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SAINT-POL-DE-LEON SOUS LA REVOLUTION (CHAPITRE 13).

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CHAPITRE XIII.

SOMMAIRE.

Attroupement demandant l'ouverture de l'église de Creisker. — Rassemblement les dimanches et les jours de fête à Saint-Pierre et au cimetière. — Interdiction de la messe au principal, aux professeurs et aux prêtres réfractaires dans la chapelle de Creisker. — Les patriotes avec le jureur demandent qu'on efface les armoiries et les écussons sur les biens nationaux et les maisons particulières. — Poursuites demandées par Dumay contre M. de Tromelin. — Protestation du président du Département. — Fête à l'occasion de la sanction donnée par Louis XVI à la Constitution. — Plusieurs personnes demandent les clefs de Creisker.


La procession solennelle du vœu de Louis XIII se rendit le 15 août, comme il était d'usage, à l'église de Saint-Pierre. Elle ne fut guères escortée que par les autorités. Dans la séance, tenue à 5 heures du soir, M. le maire fit remarquer que la cloche du collège n'avait point sonné, comme de coutume, au passage de la procession, ni pour l'aller ni pour le retour. Cette cloche néanmoins sonnait continuellement, quoique les écoliers fussent en vacances, au moment où les prêtres réfractaires se disposaient à dire la messe dans l'église du ci-devant séminaire dont l'entrée n'était permise qu'aux écoliers. Ces mêmes prêtres y célébraient la messe tous les dimanches et fêtes, y faisaient introduire différentes personnes et recommandaient au public de s'attrouper en denors autour de l'église et devant la grande porte pendant leurs messes « ce qui occasionnait un grand scandale et un grand mépris pour les offices qui se célébraient dans l'église paroissiale par les prêtres conformistes ».

Ce même jour, vers les huit heures du matin, un attroupement d'artisans de la ville et d'habitants de la campagne s'était formé, ajouta le maire, dans la cour de sa maison. Leur ayant demandé ce qu'ils voulaient, ils répondirent que c'était l'ouverture de l'église de Creisker pour assister aux messes qui s'y disaient. Le maire leur répliqua qu'il n'était pas en son pouvoir de leur faire ouvrir la porte de cette église ; qu'ils pouvaient aller à l'église paroissiale à la messe et aux vêpres, etc.

Ceux-ci répondirent qu'ils ne reconnaissaient plus l'église cathédrale pour une vraie église et qu'ils se feraient écharper plutôt que d'y jamais entrer. Ils se retirèrent ensuite en proférant des menaces.

Le maire fit savoir en outre au conseil municipal qu'il se faisait dans le cimetière de Saint-Pierre des attroupements d'hommes, de femmes, de filles qui y chantaient tous les dimanches et fêtes les vêpres et des cantiques et qu'ils y disaient hautement des prières pour demander l'ancien régime et surtout l'ancien évêque de Léon ; qu'ils se permettaient d'y faire des quêtes entr'eux pour les prêtres réfractaires.

Le maire priait en conséquence le conseil de délibérer dans sa sagesse pour trouver un moyen efficace d'empêcher de pareilles contraventions à la loi.

La municipalité arrêta :

1° de descendre de suite en corps au collège, accompagné de fusiliers de la garde nationale et de la troupe de ligne pour faire détacher la corde de la cloche de Creisker, afin d'en interdire le son jusqu'à nouvel ordre ;

2° De demander à M. le principal la clef de la porte intérieure de l'église, ce à quoi obtempéra M. Péron. Défense lui fut faite, ainsi qu'aux professeurs et aux prêtres réfractaires, d'y dire la messe désormais.

La municipalité se rendit ensuite au ci-devant séminaire, où le sieur Richenet, lazariste et procureur de la dite maison se trouvait. On lui réclama la clef de la porte du Jubé par où il allait à l'église. Après quelques difficultés, il remit la clef au maire, en faisant observer qu'il y avait des hosties consacrées au Tabernacle. Le maire fit alors mander M. Dumay, curé de la paroisse, qui vint en surplis et en étole, retira le saint ciboire, donna la bénédiction et le porta à la cathédrale, escorté par les fusiliers et de beaucoup de monde ;

3° Un détachement de troupe de ligne et de la garde nationale serait aussi envoyé pour dissiper les attroupements qui se faisaient dans le cimetière de Saint-Pierre et ailleurs, et qu'on trouverait chantant vêpres, des cantiques et prières à haute voix. Quant aux quêtes qui se feraient dans ces attroupements, elles seraient confisquées au profit des pauvres de la paroisse, et les personnes qui seraient trouvées quêtant, elles seraient punies de trois jours de prison [Note : Reg. 22. Fol. 75-76].

MM. Dumay, curé constitutionnel, Bolloré, marchand de vin, Digonet, Le Roux, sacristain et Ducouteau, ex-frère Carme, commissaires de la Société des Amis de la Constitution de Saint-Pol, déposent, le 4 septembre 1791, une pétition tendant à faire effacer les armoiries et les écussons sur les biens nationaux et les maisons des particuliers.

