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SAINT-POL-DE-LEON SOUS LA REVOLUTION (CHAPITRE 20).

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CHAPITRE XX.

SOMMAIRE.

Elargissement des otages des paroisses insurgées. — Touchante supplique des Ursulines à la municipalité. — Odieuse réponse du citoyen Déniel, procureur de la Commune. — Réorganisation de la municipalité. — Dénonciation multipliées et ridicules faites par le citoyen Déniel. — Chute des Girondins. — Protestation du district de Brest. — Reproches adressés à la Convention par le Département. — Formation d'un comité central à Rennes pour se défendre contre la tyrannie de la Convention. — Réserve de la municipalité de Saint-Pol.

Le 8 avril 1793, les décrets de la Convention nationale relatifs à Louis Capet furent enregistrés à Saint-Pol. Quatre jours après, les otages des paroisses insurgées sont mis en liberté, après avoir toutefois promis de reconnaître la République, d'en suivre les lois, de recommander dans leurs paroisses la paix et la tranquillité, de ne jamais prendre part à aucune insurrection et de dénoncer tout individu qui tenterait de semer des propos ou de commettre des faits séditieux.

Signèrent sur le registre : Henry Milin, Claude Roualec, François Cousquer, François Ollivier, de Plougoulm.

René Bastard, Paul Pennors, François Guillou, Jérôme Riou, de Cléder.

Jacques Mével, François Moal, Yves Quivijer, Vincent Floch. — Hervé Péron, Henry Quivijer, François Bian, Nicolas-François Stéphan.

La supérieure et la procureuse des ci-devant religieuses Ursulines, la mère Saint-Pierre et la sœur Cœur de Jésus, adressèrent le 17 avril une touchante supplique à la municipalité, la priant de vouloir bien les autoriser à séjourner à Saint-Pol, à cause de leurs parents qui y demeuraient et de défaut de secours ailleurs. Le gouvernement en effet ne leur payait pas la pension qu'il leur avait allouée. Autant eut-il valu à ces pauvres religieuses s'adresser à des rochers. Est-ce que leurs persécuteurs connaissaient ni la pitié ni la justice ? Le procureur de la Commune, le grotesque citoyen Déniel, ne se contenta pas de rejeter leur pétition, il requit en outre leur sortie d'une cité où elles ne pouvaient que perpétuer leurs pernicieuses doctrines et l'examen de leurs papiers.

Le juge de paix fut invité à descendre le même jour avec les citoyens Le Roux et Le Bihan chez ces religieuses à l'effet de procéder à cet examen. A la suite de cette inquisition, le citoyen procureur conclut « qu'il était indubitable que la Du Goasmoal, dite sœur Saint-Pierre, ci-devant supérieure des Ursulines, et la Pirivin, dite Cœur de Jésus, procureuse, s'étaient conservé dans le monde, malgré la dissolution de la communauté la supériorité qu'elles avaient dans ce monastère ». Ne fallait-il pas mettre ordre à de telles prétentions ? Ce n'était pas tolérable. Aussi bien, le citoyen Déniel requit que « ces impératrices illégales et dangereuses fussent au plus tôt expulsées de la ville » [Note : Reg. 24. Fol. 87].

Le conseil municipal arrête également que Roulloin, fils, que les soupçons les plus violents désignent depuis longtemps pour être prêtre, soit conduit par deux gendarmes à Morlaix pour y rester en état d'arrestation et que les scellés seront mis sur ses papiers. Interrogé à Morlaix, M. Roulloin est conduit au château du Taureau pour y rester en détention [Note : Reg. 24. Fol. 92].

Le 28 avril, une pétition réclamait l'élargissement du citoyen Peychaud, détenu à Morlaix comme suspect. Le conseil général demanda que la femme Peychaud, connue pour ses relations suspectes, soit incarcérée au lieu et place de son mari. Mais trois jours après, il se ravise ; il rapporte son arrêt du 28 avril et se prononce pour la réclusion des deux jusqu'à plus ample informé [Note : Reg. 24. Fol. 98].

Le district de Morlaix avait mis quelques personnes de marque sous la surveillance de la municipalité. Tous ces individus furent assujettis à un appel par jour. Bientôt, nous aurons occasion de le constater, ils seront soumis à un régime autrement sévère. Les prisons ne suffiront pas à contenir les suspects ; il faudra recourir à la déportation et à la guillotine.

