Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

SAINT-KIRIO ou SAINT-QUIRIO

  Retour page d'accueil      Retour page "Compagnons de Saint-Efflam"      Retour page "Ville de Plestin"   

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

SAINT KIRIO.

Saint Kirio est connu de longue date des hagiographes, parce que Grégoire de Rostrenen l'a signalé dans son Dictionnaire français breton, 1732 [Note : P. 440 s. v. froncle (= furoncle), p. 555, s, v. Kirio].

FRONCLE, clou, Hesqed, p. hesqedou, hesqidy, droucq sant, Kiryo, v. clou, Kiryo.
KIRIO, nom d'homme. Kiryo. Saint Kirio, qui a une chapelle en Tréguier en la paroisse de Ploujan, vis-à-vis de Cuburien près Morlaix : on l'invoque pour les froncles, Sant Kiryo. Voyez froncles.

Tous ceux qui, depuis cette date, ont écrit la vie des saints en Bretagne, n'ont jamais manqué de signaler ce saint ; c'est ce qui lui vaut de s'être vu consacrer plusieurs notices :

TRESVAUX, op. cit., I, p. LVII (1836) : S. KIRIO. Une chapelle de la paroisse de Ploujean [Note : Tresvaux a écrit Plougean], près de Morlaix, lui était dédiée ; mais elle est maintenant en ruines. Ce saint en a une autre dans la paroisse de Plounérin ; et, dans l'église paroissiale, il a une statue qui le représente en évêque ou peut-être en abbé, car en Basse-Bretagne on donne souvent le même costume aux uns et aux autres. Nous sommes portés à croire que c'est S. Kirec, dont nous donnons la Vie, qu'on nomme S. Kirio à Plounérin.

GARABY, op. cit. pp. 473-474 (1839) : 9 juillet. S. Kyrio, Evêque.
On pense qu'il était Breton insulaire, et qu'il se retira dans l'Armorique, quand les Saxons ravagèrent sa patrie.

A une demie-lieue au nord-est du bourg Plounérin, un rocher couronne une montagne et penche vers le nord. Ce fut sous sa voûte que le vertueux réfugié passa, dit-on, ses jours.

Au-dessous, vers le village de Kyrio, un bassin d'environ 24 pieds de circonférence est taillé dans la pierre de la montagne. Le prélat y put baptiser les personnes qu'il gagnait au christianisme.

Le culte de cet élu est ancien. Grégoire de Rostrenen, qui écrivait, il y a plus de cent ans, dit : « Saint Kyrio a une chapelle dans la paroisse de Ploujan, près Morlaix. On l'invoque pour les furoncles ». Cet édifice est maintenant en ruines. Tel est l'état de la chapelle du même saint pontife, au pied de la montagne où l'on rapporte qu'il vécut. A côté coule la fontaine du saint. Le réservoir est un monolithe élégamment arrondi.

Le saint a une statue dans l'église paroissiale de Plounérin, et une autre dans Trédrez. Sa fête se solemnisait dans sa chapelle de Plounérin le jour de l'Ascension.

GAULTIER DU MOTTAY, Iconogr. et hogiogr. bret., p. 55 (1869) : S. KIRIO ou KIRIOU, évêque, confesseur, 9 juillet, invoqué pour la guérison de plaies et panaris. Chapelle à Plounérin, maintenant détruite. Honoré à Ploujean, à Plounérin, à Trédrez. En vêtements pontificaux du XVIème siècle, étole, dalmatique et chasuble, mitré, crossé, bénissant, à Locquémeau. (Selon tonte apparence ce saint est le même que saint Guirec).

