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SAINT-POL-DE-LEON SOUS LA REVOLUTION (CHAPITRE 12).

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CHAPITRE XII.

SOMMAIRE.

Installation de l'intrus Dumay. — Protestation générale. — Les sages-femmes appelées au bureau de la municipalité. — Fière et courageuse déclaration de la femme Le Bos. — Elle est emprisonnée. — Son mari va casser les vitres du juge de paix. — Les élèves du collège s'arment de gourdins. — Les prêtres fidèles condamnés à quitter leurs paroisses. — Fuite de Louis XVI. — Peur des municipaux. — Perquisition dans les maisons. — Recherches de Mgr de La Marche à l'Evêché, à la Retraite, aux Ursulines. — Vente des meubles et des effets mobiliers des Carmes. — Arrêté ordonnant de fermer les églises et chapelles non paroissiales. — Arrestations arbitraires d'ecclésiastiques. — Protestation du district de Lesneven contre la municipalité de Saint-Pol. — Démission du procureur de la Commune Le Gall de Kerven.

Monsieur DUMAY avait avisé le 27 mai 1791 la municipalité de Saint-Pol qu'il arriverait le lendemain dans cette ville et qu'il se ferait installer le dimanche 29. Le conseil général arrêta que tous les membres qui le composaient s'assembleraient le dimanche à la maison commune à 9 heures du matin, « pour aller en toute cérémonie installer le dit curé et assister à la grand'messe, de laquelle installation il serait dressé procès-verbal » [Note : Reg. 22. Fol. 63, verso].

Comme on redoutait des troubles, « réquisition fut faite au commandant du 1er bataillon du 14ème régiment de doubler la garde le samedi 28 mai pour maintenir le bon ordre et la tranquillité publique, de faire pendant la nuit des patrouilles réitérées, de saisir tous les perturbateurs et perturbatrices du repos public, d'ordonner à cent hommes de se tenir prêts pour prendre les armes le dimanche matin au premier avis qui sera donné.

Il fut également enjoint au commandant de la garde nationale de faire des patrouilles pendant la nuit et de commander 20 à 25 hommes des mieux représentants pour prendre les armes en même temps que la troupe de ligne ».

Nous tenons à reproduire ici intégralement l’installation de l’Intrus telle qu'elle est rapportée dans les Lettres missives. A la distance de plus d'un siècle, on lira ces détails avec intérêt ; on verra combien vive à cette époque était la foi à Saint-Pol.

1er juin. — A MM. les Administrateurs du département du Finistère.
Messieurs,
« L'installation de M. Dumay notre nouveau curé fut dimanche dernier. Nous vous envoyons une expédition du procès-verbal qui en a été en conséquence rapporté. La précaution d'avoir fait armer cent hommes de troupes de ligne et vingt-cinq gardes nationaux a contenu la populace de sorte que l'agitation préparée pour commettre des indécences et occasionner du trouble fut en pure perte. Notre curé paraît un digne homme et le vicaire qu'il a amené paraît aussi bon prêtre et a de l'acquit. Dans l'église n'assistèrent à l'installation et à la grand'messe que le conseil général de la commune, les familles des bons patriotes qui sont en bien petit nombre, beaucoup de grenadiers et de soldats de la garnison, mais pas un officier, certain nombre de la garde nationale du lieu et quantité de celle de Morlaix qui étoient venu exprès ; tout cela en imposa tellement que les méchants se tinrent à l'ombre ; mais donnant toujours des conseils à faire manquer de bonne volonté et de respect à ceux qu'ils gagnent pour se ranger de leur côté. Le croirez-vous ? La souffleuse d'orgue, les bâtonniers, le sonneur de cloches, le fossoyeur pour les inhumations, le fournisseur de chaises, les portes-days, la blanchisseuse du linge des autels, enfin tous ceux-là qui étoient au service du ci-devant chapitre, se sont retirés et il n'a resté que l'organiste et cinq pleinchanistes ; jugez maintenant jusqu'à ou les ci-devant ange de l'église poussent leur haine. Le sieur Luguern, prêtre sacristain, ne voulut pas paroitre à la sacristie ni donner les ornements, faire allumer les cierges, etc. Il se retira ; il ne parut plus que pour dire la messe à midy aux officiers de la troupe. Après vêpres on le fit mander à la sacristie pour lui représenter que sa façon de faire étoit déplacée ; avec bien de la peine il y vint. M. le curé avec douceur lui dit des choses les plus en place et les plus honnêtes, lui d’un air de hardiesse, répondit qu'il ne le connoissoit pas, qu'il ne le connoitroit jamais pour être rien dans l’église cathédrale, qu'il avait des chefs auxquels il tiendroit toujours et leur obeiroit et point à d'autres. Le curé lui représenta que par la raison qu'il ne vouloit pas le connoitre pour ce qu'il etoit, il ne pouvoit pas non plus le garder pour sacristain. Cela fut appuyé du maire, du trésorier et des fabriques qui etoient présents ; il répliqua que quand il auroit eû sa décharge des commissaires du district de Brest qui l'avoient chargé de la garde de tous les ornements, argenteries, etc., de l'église, il rendroit le compte et pas plus tôt. Le détail seroit trop long à faire pour dire tout ce que sa mauvaise humeur lui inspiroit. On lui demanda la copie du procès-verbal d'annotation de tous les effets pour en faire le recensement, ce qu'il refusa ; on se retira et lundy nous écrivimes au district de Morlaix pour demander un double du procès-verbal d'annotation qu'il devoit avoir été déposé à son directoire ; aujourd'huy il nous répond qu’on ne l'y a pas mis et qu'il écrit à Brest pour le demander. Voilà où nous en sommes avec tous les serviteurs des ci-devant chanoines » [Note : Lettres missives. Fol. 39-41].

