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SAINT-POL-DE-LEON SOUS LA REVOLUTION (CHAPITRE 11).

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CHAPITRE XI.

SOMMAIRE.

Députation envoyée à Morlaix par la municipalité pour saluer Expilly. — « Te Deum » chanté à Notre-Dame du Mur. — Ecoliers patriotes présentés par les délégués à Expilly. — Les officiers du régiment du Forez sont dénoncés par les municipaux de Saint-Pol au département et au ministre de la guerre. — Capitaine du Boisdeniel demande le renvoi du principal et des professeurs du collège. — Le département prescrit d'établir une ligne de démarcation entre Roscoff et Saint-Pol. — Le territoire de Saint-Pol est divisé par sections. — Arrivée de Dumay, curé constitutionnel à Saint-Pol. — Apposition des scellés chez les Carmes. — Nouvelle demande de troupes. — Des dépêches du comte de Bothorel sont saisies à la poste.

Dans la séance du 3 avril 1791, séance tenue dans l’après-midi, M. le maire de Saint-Pol invita le conseil à envoyer à Morlaix une députation saluer Expilly à son retour de Brest, attendu qu'il ne devait pas venir à Saint-Pol et le prier de soutenir de son crédit les intérêts de la ville auprès de « l'auguste Assemblée nationale ». Le conseil choisit MM. Raoul, maire, Le Gall de Kerven, procureur de la commune, Miorcec, Guillaume et Figuières. Les frais de voyage et de séjour à Morlaix seraient payés par le miseur.

Ces messieurs ayant appris le 7 avril que l’évêque du Finistère devaient arriver dans l'après-midi, partirent le matin pour Morlaix où ils arrivèrent vers les onze heures. Un héraut de Saint-Pol les avait devancés. Ils firent une visite au maire de Morlaix qui les reçut « d'un air de paternité ». Après l'avoir complimenté sur son mérite, ils lui demandèrent de se mêler à la municipalité morlaisienne pour la réception d'Expilly, ce qui leur fut accordé « avec gracieuseté ». On leur indiqua l'heure de se trouver en écharpe à la maison commune, le cortège devant partir de la mairie pour aller jusqu'à la rue de la Villeneuve.

Autre visite au Directoire du district.

A midi, ces braves messieurs se rendent à leur auberge pour dîner. Leur héraut est expédié à la maison commune pour savoir si les membres de la municipalité de Morlaix y étaient assemblés, ce qu'ayant su, ils revêtent leurs écharpes et vont se réunir aux municipaux de la ville. Les juges du tribunal du district se joignent à eux. Laissons ici la parole à ces bons députés de Saint-Pol, si contents, si heureux de leur voyage à Morlaix. Le rapport est tout entier de la main de M. Raoul, maire de Saint-Pol :

« Vers les trois heures, comme on se disposait à se mettre en marche, croyant que l'évêque ne devait arriver à la Villeneuve que vers les cinq heures, on entend crier qu'il était sur le quai de Léon. On courut au devant de lui et on le rejoignit à la moitié du quai. Il était devancé, entouré et suivi de la garde nationale de Morlaix, tant à cheval qu'à pied, d'un piquet de celle de Landivisiau et d'une affluence de monde. M. le maire le salua et lui fit son compliment de félicitation ; quelques autres le complimentèrent aussi. Mais comme il pleuvait, on reprit la marche et tout en cortège on se rendit à la maison commune. Là, M. l'évêque eut beaucoup de compliments de différents corps, après celui de MM. du tribunal du district. Je lui débitai aussi le mien, messieurs. Je l'avais soumis à votre examen, je l'ai prononcé d'une voix à être bien entendu. M. l'évêque a paru l'écouter avec contentement et satisfaction. Il y a répondu d'un air de bonté et d'un ton pénétré de la joie qu'il ressentoit de ce que notre municipalité avait député vers lui, qu'il n'auroit jamais oublié cette marque de notre attachement, qu'il étoit déjà et depuis longtemps instruit de notre patriotisme, que notre députation le confirmoit de plus en plus, qu'il ne l'auroit point laissé ignorer à l'Assemblée nationale, qu'il feroit son possible auprès d'elle et auprès du département, qu'il employeroit enfin tout le crédit qu'il pourroit avoir pour procurer à la ville de Saint-Pol de Léon de nouveaux établissements, pour en quelque manière adoucir les pertes que la Révolution lui a occasionnées et donner du soulagement aux habitans, que notre municipalité pouvoit compter sur son zèle et le désir qu'il a de coopérer aux moyens de venir au secours des pères de famille et d'honorables citoyens qui ont perdu leurs Etats, qui montrent encore tant de civisme et sont amis zélés de la Constitution. Voilà, messieurs, à peu près dans quel sens et dans quels termes M. l’évêque s'est expliqué, j'ajoute qu'il paroissoit si attendri qu'il en avoit les « yeux baigné ».

