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SAINT-POL-DE-LEON SOUS LA REVOLUTION (CHAPITRE 17).

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CHAPITRE XVII.

SOMMAIRE.

Perquisitions ordonnées par la municipalité contre les prêtres fidèles et les personnes suspectes. — Convention nationale. — Formation des Assemblées primaires et électorales. — Dumay demande que les Hospitalières soient remplacées par des séculières. — Nouveau serment requis des fonctionnaires. — Défense de laisser embarquer des grains. — Plaintes portées au Département par le district de Lesneven contre les gardes nationales de Saint-Pol et de Roscoff.

Le lendemain de l'arrivée à Saint-Pol, 14 août 1792, des troupes qu'elle demandait à cor et à cri, la municipalité toujours inquiète, malgré la présence de ces troupes, prenait la délibération suivante :

« Considérant que le fanatisme à Saint-Pol est la principale cause des mouvements séditieux ; pour mettre à exécution les ordres et arrêtés du Département, pour que force reste à la loi, et notamment par son arrêté du 11 août de faire faire des recherches et perquisitions des ecclésiastiques et autres individus, suspects de troubler l'ordre public, le conseil municipal arrête :

1° Il sera enjoint aux élèves étrangers, retirés du collège, de vuider la commune sous un délai de huitaine ;

2° Le commandant de toutes les armes en garnison dans cette ville sera requis d'ordonner que, pour 7 heures du soir de ce jour, il se trouve dans la cour de l'évêché 122 hommes sous les armes, dont toute la gendarmerie disponible, séjournant dans cette ville fera essentiellement partie ;

3° Les 122 hommes requis se porteront, en 13 divisions modifiées, comme il suit, dans les maisons cy-dessous nommées,
SAVOIR :
25 hommes à la maison, dite de la Retraite.
25 hommes à la maison de la Charité campagne, dite La Ville-Neuve.
10 hommes à la maison de l’Hôpital.
8 à la maison de la Charité.
6 à la maison Kerlizien.
6 à la maison Chef-de-Bois.
6 à la maison Sévéno.
6 à la maison Peychaud.
6 à la maison Lézérec.
6 à la maison Kerunou.
6 à la maison Roulloin.
6 à la maison Laprairie.
6 à la maison Laurial ;

4° Les 13 divisions d'hommes, chacune à part, saisiront et conduiront à la maison commune, sans aucun mauvais traitement les ecclésiastiques insermentés et tout étranger de tout costume qu'elles pourroient rencontrer et aussi tout individu qui s'opposerait par une résistance ouverte ou des discours insultants à l'exacte perquisition prescrite par le présent réquisitoire ;

5° Les dites perquisitions se feront à la fois dans toutes les maisons indiquées ;

6° Tous les appartements des domiciles désignés seront sans aucunes exceptions quelconques parcourus et perquis, ainsi que les cours, jardins et enclos en dépendants ;

7° Tous les citoyens de la commune non inscrits sur le registre de la garde nationale seront tenus de déposer à la municipalité les armes et munitions qui sont à leur disposition dans le délai de 24 heures à compter de la notification qui leur sera faite » [Note : Reg. 23. Fol. 47-48].

Fait et arrêté en conseil municipal les dits jour et an que devant.

Signé : Miorcec, maire, Deniel, Le Bihan, Le Roux, Dreppe, Berdelo, Péréault, procureur de la Commune, Goëz, Labbé, secrétaire greffier.

Voilà la loi des suspects ; sans trop tarder paraîtra le comité de surveillance, et il n'y aura qu'à se tenir tranquille. Saint-Pol fournira son contingent à la proscription générale.

Cinq jours après, le 19 août, le procureur de la Commune, M. Péréault, donnait au conseil connaissance d'une lettre qu'il avait reçue, par un exprès, le même jour du Directoire du district de Morlaix. Cette lettre contenait la loi relative à la formation de la Convention nationale, du 11 août, et celle relative à la formation des Assemblées primaires et électorales pour le prompt rassemblement de la Convention nationale, sous la Date du 12 du même mois.