Le 10 mai 1793, le 77ème régiment en garnison à Saint-Pol, recevait l'ordre de se tenir prêt à partir pour Landerneau. La vaillante municipalité en fut atterrée. Aussi bien s'empressa-t-elle de réclamer le maintien de la troupe. Des avis secrets n'avaient-ils pas annoncé que la ville devait de nouveau être attaquée vers le 22 par les brigands. Il ne fallait pas dédaigner ces avis, lesquels, s'ils n'étaient pas certains, étaient au moins très fondés. Au surplus, comment laisser Saint-Pol sans garnison, vu le dépôt dangereux de détenus qu'on était à la veille d'y installer ?

Ces appels à la force armée, renouvelés si fréquemment, témoignent de la peur qu'éprouvaient ceux qui détenaient le pouvoir à Saint-Pol. La masse de la population n'était point avec eux ; ils le sentaient bien, et ils ne cessaient d'être sur le qui-vive. Nous avons déjà vu qu'à la suite de l'insurrection du 19 mars, les citoyens Prudhomme-Keraugon, Dreppe et Le Floch avaient été suspendus par les commissaires de la Convention. Le 22 mai, le conseil général, désirant réorganiser la municipalité, demandait au Département de les réintégrer dans leurs fonctions ou bien de reconnaître comme officiers municipaux les notables qui avaient pris place au conseil municipal. Il était urgent, ajoutait le conseil général, de donner un chef à l'administration ; « pour faire aller la machine, on avait besoin d'une autorité qui ne pût être disputée par personne ».

Le citoyen Déniel, procureur de la Commune, avait l'œil à tout. Il multipliait et les dénonciations et les réquisitoires ; rien n'échappait à sa vigilance. La manière de sonner une cloche à l'arrivée du courrier, porteur de dépêches, la vue d'un écusson, échappé à la destruction, le mettait sans dessus dessous. Vite, il y mettait ordre afin de sauvegarder la République.

Le 28 mai, il dénonçait au conseil le citoyen « François Derrien dit Kermenguy » qui se glorifiait dans le passé du faux titre de « Rosland », parce qu'il avait refusé d'accepter les fonctions de commissaire aux casernes. « Je crois, ajoutait-il, qu'il doit être un des premiers destinés à être internés à la Retraite (convertie en prison) ou au château du Taureau. En espérant la perfection du mur destiné pour reclure les bons amis de la République, je le dénonce au bureau municipal que je charge de faire partir, au plus tôt, copie de mon présent réquisitoire au district et au Département ».

« Je dénonce encore au bureau municipal, avec prière d'agir, une femme du Laz, ci-devant soit prétendue comtesse ; je la dénonce, parce que, tandis qu'on vend les biens de son mari émigré, elle ne cesse de crier qu'elle ne connaît ni la nation ni la République. Je crois qu'elle mérite la distinction d'accompagner Monsieur le Chevalier, son parent ».

Le 31, nouveau réquisitoire du citoyen Déniel. « Je remarque, dit-il, dans la façade de notre local, particulièrement dans l'escalier, des objets qui blessent ma vue (le citoyen procureur avait en effet la vue si tendre !). Les uns consistent en fleurs de lys, armoiries du ci-devant roi, les autres sont des fusées ou bourdons, armoiries de feu La Bourdonnaye, évêque de Léon (Mgr de La Bourdonnaye, mort en 1745 et inhumé à Brest).

Je requiers que ces objets scandaleux soient dès ce moment proscrits et au plus tôt enlevés de la place que l'humilité sacerdotale ne devait pas leur destiner.

Je pense que notre armurier fera l'opération pourvu qu'on lui laisse pour salaire la propriété de l'indigne matière extraite ».

Avec un tel procureur, la commune de Saint-Pol n'a nullement à craindre que ses intérêts soient négligés, bien moins encore sacrifiés.

Mais, poursuivons nos citations. Elles sont de nature à dérider les fronts les plus soucieux.

Ce même jour, 31 mai, le procureur Déniel faisait au conseil l'observation suivante :

« Notre déplacement d'une maison, sise au bas du Portzmeur, et notre résidence actuelle dans un palais profané par un émigré, doivent être constatés par un écriteau patefiché à la porte cochère. Nous en avons un qui en lettres d'or annonce ces mots : « Maison commune de Saint-Pol-de-Léon ».