La municipalité faisant droit sur le tout :

1° Quant aux biens nationaux invendus, situés en cette ville, autorise la dite Société des Amis de la Constitution à faire effacer, lors et où bon lui semblera, à ses frais, risques, périls et fortunes, les armoiries apparentes, soit à l'extérieur, soit à l'intérieur des maisons et autres édifices appartenant à la nation ; offre les remerciements les plus sincères et les plus étendus à la générosité patriotique de la dite Société ;

2° Quant aux biens appartenant à des citoyens privés, ordonne que dans la huitaine à compter de ce jour, toutes armoiries quelconques, plaquées ou apparentes sur les maisons, portails, murs et autres édifices, seront entièrement effacées à la diligence et aux frais des individus qui en sont propriétaires personnellement ou au nom d'autrui, faute de quoi, d'après le susdit délai, les dites armoiries seront effacées à la poursuite du procureur de la Commune [Note : Reg. 22. Fol. 80].

Quatre jours après, le 7 septembre, le Directoire du district de Morlaix ordonnait à la municipalité de Saint-Pol de nommer des commissaires qui se transporteraient le plus tôt possible à Plouénan, à l'effet de vérifier les affronts faits à la demoiselle Riollay, nièce du sieur Touboulic, curé constitutionnel de cette paroisse, d'en entendre les témoins et du tout rapporter procès-verbal pour ensuite être statué par le Directoire ce qui serait vu appartenir, tant contre les malfaiteurs que contre la municipalité.

Le même jour, M. Blin, commandant le 1er bataillon du 39ème régiment, ci-devant Isle de France, en garnison à Saint-Pol, assemblait chez lui les officiers et les sous-officiers de son bataillon alternativement, et leur lut un extrait d'une lettre du ministre de la guerre qui défendait expressément aux militaires d'être membres d'aucune société, leur ordonna de s'y conformer et de faire connaître cet ordre dans toutes les compagnies.

Quelqu'un ayant représenté au commandant que les soldats désiraient qu'il leur fût fait lecture de cette lettre, il répondit qu'il ne devait et n'avait aucun compte à rendre des ordres qu'il recevait. A partir de ce jour, les hommes du bataillon ne prirent aucune voix délibérative dans la Société des Amis de la Constitution de Saint-Pol « dont ils étaient les plus fermes appuis ».

M. Dumay, le curé constitutionnel, auquel la municipalité avait accordé pour logement la demeure de M. Le Dall de Tromelin, avait sommé ce dernier, le 29 août, par exploit d'huissier, de déguerpir dans les dix jours. Ennuyé sans doute de ce que les choses n'allaient pas à son gré il crut devoir en écrire au président du Département. Le conseil général fut convoqué, dans la circonstance, le 9 septembre 1791, et M. Figuières, faisant les fonctions de maire, déposa sur le bureau, « attendu l'importance et la célérité du fait, une missive du 8 septembre 1791 de M. de Kergariou, président du Département, également souscrite de M. Pascal, vice-président, J. Duthoya, Veller, Capitaine, procureur général syndic et R. Le Pourhiet, suppléant le secrétaire général, dont l'insertion au registre serait faite aux termes du post-scriptum de la dite lettre ».

L'Assemblée ayant fait prier M. Dumay, curé constitutionnel, de vouloir bien se transporter à la municipalité, et celui-ci, s'y étant rendu en effet, il lui fut donné lecture de la dite lettre, et le sr Hervé Chef du Bois s'y étant également rendu, il y représenta un arrêté du Département en date du 8 septembre, signé Kergariou, président et Le Pourhiet, suppléant du secrétaire général, dont ayant voulu donner lecture à M. le curé, celui-ci s'est retiré sans vouloir l'entendre, et le sr Chef du Bois laissa au bureau une copie certifiée par lui du dit arrêté du Département du dit jour 8 septembre courant dont il lui fut donné un reçu par les sus-dits membres.

Voici cette lettre qui condamne les faits et gestes de l'Intrus :
DÉPARTEMENT DU FINISTÈRE.
« Quimper, le 8 septembre 1791.
Je vous prie de croire. Messieurs, que je n'abuse pas des prérogatives de ma place, et quand je vous transmets, par une lettre, les intentions du Directoire, vous devez y ajouter foi, puisque je les signe, et que j'en suis responsable. M. le curé Dumay me parait bien pressant et avoir bien peu l'esprit de charité, de son état et de son caractère. Je suis un peu offensé de sa méfiance sur mes pouvoirs, dont je ne chercherai jamais à abuser. Vous êtes les premiers, Messieurs, avec lui à me soupçonner d'un abus, dont ceux qui me connaissent ne me jugeront jamais capable »
.

Le président du Département : signé : Kergariou, président ; Pascal, vice-président, Veller, Duthoya, Capitaine, procureur général syndic, R. Le Pourhiet suppléant le s. général.

P. -S. — Vous voudrez bien. Messieurs, inscrire cette lettre sur vos registres, ce qui vous prouvera que je ne crains pas la responsabilité.

