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SAINT-POL-DE-LEON SOUS LA REVOLUTION (CHAPITRE 14). |
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CHAPITRE XIV.
SOMMAIRE.
Renouvellement de la municipalité. — Odieuse diatribe de Dumay, élu procureur de la Commune. — Le serment est demandé aux professeurs du collège. — Noble réponse de ces Messieurs à la municipalité. — Nouveau réquisitoire haineux du Jureur. — Démission de M. de Kéraugon, maire. — Emigration de plusieurs officiers. — Demande de deux pièces de canon par la municipalité.
Un décret de l’Assemblée nationale du mois de décembre 1789
ordonnait de renouveler les municipalités, au bout de deux ans. Pour se
conformer à ce décret, les citoyens actifs des différents quartiers de la
commune de Saint-Pol se réunirent le 13 novembre 1791 à l'église conventuelle
des ci-devant Minimes, à 8 heures du matin, afin de procéder au remplacement
tant du maire, du procureur de la Commune, des officiers municipaux que des
notables sortis par démission et expiration des deux années.
On procéda tout d'abord par un scrutin de liste et à la pluralité relative des suffrages à l'élection d'un président et un secrétaire. Le nombre des votants était de 59. M. Miorcec, ayant eu 38 voix, et M. Labbé, 13, les trois anciens d'âge, chargés de diriger les opérations, proclamèrent M. Miorcec, président, et M. Labbé, secrétaire. Ceux-ci prêtèrent aussitôt le serment « de maintenir de tout leur pouvoir la Constitution du royaume, d'être fidèles à la Nation, à la Loy et au Roy et de bien remplir leurs fonctions ».
A leur suite, les 59 citoyens actifs firent séparément et individuellement le même serment, la main levée devant M. le président, en prononçant les mots : Je le jure.
On procéda ensuite au choix de trois scrutateurs par un seul scrutin de liste simple et à la pluralité relative des suffrages. Furent élus : MM. Dumay, curé constitutionnel. Le Bihan et Ridar, comme ayant réuni le plus grand nombre de voix. Ils prêtèrent également serment.
Sans désemparer, on forma un autre scrutin pour l'élection d'un maire. M. Prud'homme de Keraugon, ayant réuni 52 voix sur 59 votants est élu. Comme il n'était pas sur les lieux, cinq membres, MM. Dumay, curé constitutionnel, Péreault, procureur de la Commune, Michel Ducoin, notable, Conversy, Robinaud sont députés vers M. Prud'homme pour lui faire part de sa nomination et des vœux de l'Assemblée qui désire l'avoir pour maire. Il se rendit avec eux à l'Assemblée et dit : qu'il était chargé de la perception d'un impôt indirect, étant receveur des douanes nationales, et que l'article 15 de la loi du 18 décembre 1789 l'excluait de toutes fonctions municipales ; qu'il n'avait jamais refusé d'être utile à ses concitoyens, mais que dans le cas présent la loi lui faisait un devoir de refuser l'honorable fonction dont on voulait le charger ; qu'ayant, par un autre effet de la confiance des citoyens de tout l'arrondissement de la cy-devant sénéchaussée de Lesneven, été député à l'Assemblée et coopéré à la confection des loix, il devait le premier témoigner son obéissance et son respect pour elles ; qu'il priait en conséquence l'Assemblée d'agréer ses regrets.
Plusieurs membres lui firent observer qu'il s'était fait de pareilles élections et qu'elles avaient été acceptées ; on insista donc, on le pressa d'accepter, ce qu'il fit à la condition qu'il fût fait mention dans le procès-verbal de son premier refus. Il ajouta que s'il s'élevait quelque réclamation contre son élection, il mettrait sur le champ sa démission.
Tous les citoyens actifs, qui ont déjà concouru aux précédentes opérations, ont ensuite procédé à un scrutin individuel pour la nomination d'un procureur de la Commune. Leurs suffrages ayant été également recueillis et mis dans l'urne sur le bureau. Messieurs les scrutateurs ont annoncé que M. Dumay, curé constitutionnel, s'est trouvé, par le résultat du scrutin, avoir réuni la pluralité absolue des suffrages. En conséquence, il a été élu procureur de la Commune, ayant obtenu 33 voix sur 45 formant la totalité des citoyens actifs présents.
