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SAINT-POL-DE-LEON SOUS LA REVOLUTION (CHAPITRE 18).

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CHAPITRE XVIII.

SOMMAIRE.

Saisie des registres de la cathédrale. — Brouille entre Dumay et la municipalité. — Le district de Morlaix le protège. — Bris des statues du cimetière de Saint-Pierre. — Expulsion des religieuses de la Retraite. — Etrange panique qu'inspire à la municipalité Mgr de La Marche. — Elle demande qu'on arme sérieusement les côtes. — Corsaire français poursuivi par des vaisseaux anglais. — Il sort bravement du chenal de Roscoff.

A Saint-Pol, une scène n'est pas plus tôt terminée qu'elle est suivie d'une autre.

Afin de se conformer à l'article 1er du titre VI de la loi du 20 septembre 1792, le citoyen Le Bihan, premier officier municipal, se rend, le 19 novembre, à la sacristie de l'église paroissiale pour faire l'inventaire des registres de l'état-civil, les clore et les faire transporter à la maison commune. Il se fait accompagner des citoyens Dreppe et Le Roux, officiers municipaux, désignés pour recevoir désormais les déclarations de naissances, mariages et décès.

Voici ce qui se passa, à cette occasion ; nous copions textuellement le registre de la commune.

« Après avoir notifié au citoyen Dumay la loi qu'on allait faire exécuter, le dit citoyen Dumay s'est oublié au point d'accabler d'injures le citoyen Dreppe, le traitant à diverses fois de gueux, de coquin, de lui donner plusieurs démentis, d'arracher plusieurs fois des mains du secrétaire greffier le papier sur lequel les membres de la municipalité ordonnaient au dit greffier de dresser le procès-verbal de la conduite du sieur Dumay.

Sur l'observation à lui faite de respecter l’écharpe municipale, il a renouvelé ses injures de la manière la plus scandaleuse, au point d'être entendu de la multitude que ses cris avaient attirée dans l'église et sous les fenêtres.

La municipalité mande à sa barre le citoyen Dumay et envoie un procès-verbal de la scène au Directoire du district ».

L'Intrus ne se présenta pas.

Le 3 décembre, les administrateurs du district de Morlaix, lesquels, paraît-il, semblaient patroner le citoyen Dumay, chargeaient le maire de Saint-Pol de concilier ce dernier avec la municipalité. Mais l'Intrus se refusa à tout accommodement.

Dans le courant de décembre, des malveillants brisèrent dans le cimetière de Saint-Pierre les figures représentant les stations du Calvaire. Le citoyen Péréault, receveur de la Commune, dénonça au juge de paix cet acte de vandalisme et requit contre les coupables l'application des peines portées par la loi. Le conseil fit afficher en outre une proclamation pour rappeler aux citoyens le respect qu'ils devaient aux lois protectrices et à la liberté des cultes [Note : Notice sur Saint-Pol, par M. de Courcy].

Le conseil général fut renouvelé à la même époque. Furent élus dans les Assemblées primaires des 9, 12 et 30 décembre :

Maire : le citoyen Prud'homme-Keraugon.

Officiers municipaux : les citoyens Conversy, Goëz, Perrin, Le Floch, Dreppe, Rageul, Péron.

Procureur de la Commune : le citoyen Déniel.

Notables : les citoyens Le Roux, Guillaume Corre, Jean Peychaud, Pierre Le Hir, Léonard Chambonneau, Vincent Berdelo, Joseph-Marie Guillaume, Jacques Guiader, Hervé-Marie Figuières, Claude Le Bot, François Le Guével, Claude Ménez, Joan-Baptiste Bourguays, Pierre Lafitte, Louis Bolloré, Pierre Richard. Ces trois derniers remplacèrent les citoyens Pondaven, Miorcec et Coustou qui avaient donné leur démission.

L'installation se fit le 31 décembre et tous prêtèrent serment [Note : Reg. 24. Fol. 30].

Nous avons vu, lors de la remise des registres de l'église à la municipalité le 19 novembre, de quelle façon furent accueillis par le curé Dumay les membres du conseil qui vinrent réclamer ces registres. Le conseil municipal s'en plaignit au Directoire du district de Morlaix, lequel ne prit aucune mesure contre l'Intrus. La nouvelle municipalité, installée le 31 décembre, crut devoir renvoyer l'affaire, le 7 janvier 1793, devant le Département, espérant qu'à Quimper le citoyen Dumay serait certainement condamné. Mais c'est tout le contraire qui arriva, car le 13 janvier, l'administration supérieure donna raison à l'Intrus.