Lecture de ces pièces fut faite dans la séance de ce jour par le secrétaire greffier. Le conseil arrêta :

1° Que ces lettres seraient lues en chaire par le sieur Dumay, curé de la paroisse, à l'issue des vêpres ;

2° Qu'elles seraient publiées, au son du tambour, ce jour même, dans tous les carrefours et le mardi suivant au plus fort du marché ;

3° Qu'il y aurait trois sections conformément aux années précédentes pour la réunion des différentes municipalités du canton ;

4° Les citoyens de la ville, de Trégoudern, Crucifix-des- Champs, partie de Toussaint et partie de Saint-Pierre se réuniraient dans l'église des cy-devant Minimes ;

5° Les citoyens de Roscoff, Santec et l'Isle de Batz dans l'église du cy-devant séminaire ;

6° Les citoyens de Plougoulm et Plouénan dans l'église des cy-devant Carmes.

7° Sur les onze électeurs que le canton devait fournir pour aller à l'Assemblée électorale de Brest, la section des Minimes en nommerait 5 ; — celle du séminaire, 3 ; — et celle des Carmes, 3 [Note : Reg. 24. Fol. 20].

Le 28 septembre, la municipalité de Saint-Pol dénonçait aux administrateurs du Finistère les énormes exportations de grains qui se faisaient journellement sur les côtes du ci-devant pays de Léon et particulièrement par les ports de Plounéour-Trez et de Pontusval. Le pays, malgré la récolte qui avait été abondante, serait réduit, dans deux mois, à la plus affreuse disette, si on ne se hâtait d'arrêter cet effrayant écoulement de denrées.

La municipalité était persuadée en outre que ces blés étaient destinés à parvenir, par Ostende, aux brigands qui avaient envahi le territoire ; aussi bien, ses appréhensions étaient-elles fort vives.

La mesure que le conseil municipal de Saint-Pol voulait provoquer était, croyons-nous, fort sage. A cette époque la misère était grande dans toute la France, et c'était un devoir au gouvernement de conserver tous les grains et d'en interdire la sortie du territoire.

Séance du 30 septembre 1792, l’An 1er de la République

Le 10 août, le trône le plus glorieux et le plus ancien de l'Europe croulait sous les attaques de quelques milliers de bandits. Louis XVI était renfermé dans la tour du Temple d'où il ne devait sortir que pour aller à l'échafaud. La convention nationale, qui venait de se réunir, abolissait, le 21 septembre, la monarchie et proclamait la République.

Le 30 du même mois, le citoyen Dumay, curé constitutionnel de Saint-Pol qui avait en exécration tous ceux qui portaient un habit religieux, se présente à la municipalité.

« Il donné alors lecture au conseil d'une lettre, à son adresse, de la supérieure de l'hospice de Landerneau, annonçant deux demoiselles pour remplacer les dames hospitalières de Saint-Pol, qui ont manifesté leurs opinions contraires à la Révolution, aux pauvres qu'ils gouvernent.

Le conseil général délibérant arrette de renvoyer de l'hôpital de Saint-Pol la dame Kervaux-Grolleau, supérieure, la mère Du Laurent et la mère Bouteiller, hospitalières ; nomme pour commissaires les sieurs Le Roux et Goëz, officiers municipaux, Rageul et Villeneufve, notables, et le sieur Péréault, procureur de la Commune, à l'effet :

1° De notifier aux dites dames hospitalières qu'elles ayent a évacuer l'hôpital pour jeudy prochain, 4 octobre ;

2° De compulser l'inventaire déjà dressé des effets et meubles du dit hôpital, faire inventaire de l'excédent, s'il y a lieu, comme aussi de régler et recevoir concurremment avec l'administration de la maison les comptes de la dame supérieure ;

3° De s'assurer des domestiques dont l'intention serait de quitter ou de rester au service de l'hôpital ;

4° De déclarer aux pauvres qui y sont que les autres indigents de la ville auront sur ceux qui quitteraient l'hôpital pour suivre les religieuses une préférence dont les déserteurs se rendraient indignes par l'excès de leur fanatisme.

Le 4 octobre, nous venons de le voir, était la date fixée pour la sortie des Hospitalières de l'hôpital. A la séance, tenue ce jour, un membre fait observer qu'il y a lieu à revenir sur la décision prise par le conseil le 30 septembre, vu qu'il est impossible de procéder immédiatement au remplacement des sœurs ; il fallait donc les prier de rester provisoirement. Trois membres sont désignés pour aller s'aboucher avec elles. La supérieure, Mme Grolleau, leur demande deux heures, au nom de la Congrégation, pour délibérer sur la proposition du conseil, ce qui est accepté.