Vu l'heure avancée, 6 heures du soir, et plusieurs citoyens actifs s'étant retirés, du consentement de tous les citoyens présents, la séance fut remise au dimanche suivant.
Le 20 novembre, le conseil général de la Commune s'assemblait de nouveau dans la maison conventuelle des cy-devant religieux Minimes.
Le président déclara qu'on allait procéder par scrutin de liste simple à l'élection de cinq officiers municipaux, en remplacement de MM. Miorcec, Guillaume, Figuières, Laugée et Blandin.
Les suffrages recueillis, le nombre des votants fut reconnu être de 77 et les billets comptés, s'étant trouvés en pareil nombre, MM. les trois scrutateurs déclarèrent que M. Miorcec avait réuni 64 voix, M. Péreault, 57, et M. Ridar, 50 ; ils étaient donc élus, puisqu'ils avaient recueilli la pluralité absolue des voix.
Les deux autres candidats n'ayant pas réuni le nombre de voix suffisant, on procéda de suite à un second scrutin pour la nomination de deux autres officiers municipaux.
Le nombre des votants présents n'était que de 61 ; les billets comptés se trouvèrent en pareil nombre. Le dépouillement fait, les scrutateurs déclarèrent que M. Le Roux, ayant eu 37 voix était nommé.
Le cinquième, n'ayant pas obtenu la majorité absolue, on dut procéder à un troisième scrutin.
51 votants, 51 billets. M. Péron recueille 26 voix et est nommé.
Procédant ensuite au scrutin de liste simple pour l'élection de 12 notables, en remplacement de MM. Paul Derrien, Guy Caroff, Louis Bolloré, Louis Combot, Michel Ducoin, François Le Guével, Yves Perrot, Joguet, père, François Péron, Maurice Caroff, Claude Combot et Yves Bellour, le nombre des votants s'étant trouvé de 58 présents, les billets reçus s'étant trouvés de même nombre, les cy-après dénommés se sont trouvés réunir la phiralité relative.
SAVOIR :
MM.
Coupé, vicaire : 50 voix.
Le Penn : 48 voix.
Nicolas Kublert
: 44 voix.
Michel Ducoin : 43 voix.
Sévézen
fils : 41 voix.
Le Denmat, vicaire : 40 voix.
Nicolas Le Roux : 31 voix.
Jacques Guyader
: 29 voix.
Jean Lesteven : 25 voix.
Pierre Lavel : 24 voix.
André Munut : 24 voix.
François Le Deroff : 22 voix.
En conséquence, les sus-dénommés ont été proclamés notables. Mais comme il faisait nuit (8 h. du soir), on remit au lendemain la prestation du serment de MM. le maire, du procureur de la Commune, des officiers municipaux et des notables. Cette cérémonie s'accomplit en effet le 21 novembre 1791 devant la Commune convoquée et assemblée à cette occasion [Note : Reg. 22. Fol. 87-90].
Le 25 novembre, le district de Morlaix demandait à la municipalité le tableau de la Transfiguration qui se trouvait aux Carmes, enchâssé dans une boiserie du réfectoire, à côté de trois autres tableaux. Ces tableaux furent en effet expédiés au district ; nous ignorons ce qu'ils devinrent. Le même jour, le conseil général se réunit. Dans cette séance, le maire, M. Prud'homme de Keraugon, dit aux membres présents :
Messieurs du conseil général,
Je
vous ai convoqués sur la demande de M. le procureur de la Commune, qui a une
remontrance à vous soumettre.
Nous tenons à reproduire intégralement cette diatribe. Le 8 septembre 1791, M. de Kergariou, président du Département, signalait à la municipalité de Saint-Pol le citoyen Dumay, comme un prêtre ayant bien peu « l'esprit de charité, de son état et de son caractère » ; ce qu'on va lire révélera tout le fiel qui était caché dans le cœur de cet homme.
