dreppe, le 4 novemore il fut d'abord incarcéré, comme suspect à Saint-Pol, de compagnie avec les citoyens Gélébart, Kerhorre, Coroller et Scouarnec, commissaires de casernes. Il fut ensuite conduit à Brest et comparut devant le tribunal révolutionnaire de cette ville qui l'acquitta, l'année suivante, le 14 prairial (3 juin). Il revint alors à Saint-Pol, et le 22 prairial, il déclara au conseil général son intention de rouvrir son école. Trobert se démit aussitôt de ses fonctions de professeur d'hydrographie pour laisser le champ libre au citoyen Dreppe qui, entre-temps, n'avait pas peu souffert.

Le 16 octobre 1793, le fameux procureur de la Commune, Deniel, dans la séance, tenue ce jour par le conseil municipal, exhale de nouveau sa bile. Il est bon que tous les faits et gestes de cet homme et de ses comparses soient connus.

Voici sa harangue de ce jour :

« Les circonstances actuelles exigent pour le salut de la Patrie la surveillance la plus scrupuleuse sur les individus suspects, je veux dire sur ces êtres de l'un et de l'autre sexe, ennemis de la Révolution, soit qu'ils manifestent ouvertement leurs opinions liberticides, soit qu'ils soient présumés agir à la sourdine.

Je requiers que par les citoyens municipaux il soit, d'un moment à l'autre, arrêté que des commissaires procèdent à la liste des personnes suspectes et que les personnes notées soient mises en état d'arrestation en la maison ci-devant dite de la Retraite.

J'interpelle le secrétaire greffier de soumettre mon présent réquisitoire au premier conseil municipal et de le communiquer aux citoyens Le Hir, Miorcec et autres surveillants ».

Ces ordres, nous aurons bientôt l'occasion de le voir, ne seront que trop fidèlement exécutés.

Le 30 octobre 1793, 6ème jour de la 1er décade du second mois de l'an II de la République française, une et indivisible, la municipalité de Saint-Pol procédait à l'élection du comité de surveillance.

L'église de Kreisker fut choisie pour la formation de ce comité :

Sont désignés, comme président, Pierre-Dominique Mézangeau, doyen d'âge ; comme secrétaire, le citoyen Claude Ménez, le plus jeune.

Ils sont renommés définitivement à la pluralité des voix.

Après lecture faite des lois des 18 et 21 mars, 12 août et 17 septembre prescrivant la formation d'un comité de surveillance dans chaque section ou commune, on procède à l'élection.

Sont élus à la pluralité des suffrages :
Membres, 12 :
1. Jean Loussaut : 4 voix.
2. Jean-Julien Le Roux : 49 voix.
3. Armand-René Péreault : 48 voix.
4. Jean-Pierre Sévézen : 45 voix.
5. Pierre.-Dominique Mezangeau : 42 voix.
6. Pierre Richard : 42 voix.
7. Philippe-Louis Miorcec : 39 voix.
8. Yves Le Bihan : 32 voix.
9. Henry-François Villeneufve : 30 voix.
10. Pierre Trobert : 30 voix.
11. Jean Le Pen : 25 voix.
12. Jean Pouliquen : 24 voix.

Suppléants, 6 :
1. Jean-Baptiste Le Bourguays : 22 voix.
2. Jean Morgant : 19 voix.
3. Etienne-Joseph Labbé : 19 voix.
4. Pierre-Marie Déniel : 17 voix.
5. Ollivier Grall : 17 voix.
6. Louis Allègre : 17 voix.

Ces citoyens, ayant été appelés pour faire connaître s'ils acceptaient, l'ont fait respectivement [Note : Reg. 23].

La Commune, paraît-il, ne payait pas régulièrement ses honoraires de messes au citoyen curé Dumay. Le 21 août 1793, il s'était présenté devant le conseil général pour réclamer les honoraires des messes qu'il avait acquittées, disait-il, cette année, tant pour l'abbaye des Trépassés que pour celles du Saint Sacrement et du Rosaire depuis le 30 mai 1791.

La question ayant été débattue par plusieurs membres du conseil, il fut décidé que les citoyens Bourguays et Villeneufve prendraient des renseignements à ce sujet [Note : Reg. 24. Fol. 153].

Nous avons eu l'occasion de l'observer dans le cours de ce travail ; au sein du conseil municipal, la question de se défaire des cloches de la paroisse avait été agitée plus d'une fois. Dans la séance tenue le 8 frimaire, an 2 (28 novembre 1793), le conseil général arrêta qu'il serait procédé à l'adjudication au rabais pour descendre :

1° Les cloches de la paroisse nommées le « Paul, le Louis, celle dite de la messe, et deux autres cloches moyennes, faisant partie de la sonnerie de la cy-devant cathédrale ;
« 2° Les deux cloches de Saint-Pierre et celle de Creisker ».

Ces cloches devaient être rendues intactes à Morlaix, et au préalable on devait fournir caution.

Cinq citoyens se présentèrent pour soumissionner :

Le citoyen Jean Morgant, pour la somme de. 2.000 livres.
— Souvestre, de Morlaix : 1.800 livres.
— Jean Pouliquen, de Saint-Pol : 1.700 livres.
— Souvestre : 1650 livres.
— Morgant : 1.600 livres.
— Souvestre : 1.500 livres.
— Salaün : 1.400 livres.
— Souvestre : 1.380 livres.
— Morgant : 1.360 livres.
— Nicolas Le Roux, de Saint-Pol : 1.350 livres.
— Pouliquen : 1.300 livres.
— Souvestre : 1.280 livres.
— Morgant : 1.200 livres.
— Souvestre : 1.150 livres.
— Pouliquen : 1.140 livres.
— Souvestre : 1.130 livres.
— Morgant : 1.050 livres.
— Souvestre : 1.025 livres.
— Morgant : 1.020 livres.

