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SAINT-POL-DE-LEON SOUS LA REVOLUTION (CHAPITRE 1). |
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CHAPITRE PREMIER.
SOMMAIRE.
Mgr de La Marche est nommé en 1772 évêque de Léon. — Il acquiert de la ville, moyennant 15,000 livres, l'ancien collège qu'il rebâtit sous un nouveau plan et construit en même temps un petit Séminaire pour les jeunes gens peu fortunés. — Il institue aussi un prix de « Rosière » en faveur de la jeune fille de Saint-Pol, reconnue la plus sage.
MONSEIGNEUR J.-F. d'Andigné de La Chasse, évêque de Léon, ayant été transféré, en 1772, à Chalon-sur-Saône, quitta le pays, emportant les regrets de tous ses diocésains, pauvres et riches. Nommé en 1763 évêque de Léon, il avait été sacré le 21 août de la même année par Mgr de Beaumont, assisté de Mgr de Gouyon de Vaudurand, dont il avait été le successeur, et de Mgr de La Muzanchère, évêque de Nantes. La sagesse et la modération avec lesquelles il avait gouverné son diocèse lui avaient gagné tous les cœurs. Ce bon et charitable prélat mourut à Paris le 12 juillet 1806, à l’âge de 83 ans. Il avait démissionné en 1781.
Son successeur sur le siège de Léon fut Mgr Jean-François de La Marche, originaire d'Ergué-Gabéric, diocèse de Quimper. Il naquit en 1724 au château de Lézergué, situé dans la même paroisse, et embrassa tout d'abord la carrière des armes. Au combat de Plaisance (1747), il resta, dit-on, seul de sa compagnie.
A la paix d'Aix-La-Chapelle, 1748, M. de La Marche renonça au service, reprit ses études et entra dans un séminaire. Il fit sa licence à Paris et fut ordonné prêtre le 16 avril 1756, à Conflans, par Mgr de Beaumont. Au moment de sa promotion à l'évêché de Léon, il était déjà vicaire général de Tréguier et abbé de Saint-Aubin-des-Bois, au diocèse de Saint-Brieuc. Pour se livrer tout entier au soin de son troupeau, il remit son abbaye de Saint-Aubin ; c'était faire preuve de désintéressement, et nous verrons dans la suite que dans ce digne successeur de saint Pol le détachement de tout intérêt propre fut une qualité native.
A son arrivée à Saint-Pol, Mgr de La Marche y trouva un collège qui comptait près d'un siècle d'existence. C'est en effet le 6 mai 1681, en vertu d'un contrat passé entre missire François Allain, abbé de la confrérie des Trépassés et missire Alain Madec, prêtre, supérieur du séminaire de Saint-Pol que fut faite la cession d'une maison et d'un emplacement appartenant au séminaire pour bâtir un collège. Par le même contrat, il avait été stipulé que la ville pourrait distraire une partie de l'ancien cimetière de Kreisker pour les futures constructions, à la charge de payer au séminaire une rente annuelle de 54 livres.
Le 22 septembre de la même année, la communauté de la ville prit une délibération afin de mettre les bâtiments en état de « recevoir les escolliers, le premier lundi de 1682, c'est-à-dire le 5 janvier ». Il fut aussi arrêté que les régents seraient choisis de préférence parmi les prêtres de Saint-Pol ; qu'ils seraient nommés « par les abbés conseillers ecclésiastiques et laycs et trouvés capables par les évêques de Léon ».
Pendant les trois premières années, les choses allèrent tant bien que mal. Les bâtiments étaient dans un état de délabrement déplorable, et le local était loin de suffire. La ville avait cependant à cœur la prospérité du collège qui ne comprenait que trois classes dans l'une desquelles on était obligé de faire « régenter la grammaire et l'humanité ». Quant au cours de philosophie, il se faisait dans un « galetas », au-dessus de l'une des autres classes. Vénérable et discret missire Jean Brochec, prêtre, licencié « ès-loix », scholastique et principal du collège, lequel professait la philosophie, demandait qu'on ajoutât deux autres classes à celles qui existaient déjà. Le 7 juin 1685, la ville fit dresser un devis des dépenses qu'entraîneraient les nouvelles constructions. Ces dépenses s'élevaient à 4,500 livres. M. Hamon Le Jacobin, en sa qualité de premier magistrat, fut chargé par la communauté de la ville de remettre le procès-verbal de la délibération à Mgr Le Neboux de la Brosse, évêque de Léon et de prier Sa Grandeur de solliciter du roi l'approbation des dépenses.
Mais, en dépit de tous les calculs, c'était en vain qu'on s'ingéniait pour faire prospérer l'établissement. Parmi les professeurs, il y en avait aussi qui manquaient de mesure. Le scholastique, chargé de la direction des études, l’abbé Jean Le Moign, se faisait surtout remarquer par sa raideur. Il ne ménageait pas les punitions aux élèves, souvent sans discernement. C'était, à la lettre, un homme terrible. Ainsi, le mardi, 25 juin 1709, « sans aucun subject et par un caprice, il chassa honteusement quantité d'escoliers qui se mirent à vaguer en ville et sans rien faire nozant entrer au dict collège par les menaces que leur faisait le dict scholastique Le Moign ». Le procureur du roi fut prié de « sommer par devant notaires le sieur Le Moign de faire connaître le motif pour le quel il avait chassé les dicts escoliers ». Déjà, en 1704, il avait été encore sommé « de reprendre les exercices de la régence du collège qu'il avait cessés depuis deux jours et d'en faire connaître les motifs ». Avec de pareils hommes les meilleures institutions ne tiendraient pas longtemps debout.