A 2 heures du soir, la supérieure fait savoir au conseil réuni qu'elle ne pouvait donner de réponse positive à moins de connaître la durée que le conseil voudrait donner au séjour provisoire des dames hospitalières dans la maison de l'hôpital.

Le conseil, délibérant et consulté par appel nominal, arrête d'accorder six mois, à la condition expresse que « sauf la liberté imprescriptible des opinions religieuses personnelles, les dites dames hospitalières ne gêneraient en aucune manière la confiance et la religion des citoyens confiés à leurs soins, et s'obligeraient à respecter et à maintenir à cet égard toute la latitude de liberté que les personnes de la maison ont le droit d'attendre.

La supérieure qui assistait à la séance dit qu'elle se conformerait au vœu exprimé par le conseil et que les religieuses continueraient sur l'ancien pied leur activité dans l'hôpital pendant le temps et aux conditions cy dessus réglées ».

Le citoyen Dumay qui avait fait venir deux dames de Landerneau pour remplacer les religieuses hospitalières en exercice et qui les avait hébergées pendant cinq ou six jours se présenta devant la municipalité pour réclamer une indemnité en faveur de ces dames qui étaient venues à Saint-Pol et pour lui-même à cause des frais de pension et de logement de ces dernières.

Voici comment il fut répondu à ses demandes :

« Le conseil général, considérant que le citoyen Dumay n'avait aucune mission pour appeler, de son chef, les dites dames en remplacement des Hospitalières de cette ville ; considérant que sa profession de curé ne lui donne aucun caractère pour agir ni pour ce qui regarde l'administration temporelle de l'hôpital, ni dans ce qui concerne le choix à la disposition du conseil général ; considérant cependant que les dames étrangères, qui ont déféré à l'invitation hasardée du citoyen Dumay, ne doivent point être les victimes de son imprudence, et que le zèle qu'elles ont témoigné de servir la chose publique mérite la reconnaissance de la Commune, arrête qu'il sera accordé une somme de trente livres pour frais de voyage aux dames mandées à Saint-Pol par le citoyen Dumay. Et pour ce qui concerne l'indemnité demandée par le citoyen Dumay pour lui-même, le conseil déclare qu il n'y a pas lieu à délibérer » [Note : Reg. 24. Fol. 23-25].

C'était bien jugé, et l'Intrus avait ce qu'il méritait.

La monarchie bourbonnienne sombrait dans la journée du 10 août 1792. Cinq jours après une nouvelle formule de serment était imposée aux fonctionnaires publics. Ceux-ci devaient jurer d'être fidèles à la Nation et de maintenir de tout leur pouvoir la Liberté et l'Egalité. Le 6 octobre, le maire de Saint-Pol invita les conseillers municipaux à prêter le dit serment, ce à quoi ils obtempérèrent sans difficulté. Le citoyen Dreppe, professeur d'hydrographie ajouta à ce serment « celui de reconnaitre dans tous les temps la souveraineté de la Nation et de n'en reconnaitre jamais d'autre » [Note : Reg. 24. Fol. 26].

Cette déclaration n'épargna pas à son auteur de rudes mécomptes, ainsi que nous aurons l'occasion de le voir. La Révolution, comme Saturne, dévorait ses enfants. Vergniaud, le lâche président de la Convention, lors de l'inique jugement de Louis XVI, aurait pu sauver cet infortuné monarque ; il aima mieux le livrer. Mais tôt après, lui aussi dut, avec ses comparses, tendre sa tête au bourreau. La Justice de Dieu a ses heures.

Le 13 octobre, le district de Morlaix avisait le maire de Saint-Pol qu'il se tramait de la part des prêtres émigrés un complot tendant à armer les malveillants dans le pays de Léon. Ce qui occasionnait cette agitation ce n'étaient point les prêtres qui avaient dû s'éloigner de leurs foyers pour éviter la prison ou sauver leurs têtes, mais bien les indignes procédés de ceux qui détenaient le pouvoir. La lettre du district de Morlaix accrut les alarmes de la municipalité. Celle-ci réitéra sa demande de troupes, déclarant qu'elle ne pouvait compter sur le patriotisme des douaniers qui étaient, pour la plupart, des complices des conspirateurs. Par ailleurs, il n'y avait pas vingt hommes disposés à défendre les bons patriotes. La force publique, à Saint-Pol, n'était en réalité qu'une chimère.