« Messieurs,
Vous avez fait le serment de maintenir la Constitution. Je
l'ai fait aussy ; nous en sommes témoins réciproques. Soyons donc
constitutionnels et ne nous démentons pas par un parjure. Dieu nous en garde.
Comme procureur de la Commune, je vous représente qu'un germe inconstitutionnel règne parmi nous, dans le centre de la ville, germe d'autant plus pernicieux qu'il empoisonne les heureuses espérances de notre Révolution.
Il n'y a que des personnes dévouées aux cy-devant privilégiés et qui baisent encore des fers brisés par une constitution vrayment Salomone qui puissent s'opposer à ma juste réclamation pour la suppression du collège de Saint-Pol-de-Léon, berceau d'aristocratie. Les professeurs de ce collège qui sont inconstitutionnels ne sèment que leurs doctrines. Vous le savez. Messieurs, quelle doctrine ? Je ne veux pas vous retracer les insurrections auxquelles ils ont donné lieu, au lieu d'obliger le district de Morlaix d'envoyer pour les appaiser M. Raoul notre ancien maire, d'heureuse mémoire, par son patriotisme et la fidélité à son serment. Le fait que je viens de rapporter est couché dans vos annales.
Mais, Messieurs, je vais balancer les avantages et désavantages de ce collège, afin que les personnes mal intentionnées, récalcitrantes, et qui ne se décideront jamais pour la Constitution n'ayent rien à répliquer.
Posons un principe. Le serment de maintenir la Constitution est le principe et doit être notre étoile polaire.
Les professeurs du collège de Saint-Pol sont inconstitutionnels en ce qu'ils n'ont point prêté le serment civique, par conséquent plus que suspects de tramer contre la Constitution. Doit-on étouffer et mitonner des ennemis dans son gyron ? Leur agence est despotique. Vous savez, Messieurs, et il y a même dans cette respectable assemblée des personnes qui le savent par expérience, que les professeurs du collège ont retiré de chez les citoyens patriotes les écolliers qui y étaient en pension, pour les placer chez les ennemis de la Révolution dont cette ville abonde, ou les loger et pensionner chez eux, afin de colorer leurs démarches insidieuses, et fomenter avec plus de succès leurs projets sinistres. Vous ignorez que vous avez une inquisition despote dans ce collège. Interrogez et on vous dira que le principal de ce collège oblige les écolliers d'aller à lui à confesse ; voilà donc les soutiens de la Constitution qui sont vous. Messieurs, qui conservent dans leurs seins des serpents pour les dévorer.
Vous objecterez, Messieurs, que le collège fait vivre des particuliers dans la ville, quoique le collège soit peu nombreux, d'accord ; mais quels particuliers ? Je vous l'ai dit cy-dessus ! Combien ne coûtent pas à la Nation, à vous-mêmes. Messieurs, ces professeurs inconstitutionnels, cette maison du collège qui a envahi les possessions de différents particuliers qui ne sont pas encore remboursés, témoin Jacques Menez ici présent ou qui doit l'être. Qu'un germe envenimé calqué sur l'opprobre cy-devant, et la perte de la subsistance des patriotes ne subsiste pas davantage.
Que faire de ce bâtiment ? Messieurs, la troupe se plaint de n'être pas sainement logée. M. de La Bourdonnaye, commandant général, nous déclare, comme vous pouvez le voir dans vos annales qu'il vous la retirera si vous ne la logez pas mieux et dans un air plus salubre ; vous avez de plus les demoiselles de la Retraite cy-devant qui sont inutiles. La troupe jette plus de numéraire que le collège.
Le collège peut servir d'attelier pour nourrir tous les habitants indistinctement. Ce considéré, Messieurs, j'ai l'honneur de vous servir mes conclusions qui suivent en vous disant que si on a refusé le miel de la Constitution, il faut s'en tenir au proverbe qui dit que si on se fait agneau le loup nous mange :
1° Que le collège inconstitutionnel de Saint-Pol soit supprimé ;
2° Qu'on lui donne huit jours pour se délibérer, s'il veut sortir de
cette inconstitution ;
3° S'il se rend et repousse son erreur, la
municipalité leur procurera, c'est-à-dire aux professeurs des places, pour
subsister ;
4° Qu'on donne la maison de la Retraite aux soldats ici en
garnison et à ceux qui leur succéderont.