A. MM. les officiers municipaux de Saint-Pol-de-Léon.

Il est notoire, d'après cette lettre, que la municipalité de Saint-Pol et l'Intrus étaient parfaitement d'accord [Note : Reg. 22. Fol. 82-83].

Dans sa séance du 18 septembre 1791, le conseil municipal décrète que, vu la sanction donnée par Louis XVI, Père des Français, à la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale, sanction qui doit assurer désormais l'union et la tranquillité publique :

1° qu'à l'issue des vêpres, il soit chanté un Te Deum de la manière la plus solennelle possible ;
2° Qu'il soit allumé un feu de joie sur la Grande Place de cette ville ;
3° Que pendant que le feu brûlera il soit tiré onze coups de boëttes, et que, pour annoncer l'illumination qui sera à 8 heures du soir, il soit tiré sept boëttes ;
4° Que MM. les officiers de la garde nationale et des troupes de ligne dont il sera requis des détachements, chacun de 30 hommes armés, seront invités d'assister au Te Deum et au feu ;
5° A nommé et nomme commissaires pour surveiller les dites cérémonies et faire les dépenses nécessaires les sieurs Le Guével et Rageul, notables. Les quelles dépenses seront passées à-compte et remboursées sur les deniers de la municipalité, au cas qu'il y en ait et au miseur d'après l'avis du Directoire du district et l'approbation du Département.

Signé : Figuières, lt maire, Deniel, Berdelo, Morel, Le Bihan, Ducoin, Louis Bolloré, J.-D. Lucas, Le Guével, F. Peron, Michel Combot, O. Grall, Rageul, Pereault, procureur de la Commune, Destéenne, secrétaire-greffier.

Quatre jours avant, l'Intrus dénonçait trois officiers du 39ème régiment, ci-devant Isle-de-France, comme ne s'étant pas comportés avec décence et vénération sur le passage du saint Sacrement qu'il portait à une malade et les faisait mettre aux arrêts forcés.

Le 18 octobre 1791, M. Raoul, maire de Saint-Pol, était élu membre du Directoire du district de Morlaix. Le 20, il donnait sa démission, en déclarant qu'il continuerait de veiller aux intérêts de Saint-Pol. Le lendemain il fut nommé premier administrateur du district de Morlaix [Note : Reg. 22. Fol. 85-86].

M. de Mézangeau, colonel de la garde nationale, était nommé, le 25, lieutenant-colonel du premier bataillon des volontaires soldés du Département.

Le 30 octobre, vers les huit heures du matin, onze ou douze personnes tant hommes que femmes, du nombre des quels étaient les fils de Louis Saillour, Marie Grall, sœur du juge de paix des campagnes et la domestique de M. Kergaradec se présentèrent chez le sieur Miorcec, premier officier municipal, faisant les fonctions de maire et y demandèrent les clefs de l'église de Creisker, ajoutant qu'il fallait les avoir absolument, ou bien qu'on enfoncerait la porte.

Le sieur Miorcec qui se trouvait en ce moment entre les mains d'un perruquier ne put leur parler, mais son épouse leur dit que les clefs de cette église étaient déposées à la municipalité.

Ces personnes se rendirent alors sous le portique de Creisker pour rendre compte de leur mission à tous ceux qui les y attendaient.

Le sieur Miorcec, instruit de ces démarches, se transporta aussitôt à la municipalité et y convoqua d'urgence les officiers municipaux qui, tôt après rendus et instruits de la fermentation du peuple, crurent qu'il était prudent de requérir la compagnie des volontaires nationaux en armes et cent hommes de troupe du 39ème régiment, ce qui s'effectua dans l'instant et ce qui fît au peuple assemblé autour de l'église de Creisker se retirer.

Ces pauvres municipaux vivaient dans des transes continuelles, sachant que le peuple n'était pas avec eux. Au moindre embarras qui survenait, c'étaient des cris désespérés qu'ils faisaient parvenir auprès de l'administration supérieure. A la nouvelle du prochain départ du bataillon du 39ème, ils fîrent part de leurs angoisses au district de Morlaix. Le départ de ces braves défenseurs allaient laisser la vie du petit nombre de citoyens patriotes à la merci de plusieurs milliers de fanatiques.

Un exprès est envoyé à Quimper, avec mission d'exposer au Département l'état critique de la malheureuse cité et de lui dire que tous les membres de la municipalité sont tous décidés à abandonner leurs fonctions qui deviennent de plus en plus périlleuses, si on leur ôte leur seul soutien. Le bataillon de l'Isle-de-France lui seul en impose, lui seul est la ressource de l'indigent, de celui qui ne trafique que les menues denrées. Cette unique ressource une fois écartée, cette classe ne manquera pas de se soulever.

Au 9 novembre, la municipalité était informée que le bataillon resterait à Saint-Pol, ce qui la rassura pleinement. Elle se concerta avec le commandant pour procurer aux soldats un logement convenable ; celui qu'ils avaient eu jusque-là laissait à désirer.

(abbé J. Tanguy).

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