Le collège déclinait chaque jour et rien ne pouvait conjurer sa ruine. Les ressources de la ville étaient loin de suffire à son entretien et à celui du personnel de l'établissement. Le séminaire, de son côté, lui réclamait le paiement de la rente de 54 livres, rente qui n'était pas fidèlement soldée. A cause de toutes ces difficultés qu'il lui était impossible de surmonter, la ville proposa, en 1782, à Mgr de La Marche de lui céder le collège. Mais, il fallait, avant tout, obtenir du Conseil du Roi un arrêt qui dérogeât à un édit de 1763, lequel édit s'opposait à ce que l'évêque de Léon « eût l'entière administration du collège en même temps que la propriété ». Mgr de La Marche répondit qu'il accepterait l’offre de la ville à la condition que le gouvernement rapportât l'édit de 1763 ; il se chargeait, en ce cas, de construire un autre collège sur un plan plus vaste, et il donnerait à la ville quinze mille livres pour les bâtiments actuels. Durant ces débats il surgit quelques difficultés qui furent bientôt aplanies. Une supplique fut adressée au gouvernement, et en mai 1786, Louis XVI autorisa la vente du collège. L'année suivante les travaux commencèrent.
La pose de la première pierre du nouveau collège ainsi que du petit séminaire, autre établissement fondé par Mgr de La Marche en faveur des jeunes gens, appartenant à des familles peu fortunées, eut lieu le 31 mai 1787. A cette occasion, le prélat invita par lettre tout le corps municipal à la cérémonie. La communauté de la ville accueillit avec empressement la gracieuse invitation qui lui était faite. Elle arrêta de se rendre en corps, au jour indiqué, au Palais épiscopal où devaient déjà se trouver réunis le chapitre et la noblesse pour accompagner Sa Grandeur à la dite cérémonie. M. Hervé Chef du Bois, maire, fut chargé, au nom du corps municipal, de procéder à la pose de la pierre fondamentale des dits édifices. La communauté de la ville « autorisa dans la circonstance M. de Keraugon faisant alors les fonctions de miseur, à délivrer à M. Chef du Bois la somme de 72 livres pour être employée aux gratifications usitées en pareil cas, et à l'indemnité des hérauts, tambours et sergents de la milice bourgeoise, qui devaient escorter le piquet commandé pour décorer la marche et obvier aux inconvénients de la foule ».
Il fut également arrêté qu'une expédition de la délibération du corps municipal serait adressée à Rennes à Mgr l'Intendant pour le supplier de vouloir bien approuver la dépense précitée et d'ordonner en même temps qu'elle serait allouée dans les comptes de M. de Keraugon qui en avait fait les avances [Note : Voir délib. de la com. de St-Pol, reg. 17, folios 7-32. Ann. cit. ].
Durant tout le cours de son administration épiscopale, ce qu'on remarque principalement dans Mgr de La Marche, c'est sa bonté, sa générosité. Il avait recours à toutes sortes d'industries pour favoriser les âmes honnêtes, stimuler les dévouements, pousser à la pratique de toutes les vertus recommandées dans l'Evangile. Ce fut le mobile qui le porta à instituer, sous le nom de Rosière, un prix de vertu qui serait décerné tous les ans à la jeune fille de la ville, reconnue la plus sage, par des juges choisis par le corps municipal.
Le 23 juin 1787, il fit part de ses intentions à la communauté de la ville et il la pria de nommer des députés pour concourir au choix de la Rosière. MM. de Keraugon et Le Hir, délégués pour assister, au nom du corps municipal à cette cérémonie, se rendirent le lendemain 24 juin, au palais épiscopal où devait se réunir l'assemblée des notables à l'effet de délibérer et de voter pour l'élection de la Rosière qui serait l'héroïne de la fête. Ce nouvel acte de libéralité du prélat plut, paraît-il, singulièrement à la communauté de la ville, car « elle chargea expressément MM. de Keraugon et Le Hir de témoigner au respectable prélat combien elle partageait et les sentiments d'édification et de reconnaissance qu'inspire à tout le public un établissement digne de la piété de son autheur et si propre à encourager la vertu ».
A cette occasion, on donna à une des rues de Saint-Pol le nom de Rue de la Rosière, nom qu'elle porte encore aujourd'hui.
Nous regrettons beaucoup de ne pouvoir citer le nom de la première jeune fille de Saint-Pol qui fut alors couronnée. Nous eussions été fort heureux de la signaler dans ce travail, mais les registres du temps se taisent sur son nom [Note : Ibid. Fol. 33].
(abbé J. Tanguy).
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