A Saint-Pol, le 25 novembre 1791
».
Dumay, curé, procureur de la commune de Saint-Pol- de-Léon [Note : Reg. 22. Fol. 92].
A la pluralité des voix, le conseil rejeta la demande de l'Intrus. Trois jours après, il adressait au Directoire du Département une copie de la délibération du 25, en le priant de maintenir le collège, comme étant l'unique ressource désormais des malheureux habitants de Saint-Pol, puisque les communautés religieuses avaient été supprimées.
Le conseil général du Département fit droit à cette supplique. Il exigeait néanmoins, au préalable, du principal et des professeurs actuels, pour leur maintien au collège, le serment prescrit par la loi du 26 décembre 1790. Cet acte devait se faire un dimanche dans l'église paroissiale, en présence du conseil général de la Commune, sous peine de destitution. Une invitation était en même temps adressée à tous les citoyens ecclésiastiques ou laïcs qui se croiraient capables d'occuper une chaire d'humanité, de rhétorique ou de philosophie à se faire inscrire au Directoire du district, dans la dernière quinzaine de décembre.
Il était également enjoint à chaque district de faire parvenir, avec son avis et ses observations, une liste des sujets au Directoire du Département, lequel, de concert avec Expilly, y choisirait le principal et les futurs professeurs, dans le cas où ceux qui se trouvaient actuellement refuseraient le serment.
Le traitement affecté au personnel du collège était ainsi réglé :
Au principal : 1.500 livres.
Au professeur de
physique : 1.200 livres.
Au professeur de logique : 1.200 livres.
Au
professeur de rhétorique : 1.200 livres.
Au professeur de
seconde : 1.000 livres.
Au professeur de troisième : 1.000 livres.
Au
professeur de quatrième : 800 livres.
Au professeur de cinquième : 800
livres.
Le 30 décembre, les professeurs du collège étaient invités à prêter le serment prescrit par la loi du 26 décembre 1790. M. Péron, le principal, et son personnel s'y refusèrent. Dans une lettre collective à la municipalité, ils donnèrent les raisons de leur conduite. Nous croyons devoir reproduire intégralement ici, d'après la Semaine religieuse de Quimper, cette lettre si belle et si expressive. On la lira certainement avec intérêt.
« Messieurs, vous nous avez notifié, le 30 décembre, l'arrêté du Département, du 1er décembre, qui exige du principal et des professeurs le serment prescrit par la loi du 26 décembre 1790, sous peine contre les dits professeurs et le principal être destitués sur le champ, en cas de refus.
Permettez-nous. Messieurs, de vous faire observer que l'Assemblée nationale constituante, peu avant de se séparer avait décrété, les 25 et 27 septembre dernier :
1° Qu'elle renvoyait à la prochaine législature l'organisation de l'éducation nationale ;
2° Que néanmoins tous les établissements enseignants subsisteraient provisoirement avec les mêmes règles par les quels ils ont été régis jusqu'à ce jour.
D'après ces droits. Messieurs, nous aurions cru que l'ouverture de nos classes s'étant faite de concert avec vous, en votre présence et sans doute du consentement du Département, les mêmes motifs qui avaient déterminé à nous laisser continuer nos fonctions pendant les sept premiers mois de 1791 et les reprendre au mois d'octobre dernier, nous assuraient le même régime au moins jusqu'à la fin de cette année scholastique.
Quel a dû être notre étonnement lorsque trois mois après notre entrée publique et dûment autorisée, vous nous avez notifié de prêter serment sous peine d'être destitués.
Oh ! Messieurs, vous êtes témoins comme nous des maux incalculables que ce serment fatal attire sur notre patrie. Vous gémissez comme nous et vous savez ce qu'en pensent ceux-là même qui en furent dans le principe les moteurs et les panégyristes les plus ardents.