Un arrêté du département du Finistère, du 10 janvier 1793, ordonnait aux religieuses de la Retraite d'évacuer leur maison, destinée à servir d'atelier de charité. Le 28 janvier, le district de Morlaix enjoignait à la municipalité de Saint-Pol de prendre les mesures nécessaires pour l'exécution de l'arrêté du Département. Les citoyens Conversy et Le Floch, membres du conseil municipal, se rendirent en conséquence, le 31 janvier, à 3 heures de relevée, à la Retraite, pour y procéder à l'inventaire prescrit par la loi du 18 août 1792 et notifier aux citoyennes de la dite Retraite l'ordre de quitter leur maison après la clôture de l'inventaire. Au moment de leur expulsion, ces religieuses étaient au nombre de huit, savoir :

Marie-Anne Mathézou.
Marie-Josèphe-Renée Mathézou.
Marie-Charlotte Mathézou.
Pétronille-Yvonne Kerguélen.
Marguerite-Guillemette Kerguélen.
Michelle-Gabrielle Duplessix.
Françoise-Jeanne Nouël.
Marie-Reine Gilart.

Le 1er février, les commissaires précités déposèrent à la municipalité le procès-verbal et l'inventaire commencés la veille et terminés le matin de ce même jour. Ils déclarèrent aux conseillers que les religieuses demandaient à être autorisées à emporter avec elles les effets faisant partie de leurs chambres et détaillés dans l'inventaire. Le conseil municipal, ouï le procureur de la Commune, fit droit à leur demande, conformément à l'article 15 du titre V de la loi du 18 août 1792, et approuva la nomination faite par les commissaires d'un gardien provisoire à la maison de la Retraite [Note : Reg. 23. Fol. 82].

Le 20 février, le citoyen J.-M. Perrin se démet de ses fonctions d'officier municipal, ne pouvant rester plus longtemps membre du corps municipal, dans l'état actuel des choses.

Le lendemain, les citoyens Le Bot, Le Boulch, Le Pen, Delaporte, Miorcec, Le Joyeux et Péréault présentèrent au conseil général une pétition tendant à l'échange des cloches contre la monnaie de bronze. Le conseil décida qu'on échangerait la grosse cloche nommée Le Paul ; qu'on supprimerait aussi celles de Saint-Pierre et qu'on conserverait les autres cloches de la paroisse.

Monseigneur de La Marche, quoique éloigné du pays, ne cessait de causer les plus vives frayeurs aux braves municipaux de Saint-Pol. Le 24 février 1793, le conseil général adressa aux commissaires de la Convention nationale à Brest le mémoire suivant pour demander l'armement des côtes. Nous reproduisons intégralement ce mémoire qu'on lira, croyons-nous, avec intérêt, parce qu'il fait connaître l'état des esprits, à Saint-Pol, à cette époque :

« Citoyens commissaires législateurs,
Les inquiétudes de nos concitoyens patriotes sur les circonstances actuelles, la surveillance que la loi nous impose et surtout le zèle que nous inspire l'amour de la Patrie nous font un devoir de mettre sous vos yeux la situation politique de nos cantons.

Nous n'abuserons point du temps précieux que vous consacrez à la chose publique par le fastueux étalage de compliments qui, quelqu'ils fussent, seraient, à coup sur, au dessous de la majesté de votre caractère. Dire que vous êtes revêtus de la confiance des représentants de la nation, c'est dire que vos talents et votre probité sont au niveau des fonctions les plus importantes qu'un peuple libre puisse confier à des individus, et c'est tout dire en fait d'éloges mérités.

Persuadés d'après cela que vous ne négligerez aucun des moyens propres à remplir le but de vos travaux, nous vous transmettons nos besoins et nos vœux dans les formes les plus étroites que nous croyons pouvoir leur assigner.

Il est iniportant, citoyens commissaires législateurs, de vous faire d'abord connaître que nos craintes pour nos côtes ne sont pas sans fondement. Car pour avoir bonne grâce à demander à être protégés contre les insultes d'une puissance ennemie, il faut d'abord montrer qu'on en peut être insulté ; c'est ce que nous allons vous montrer.