Après tous les compliments, M. le maire lui a proposé de se rendre à l'église du Mur, où il devoit y être chanté un Te Deum, Le cortège a repris sa marche dans le même ordre et le même éclat suivi aussi de beaucoup de nouveaux curés. Le Te Deum a été entonné par M. l'évêque et chanté en musique au lutrin par les musiciens de la ci-devant cathédrale de Saint-Pol qui étaient aussi venus complimenter l'évêque.

La cérémonie faite, on est revenu sur la Grande Place où il y avait un feu de joye préparé. Les flambeaux ont été donnés comme d'usage, premièrement à M. l'évêque, au nouveau curé de Morlaix, ensuite aux chefs de corps et le feu fut mis au bucher. Etant presque consummé, on s'est remis en marche toujours avec le même appareil et on a conduit l'évêque dans son ancien presbytère de Saint-Martin. Il étoit lors environ sept heures ; toujours réunis à la municipalité de Morlaix, nous avons retourné à la maison commune ; on s'est salué de part et d'autre et nous avons repris notre auberge, ou nous y avons aussi soupe et couchés.

Je vous observe, MM., que la municipalité de Morlaix a eu tous les égards de préférence pour nous, à la sortie de la maison commune ; moi et M. Kerven ont été placés à chaque côté de M. le maire ; les officiers municipaux se sont mélangés, M. l'évêque a toujours été dans notre centre pour allumer le feu de joye ; M. le maire, après M. l'évêque a fait donner à moi et à M. Kerven, chacun un flambeau, il nous a décerné cet honneur de préférence à lui-même ; voyant qu'il n'en avoit pas chacun de nous s'est avancé pour lui proposer le sien, il a constamment refusé de l'accepter, enfin il a fallu condescendre. M. l'évêque a été le premier à mettre le feu au bûcher et nous de suite ; vous sentez, MM., que nous n'avons pas manqué d'en témoigner notre reconnaissance à M. le maire et à MM. les officiers municipaux de Morlaix, tant en notre nom qu'aux vôtres.

Quelques écoliers patriotes du collège de Saint-Pol avaient aussi sollicité l'honneur d'aller présenter leurs hommages à Expilly. La municipalité accéda à leur demande. A Morlaix ils accompagnèrent les délégués de Saint-Pol. Dans les marches ils étaient six, savoir : MM. Penanrue Provost, du Conquet, Le Gall de Kerven, de Saint-Pol, écoliers de la seconde, Joslic, de Lesneven, rhétoricien, Derrien, de Landivisiau, Le Vot, de Saint-Pol et Bazil, de Landuvez. Ecoliers de troisième. M. l’évêque a paru bien aise de leur députation et il a accueilli avec plaisir le compliment qui lui a été prononcé par M. Penanrue ».

MM. les officiers de la garde nationale avaient également envoyé une députation à Morlaix. Elle était composée de MM. Lateste, lieutenant-colonel, chevalier aide major, Chopitel, Du Coin et Meurzec, capitaine, Lateste, fils, sergent et Gérard, grenadier. Expilly fut très flatté de cette déférence et il déclara à ces messieurs qu'il se rappellerait la preuve qu'ils lui donnaient de leur attachement à la Constitution.