LOUIS LE GUENNEC. Notes sur la paroisse de Ploujean, Morlaix, in-4°, 1908, p. 22 : La frérie de Kerochiou, en Ploujean possédait une chapelle dite de Saint-Kirio ou Quiriou. On regarde généralement ce saint comme étant le même que S. Guirec, patron Locquirec et de Perros-Guirec. Cependant l'Annuaire de Bretagne de 1897, en fait un personnage différent de ce dernier, et le mentionne à la date du 9 juillet comme évêque et confesseur, invoqué pour la guérison des plaies et panaris. De sa chapelle, petit édifice bail au versant de la colline, au-dessus de cette berge vaseuse qu'on nomme la palue de S. Kirio, il ne reste plus que quelques pans de murs enlierrés sur une esplanade où coule encore la fontaine consacrée, par sa rigole de granit jusqu'au doué ombragé de vieux frênes. Le 28 octobre 1646 et le 10 juin 1694… [on y a célébré les mariages de nobles des environs] ... Malgré la ruine de la chapelle, S. Kirio est toujours vénéré dans le pays, et l'on continue à jeter dans sa fontaine des sous, des épingles ou des clous, pour obtenir la guérison des furoncles, paupières malades, etc. Une vieille mendiante de Morlaix y va, en pèlerinage pour autrui [Note : M. Louis Le Guennec résume la même chose dans Excursion dans la commune de Ploujean, in Mém. Soc. Archéol. Finist., 1905, p. 19 ; il écrie Quiriau].

[Du même auteur :] La rivière et la rade de Morlaix, Guide, Morlaix (1912), in-12, p. 13 :
Tout contre l'enclos de Roc'h-ar-Brini, sont les ruines de la petite chapelle de Saint-Quiriou, quelques pans de murs enlierrés sur une esplanade où coule encore la fontaine consacrée dans son bassin à édicule. Saint Quiriou était un grand guérisseur de plaies et d'abcès : Sant Quiriou, — Tad ar goriou (Saint. Quiriou, père des furoncles), dit un adage breton. Malgré la chute de sa chapelle, on continue à l'invoquer et à obtenir la guérison des abcès el des paupières malades.

Ploujean.

L'on a vu par ces notices que saint Kirio est honoré en trois points, à Ploujean (F.), c'est-à-dire à quelques kilomètres N.-E, de Morlaix, en Locquémeau, trêve de la paroisse de Trédrez (C.-d.-N.), non loin de la Lieue-de-Grève, et enfin en Plounérin (C.-d.-N.), c'est-à-dire à une quinzaine de kilomètres sud de la Lieue-de-Grève. Les notices de M. Le Guennec sur le culte à Ploujean sont si complètes qu'il est inutile de revenir sur ce qui concerne Ploujean.

Trédrez.

A Locquémeau, saint Kirio aurait eu jadis une chapelle, non loin de la mer, sur la limite qui sépare Trédrez de Ploumiliau. L'abbé Durand, lors recteur de Trédrez, m'a dit en 1907 que la pierre d'autel existait encore [Note : En 1920, je n'ai vu aucune pierre, ni aucune trace de chapelle]. On sait en effet, que la pierre d'autel demeure longtemps à l'emplacement où furent les ruines d'une chapelle, en raison du respect qui l'entoure. Quoiqu'il en soit, l'ancien cadastre de Trédrez dressé en 1813 ne porte pas mention de chapelle ni de ses ruines, la matrice cadastrale non plus. La statue du saint, qui était jadis dans la chapelle a été ramenée tréviale de Locquémeau, m'a dit M. l'abbé Durand. Elle est décrite par Gaultier du Mottay [Note : Iconogr. et Hagiogr. bret., p. 55. « En vêtements pontificaux, crossé, mitré. »]. La fontaine subsiste toujours. En 1907, le même recteur de Trédrez, qui aimait tant ses saints locaux, me dit qu'il avait dû, il y a une vingtaine d'années la dégager des sables qui menaçaient de l'ensevelir, et qu'il l'avait fait réparer. On s'y rend le lundi, jour consacré aux saints ; on y vient même de Trébeurden en passant par le Yéodet. On jette des épingles dans la fontaine, on prend de l'eau, on s'en frotte et l'on en emporte pour guérir les clous et les furoncles.

Il n'existe aucune tradition sur saint Kirio, Locquémeau ; on sait seulement qu'il est venu d'Irlande.