Une quinzaine de jours après, deux officiers municipaux de Roscoff se présentaient au bureau du conseil municipal de Saint-Pol, porteurs d'une pétition des citoyens gardes nationaux de Roscoff, tendant à obtenir la faculté d'agir pour assurer l'exécution de l'arrêté du Département, du 14 octobre, qui ordonnait la suspension des chargements de blé dans son ressort ; au mépris de l'arrêté, ajoutaient-ils, ces chargements se faisaient avec plus d'activité que jamais, notamment au Kernik, district de Lesneven.

A cette pétition était jointe la délibération du conseil municipal de Roscoff. Deux comnissaires, pris dans son sein, devaient s'entendre avec la municipalité de Saint-Pol au sujet des mesures à prendre pour déférer aux vœux des citoyens des deux communes.

De concert avec les délégués de Roscoff, la municipalité de Saint-Pol, motu proprio et sans hésitation aucune prit les arrêtés suivants :

1° Deux officiers municipaux, l'un de Roscoff, l'autre de Saint-Pol, se rendront à la municipalité de Plouescat à l'effet de rappeler les officiers municipaux de la dite commune à l'exécution de l'arrêté du Département, du 14 octobre, touchant les exportations de grains ;

2° 50 gardes nationaux de la commune de Saint-Pol et 25 de celle de Roscoff sont requis par les municipalités respectives d'accompagner les deux commissaires ;

3° Les dits commissaires sont autorisés à ordonner l'arrestation provisoire des chargements, sous la condition de prévenir sur le champ le district de Lesneven et seulement dans le cas où la municipalité de Plouescat refuserait de mettre par elle-même l'arrêté du Département à exécution ;

4° Les deux commissaires sont autorisés à mettre au service de la municipalité de Plouescat la force armée qui est mise à leur disposition, si le conseil municipal de cette commune le requiert ;

5° L'administration du district de Lesneven sera promptement instruite par un exprès de la délibération du conseil municipal de Saint-Pol.

L'exprès, porteur de cette délibération, ne fut pas plus tôt arrivé à Lesneven que les administrateurs de ce district signalèrent au Département et aux districts de Morlaix et de Brest la violation de territoire commise par la garde nationale de Saint-Pol et de Roscoff et demandèrent des troupes avec du canon pour repousser les envahisseurs.

Nous avons aéjà eu l'occasion de le remarquer : la municipalité de Saint-Pol ne regardait pas de si près ; pour elle, il n'y avait pas de limite de territoire et elle dut plus d'une fois être rappelée à l'ordre. C'est ce qui lui arriva encore dans la circonstance. Deux commissaires du Département se présentèrent le 31 octobre à la municipalité pour demander des renseignements sur les vrais motifs qui avaient déterminé la délibération du 28.

Le conseil municipal déclara « que les menaces d'une foule de pétitionnaires venus de Roscoff avaient alarmé les bons citoyens et commençaient à entraîner les malveillants ; que le défaut d'une force disponible pour réprimer les agitateurs ; la crainte très fondée d'une excursion sans frein et sans chef sur le territoire étranger ; que tous ces motifs enfin avaient déterminé la municipalité de Saint-Pol et de Roscoff à prendre les mesures consignées dans leur délibération du 28 octobre, et que la présence des agitateurs avait forcé à dissimuler une partie de ces motifs et en substituer d'autres plus analogues aux opinions déréglées qu'on avait essayé inutilement de ramener ».

Les citoyens commissaires du Département déposèrent sur le bureau un arrêté de l'administration supérieure ordonnant aux signataires de la délibération du 28 octobre de se rendre au Département pour y rendre compte de leur conduite. Mais, par un second arrêté du 3 novembre, le Département prononça la mise en liberté des officiers municipaux de Saint-Pol et de Roscoff, tout en improuvant formellement la réquisition faite le 28 octobre par les délégués de la garde nationale de Roscoff, et en leur faisant en outre défense expresse de recommencer.

(abbé J. Tanguy).

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