Vers les huit heures du soir MM. Raoul et Kerven reçurent de M. Béhic, beau-frère de l'évêque, une invitation à dîner le lendemain avec Expilly. Ils furent on ne peut plus contents des manières de l'Intrus qui leur renouvela ses bonnes dispositions à l'égard de Saint-Pol. Après dîner, ils conférèrent encore avec Expilly des moyens à employer pour dédommager la ville des pertes qu'elle ressentait par suite de la suppression des communautés religieuses.

S'étant rendus à l'auberge où ils étaient descendus, ils en repartirent vers les 5 heures du soir pour Saint-Pol.

Les écoliers, députés, s'étant trouvés fort embarrassés à cause de leurs dépenses, soupèrent avec MM. Raoul et Kerven qui prirent sur eux de solder ces dépenses. Le lendemain, firent-ils observer à la municipalité, les écoliers ont déjeuné, sans doute, sans rien payer.

Le mémoire de l'aubergiste monta à 94 livres, 4 sols, y compris l'ordinaire des chevaux. Les journées des chevaux, en outre, pour deux jours, à savoir, quinze livres, le tout montant par suite à 109 livres 4 sols.

« Voilà, dit le citoyen Raoul, maire, à ses conseillers, le rapport que je devais vous faire. Je m'en acquitte et je signe : Raoul, maire ».

Le conseil municipal de Saint-Pol approuva le tout et remercia : 1° la municipalité de Morlaix du bon accueil fait à la députation ; 2° chargea le bureau d'écrire à Expilly pour le remercier de ses bonnes intentions ; 3° autorisa les députés à se faire payer la somme de 109 livres 4 sols sur la caisse des deniers ae la ville, d'après l'avis du Directoire du district et l'approbation du Directoire du département [Note : Reg. 21. Fol. 49-54].

Signé : Miorcec, Raoul, maire, Guillaume, Berdelo, Figuières, Deniel, Le Gall de Kerven, procureur de la Commune, Le Bihan, Meurzec, secrétaire greffier.

A Saint-Pol, la délation va s'étaler au grand jour sans honte ni vergogne.

Les officiers du 14ème régiment, ci-devant Forez, en garnison à Saint-Pol, ne fraternisaient guère, paraît-il, avec les officiers de la garde nationale. Le 18 avril 1791, ceux-ci signalèrent aux différents clubs et sociétés avec lesquels ils étaient en rapport l'attitude des officiers du 14ème qui se laissaient « endoctriner par les ci-devant nobles et les ci-devant chanoines ».

Le maire se mit également de la partie. Il dénonça aux administrateurs du district et du département, à la municipalité de Brest, au commissaire des guerres, au commandant des troupes à Brest et au ministre de la guerre la conduite des officiers du Forez. « Ceux-ci, disait-il, poussés par les ennemis de la Révolution qui fourmillaient à Saint-Pol, se montraient aristocrates comme ces derniers, s'émancipaient, narguaient et même méprisaient le très petit nombre de bons citoyens qui composent les officiers municipaux et les officiers de la garde nationale ».

Le soldat Joret du régiment du Forez et qui faisait partie des amis de la Constitution de Saint-Pol s'était plaint à la municipalité des menaces que lui avait adressées son officier, M. de Saint-Georges, en détachement alors à Morlaix. Le conseil municipal le prit sous sa protection et écrivit aux amis de la Constitution de Morlaix de vouloir bien recevoir les plaintes du soldat Joret et de lui procurer la justice qui lui était due.

Au collège, le même esprit de discorde s'était glissé parmi les élèves, ce qui ne laissait pas de créer de sérieux ennuis à la municipalité qui craignait de voir supprimer l'établissement. Déjà, en effet, M. Capitaine du Boisdeniel, procureur général syndic du Département avait prescrit à la municipalité de Saint-Pol, le 9 février 1791, de congédier le principal et les professeurs du collège qu'on accusait d'adresser aux élèves « des discours incendiaires », Comme les difficultés allaient chaque jour grossissants, la municipalité fit connaître la situation à Expilly et aux administrateurs du Département. Voici ce qu'elle écrivait sous la rubrique du 18 avril :