Saint Kirio figure dans le cantique intitulé Gwerz Sant Kémo, que M. l'abbé Durand publia en 1808 et que l'on chante aux pardons de Locquémeau et de Trédrez. Saint Kirio comme saint Kémo y sont donnés comme patrons des marins, ce qui est une dérogation à la tradition. Ces deux saints n'ont jamais eu cette spécialité [Note : Il y a lieu de remarquer que les marins bretons invoquent peu les saints bretons. Leurs ex-voto remplissent les chapelles de la Vierge, les chapelles de sainte Barbe ; mais les saints bretons ne sont jamais les patrons des marins ni d’ailleurs d'aucun corps de métier].

Je n'ai pu savoir à, quelle date se célébrait le pardon de Saint-Kirio, si pardon il y a, eu jamais.

Il faut avoir vu la petite fontaine de Saint-Kirio en Trédrez pour se rendre compte de ce que sont les établissements côtiers du culte de nos saints. Une prairie qui s'incline doucement en amphithéâtre au fond d'une vallée resserrée entre deux collines à pentes raides, vient mourir dans une toute petite anse sableuse qui a peut-être quinze mètres de large. Un léger talus sépare la prairie de la grève, des peupliers ont poussé sur ce talus ; la fontaine est entre ces peupliers ; le pignon qui forme le fond et dans lequel est ménagé une niche vide est adossé au talus, la fontaine toute entière est encastrée dans les terres. Des deux côtés de la grève, les rochers ; en face, la mer immense. Ni village, ni maison ; pas un passant ; la côte bretonne ne connaît même pas les contrebandiers. C'est à peine si deux fois par an cette grève reçoit des visiteurs, en janvier, au moment de la coupe des goémons, et pendant, la semaine sainte, lorsque les cultivateurs viennent chercher des coquillages pour les repas maigres. Parfois des enfants mènent les vaches dans la prairie voisine. Le lundi matin, un pélerin ou une pélerine va jusqu'à la fontaine et s'en revient aussitôt ; en autre temps jamais personne ne vient troubler la solitude de cette grève.

Il faut être passé par là pour comprendre l'origine de ces cultes. Ce sont les endroits que nos saints avaient choisis comme résidence. Aucun point ne pouvait fournir paradis plus rêvé à nos vieux saints celtiques. Loin du monde, sans souci de la vie, puisque la mer fournit largement les coquillages nécessaires à la nourriture, un ermite est venu habiter en ces lieux déserts, y jouir du spectacle reposant de la mer et de la nature, y vivre dans la contemplation, y prier seul avec Dieu.

Le voyageur voudrait s'arrêter aussi, contempler et prier, il ne le peut pas, mais il sent toute la poésie qu'on pu trouver en ces lieux, nos vieux saints celtiques, il saisit la réalité de ces faits historiques, reconstitue la vie des siècles passés [Note : Je ne crois pas que des cultes de saints aient été transportés en des points semblables, et c'est, ce qui me fait penser que ces oratoires côtiers, en des endroits absolument perclus, doivent remonter au saint lui-même. L'anse qui suit, en allant de Locquémeau vers le Yeodet, et qu'on m'a dit s'appeler Poul ma dogen, a été habitée. On y voit les ruines d'une maison ? carrée dans laquelle on a ménagé un lavoir. Rien ne serait plus intéressant que d'étudier en détail la côte d'un canton ; actuellement, avec les villas construites par les étrangers, tout se perd].

Plounérin.

En Plounérin, tout à fait à l'est de la paroisse, une contrée porte le nom de Quirio [Note : Nom de lieu qui ne comprend que le nom du saint patron, comme Cavan, Beuzec, v. supra au chapitre de S. Garan, concernant Cavan], et là au pied d'une colline couverte de landes se trouve au milieu de grands arbres la chapelle Saint-Kirio. Une inscription sur une pierre au-dessus de la porte, inscription déjà en partie illisible, indique R. KERBORIOU…… 1879 …… St KIRIO. C'est en effet à cette époque que la chapelle fut rebâtie fort simplement en briques et pierres, on a vu qu'elle était en ruines à l'époque de Gaultier du Mottay en 1869.