Nous vous déclarons unaniment, Messieurs, que le serment qu'on exige de nous répugne et répugnera toujours à notre conscience. Nous sommes chrétiens, nous sommes prêtres, nous sommes instituteurs publics, les vœux que nous avons faits sur les fonts baptismaux, les engagements que nous avons solennellement pris au pied des autels, l'obligation particulière que nous impose la confiance dont le public nous honore sont pour nous des titres sacrés dont nous nous glorifierons toujours ; nous ne les profanerons pas, nous ne souillerons pas nos lèvres par un serment que notre religion désavoue et repousse avec horreur. Tels sont, Messieurs, en abrégé, les motifs de notre refus.
Nous croyons avoir rempli notre devoir auprès de vous, Messieurs ; quelle que soit la dernière décision, nous ne cesserons d'adresser au ciel les vœux les plus ardents pour la paix de l'Eglise et la prospérité de l'Etat ».
Léon, 6 janvier 1792.
Signé : Péron, principal du collège et supérieur du petit
séminaire.
Costiou, scholastique de Léon et professeur de logique.
Fercoq, professeur de physique.
Abgrall, professeur de rhétorique.
Le Roux,
professeur de seconde.
Le Men, professeur de troisième.
Le Gall, professeur de
quatrième.
Liscoat, professeur de cinquième.
P. S. — Nous vous prions de vouloir bien nous dire ce que nous devons entendre par ces termes : « sous peine d'être destitués sur le champ » ; et si nous devons dès ce moment cesser nos leçons.
Le conseil municipal se réunit le lendemain pour prendre une délibération. Ici encore, le citoyen Dumay tient à se distinguer. Voici en effet un réquisitoire, entièrement écrit de sa main sur le registre de la municipalité et qui met en pleine lumière l'état d'exaspération où se trouvait cet homme. M. Prud'homme de Keraugon, maire de Saint-Pol, écrivit à côté de cet odieux factum ces mots : Beati pauperes spiritu, regnum cœlorum habebunt.
« Je soussigné, procureur de la commune de Saint-Pol-de-Léon, remontre et requerre qu'il est temps de répondre à l'intégrité de ses remontrances et réquisitoires, dont le présent acte n'est qu'une esquisse de résumé, les autres étant regardés par M. le maire comme des chiffons.
C'est peut-être parce qu'elles étaient sur des feuilles volantes. Mais, nous procureur de la Commune, ne pouvant les mettre autrement, parce qu'un despotisme outrageant et avilissant voudrait nous serrer les mains. M. le maire est despote, est procureur de la Commune, officier municipal et notable et guerrier à eppée de fer, comme cy-devant officier de garde-côte, ce qui rend la municipalité déserte. Pour parer à cet inconvénient.
Généreux officiers municipaux et braves notables, écoutés les remontrances et réquisitoires civiques et constitutionnels de votre procureur dont les sentiments ne sont point équivoques et vacillants sur le serment de maintenir la Constitution.
En qualité de pasteur, je vous dirai que c'est parjure que d'aller contre son serment, que c'est l'horreur des horreurs et l'abomination de la désolation, surtout ce serment ayant pour baze le serment de la première personne de la Trinité qui a juré à Dieu son fils qu'il étoit prêtre selon l'ordre de Melchisédec qu'un Dieu seul dans sa miséricorde peut pardonner un tel forfait, un tel attentat fait à sa Majesté qu'on prend à témoin comme l'orgueil luciférienne, le blasphème sabbatique et l'endurcissement pharaonique peuvent le commettre, le consommer et y persister.
Comme procureur de la Commune, j'ay l'honneur de vous remontrer que depuis l'absence de notre ancien maire, d'heureuse mémoire, la police n'est point exercée, la municipalité est en captivité, et un despote la conduit. Vous l'avez entendu. Messieurs, ce despote qui s'arroge des seigneuries proscrites par la Loy, dire que la municipalité n'a pas la police. L'exemple bruyant du 26 décembre dernier dans la municipalité au sujet d'une nommée Bléas, cy-devant fille de chambre de Mademoiselle La Marche, prise en contravention à la loi, celui de M. Cubler, notable dont les jours étaient menacés parlent encore.