« Au collège il n'y avait qu'une cinquantaine d'élèves à montrer du patriotisme. Les autres sont endoctrinés par l'aristocratie noire de leurs régents, de sorte qu'étant les plus forts par le plus grand nombre, ils commençoient à vexer les autres, surtout depuis qu'ils avaient été en députation voir et complimenter M. l'évêque à son arrivée à Morlaix ; ils en avaient demandé la permission à la municipalité qui le leur avait accordée, puisqu'elle députoit elle-même vers M. l'évêque ; enfin les menaces, les coups, les injures, le complot de fait de leur arracher ruban et corcarde national qu'ils ne voulaient pas que les autres auroient portés au collège ont donnés lieu à l'insurrection et aux procès-verbaux dont nous vous envoyons une expédition. Et, il est en place, messieurs, que nous vous disions que notre descente au collège avec l'appareil que nous y avons mis et l'énergie avec laquelle nous avons parlé au principal, aux régents et aux écoliers tant dans la cour que dans toutes les classes, a opéré un bon effet, les rixes ont cessés, le calme a repris, et dans ce moment tout est tranquille, et libre à ceux qui veulent de porter ruban et cocarde. Nous déclarons que nous les considérions comme nos enfants, que nous pardonnions leurs égarements passés ; qu'ils s'étoient rendus coupables du crime de lèze-nation pour avoir arraché et foulé aux pieds le ruban et que s'ils tomboient en pareille faute, nous le dénoncerions à l'accusateur public ; avec notre fermeté, messieurs, nous mettons de la prudence ; nous désirons toujours conserver notre collège pour le bien-être de beaucoup d'habitants qui vivent à l'appuy des pensionnaires. D'ailleurs, c'est un édifice si beau, qui a coûté tant d'argent, qu'il seroit malheureux qu'il devint le nid aux chahuans... ».

A M. Capitaine Duboisdeniel, qui avait demandé le renvoi du principal et des professeurs du collège, la municipalité fit observer qu'il y aurait de graves inconvénients à prendre dans le moment une mesure aussi radicale. Les élèves ne manqueraient pas de suivre leurs maîtres, et plusieurs familles de la ville souffriraient de leur départ. Les esprits n'étaient déjà que trop surrexcités. Il serait donc beaucoup plus sage d'attendre, pour changer le personnel, l'époque des vacances ; entre-temps, on pourrait se procurer des professeurs [Note : Lettres missives. Fol. 4-5].

Autre question fort embarrassante ; l'ameublement du collège appartenait à Mgr de La Marche. N'était-il pas à craindre que le prélat le réclamât et en disposât à son gré ? Comment s'y prendre en outre pour payer les nouveaux professeurs, puisqu'on ne connaissait ni les biens ni les rentes au moyen desquels on rétribuait jusque-là le personnel de l'établissement ? On savait sans doute que ces biens et ces rentes provenaient « de différentes collocations de deniers sur le clergé et les Etats de Bretagne », et c'était tout. Mais Mgr de La Marche ayant seul entre les mains les contrats, la municipalité se demandait comment elle en aurait connaissance et par quelle voie elle pourrait se les approprier. Restait encore à résoudre une autre difficulté. Il y avait, paraît-il, entre l'évêque de Léon et M. Le Jeune, recteur de Plougoulm, un arrangement particulier pour une partie du revenu de sa paroisse que ce recteur cédait au collège. Mais où en trouver la preuve ? Aussi bien, avant d'agir, la municipalité demande à Quimper de nouvelles instructions.

Rien ne fut par suite changé dans le personnel du collège qui fut quelque temps encore dirigé par les anciens professeurs. Lorsque plus tard, comme nous aurons l'occasion de le voir, arrivèrent de nouveaux régents, le nombre des élèves diminua de jour en jour, et l'établissement finit par sombrer. Quant à l'ameublement qui était la propriété de Mgr de La Marche, il fut tout bonnement confisqué le 16 mai ainsi que les titres, les papiers et autres effets existant au collège. C'était une façon sommaire d'acquérir [Note : Lettres missives. Fol. 34. - Reg. 22. Fol. 60 et 62].