Tout près se trouve une fontaine de date ancienne, et dedans on peut voir les nombreux clous en fer que les pèlerins y jettent pour obtenir la guérison des clous, ou en être préservés. En haut de la colline existe un énorme rocher naturel dit Rocher de Saint Kirio, surmonté d'une croix en bois [Note : Ce bloc cube environ 300 m. (GAULTIER ou MOTTAY, Géogr. Départ. des C.-D.-N., p 678)]. C'est là que saint Kirio aurait vécu.

Un feu de joie, tantad, est allumé en haut de cette colline, tous les ans ; en 1912, il était allumé le jeudi 16 mai, jour de l'Ascension.

Cette petite chapelle a eu toute une histoire : la Municipalité l'avait louée aux protestants pour y chanter les vêpres le dimanche. Mais les héritiers de René Kerhoriou, qui l'avaient construite à une toute autre intention, la revendiquèrent et la reprirent. Mécontents, les protestants firent une chanson très satirique contre le recteur de Plounérin et contre les enfants Kerboriou et le Guen. Cette chanson fut imprimée. Je n'ai pu en avoir le texte.

Cette chapelle appartenait en 1912 à M. René Le Guen, ancien maire de Caouennec et ancien conseiller d'arrondissement qui habite au bourg de Plounérin. M. Le Guen possède une série de vieux actes concernant les parages de Saint-Kirio. En 1537, cet endroit est dénommé Quyrieau, trève de Trélohan. En 1749, nous voyons intervenir un personnage du nom de Quiriou le Morvan. Le nom de Quirio a done servi de nom de baptême ; toutefois, on le voit, Quirio n'a jamais été le nom ni d'une trève ni d'une frérie.

A Plounérin, on ne sait rien de l'origine de ce saint. On le suppose venu avec saint Nérin. Mais la légende créée par le cantique de Plestin et surtout par les verrières commence à se répandre.

Voici donc un saint peu connu, sur lequel on a peu de renseignements et cependant, les renseignements, bien qu'insuffisants, indiquent qu'il s'agit d'un saint dont la personnalité se dégage avec une rare netteté. En les trois pinnts où il est honoré, il porte le même nom, sa spécialité thérapeutique est la même, il guérit des furoncles et abcés, les pratiques superstitieuses à sa fontaine sont identiques : offrandes d'objets métalliques, monnaies, clous, épingles.

Ces trois localités où existe le culte de saint Kirio. constituent un triangle qui aurait 30 kilomètres sur son plus long côté, compris tont entier sur le territoire de l'ancien évêché de Tréguier, archidiaconé de Pougastel. Mais un détail excessivement curieux existe pour ce saint. Comme on l'a vu pour saint Garan et saint Caré, nos saints bretons qui, la plupart, sont venus par mer, se sont d'abord installés sur le rivage à l'endroit où ils ont débarqué ; pour remonter plus tard à l'intérieur des terres [Note : Cf. pour S. Conven, qui a une petite chapelle sur le rivage de Plouezac'h, à l'endroit où il débarqua et s'établit plus tard à Plougonven dont il est l'éponyme. Il existe d'autres exemples dans la région de Plestin, et le même phénomène se reproduit dans toute la Bretagne]. Pour saint Kirio, nous avons deux établissements côtiers, Ploujean et Locquémeau. Il est difficile de dire quel est le lieu di débarquement de saint Kirio ; il est impossible de dire aussi si, un de ces points étant le lieu de son débarquement, l'autre point côtier rappelle un voyage du saint en cet endroit, ou résulte d'un transport du culte [Note : Les vieux hagiographes n'auraient pas hésité dans la circonstance à raconter les pérégrinations du saint. Il est certain que nos saints furent des saints voyageurs, la vieille vie latine de S. Tudual. et celle de S. Samson en sont la preuve, mais il est bien difficile d'admettre que le souvenir du saint ait subsisté en chaque point où il a pu résider].