Continuons ; tout ici est fort intéressant.

« Les processions pour les rogations se font, comme de coutume, dans les chapelles, au dehors, on avait poussé la malice de couper la corde des cloches, mis des pierres pour empêcher le mouvement, emporté les ornements des autels, etc., etc. A la suite des processions il n'y a eu que les bons patriotes et beaucoup de soldats ; les fenêtres étoient pleines de ricaneurs et de ricaneuses aristocrates, donnant des marques de la plus grande indécence ; à leur exemple, lundy, trois écoliers dépassèrent dans une rue la procession le chapeau sur la tête et avec l'air le plus indigne. Tous ceux qui y etoient en furent scandalisés. Cela devint public, bref le bureau les fît constituer prisonniers par la garde. Il y a eu un peu de rumeur dans le collège, mais la contrainte de la troupe a contenu les écoliers.

Hier par un acte de bienfaisance et de pacification M. le curé vint à la municipalité demander la grâce des trois emprisonnés. Elle fut accordée avec regret, car l'intention etoit de dresser procès-verbal, de dénoncer le fait à l’accusateur public et des lors ils auroient passé plus de temps en prison.

Le même jour le curé et un vicaire firent l'enterrement d'une demoiselle. Rendû dans le cimetière, au moment où l'on disoit les dernières oraisons près la tombe, un écolier s'avança encore le chapeau sur la tête ; un grenadier qui etoit là, et plusieurs autres, s'approcha de lui, d'un revers de main lui fit sauter le chapeau avec le reproche qu'il meritoit ; il se retira sans doute honteux. Tout cela ne se fait que parce qu'on les pousse à mépriser le curé, le vicaire et ce qu'ils font. Encore chose frappante, à cet enterrement, il n'y eut ni parents, ni amis, ni aucun de la société de cette demoiselle [Note : Qui était cette demoiselle ? Il est à regretter que le registre n'ait point donné son nom].

Voyez, messieurs, à quel point est monté le fanatisme à Saint-Pol, il augmentera à son comble, car les aristocrates noires qui sont remplacés dans leurs paroisses s'attroupent tous ici, ce sont des assemblées secrètes, des menées sourdes et des conseils incendiaires qui ne cessent pas encore plus depuis l'installation du nouveau curé. Que dit le peuple ? Une fois les soldats partis on verra beau jeu à Saint-Pol. Eh bien, messieurs, ils partent le 6 de ce mois, comme vous le savez, on ne nous annonce pas qu'il en viendra d'autres les remplacer. Il y a cependant nécessité absolue d'avoir toujours de la troupe de ligne dans notre ville, comme le maire l'a fait observer au ministre, au commandant et au commissaire des guerres.

La crise augmente rapport au curé et à son vicaire et tous les patriotes craignent non seulement des avanies, mais même des actes de fureur de la part de la populace. Le curé lui-même s'aperçoit qu'il est en danger et s'il n'avoit pas la municipalité de son côté, il ne se cache pas à dire qu'il ne tiendroit pas.

Les Ursulines également ont montré le plus profond mépris à l'occasion de la procession des Rogations.

Au nom des bons citoyens, le maire prie donc de rechef les Administrateurs du Département de ne point les abandonné et de leur procurer un bataillon ou au moins un fort détachement ».

L'Intrus n'était pas plus tôt installé que le Directoire du district invitait M. Corre, recteur du Minihy à « vuider dans tiers jours » le presbytère, à le céder au sieur Dumay qui en sera mis en possession par la municipalité et à délivrer au dit sieur Dumay les registres de baptêmes, mariages et sépultures qui sont en sa possession. Il en sera fait par des commissaires un inventaire des vases sacrés, ornements et autres effets servant au culte [Note : Reg. 21. Fol. 66, verso].