Roscoff, nous l'avons constaté, s'était constitué en commune indépendante, malgré les protestations de la municipalité de St-Pol. Par un arrêté du avril 1791, le Département avait prescrit d'établir une ligne de démarcation entre les deux communes. A la suite d'une délibération prise le 21 avril, le conseil général de Saint-Pol nomma les sieurs Le Bihan et Figuières, officiers municipaux, Michel Combot et Grall, notables, pour faire cette étude. A cette occasion, il durent parcourir tout le territoire de manière à pouvoir tracer une ligne de démarcation la plus exacte possible et la plus commode pour les habitants de Roscoff et de Saint-Pol.

Il y avait aussi une question bien délicate à trancher et le conseil de Saint-Pol la prit à cœur ; c'était celle du goémon.

Le conseil général n'ignorait pas que conformément au titre 10 du livre IV de l'ordonnance de la marine de 1681, « les habitants des deux quartiers de Toussaint et de Saint-Pierre, faisant partie des sept dont le Minihy de Saint-Pol de Léon est composé, étaient et sont en possession de cueillir les goësmons qui croissoient sur les roches des côtes de chacune de ces deux quartiers ; que ces goësmons formoient l'objet principal des habitants de ces deux quartiers et par conséquent de leur ambition, puisque cette herbe leur seurt et de combustible et d'engrais.

Et considérant qu'avant de tracer les nouvelles lignes de démarcation qui sont ou seront désignées pour les circonscriptions politiques des municipalités de Saint-Pol et de Roscoff, il est essentiel pour prévenir des insurrections que la cueillette de cette herbe précieuse pourroit occasionner de faire décider que les habitants de ces quartiers qui avoient droit par une possession immémoriale de les cueillir, continuent de l'avoir, comme au passé, chacun sur les côtes qui correspondroient à leurs territoires en se conformant chacun dans sa municipalité à ce qui est prescrit par le dit titre X du livre IV de l'ordonnance de 1681.

A d'une voix unanime chargé également M. le maire de solliciter de MM. les administrateurs du Département un règlement qui fixe et indique que les côtes dans lesquelles les habitants qui seront compris dans les lignes de démarcation des municipalités de Saint-Pol et de Roscoff auront la faculté de cueillir des goémons des roches dans les côtes qui correspondront à leurs territoires ».

Dans la même séance, M. le maire fait observer qu'il est essentiel de diviser le territoire de la municipalité par sections, de nommer des commissaires pour chacune, ainsi que de les indiquer par des lettres alphabétiques, conformément aux instructions de l'Assemblée nationale des 20, 22 et 23 novembre 1789.

La motion de M. le maire est adoptée et on procède sur le champ en divisant le territoire de la municipalité en douze sections suivant le tableau qui suit, ainsi qu'à la nomination des commissaires pour chacune des dites sections.

SAVOIR :
Section A. Notre-Dame : MM. Bolloré, notable. Le Floch, Lesmel, commissaires.
Section B. Saint-Jean : Guilmer, notable, Rageul, id., René Creignou.
Section C. Crucifix de la Ville : Figuières, Deniel, officiers municipaux. Le Guével et Chambonneau.
Section D. Penlan, Keriven et La Villaneuve : Lucas, notable, Jean Kerrien, Guillaume Perrot.
Section E. Kerouriou, Pen-ar-Stang et Traon-ar-Vilin : Le Bihan, officier municipal, Yves Perrot, notable, et Jacques Plantec.
Section F. Penpoul Kerrom et Kersaoulé : Berdelo, officier municipal, Le Hir, ancien maire, et Yves Quéré, cultivateur.
Section G. Goallec : MM. Miorcec, officier municipal, Maurice Caroff, notable, et Jacques Perrot.
Section H. Kergoff et Kersaudy : Joguet père, notable, Joguet fils, Jacquess Caroff et Jacques Le Rest.
Section J. Pen-an-Rüe et Cordellée de la Ville : Morel, notable, Yves Le Godec, Louis Stéphan, Christophe Cueff et Levot fils.
Section K. Rue Plouénan : Ollivier Grall, notable, Le Pen , Guy Prigent et Claude Combot.
Section L. Kermorus-Huela : Louis Combot, notable, Louis Abeguilé, Bergot et Sévézen fils.
Section M. Kermorus-Izela : Michel Combot, notable, Conversy et Jean Le Sann.