Il est douloureux pour nous d'être dans l'alternative de vous peindre nos voisins et nos concitoyens sous des traits peu favorables ou de risquer à compromettre la sûreté générale. Mais il n'y a pas à balancer entre ces deux partis.

Nous devons vous apprendre, ce qui est notoire pour le département du Finistère et ce que la voix publique vous aura déjà peut-être appris, nous devons vous apprendre que le coin peut-être le plus fanatique de la République, c'est l'ancien diocèse de Léon. Ce n'est pas parce que nous y avons des contre-révolutionnaires dangereux par des moyens puissants, ce n'est qu'une foule ignorante d'hommes abusés par des prêtres fanatiques dont ce pays regorgeait avant la déportation ; mais cette foule, malgré l'impuissance de chaque individu, forme une masse imposante et qui peut devenir terrible dans l'occasion. Cette foule insensée croit à la contre-révolution, y lie le triomphe de la religion et appelle depuis plus de dix mois nos émigrés et l'Angleterre à son secours. La disposition des esprits est telle dans ces parages que la moindre excursion d'un corsaire ennemi opérerait sur le champ l'insurrection d'un grand nombre de fanatiques.

Les relations intimes établies entre Roscoff et plusieurs ports anglais par le commerce interlope dont ce petit pays est l'entrepôt donne aux nombreux émigrés, échappés de nos bords chez nos voisins, des occasions faciles et multipliées de réchauffer les folles espérances de nos malveillants, d'en tirer de grands secours et des renseignements importants sur notre dénuement.

Notre ex-évêque La Marche s'est fait remarquer à la cour de Londres par l'énergie que lui imprime la soif de la vengeance contre son pays. La cour de Londres a fait cas de lui, à raison sans doute du crédit immense qu'il a sur une étendue de côtes de plus de vingt lieues et lui accorde une faveur qui le met à même d'espérer sa réintégration à Saint-Pol et l'exécution de ses projets de vengeances sacerdotales. Vous savez comme nous, que le cabinet de Saint James lui a reconnu ou plutôt donné un caractère public dont on ne manquera pas de tirer parti.

Citoyens législateurs, faites y attention ; nos nombreux ennemis intérieurs dans ce pays n'ont besoin que d'un chef pour faire beaucoup de mal. Ils le proclament hautement dans leur ex-pasteur qui n'est à la vérité ni sans audace ni sans talents ; il ne faut même à bien dire que l'intromission appuyée de quelques prêtres qui oseraient se proclamer ses agents pour soulever toutes nos paroisses. Consultez l'opinion publique qui vous environne et elle vous confirmera ces étails malheureusement trop vrais.

Ajoutez, citoyens commissaires législateurs, que les rapports de commerce dont nous avons parlé plus haut ont, depuis la dernière guerre, donné à tout le commerce anglais une parfaite connaissance de nos côtes qui offrent des mouillages dans plusieurs points et un abri très facile dans une grande étendue sur le canton de Plouescat, intermédiaire entre Brest et Saint-Pol.

Qu'avons nous à opposer à la vraisemblance des tristes conjectures que nous tirons de cette situation des choses ? Vous allez le voir, citoyens commissaires législateurs, dans l'exposé succint de nos moyens de défense actuelle.

Nous avons dans une étendue de dix lieues de frontière en tout onze batteries destinées à recevoir des canons de différents calibres, nous disons destinées à recevoir, car il s'en faut beaucoup que chaque batterie ait le nombre de canons qui lui est affecté. Bien plus, les canons montés sont presque tous dénués de fournissements qui peuvent les mettre en usage. Enfin, le point le plus accessible, la côte de Plouescat, ne présente qu'une batterie dans une étendue de cinq lieues.

Enfin, nous sommes en guerre ouverte avec la puissance maritime la plus formidable de l'Europe, et les points les plus voisins du centre de cette puissance sont dans un dénument que ne peut même tolérer la sécurité la plus téméraire. Car, à supposer même que les instruments de puissance qui les garnissent fussent en quantité suffisante, à quoi servent des armes qui n'ont d'action que par la force motrice qui les dirige ? C'est vous dire, citoyens commissaires législateurs, que nous avons, à la vérité, quelques canons (quinze sur dix lieues de frontière), mais que nous n'avons pas de bras pour les remuer ; il serait peut-être actuellement impossible de recueillir dix canonniers dans tout l'espace que nous venons d'indiquer. Toujours est-il certain que depuis longtemps ces pièces sont abandonnées à la garde et aux soins de trois à quatre individus incapables, chacun, de repousser l'effort d'un homme ; ce sont de vieux infirmes dont on suspecte moins la fidélité que l'insouciance, dernièrement reconnue par un petit événement auquel ce serait donner une importance ridicule en vous le faisant connaître.