Ainsi qu'il avait été dit dans la réunion du 1er juin, le bataillon du Forez partit de Saint-Pol le 6.

Le curé constitutionnel était vu de fort mauvais œil à Saint-Pol, comme nous avons eu l'occasion de le remarquer. Les femmes qui touchaient à leur terme sortaient de la paroisse pour aller accoucher ailleurs et y faire baptiser leurs enfants par un prêtre non assermenté. Cette façon de protester ne laissait pas que de déplaire souverainement à la municipalité et à l'Intrus et de les humilier profondément devant la population.

Le 10 juin 1791, le maire fît appeler les quatre accoucheuses de la ville, et devant le curé Dumay leur recommanda de venir donner à la municipalité les noms des femmes qu'elles accoucheraient dans la paroisse et même de celles qui sortiraient. Ces sages-femmes promirent ou du moins semblèrent promettre de se conformer à l'injonction du maire.

Ce même jour, la femme Le Bos fît deux accouchements. Informé qu'il n'y avait eu qu'un seul baptême dans la paroisse, le maire voulut savoir où l'autre baptême avait été fait. Il fît mander la femme Le Bos et la questionna. Celle-ci avoua que l'autre baptême avait été fait à Plougoulm. Le maire lui rappela ce qui avait été primitivement convenu et lui dit qu'il voulait bien excuser sa faute pourvu qu'elle n'y retombât plus.

Sa réplique au maire est superbe :

« Alors cette femme, déployant tout ce que les mauvais principes qu'on lui avoit donnés lui suggeroient répondit même devant le curé qui étoit en ce moment à la maison commune qu'elle ne se soumettroit à aucune déclaration, qu'elle iroit ou elle voudroit, que les parents étoient maîtres de faire baptiser leurs enfants où bon leur sembleroit ; qu'on aurait beau la punir, elle iroit toujours où on la demanderoit, tout cela joint à un tel air d'impertinence et à un tel manque de respect pour le curé présent, que le maire la fit conduire en prison, afin d'empêcher que la cangrene aristocratique des non-conformistes ecclésiastiques hérétiques ne gagne la ville et les campagnes, pour persuader que réellement la religion a changé... ».

Après l'épouse vient l'époux :

« Le sieur Le Bos, mari de la sage-femme, arriva sur le moment et dit effrontément au maire qu'il renonçoit à son serment du 14 juillet et à son enregistrement comme citoyen actif, enfin qu'il ne feroit plus rien pour les affaires du temps.

Il sortit alors du bureau municipal, alla boire, passa sur la place, vomit l'injure contre la maison du juge de paix, voulut casser les vitres, se fit saisir par la garde et conduire en prison » [Note : Lettres missives. Fol. 44, 1791].

Ce qui se passait n'était guère de nature à rassurer les Pères conscrits de Saint-Pol. Aussi bien, la municipalité considérant « qu'un plus long retardement d'avoir de la troupe de ligne à Saint-Pol pourroit occasionner des insurrections, que le nombre des ennemis de la Révolution augmente tous les jours et que les différents avis font craindre des suites malheureuses écrit à la municipalité de Brest, le 15 juin, pour la prier de réquérir formellement un détachement de 150 à 200 hommes à Saint-Pol ».

Trois jours après arrivait dans la ville un détachement du 58ème régiment, ci-devant Rouergue.

Sur ces entrefaites, les élèves du collège s'étaient procuré des gourdins dont ils ne manquaient pas, à l'occasion, de faire usage. Les esprits étaient depuis longtemps dans un état de surexcitation. La municipalité invita M. Péron, principal, à défendre aux élèves de porter de ces gourdins, gros bâtons et bâtons à bourdons, soit en mains, soit dans les habits sous peine de punition exemplaire.

Désormais les prêtres fidèles n'ont qu'à se tenir sur leur garde. On va les traquer dans toute la France comme des bêtes fauves.

Le 22 juin 1791, la municipalité se réunit à 2 h. de l'après-midi. Dans cette séance, M. le maire déposa sur le bureau une lettre du district du 27 mai, « renfermant un arrêtté du département du 21 avril, qui dans sa première disposition énonçait que dans la huitaine du jour de sa notification, les curés et les vicaires qui ont été remplacés sortiraient des paroisses où ils remplissaient leurs fonctions, quand ils étaient venus réfractaires à la loi, dans la seconde disposition leur enjoignait de se tenir éloigné des dites paroisses à la distance au moins de quatre lieues sous peines en cas de désobéissance d'être réputés perturbateurs de l’ordre et poursuivis suivant toute la rigueur des lois ».