Je requiers que cet écriteau soit colloqué dans le lieu que j'indique et que les fleurs de lys soient remplacées par une peinture de l'arbre de la Liberté, ce qui remplira le vuyde de l'escu armorial ».

Autre remarque judicieuse et piquante faite encore, le 31 mai, par le citoyen Déniel. Cet homme n'avait vraiment pas son pareil.

« Les cloches doivent être placées uniquement dans le clocher d'un temple et pour annoncer aux fidèles chrétiens que le service divin va commencer, qu'il convient d'entrer dans la maison de l'Etre Suprême pour le remercier de ses bontés et le supplier de vouloir bien accorder aux pécheurs miséricorde.

A 9 heures, avant midi, à 2 heures du soir, une cloche verte est mise en branle journellement. Est-ce pour annoncer au peuple : ceci remplace le citoyen chantre ? Ma cloche annonce que je célèbre deux offices par jour : du matin, c'est la grand'messe ; dans l'après dîner viennent les vêpres.

Je requiers que cette cloche Dreppique soit extraite de sa place. Le son de nôtre cloche » Le Jacques » annonce l'heure à tout le public et par conséquent aux élèves de Dreppe.

Je prie le bureau municipal de prendre en considération ce que je viens d'exposer ».

A Paris, les Girondins et les Montagnards se disputaient le pouvoir. On pouvait conjecturer facilement le quel des deux partis sortirait victorieux de la lutte. Dans les révolutions, ce sont les plus audacieux qui triomphent toujours. L'institution du tribunal révolutionnaire, la création du Comité du Salut public, œuvre des Jacobins, devinrent pour le parti de la Montagne un point d'appui contre la Gironde. Le 31 mai et le 2 juin, la Convention fut envahie par une multitude armée de piques et traînant des canons, demandant l'arrestation de 22 députés et celle des membres de la Commission des Douze, créée pour contenir les terroristes et entièrement composée de Girondins. Quelques-uns de ces députés, décrétés d'arrestation, restèrent prisonniers, quoiqu’ils pussent se soustraire à la vigilance de leurs gardiens. Vergniaud, Gensonné, Guadet, Valazé furent de ce nombre. Plusieurs s'évadèrent de Paris pour organiser dans les provinces un soulèvement contre la capitale. Et de fait, la Convention n'était plus libre. Les Jacobins en étaient les maîtres.

Les événements du 31 mai et du 2 juin furent néanmoins généralement désapprouvés dans les provinces et surtout dans les départements de l'Ouest. A Brest, le district et la municipalité protestèrent hautement contre ce qui s'était passé à Paris. Les administrateurs du Finistère s'étaient prononcés dans le même sens. Dans une séance tenue le 30 mai, le conseil municipal de Saint-Pol transcrivait sur le registre de ses délibérations les résolutions prises par les administrateurs. Nous les reproduisons ici.

Dans la séance du conseil général du Finistère, présidée par le citoyen Le Denmat, un membre a fait le tableau des dangers de la Patrie et des nouvelles trames ourdies contre la souveraineté du peuple dans la personne de ses représentants, et la discussion s'est formée sur les diverses propositions faites comme étant les plus efficaces et les plus propres à sauver la chose publique.

Le procureur syndic entendu,
Le conseil considérant que les représentants du peuple, en mettant, par leur décret du 24 mai, la fortune publique, la Représentation nationale et la ville de Paris sous la sauvegarde des bons citoyens, annoncent le danger pressant qui menacent ces précieux dépôts et l'impuissance dans laquelle se trouve la saine portion des habitants de cette ville de les défendre contre les complots sans cesse renaissants des ennemis de la République,

Considérant que ce décret est un véritable appel à tous les Français et impose à tous les bons citoyens d'y obéir,

Considérant que le mal aurait fait des progrès moins rapides et moins alarmants si les départements eussent montré plus tôt l'énergie qui convient à celle de leurs sentiments et à la prépondérance qui leur appartient dans la balance du système politique,

Considérant qu'il est plus que temps de balayer la terre de la liberté de cette minorité impure qui, par la réunion de tous les crimes, prétend dicter des lois au peuple souverain, asservir ses représentants les plus fidèles et dissoudre à la fois la Convention et la République,

Arrête ce qui suit :

Art. 1er. — Il sera sur le champ organisée une force armée composée de citoyens de choix de ce département, dont le nomhre est porté provisoirement à 400, à l'effet de se rendre incessamment à Paris pour y protéger la sûreté de la Convention et celle des personnes, des propriétés et de la fortune publique.