A Locquémeau, la tradition raconte que le saint a débarqué et résidé dans la paroisse ; j'ignore les traditions de Ploujean. Quant à l'établissement de saint Kirio en Plounérin, la tradition est formelle pour affirmer que là fut la résidence du saint, et que c'est là qu'il mourut [Note : Déjà indiqué par de Garaby, 1839. — Il existe un village de Quiriou ou Quirriou dans la commune de Landudal (F.). Ce village est ainsi dénommé dans l'ancien cadastre de Scaër, dont Landudal était autrefois une section. Il y a non loin un hameau de Kerriou, ce qui indique que Quiriou n'est pas = Kerriou. Mais je n'ai aucun renseignement sur l'origine de ce nom de lieu. Il se peut que ce soit un nom de hameau formé par le seul nom du saint et qu'il s’agisse de saint Kirio. Je l’ingnore].

Le nom de saint Kirio.

Il était nécessaire d'étudier ce saint, avant d'aborder l'étude de son nom. La physionomie bien distincte de ce saint, honoré en trois localités sous le même nom et invoqué pour les mêmes affections indique qu'il ne peut être question de le confondre avec d'autres saints dont le nom présente certaines ressemblances.

Les tentatives de l'école qui Lente toujours de ramener à un seul personnage des saints de noms peu différents ont eu pour but de considérer Kirio comme étant le même personnage que saint Guirec. Il faut d'abord faire remarquer que des similitudes ou des ressemblances de nom, n'entraînent pas l'identité des personnages [Note : En vertu de l'adage qu'il est regrettable d'appliquer ici, et tout respect gardé, « il y a plus d'un âne qu'on appelle Martin »]. Pour le cas de Kirio-Guirec l'hypothèse est impossible. En effet, l'aire géographique du culte de saint Kirio est remplie du culte de saint Guirec, lequel est honoré à Perros-Guirec (C.-d.-N.), est l'éponyme de Locquirec (F.), et d'un hameau appelé Le Guirec en Ploubezre (C.-d.-N) [Note : C. E.-M. ; GAULTIER DU MOTTAY, Iconogr. et hagiogr. bret., p. 44, et Géogr. dép. des C.-d.-N., p. 592, signale une chapelle à ce saint en Ploubezre, cf. FURETEUR BRETON, IV, 1909, p. 207. Quant à la chapelle en Ploujean, il veut parler de la chapelle Saint-Kirio. Il a confondu Kirio et Guirec ; et c'est à cause de cette confusion qu'il dit que S. Guirec guérit des furoncles et abcès]. L'importance du culte de saint Guirec à proximité des endroits où saint Kirio est honoré prouve que saint Guirec est connu dans la région, qu'il ne pouvait être oublié au point de se voir partagé en deux personnages, l'un sous la forme Guirec, l'autre sous la forme Kirio. En second lieu, il est impossible d'admettre qu'à quelques kilomètres de distance le même nom de saint aurait évolué et donné deux formes distinctes fixées définitivement depuis le XVIème siècle, et qui, topographiquement se chevauchent l'une l'autre, puisque l'on a de l'est à l'ouest, sur une distance de 50 kilomètres environ, Guirec à Perros-Guirec, Ploumanac'h, Kirio en Trédrez, Guirec à Locquirec et Kirio à Ploujean. Cette démonstration suffit, il est inutile d'insister sur le fait qu'au point de vue philologique ces deux noms sont sans aucun rapport [Note : Je crois d'ailleurs que S. Guirec est bien Girek et non Kirek comme on l'a supposé. Albert le Grand a inventé Kirek d'après Locquirec, ignorant que S. Guennolé a donné Loquénoté et Locunolé, S. Gueltas Loqueltas, S. Guénin Loquinin, S. Coulven Locoulven, S. Goal Locoal, cf. contra, J. LOTH, Ns., p: 57, qui cite Penros-Kirec en 1481 = Perros Guirec, mais cette seule graphie n'est pas pour M. Loth un indice certain, puisque pour M. Loth Kirek n'est qu'une hypothèse. En fait, le saint n'est connu que sous le nom de saint Guirec. La statue de l'oratoire de Ploumanac'h, près de Perros-Guirec, porte l'inscription Zant Gwirek, pedit evidomp ; à Locquirec, l'on prononce S. Kireck (Le BRAZ, Les Saints bretons d'après la trad. pop., XI, p. 180), l'influence du nom de lieu était fatale, et cependant, il existe deux cantiques, Kantik Zant Girek, paeron Lokirek et Kantik Zant Girek, tous deux pour Locquirec, dans lesquels le saint est toujours appelé Zant Girek (imprimés sur la même feuille, s. d. et sans imprimatur). Je croirais assez que ces deux cantiques sont l’œuvre de l'abbé Durand (ils n'ont, rien de commun avec un troisième cantique à S. Guirec, par l'abbé Thos, recteur de Perros, cité par le FURETEUR BRETON, loc. cit.), car les gens de Locquémeau vont au pardon de Locquirec, et il est fait allusion à ceux-ci dans les couplets 7 et 9 du premier cantique. — Enfin, ajoutons qu'il existe un hameau de S. Guireuc en Plévénon (C.-d.-N.. zone de la langue française), et un village du nom de le Guirec, que nous avons déjà cité, en Ploubezre].