La finale de la lettre du district est conçue en ces termes : « Nous nous en rapportons à votre sagesse et à votre prudence pour son exécution ».

Nous verrons sans tarder que la municipalité de Saint-Pol ne tînt aucun compte du correctif du Directoire du district de Morlaix.

Dans cette même séance du 22 juin, notification par huissier fut faite à M. Corre, recteur du Minihy et à ses quatre ci-devant curés d'obéir à l'arrêté du Département du 21 avril sous les peines y énoncées [Note : Reg. 22. Fol. 70-72].

L'église de Kreisker servait à la fois aux professeurs du collège et aux Lazaristes, directeurs du séminaire de Léon. L'office s'y faisait comme dans une paroisse et presque tout le peuple s'y rendait. A la cathédrale il n'y avait à assister aux offices des constitutionnels que de cent à cent cinquante patriotes. Lors de la procession du Sacre, on avait affecté de ne pas non plus sonner les cloches. Le 23 juin 1791, la municipalité ordonna la fermeture de l'église de Kreisker au public, s'imaginant à tort qu'on se rendrait en plus grand nombre à l'église cathédrale.

La situation de Louis XVI était devenue intolérable. Non seulement son autorité ne s'exerçait plus et l'Assemblée se substituait à lui, mais encore il n'était pas libre. Il voulait éviter la guerre civile, ne pas recourir à l'étranger et cependant ne pas rester comme un otage ou un prisonnier entre les mains de ses ennemis. Il résolut de s'échapper de Paris et de se retirer dans l'armée de Bouillé. Dans la nuit du 20 juin, il quitta les Tuileries avec la reine, ses deux enfants et Madame Elisabeth et se dirigea vers Montmédy. Il fut reconnu à Sainte-Ménéhoulde par Drouet, le fils du maître de la poste qui le devança à Varennes, où malgré les ordres, ni les chevaux n'étaient prêts, ni les soldats de Bouillé arrivés. Il fut ramené à Paris, où il rentra le 25 juin et fut suspendu de ses fonctions.

A Saint-Pol, la nouvelle de la fuite du roi était connue le 24 juin 1791, à trois heures de l'après-midi. Voici ce qu'on lit au registre 21, fol. 70 :

Dans la séance tenue à cette occasion, « M. le maire remontre qu'un courrier passant par Morlaix a notifié l’enlèvement ou la fuite du roi et de la famille royale ; que cet événement causait des alarmes dans toute la France et qu'il était à craindre que les ennemis de la Révolution et de la Liberté n’en profitassent pour occasionner des troubles et une guerre civile, par aversion contre l'Assemblée nationale et la nouvelle Constitution ; que dans une position aussi allarmante on annonçait que partout la garde nationale est en activité aux ordres des municipalités pour surveiller et désarmer tous les ci-devant privilégiés et gens suspects à l’effet de les empêcher de se coaliser et de commettre aucune hostilité contre les bons patriotes amis de la Constitution. Aussi bien pour se mettre en garde ici comme ailleurs, le maire propose deux choses à l’Assemblée : 1° d'envoyer demain matin des commissaires chez Guillaume Fissot, dit Gilvais, demeurant en cette ville, buraliste et distributeur des poudres et autres munitions de guerre, pour vérifier ce qui peut se trouver chez lui de poudre, de plomb, balles et pierres à feu, d'en dessaisir le dit Gilvais, d'ailleurs suspect, n'ayant point fait de serment et ne s'étant pas non plus fait inscrire comme citoyen actif, et de déposer le tout à la maison de la commune jusqu'à nouvel ordre ; 2° de réquérir la garde nationale et la troupe de ligne en nombre suffisant pour aller chez tous les ci-devant privilégiés et autres habitans leurs adhérents de quelques classes et qualités qu'ils soient pour les désarmer de leurs fusils, pistolets, sabres, épées, cannes à sabres, à lances et gros bâtons, enfin de toutes armes et instruments offensifs, comme aussi de prendre toutes les munitions qu'on pourroit trouver chez eux et de les apporter et déposer dans l'arsenal de la maison commune jusqu'à nouvel ordre aussi. Il sera dressé un état de tout. Nous serons plus en sécurité et nous mettrons les ennemis de la nouvelle Constitution hors d'état de faire tout le mal qu'ils projettent ». Raoul, maire.