« Le conseil général arrêtte en conséquence que les dits commissaires s'occuperont incessamment du travail de leurs sections respectives conformément aux instructions et modèles y relatifs » [Note : Reg. 22. Fol. 56-59].

Signé : Le Gall de Kerven, procureur de la Commune, Miorcec, Raoul, maire, Michel Combot, Deniel, Joguet, Rageul, Ducoin, etc….. Meurzec, secrétaire greffier.

Dans une séance, tenue le 14 mai 1791, M. le maire dépose sur le bureau :

1° Une lettre du 21 avril de M. Expilly et par laquelle il lui annonce qu'il a obtenu du Département une somme de trente mille livres pour faire un établissement propre à occuper les habitants nécessiteux. Il invite en conséquence le maire de Saint-Pol à se rendre incessamment à Quimper afin de prendre des arrangements à ce sujet ;

2° Une autre lettre du 6 mai que lui a adressée M. Dumay, prieur curé de Goudelin, nommé à l'assemblée électorale de Morlaix du 27 mars et 18 avril pour être curé de la ville de Saint-Pol et paroisse du Minihy. L'Intrus fait savoir au maire qu'il viendra occuper la place, tout en lui demandant des renseignements avant de venir s'y installer.

Le 11 mai, la municipalité invitait le constitutionnel à se faire accompagner à Saint-Pol de deux vicaires au moins, car il ne trouverait dans la localité aucun prêtre pour le seconder. Son traitement serait de 2400 livres au moins, outre le casuel des messes et des services pour les défunts. Celui des deux premiers vicaires serait de 800 livres. On lui faisait en outre savoir que l'ancien recteur, M. Corre, était toujours à Saint-Pol : c'était, lui disait-on, un bon prêtre qui se contentait de gémir sur la situation présente ; mais ses vicaires étaient plus méchants ;

3° Un arrêté du Département du 30 avril, déclarant les biens du collège faisant partie des biens nationaux, et comme tels, sous la protection et sauvegarde de la loi et fait en conséquence défense à M. La Marche, ses agents et préposés de s'immiscer dans l'administration dudit collège directement ni indirectement, etc., etc. Nous en avons parlé plus haut ;

4° Un arrêté également du 30 avril du Département demandant que l'Assemblée primaire nomme trois officiers municipaux en la place des sieurs Blandin, Laugée et Guillaume, un nouveau maire et un nouveau procureur de la commune à la place des sieurs Raoul et Le Gall qui vont s'établir ailleurs ;

5° Un arrêté du district de Morlaix, du 19 avril, demandant les comptes des fabriques, ceux des municipalités et ceux des hôpitaux. C'est pour les établissements religieux la confiscation à bref délai.

Depuis le nouvel état de choses, l'office divin n'avait plus ni le même éclat ni la même pompe. Le conseil général de Saint-Pol, qui désirait réorganiser la maîtrise de la cathédrale s'était adressé au district de Morlaix et au Département pour avoir leur approbation. « Il n'était, observait-il, ni prudent ni décent que le chœur fût sans plein chant surtout pour les grand'messes et les vêpres ».

Après avoir tergiversé quelque tempis, il finit néanmoins par supprimer la musique et les musiciens aux offices de la cathédrale. Mais « vu le petit nombre de prêtres qui desservaient actuellement le service de la paroisse, le conseil général arrêta qu'il y aurait au moins quatre pleinchanistes et un serpent qui seraient payés sur le revenu des fonds de la fabrice, aux gages chacun de 300 livres par an, et l'organiste 400 livres. II y aurait aussi deux enfants de chœur en raison de 100 livres par an chacun, et ils seraient payés à compter du premier de ce mois ; seraient fournis en outre aux enfants de chœur les vêtements pour l'église seulement. Le souffleur d'orgues aurait 36 livres par an ; les deux bedeaux, porte-days et sonneur de cloches seraient conservés aux gages médiocres dont ils étaient payés ».