M. le maire tout seul contre la voix de la municipalité, et de la généralité du conseil assemblé qui demandait l'emprisonnement de la première voulut s'y opposer et s'y opposa pendant un tems, contre le réquisitoire du procureur de la Commune. Il refusa satisfaction au second.
Je ne parle pas ici de ma remontrance faite le même jour que dessus 26 décembre au sujet du portier du collège et du cy-devant notable et parjure Splantec qui ont débités chez le sieur Robinot, que le clergé de Saint-Pol n'était pas prêtre, ni Monsieur du Finistère, évêque, et que le roi était entouré de protestants qui lui faisaient signer ce qu'ils vouloient quand il était saoul, que luy dit Jacques Splantec s'étoit retiré des notables parce qu'il n'avoit pas voulu partager avec la municipalité et les notables 400 écus pris sur l’hôpital... Quoy que ces faussetés tombent d'elles-mêmes, on auroit pu découvrir la source de ces fables qui en imposent et corrompent le peuple crédule et ignorant.
En faisant attention à la qualité des personnages, la source sera connue.
L'ancien maire a fait du bien à Saint-Pol, l'actuel pourroit lui en faire et l'auroit pu étant représentant à Paris, cependant il a détruit la garde nationale, il la fait évader par le peu de soutient et comme il dit qu'il a le droit d'être mahométan, turque, juif ou payen, la municipalité et le peuple, qui ne veulent pas ce droit, craignent avec raison que mésusant de son pouvoir, de sa seigneurie, de son uniforme, de son despotisme d'ouvrir et de retenir les paquets seul pendant un certain lapse de temps chez luy, il n'arrive malheur le tout considéré pour au moins conserver la troupe de ligne dans ce pays vrai foyer d'aristocratie alimenté par les régents du collège et les Ursulines par leurs petites écoles.
Je réquère :
1° Qu'à commencer par le maire jusqu'aux notables et autres tous se conforment à ce qui est porté et écrit dans la lettre du district de Morlaix en date du 5 janvier et reçue le 6 du même mois 1792, qu'en conséquence ils rayent la seigneurie s'ils en ont ;
2° Qu'à commencer par M. le maire et les autres messieurs officiers municipaux, on ait tous le même costume dans les parades et les cérémonies ;
3° Qu'on remette les lettres et paquets à l'adresse de la municipalité à la maison commune pour être ouverts en droit ;
4° Qu'on envoie au district une copie de la lettre incendiaire du principal scholastique et régents inconstitutionnels avec prière de nous délivrer de pareils gibiers pestiférés.
Enfin qu'on ne s'endorme point et qu'on mette la plus grande vigilance à procurer des professeurs constitutionnels au collège et ôter les petites écoles aux Ursulines qui de concert avec les pernicieux régents actuels causent un mal incalculable à la jeunesse et irréparable à la Constitution, d'icy à bien des années.
Déclare en outre le soussigné procureur de la Commune qu'au deffaut de droit sur ses remontrances cy-dessus il requerra des commissaires du district aux frais de qui il appartiendra » [Note : Reg. 23 Fol. 5-7, verso]
A Saint-Pol, le 7 janvier 1792.
Dumay, curé, procureur de la commune de Saint-Pol-de-Léon.
A la suite de cette diatribe, M. de Keraugon donna sa démission de maire. Ainsi que nous aurons l'occasion de le voir, il sera bientôt réélu.
A Saint-Pol, comme ailleurs, l'émigration malheureusement se faisait dans le corps des officiers. L'autorité perdait chaque jour de son prestige et l'indiscipline en bénéficiait. Le 5 décembre 1791, M. Blin, lieutenant-colonel, commandant le bataillon du 39ème, ci-devant Isle-de-France, partait dans la nuit. Une lettre, laissée sur sa table, annonçait que neuf officiers du même bataillon, lui avaient remis leur démission et partaient également. Dans la journée, trois autres officiers suivaient l'exemple de leurs camarades. Tout cela n'était guère de nature à rassurer les patriotes de Saint-Pol.