M. Le Gall de Kerven, procureur de la commune, appuie M. le maire.

Les municipaux de Saint-Pol ne péchaient pas par excès de bravoure ; la délibération du 24 juin le prouve amplement. Quant au résultat de la perquisition ordonnée par la municipalité, le voici. Il est de nature à faire venir la chaire de poule, ainsi que nous allons le constater. On saisit :

1° Chez Jacques Roulloin, un fusil à deux coups et une paire de petits pistolets de poche anglais ;
2° Chez M. l'abbé Quentric (ancien recteur de Plougoulm et chanoine), un fusil ;
3° Chez M. de Coatlez de la Villeneuve, deux fusils de chasse à un coup, deux poches de plomb à giboyer, une poche de pierre à feu, un bâton, avec une bayonnette, une canne à lame d’épée ;
4° Chez Madame de Poulpiquet, une canne à épée ;
5° Chez M. Coroller, un couteau de chasse garni en argent, un pistolet et une canne à épée à demi-lance ;
6° Chez M. Delvincourt, deux pistolets à un coup et une poire à poudre ;
7° Chez les Dames de la Retraite, deux fusils et un pistolet;
8° Chez M. Breton, recteur de Sibiril, un fusil.

La fuite de la famille royale avait été notifiée à la municipalité de Saint-Pol par son député, M. Prud'homme de Keraugon, le 22 juin. Le 25, le Directoire du district de Morlaix expédiait à la même municipalité deux décrets de l'Assemblée nationale du 21 juin, le premier concernant « l'enlèvement du roi et de la famille royale et les mesures prises pour suivre la trace de ceux qui se sont rendus coupables de leur enlèvement, etc. ; — le second ordonne que le ministre de l'intérieur expédieroit à l'instant des couriers dans tous les départements avec ordre à tous les fonctionnaires publics et gardes nationales ou troupes de ligne de l'empire d'arrêtter ou faire arrêtter toutes personnes quelles conques sortant du royaume, comme aussi d'empêcher toute sortie d'effets, armes, munitions, espèces d'or et d'argent, chevaux, voitures, etc., etc. ».

Ce même jour 25, ces deux décrets furent lus et publiés au son du tambour, puis affichés. Il en fut délivré copie au commandant de la garde nationale et à celui de la troupe de ligne pour tenir la main à leur exécution.

Le district de Morlaix adressait encore le même jour à la municipalité une autre missive renfermant copie d'une lettre de Quimper, datée du 24, expédiée au Directoire et au procureur syndic du district de Morlaix par les administrateurs du département, concernant les précautions à prendre relativement aux décrets du 21 pour le maintien de l'ordre et de la tranquillité dans l'étendue de l'arrondissement, ainsi que de la sûreté des citoyens et de leurs propriétés, etc. , etc.

Le conseil municipal, après avoir ouï lecture des deux décrets et des lettres précité par le secrétaire greffier et aussi ouï M. le procureur de la Commune, « sensiblement affligé de l'enlèvement du roi et de la famille royale, ordonna que par précaution et pour prévoir toute insurrection facheuse et émigration furtive il serait fait un réquisitoire par les membres du bureau à MM. les commandants de la garde nationale et de la troupe de ligne, à ce qu'ils donnassent pour consigne aux sentinelles de ne laisser passer de jour et de nuit jusqu'à nouvel ordre, aucune voiture, courrier, postillon, cavalier ni piéton pour aller à Roscoff, et de Roscoff à Morlaix et ailleurs, non plus que tout passant, arrivant ou partant sans avoir au paravant fait viser pendant le jour leur passe-port au bureau de la municipalité, et la nuit qu'ils ne les aient fait voir à l'officier du corps de garde des soldats de la garde nationale qui les viserait et faute d'avoir des passe-ports, de les arrêtter et les mettre et retenir soit au corps de garde de la troupe de ligne ou soit à celui de la garde nationale jusqu'au rapport qui en serait fait le lendemain matin à la municipalité soit par l'officier, soit par le sergent » [Note : Reg. 22. Fol. 71-73].

Signé : Raoul, maire, Miorcec, Le Gall de Kerven, procureur de la Commune, Deniel, Figuières.

Les citoyens patriotes de Saint-Pol étaient dans de continuelles transes et ils se tenaient sans cesse sur le qui-vive, leur imagination étant perpétuellement en travail. « Toujours indignés des projets sinistres » de leur ci-devant évêque. Mgr de La Marche et s'étant persuadé qu'il était rentré en ville depuis quelques jours, ils le cherchèrent dans la nuit du 27 au 28 juin à l'Evêché, à la Retraite, aux Ursulines et chez MM. du Laz et Kerisnel ; mais leurs perquisitions n'aboutirent à rien. Suivant l'expression du maire : « ce fut un coup blanc ».