Enfin (chose digne de remarque dans les conjectures présentes), il n'existe point de signaux dans nos parages, quoi qu'ils soient d'ordinaire très multipliés sur nos côtes en temps de guerre. Il est inutile d'insister auprès de vous de la nécessité de ces signaux.

Voilà, citoyens commissaires législateurs, l'exposé sincère de nos plus pressants besoins en ce qui concerne nos rapports généraux avec la République. Nous ne nous permettons pas, quant à présent, de nous étendre sur les besoins particuliers de notre commerce dont le chef-lieu fut autrefois le centre de très riches établissements que la Révolution a proscrits ; nous nous gardons bien de les regretter. Ils n'étaient que des abus, mais nous désirerions le maintien des seuls qui nous restent, tels que les collèges d'humanité et d'hydrographie. La commerçante ville de Morlaix nous envie les débris de notre fortune passée.

C'est à vous de juger, citoyens législateurs, d'après cette esquisse rapide de notre pénible situation, si l'intérêt public exige que vous vous transportiez au milieu de nous. Puisse-t-il décider l'affirmative !

Ce nous sera une grande consolation, dussions-nous n'en retirer d'autres fruits que celui de prouver à nos concitoyens abusés que l'œil vigilant de la patrie tombe indifféramment sur les grandes cités et sur les hamaux obscurs, qu'elle va jusque dans les coins les plus ignorés de son domaine porter des consolations à ses amis fidèles, le pardon à ses enfants trompés et le désespoir de leur impuissance à ses ennemis incorrigibles » [Note : Reg. 24. Fol. 61-67].

Le 28 février 1793, grande panique sur nos côtes.

Ce jour-là, vers 11 h. 1/2 du matin, on aperçut plusieurs vaisseaux ennemis à la hauteur de l'Ile-de-Batz. Une frégate anglaise donnait la chasse à un corsaire français qui s'efforçait de gagner l'entrée de la rivière de Morlaix. Le corsaire se rapprocha de Sainte-Anne, tandis que de la frégate anglaise partait un feu très nourri. A une heure après midi, un détachement du bataillon du Calvados et un fort détachement de la garde nationale de Saint-Pol se transportèrent à Sainte-Anne dont la batterie n'était pas montée.

De Roscoff, on fit également prévenir que les côtes étaient menacées par quatre frégates anglaises, un vaisseau de ligne et une corvette, et on demanda du secours. Le détachement qui s'était porté à Sainte-Anne, ayant reconnu que le corsaire était hors de danger, se rendit à Roscoff.

Les citoyens Conversy et Goëz qu'on avait expédiés de Saint-Pol à Roscoff, afin de savoir ce qui s'y passait, déclarèrent qu'il y avait nécessité de prendre des précautions pour la nuit. Un canot de l'Ile-de-Batz, monté par neuf marins, ne craignit pas de piloter le corsaire français sous le feu ennemi. Voici le rapport de ces intrépides marins : « La frégate anglaise poursuivit le corsaire sous pavillon tricolore, et s'est prodigieusement avancée vers les rochers. Elle mit ensuite à la mer deux chaloupes pour amariner le corsaire. Alors celui-ci, déjà sous pavillon tricolore, a hissé sa flamme et écarté les chaloupes ennemies par quelques coups de canon. Ensuite la frégate anglaise, virant de bord, a envoyé toute sa volée au corsaire, et hissant pavillon anglais, elle est allée rejoindre le reste de la flotte ennemie ».

Comme néanmoins on avait des inquiétudes pour la nuit et qu'on craignait l'incendie ou l'enlèvement d'une vingtaine de bâtiments mouillés dans le chenal de Roscoff, on fit passer cinquante grenadiers du Calvados aux batteries de l'Ile-de-Batz. On expédia trente autres à l'île de Sieck, où il y avait deux pièces montées. Ce poste se composait de quinze volontaires et de quinze citoyens.

Nous regrettons que les Lettres missives n'aient pas donné le nom du corsaire ni ceux des intrépides marins qui l'ont piloté [Note : Lettres missives. Fol. 168-169].

(abbé J. Tanguy).

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