Personne n'ayant proposé de soumettre à une somme inférieure, le citoyen Morgant resta adjudicataire, moyennant la somme précitée de 1,020 livres, ainsi reparties : 300 livres avant de commencer l'entreprise ; 300 après la descente des cloches, et le surplus, lorsqu'elles seraient parvenues à Morlaix. [Note : Reg. 26. Fol. 7 verso, 8 recto].

La conduite du farouche citoyen Deniel laissait, paraît-il, beaucoup à désirer. Cela ressort de la décision prise le 9 décembre 1793 par la commission de recherche et de salut public, établie par les représentants du peuple : « Considérant que l'intérêt général ne peut être bien placé entre les mains d’un homme qui tous les jours par son yvresse porte le trouble dans les fonctions les plus importantes, la Commission arrête que le citoyen Deniel, procureur de la Commune de Saint-Pol, est, et demeure destitué de ses fonctions ».

C'est une honte pour la municipalité de Saint-Pol d'avoir si longtemps gardé dans son sein ce misérable qui traitait de chiennes les sœurs de l'hôpital.

Le lendemain, 10 décembre, le citoyen Bourguays était élu procureur de la Commune, et le citoyen Ménez le remplaçait à la municipalité.

Le même jour, pour se conformer à la loi du 29 septembre 1793, la municipalité prenait un arrêté, établissant, ainsi qu'il suit, la taxe des journées et prix respectifs des salaires d’ouvriers :

La journée d'un menuisier, à : 2 livres 5 sols.
it. d'un compagnon, à : 1 livre 10 sols.
it. d'un couvreur, à : 2 livres 5 sols.
it. d'un darbareur, à : 1 livre 10 sols.
it. d'un maçon, à : 2 livres 5 sols.
it. d'un darbareur, à : 1 livre 10 sols.
it. d'un jardinier, à : 1 livre 10 sols.
it. d'un tailleur de ville, à : 12 sols. (*)
it. d'un tailleur de campagne, à : 9 sols.
it. d'une tailleuse de ville, à : 9 sols. (*)
it. d'une tailleuse de campagne, à : 6 sols. (*)
it. d'une buandière, à : 9 sols. (*)
it. d'une repasseuse, à : 9 sols. (*)
it. d'une lingère, à : 9 sols. (*)
it. d'un journalier, hiver, à : 9 sols. (*)
it. d'un journalier, été, à : 1 livre 4 sols. (*)
it. d'un charron : 1 livre 2 sols.
it. d'un charpentier : 2 livres 5 sols.
it. d'un compagnon : 1 livre 10 sols.
it. d'un fendeur de bois : 1 livre 16 sols.
it. d'un charretier pour Morlaix : 10 livres.
it. — pour Landivisiau : 10 livres.
it. — pour Plouescat : 10 livres.
it. — pour Lesneven : 15 livres.
it. — pour Roscoff : 3 livres.
it. d'un cheval avec selle : 2 livres 5 sols.
it. d'un homme et un cheval : 4 livres 10 sols.

(*) Nourris quand ils sont requis à la maison.

Comme le conseil municipal de Saint-Pol ne savait que faire pour se recruter régulièrement, il crut devoir exposer ses difficultés aux commissaires de la Convention, qui se trouvaient en mission à Brest. Voici dans quels termes il leur écrivit le 26 décembre :

« Les officiers municipaux de Saint-Pol, pénétrés du plus vif attachement pour la sainte Constitution, et animés du zèle le plus pur pour l'exécution des lois, exposent aux représentants du peuple à Brest qu'ils se trouvent dans le plus grand embarras pour le remplacement des membres qui sont forcés, en vertu de la loi, d'opter entre leurs places d’officiers publics et celles de municipaux.

La ville de Saint-Pol a eu, depuis le commencement de la Révolution, des récalcitrants dans son sein, mais ces individus ont heureusement purgé le territoire de leur présence.

Le petit nombre de patriotes qui a toujours lutté contre la tyrannie se partage en deux classes : la première, qui a des connaissances morales, occupe les administrations ; la seconde, dans les bons principes, mais sachant à peine signer.

Voici le tableau des citoyens, dignes de fixer l'attention des représentants du peuple :

Trobert, maire, professeur de physique au collège, membre du comité de surseillance, payé par la Nation.

Le Bourguays, procureur de la Commune, professeur de 4ème au collège, aussi payé par la Nation.

Ces deux citoyens, n'ayant point d'écoliers, ont donné, depuis deux ans qu'ils sont à Saint-Pol, tout leur temps à l'administration.

Villeneufve, assesseur du juge de paix, officier municipal et membre du comité de surveillance.

Le Roux, qui remplit les mêmes fonctions que le précédent.

Le Bihan, id.

Le Hir, directeur des postes et officier municipal.

Notables :
Guillaume, juge de paix et notaire.

Chambonneau, chirurgien-major de l'hôpital.

Bolloré, assesseur du juge de paix.

Berdelo, canonnier en exercice, payé par la Nation ».

Trois jours après, le 29 décembre 1793 (9 nivôse, an 2), le conseil général fait procéder à l'adjudication au rabais du marché pour faire disparaître sans délai toutes les armoiries, fleurs de lys et autres emblèmes du despotisme existant sur les maisons religieuses de l'arrondissement de la commune. Sept se présentent. Le premier demande 9,000 livres. Le citoyen Jacques Le Brun, maçon de Saint-Pol, venant en dernier lieu, met 2,296 livres et reste adjudicataire. Il désigne pour sa caution le citoyen Nicolas Le Roux, entre- preneur [Note : Reg. 26. Fol. 27].

(abbé J. Tanguy).

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