Dans la séance du 3 juillet 1791, il est fait, à la municipalité, lecture 1° d'une lettre du district de Morlaix, reçue le 27 juin, et renfermant son arrêté du 16 qui fixe la vente des meubles et effets mobiliers des PP. Carmes de Saint-Pol pour être faite le lendemain 4 juillet, par le sieur Le Breton, l'un des membres du Directoire, en présence d'un officier municipal de Saint-Pol.

MM. Miorcec, officier municipal et Rageul, notable, sont nommés pour assister à cette vente et chargés d'écrire au district pour demander que les planches et bois de construction soient réservés pour faire des réparations à la dite maison des Carmes, attendu qu'elle est demandée au Département pour servir de caserne à la troupe de ligne.

Ces religieux avaient déjà quitté leur couvent et leur église était fermée avant la vente des effets mobiliers.

Quant à la vente du mobilier des Minimes, le district de Morlaix y avait fait procéder le 6 avril. A cette occasion le conseil municipal de Saint-Pol, dans un noble mouvement de commisération, sollicita du district de Morlaix la faveur de confier l’estimation du mobilier des Minimes « à une demoiselle de la ville, laquelle était estimatrice jurée et qui n'avait d'autre ressource pour vivre et faire subsister sa mère qui était centenaire. Ce serait de la part de messieurs du district de Morlaix un acte de bienfaisance qui leur vaudrait les prières de la mère et de la fille pour leur conservation » [Note : Lettres missives. Fol. 15].

Il arrive parfois à l'odieux et au grotesque de se rencontrer.

Nous eussions désiré connaître le nom de cette demoiselle qui avait toutes les sympathies du conseil municipal de Saint-Pol, aussi bien que celui de sa mère, mais les Lettres missives ne les donnent pas ;

2° Lecture est également donnée d'une autre lettre de M. de Keraugon, annonçant le retour du roi et de la famille royale et déclarant que tout était tranquille à Paris ;

3° Dans cette même séance le maire remontre « qu'il lui est parvenu que l'on soupçonnoit le sieur Monnier-Villeneuve, secrétaire et receveur de M. La Marche, ci-devant évêque de Léon, d'avoir une correspondance avec lui et qu'il est dépositaire des mémoires et lettres incendiaires contre l'Assemblée nationale et la nouvelle Constitution, que pour vérifier le fait et se saisir des dits mémoires et lettres, il propose à l'Assemblée de nommer des commissaires pour aussitôt l'arrivée du sieur Monnier, qui est absent depuis plusieurs jours, de descendre dans son appartement pour chercher, prendre tous papiers, lettres et manuscrits qui seraient contraires à la Constitution, au bon ordre et à la sûreté publique » [Note : Reg. 21. Fol. 75-76].

Trois jours après, le conseil municipal de Saint-Pol était informé par le district de Morlaix de l'arrivée du 1er bataillon du 3ème régiment ci-devant l'Isle de France. Ordre était en même temps donné de faire partir les six compagnies du 58ème régiment pour se rendre à Morlaix.

Par une lettre du 3 juillet, le Département approuvait les mesures prises par la municipalité de Saint-Pol contre les prêtres non conformistes et contre les perturbateurs. Par perturbateurs on entendait les citoyens qui ne voulaient en aucune façon avoir des relations avec les intrus.

Un autre arrêté du Département du 2 juillet, transmis par le district de Morlaix et reçu à Saint-Pol le 6, prescrit de fermer 24 heures après la publication toutes les églises et chapelles du département autres que les églises paroissiales et succursales. Sont également exceptées les églises et chapelles des hôpitaux, prisons, collèges, etc.

Les églises et chapelles des communautés religieuses qui ne se sont point conformées au décret du mois d'octobre 1790 ne seront désormais en aucun cas ouvertes au public...

Les curés et vicaires remplacés qui n'ont point obtempéré à l'arrêté du 21 avril se rendront à Brest pour y demeurer en arrestation. Par le même arrêté, il était enjoint à tous les citoyens de faire baptiser leurs enfants par leurs curés et vicaires en fonctions.

C'était le schisme obligatoire. On ne songeait pas qu'on allait se heurter à des résistances qu'aucune violence ne pourra briser [Note : Reg. 21. Folio 77].

On approchait de la fête de la Fédération. Dans la séance du 8 juillet, M. de Mézangeau, colonel de la garde nationale, fit observer que l'ancien drapeau où il y avait des hermines ne pouvant plus servir, il était urgent, d'après les décrets, d'en acheter un nouveau qui serait écartelé aux trois couleurs, pour la fête de la Fédération, arrivant le 14. M. Ridar-Maisonneuve fut chargé de se rendre à Morlaix pour l'emplette du nouveau drapeau. L'ancien serait déposé dans l'église paroissiale.