Art. 2. — Il sera ouvert dans tous les districts un registre pour y recevoir les inscriptions des citoyens qui désireront faire partie de cette force armée.

Art. 3. — Le rassemblement aura lieu au chef-lieu du département.

Art. 4. — Les citoyens, ayant des uniformes, sont invités et même requis de les porter à l'administration de leur district, et la valeur leur en sera payée après estimation et conformément au décret du 24 février 1793.

Art. 5. — Les moyens ultérieurs d'exécution seront déterminés par des commissaires et soumis à l'approbation du conseil.

Art. 6. — Deux députés, pris hors du conseil, seront nommés pour communiquer la présente mesure aux départements voisins.

Art. 7. — Le présent arrêté sur le champ aux neuf districts. Signé : pour le président : Le Baron (Baron-Boisjaffray), le secrétaire général : Aymez.

Le 2 juin, l'administration départementale prenait de nouvelles mesures pour sauvegarder la liberté de la Convention.

La lecture des feuilles publiques, était-il dit dans cette réunion, et des correspondances particulières ayant de plus en plus convaincu le conseil général du Département du péril imminent qui menace la Convention nationale et la fortune publique, et l'impérieuse nécessité d'apporter à leurs dangers un grand et prompt remède, le conseil, ajoutant aux dispositions de son arrêté du 29 mai dernier,

Considérant que si, par sa position locale, le Finistère est un des départements les plus éloignés du danger, il est de la gloire et du civisme énergique qui caractérise ses habitants d'être le premier prêt pour concourir avec ses frères au salut de la République,

Arrête :

Art. 1er. — La force départementale est portée à 600 hommes.

Art. 2. — Le contingent des districts est fixé, ainsi qu'il suit :

Carhaix, Châteauneuf et Huelgoat fourniront : 46 hommes.
Quimper, Rosporden, Pont-l'Abbé et Concarneau : 90 hommes.
Landerneau, Landivisiau et Le Faou : 74 hommes.
Châteaulin : 16 hommes.
Lesneven : 20 hommes.
Pont-Croix, Douarnenez et Audierne : 21 hommes.
Morlaix, Saint-Pol, Guerlesquin, Roscoff et Lanmeur : 104 hommes.
Brest et Saint-Renan : 200 hommes.
Quimperlé et Pont-Aven : 29 hommes.

Art. 3. — Chaque district fournira son contingent sous quatre jours à compter de l'époque de l'arrivée du courrier que leur dépêche l'administration supérieure.

Art. 4. — Le contingent sera fourni par la voie des enrôlements, des inscriptions volontaires, et en cas d'insuffisance par la voie de réquisition [Note : Voir Levot, Histoire de Brest pendant la Terreur pp. 87, 299, 320. Et Reg. 24. Fol. 108].

La Montagne, devenue victorieuse, répondit à cette protestation par un coup de hache.

Le 5 juin, le conseil municipal de Saint-Pol procéda à la publication de l'arrêté du Département et invita les jeunes gens à venir se faire inscrire pour la levée.

Personne ne se présenta pour l'inscription volontaire.

Il n'y a pas lieu d'en être surpris. Une poignée de fanatiques, avec les Pères conscrits de Saint-Pol, étaient les tenants du régime d'alors.

Le bureau municipal décida que le contingent de la commune, fixé à 20 hommes, serait désigné par la voie du scrutin.

Le résultat du scrutin proclamé, désigna pour former le contingent les citoyens : René Keroullé, Charles Pape, Joseph Cloarec, Michel Le Gall, Claude Talabardon, Jean Caro, Maurice Le Roux, Augustin Salaün, Emilien Poulpiquet-Brescanvel, François Combot, François Saillour, Louis-Marie Poulpiquet-Kermen, Pierre Caro, François Caro, François Corre, Mathurin Guillerm, Ambroise Deshayes, Alain Map, Yves Prigent et Guillaume Cam.

En cas d'empêchement légitime de quelques-uns des citoyens cy-dessus dénommés, les citoyens Jean Coz, Yves Malgorn, Paul Kerbiriou et Jean-Marie Le Lann sont désignés pour les remplacements forcés. Le conseil arrête au surplus que la présente liste sera publiée et affichée sur le champ.