Aussi bien, le 9 janvier 1792, les officiers municipaux sont-ils convoqués par billet pour arrêter les mesures qu'on jugerait devoir prendre dans la circonstance. Président, M. Le Bihan, 1er officier municipal ; présents : MM. Berdelo, Deniel, Miorcec, Le Roux et François Péron, officiers municipaux.
Présent : Dumay, procureur de la Commune. Il déclare qu'une députation de trois membres du club de Saint-Pol vient se présenter à l'Assemblée. Il les prie d'entrer, et l'un d'entr'eux dit :
« Messieurs,
Députés des amis de la Constitution de cette ville, nous venons avec la plus
grande confiance déposer entre vos mains nos inquiétudes et nos alarmes ;
obligés par devoir de dévoiler toutes supercheries et trames odieuses, nous
ne pouvons mieux rassurer la tranquillité de nos concitoyens qu'en confiant à
des administrateurs zélés les connaissances que nous avons des efforts
multipliés de nos contre-révolutionnaires.
Depuis quelques jours, il se répand dans le public que ces ennemis réfugiés dans la partie d'Engleterre se disposent à faire une incursion sur nos côtes. Quoique ce projet absurde doit échouer par lui-même, nous ne pouvons mieux tranquilliser nos frères qu'en nous mettant en forces, mais, Messieurs, si le premier objet nous inquiète peu, un autre plus conséquent nous allarme ; depuis quelque temps nous voyons des soldats de la troupe de ligne quitter leurs drapeaux pour s'emigrer, dit-on, par Roscoff. Ce dernier endroit paroit les recevoir avec plaisir et leur procurer ainsi qu'à une partie de nos habitans des passages libres. En favorisant ainsy la désertion ils affaiblissent nos forces, et si on croit même plusieurs propos, il existe ici et à Roscoff des gens assez malheureux pour embaucher ces déserteurs ; d'un autre côté. Messieurs, nous ne pouvons pas voir d'un œil tranquille, l'activité que nos concitoyens de campagnes portent pour s'armer. On connoit comme ils sont bercés dans la contre-révolution ces hommes plutôt fait pour prêcher l'union et la tranquillité, leur insinuant sous le manteau de la religion qu'il faut porter le fer dans le cœur de leurs frères ; d'après ces observations, Messieurs, nous vous prions d'engager nos frères et amis de la municipalité de Morlaix de concert avec le Directoire de nous prêter deux pièces de canon de campagnes, afin de pouvoir voler avec plus de sécurité au secours de nos concitoyens opprimés et quant aux abus que vous nous dénonçons (nous vous dénonçons), nous vous prions d'en faire les informations les plus secrètes, de notre côté nous vous remettrons sous vos yeux celles que nous pourrons avoir ». Et ont les dits sieurs députés signé.
L'Assemblée a décerné acte aux dits sieurs députés du contenu en leur demande et la prenant en considération, après avoir témoigné à ces braves citoyens notre désir de voler au secours de nos bons patriotes, a unanimement arrêté d'écrire tant à messieurs du Directoire du district de Morlaix qu'à nos frères de la municipalité de la même ville, pour les prier avec instance de vouloir bien nous prêter deux pièces de canon de campagne pour la sûreté publique de cette ville de Saint-Pol. En conséquence charge le procureur de la Commune de faire sommairement les informations les plus secrètes, tant sur la prétendue descente projetté par nos ennemis, la désertion des troupes de ligne, des personnes qui les embauchent et leur donnent de l'argent, que sur l'armement précipité des gens de campagne et autres objets de suspicion, et d'en rendre compte à l'Assemblée le plutôt possible et au plus tard dans huit jours a compter d'aujourd'huy, pour passé de ce prendre telle délibération que la sûreté publique exigera [Note : Reg. 23. Fol. 9].
Signé : Miorcec, Le Roux, Dumay, procureur de la Commune, Péron, Le Bihan, Berdelo.
(abbé J. Tanguy).
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