Voici le programme arrêté pour la journée du 14.

L'autel de la Patrie serait dressé sur la Grande Place, au même endroit qu'en 1790. Le curé, assisté de son vicaire et des pleinchanistes, y chanterait la messe. La bénédiction du nouveau drapeau se ferait également alors, et les anciens seraient portés à l'église paroissiale et placés à chaque bout du maître-autel en élévation.

Après le serment général des officiers municipaux, des notables de la Commune, de la garde nationale et de la troupe de ligne le Te Deum serait chanté et annoncé par le son des cloches de l'église paroissiale et par le feu d'une décharge de la petite artillerie de la ville.

Le soir, à 9 heures, illumination générale, annoncée également par la décharge de l'artillerie de la ville.

Pour les préparatifs et la surveillance sur tous les objets en général de la dite fête de la Fédération, MM. Rageul, Guével, Du Coin et Bolloré, notables, furent nommés commissaires, et pour ouvriers architectes afin de diriger l'ouvrage et la décoration, les sieurs Poher et Morgant, qui prendraient sous leurs ordres tous les ouvriers nécessaires [Note : Reg. 21. Fol. 78-79].

Le nouveau drapeau, acheté pour la fête, chez Mlle Lumière, marchande à Morlaix, coûta 53 livres, 2 sols, 6 deniers.

Les deux mémoires, qui furent présentés à la municipalité, pour les dépenses faites à l'occasion du 14 juillet, furent, l'un de 55 livres 10 sols, et l'autre de 32 livres 11 sols, à savoir : peinture, clous, fers, etc., transport des diverses pièces de l'autel de la patrie à l'église des Minimes.

En définitive, les dépenses totales montèrent à 141 livres, 3 sols, 6 deniers [Note : Reg. 21. Fol. 82].

Les amis de la Constitution de Vannes avaient signalé aux frères et amis de Morlaix et de Saint-Pol que les officiers des trois compagnies du 58ème venus de Belle-Isle à Saint-Pol avaient refusé de prêter le serment dans cette dernière localité.

Le maire de Saint-Pol,. lors du serment du 14 juillet, refusa, malgré leurs protestations, de recevoir le serment de ces officiers.

Les soldats de leurs compagnies envoyèrent une députation à la municipalité pour remercier le maire de la fermeté qu'il avait montrée et le prier d'écrire aux amis du club de Morlaix, pour rendre compte de ce qui s'était passé et demander absolument le remplacement de leurs officiers.

Cette manière de faire ne pouvait que favoriser et entretenir l'indiscipline dans l'armée.

Ainsi que nous l'avons déjà observé, la municipalité de Saint-Pol ne demandait qu'à sévir contre les prêtres, restés fidèles. Les esprits étaient surexcités par suite de visites domiciliaires, d'arrestations d'ecclésiastiques opérées dans des localités assez rapprochées de Saint-Pol. La conduite que tint, à la même époque, la municipalité, ne pouvait qu'accroître l'effervescence. Laissons parler ici M. Levot, Histoire de Brest pendant la Terreur, p. 18... « Empiétant en effet sur les attributions du district de Morlaix, elle prit, le 11 juillet, une délibération en vertu de la quelle un détachement fut chargé de saisir indistinctement divers ecclésiastiques domiciliés, non seulement en dehors de la commune, mais encore de son district. Cette délibération avait été provoquée par le sieur de Tuncq qui avait faussement allégué avoir dénoncé ces ecclésiastiques au district de Lesneven et n'avoir pu en obtenir qu'il agît contre eux. Le sieur de Tuncq était adjudicataire, depuis le 20 mars précédent, de lais de mer ou marais et terrains vagues, connus sous le nom de grève de Tréflez, et situés dans les communes de Plounévez, Tréflez, Goulven et Plounéour-Trez. D'un caractère violent, il était irrité contre les prêtres qui s'étaient montrés ou qu'il croyait s'être montrés peu favorables à ses entreprises de dessèchement. Il en voulait surtout à M. de Puyferré, recteur de Plouescat. Il dressa une liste des prêtres qu'il voulait faire incarcérer, et pour assurer l'exécution de son projet, il accompagna le détachement, commandé par le sieur Michel, officier du 58ème régiment, ci-devant Rouergue, et qui parcourut les campagnes. Sa première visite fut pour M. Le Breton, recteur de Sibiril, au quel on prit deux sacs d'argent et qui fut saisi bien que son affaire fut toujours pendante devant le tribunal de Lesneven.