Dans la même séance, le conseil général, obtempérant à une lettre du 5 mai du Directoire du district de Morlaix, nomma quatre commissaires, à savoir : MM. Miorcec, Guillaume et Deniel, officiers municipaux et Guilmer, notable, « pour faire la vérification des meubles et effets mobiliers existant dans la maison des Pères Carmes de Saint-Pol, d'apposer les scellés et d'y mettre un gardiataire conformément à la dite lettre.

D'après un arrêté du 19 avril du district de Morlaix, le trésorier et les fabriques de la ci-devant cathédrale et de l'église de Saint-Pierre étaient chargés de recevoir et arrêtter en présence de M. le maire le compte de M.Troërin, ci-devant chanoine et fabrique des dites églises, les quels se chargeront des pièces au soutien des reliquats, s'il y en avait » [Note : Reg. 22. Fol. 60-62].

Comme le bataillon du Forez devait partir le 6 juin, M. le maire de Saint-Pol s'empressa de demander de nouvelles troupes au ministère, au département, au commandant de la division de Brest. A cette occasion, il sollicita également les bons offices de l'évêque du Finistère. « Ces troupes, faisait observer M. le maire, étaient d'autant plus nécessaires que les ennemis de la révolution mettaient tout en œuvre pour exécuter leurs abominables projets ; résistance à la loi, menaces aux patriotes, processions, messes cachées, retraites, refus d'absolution ; enfin on ne voit que des abominations. Il n'y avait pas certainement de ville en France où dans le moment on n'eût plus besoin de secours qu'à Saint-Pol ».

Il fallut, le 22 mai, procéder au remplacement de trois officiers municipaux qui avaient démissionné. A l'occasion des fêtes de Pâques, plusieurs notables dont la conscience était mal à l'aise avaient renoncé à leur mandat. MM. Le Hir, ancien maire, Conversy, ancien procureur du roi et Le Floc'h, notaire, n'eurent pas plus tôt appris leur élection au scrutin du 22 mai qu'ils se hâtèrent de décliner les charges auxquelles ils avaient été nommés. L'Assemblée refusa d'accepter leur démission, cette manière de faire étant contraire à la loi, et il fut arrêté que le Département en serait avisé.

Quatre jours plus tard, le 26 mai, le maire et les officiers municipaux de Morlaix informant le bureau de Saint-Pol que des écrits émanant de M. le comte de Bothorel sont expédiés par la poste pour être distribués dans le Léon. Le maire se rend immédiatement au bureau de M. Le Joyeux, directeur de la poste, et remarque neuf paquets provenant de Rennes, adressés aux campagnes circonvoisines de Saint-Pol.

Le Loutre, officier de la garde nationale de Morlaix, était venu à Saint-Pol, porteur de la lettre précitée, et il y était arrivé à 11 heures du soir. Le conseil général de Guingamp avait également, à la date aussi du 26 mai 1791, écrit dans le même sens.

Le conseil, convoqué dans la nuit, pour 4 heures du matin, se réunit à l'heure dite pour délibérer sur la communication de M. le maire, relativement aux paquets suspects. Deux commissaires furent nommés pour descendre sur le champ au bureau de la poste. Ils défendirent au buraliste de délivrer lesdits paquets pour la campagne et ils saisirent le paquet destiné pour Saint-Pol. Vérification faite, le contenu consistait : — 1° En un tableau comparatif des anciens impôts de la Bretagne et de ceux que l'Assemblée nationale voulait établir actuellement ; 2° Une protestation de M. Bothorel adressée au roi ; 3° une autre protestation, datée du 13 février 1790, contre les décrets de l'Assemblée nationale ; 4° la réclamation des droits de la Bretagne faite en 1788 par les différents corps, chapitres et communautés ; 5° et enfin une lettre circulaire, signée de Bothorel, datée du Plessix-Botherel, du 15 mai 1791.

Toutes ces protestations étaient frappées au coin de la vérité. La Bretagne n'a jamais été conquise, et lors de sa réunion à la couronne, ses franchises et ses libertés avaient été spécialement réservées [Note : Reg. 21. Fol 62-63].

(abbé J. Tanguy).

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