Signé : Goëz, faisant les fonctions de maire, Lafitte, J.-M. Perrin, Le Bihan, adjoint, Déniel, procureur de la Commune.

Nous avons vu que M. de Kermenguy de Rosland, sur le réquisitoire du citoyen Déniel, procureur de la Commune, avait été mis sous la surveillance de la municipalité. Le 6 juin, il sollicitait la permission de s'absenter de Saint-Pol pour deux jours, pour affaires particulières et urgentes. La municipalité refusa de prendre en considération sa demande. Deux députés du Finistère, Gomaire et Kervélégan, à la suite des événements du 31 mai et du 2 juin, avaient partagé le sort des Girondins. Dans une délibération prise le 7 juin, les conseils généraux du département, du district et de la commune de Quimper arrêtèrent l'envoi à Paris d'un courrier extraordinaire auquel il serait remis une somme de 2,400 livres pour ses frais de voyage et une lettre de crédit de 4 à 5,000 livres.

Le même jour, les administrateurs publièrent deux adresses qui, tirées à mille exemplaires, furent envoyées dans tous les départements. Dans la première, ils disaient à la Convention qu'elle avait lâchement violé la liberté d'un grand nombre de ses membres ; qu'ils lui demandaient justice de cet attentat à la souveraineté du peuple qui avait le droit et le pouvoir de s'en venger. Dans l'autre adresse, ils disaient au Département et à la Commune de Paris : « Vingt-sept représentants du peuple sont dans les fers. — Leurs vertus, leurs lumières leur ont acquis notre confiance, et ils méritaient la vôtre. Deux de ces honorables victimes, Gomaire et Kervélégan, sont du Finistère. Nous répondons à la République de leur innocence ; vous nous répondez de leur sûreté. Empêchez un crime de plus, ou craignez la prophétie d'Isnard ».

Trois jours après, un comité central était institué à Rennes pour arrêter les mesures les plus propres à se défendre contre la tyrannie de la Convention et plusieurs autres départements, en dehors de la Bretagne, furent invités à s'unir, dans le même but, aux administrateurs du Finistère [Note : Levot, Brest pendant la Terreur, pp. 295-304. Reg. 24. Fol. 108].

La municipalité de Saint-Pol affecta, dans la circonstance, la plus grande réserve. Prévoyait-elle l'issue de la lutte engagée entre la Gironde et la Montagne, et redoutait-elle d'en subir le contre-coup ? Il se peut. Sur les 104 hommes que Morlaix, Saint-Pol, Guerlesquin, Roscoff et Lanmeur devaient fournir pour aller à Paris sauvegarder la liberté de la Convention, Saint-Pol équipa seulement trois hommes qui se rendirent à Morlaix, le 9 juin 1793.

Comme la municipalité de Saint-Pol demandait au district des instructions sur le mode de réquisition des uniformes, les citoyens Riou, Beuscher, Sylvestre Denis, Bandier, Lancien et Saillour, membres du district de Morlaix, répondirent au bureau municipal qu'il n'était plus temps de délibérer. Il fallait agir et se conformer à l'arrêté du Département. La Patrie appelait de toutes parts les enfants dociles à sa voix pour la défendre. Il fallait se hâter et montrer aux ennemis que la volonté immuable des Français républicains était la règle de la Liberté et de l'Egalité.

Le citoyen Louis-Lucien Roujoux, accusateur public près le tribunal criminel du Finistère et ancien député à l'Assemblée législative, avait été l'un des dix députés, choisis par l'administration départementale, pour se rendre à Paris réclamer de la Convention l'entière inviolabilité des citoyens Gomaire et Kervélégan ainsi que des autres membres de la Convention, constitués en état d'arrestation [Note : Gomaire (Jean-René), député du Finistère et vicaire général d'Expilly, fut mis en liberté, après avoir fait amende honorable dans l'écrit qu'il avait publié le 15 août 1793, sous ce titre : « Suis je assez puni ? Ai-je mérité de l’être ? »].

Le 15 juin, sur sa demande, les administrateurs du Département invitaient les grandes communes à envoyer des députés au comité central de Rennes. Ces députés devaient se charger des adhésions des petites communes. Trois jours après, le district de Morlaix, pour se conformer à la lettre du citoyen Roujoux, priait la municipalité de Saint-Pol d'envoyer son adhésion au député du district.

Ces mesures causèrent bientôt la perte de leurs auteurs.

(abbé J. Tanguy).

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