De Sibiril on se porta à Cléder pour s'emparer de trois ecclésiastiques qui n'avaient pas été encore remplacés. Prévenus à temps, ils purent fuir, mais furent réduits à errer dans les campagnes. Les noms de trois ecclésiastiques de Plouescat étaient inscrits sur la liste fatale ; on n'avait pas même fait grâce à un jeune clerc tonsuré, nommé Le Got. Le bruit des exploits de la bande l'avait précédée à Plouescat. Epouvantés par cet appareil militaire (20 hommes de la garde nationale et 30 hommes de troupes de ligne), les prêtres se dérobent par la fuite au sort qui les menace. On invoque leur ministère pour administrer l'extrême-onction à une mourante, pour baptiser un enfant, pour bénir un mariage ; aucun d'eux n'ose se présenter...

La troupe, poursuivant la route qui lui est tracée, se rend à Lanzéon, pour y saisir M. Inisan, ancien recteur de Plouzané. Aveugle et octogénaire, il s'était soumis à l'arrêté du Département du 21 avril, et s'était retiré à Plounéventer, chez son frère, résolu à y terminer ses jours. On le prévient de l'approche du détachement; mais fort de sa conscience et de sa soumission aux ordres de l'autorité, il refuse d'abord de s'éloigner ; il cède enfin aux instances de ses parents. Lanzéon est voisin du bourg de Plounévez. Là le détachement s'écarte de ses instructions. La liste ne comprenait pas M. Bonnemetz ; on l'a arrêté néanmoins malgré ses infirmités, malgré les preuves de patriotisme qu'il a données. L'abbé Cloarec, curé de Tréflez, partage son sort ; on l'arrache de son confessionnal. Son vicaire parvient à s'évader. Ainsi trois prêtres étaient capturés. Au lieu de les conduire à Lesneven, on les amène par des chemins détournés au Folgoat, afin de dérober la connaissance de ces violences arbitraires au district et à la garde nationale de Lesneven. Mais le district apprend les atteintes qui viennent d'être portées, pendant les journées des 11, 12 et 13 juillet aux lois et à la liberté individuelle. Il se dirige aussitôt vers le Folgoat, avec l’intention de faire relâcher les prisonniers. Chemin faisant, il rencontra le commandant du détachement, M. Ducoin, qui lui exhibe l’ordre en vertu duquel il a agi. Le district est forcé de s'incliner et de laisser opérer l'arrestation de M. Jacob, vicaire à Loc-Mélar, et de M. Le Hir, prêtre du Folgoat, qui sont conduits au château de Brest avec les trois autres prêtres. La voie de la protestation est la seule qui reste au district. Il en use énergiquement dans sa délibération du 14 juillet. « Quelle qualification donner à tant d'attentats, y est-il dit ? La loi enfreinte, le territoire violé, les égards et les droits d'un corps administratif méprisés, les asiles des citoyens profanés, les propriétés attaquées et enlevées, en faut-il davantage pour mériter l'indignation de tout bon Français et l'animadversion des représentants d'un peuple libre ? On voue donc les auteurs de pareilles actions à la vindicte publique et à la justice, le droit de les punir ».

Cette délibération, adressée à l'Administration départementale, lui demandait la punition de la municipalité de Saint-Pol-de-Léon et de ceux qui avaient commis les violences [Note : V. Reg. 21. Fol. 80 et Lett. miss. n° 2. Fol. 62].

A Saint-Pol, les habitants n'avaient pas à se louer de la troupe qui se donnait trop de licence de jour et de nuit ; elle n'avait ni obéissance ni subordination. Les chefs ne pouvaient les contenir de sorte qu'il se commettoit nuitamment des faits assez graves et de toutes manières.

Le 20 juillet, le maire, le procureur de la Commune et le juge de paix se rendirent dans les casernes pour prêcher contre le désordre et représenter qu'il fallait absolument revenir à la discipline, que les citoyens s'alarmaient d'une conduite aussi peu patriote, et que, loin d'avoir confiance dans la troupe, on la craignait pour son dérèglement.

Les grenadiers et les soldats remercièrent les commissaires des remontrances qu'ils venaient de faire dans leurs quartiers et assurèrent que si quelqu'un tombait derechef en faute, il serait puni par sa compagnie même.

Le 31 juillet, le 58ème régiment, ci-devant Rouergue, quittait Saint-Pol où deux jours après arrivait le 2ème bataillon du 39ème régiment, ci-devant Isle de France.

Le 3 août, M. Le Gall de Kerven, procureur de la Commune, adressait sa démission au conseil, allant demeurer à Brest. Il demandait en même temps un certificat de civisme qui lui fut donné. Il avait été dix-huit mois procureur de la Commune à Saint-Pol.

(abbé J. Tanguy).

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