Le nom de notre saint est Kirio ou Kiriou. Lés finales o et ou sont identiques ; c'est une variété de prononciation et de graphie courante en breton.

Le nom paraît brittonique et semble avoir la même racine que le nom gallois de Keirawc qui désigne une rivière qui se jette dans la Dée, au-dessous de la ville de Chirk au confluent appelé Aber Ceirawc [Note : Ceiriog en gallois moderne. Ce nom a été employé comme nom bardique par un des plus grands poètes gallois du début du XIXème s] ; la même racine se retrouve dans le nom de lieu gallois Ceiri [Note : Cité par J. LOTH, Ns., p. 23 s. v. Kiri. Il existe en effet une chapelle de S. Quiri en Plounevézel (F.), tous ces noms peuvent avoir la même étymologie ; cf. et, le roi breton Quiri (DUINE, Memento, I, n° 183, p. 158). — Kirio n'a aucun rapport avec le nom de Guérech et sa transcription latine Quiriacus soit pour le comte de Vannes waroch, dont l’aula Waroci, ou aula Quiriaca, est actuellement Lesquiriac en Piriac (Loire-Inf.), soit pour l'év. de Nantes Guerech ou Quiriacus, + 1079 (Chronique de Nantes, éd. Merlet, Paris, 1896, in-8°, Intr., pp. XXXIV et seq, ; Cartul de Quimperlé., éd. Le Maître et de Berthou, Rennes, 1904, in-8° pp. 8° pp. 84, 222, 224). — Aucun rapport avec le sanctus Kyrio qui figure au 11 mars dans le missel de S. Malo, imprimé en 1503, il s'agit comme l'a remarqué l'abbé Duine, de S. Cyrion, martyr, dont Basile et d'autres pères und célébré la gloire. (Bréviaires et Missels, p. 81, n° 29). — Aucun rapport non plus avec les nombreux ss. Cyriacus ou Quiriacus de l'église romaine].

Les conclusions qu'on peut porter sur saint Kirio sont à peu près les suivantes : il est vertu de l'île de Bretagne, puisqu'il porte un nom brittonique ; il a débarqué soit à Locquémeau, soit en Ploujean, après avoir résidé en ce premier point, il partit vers le haut pays s'établir sur le territoire de Plounérin, où il finit ses jours. Son nom, sa spécialité thérapeutique, identiques dans les trois localités où il est honoré lui constituent une personnalité absolument nette [Note : Je ne répéterai pas ici ce que j'ai dit pour S. Nérin, évêque. A Locquémeau, S. Kirio est représenté en évêque (GAULTIER DU M., sup. cit.), de même dans l'église de Plounérin (TRESVAUX, sup. cit.). Le fait est curieux : dans les deux points le saint est figuré en évêque. Je crois ce fait très significatif : les deux chapelles s'ignoraient ; l'on ne peut supposer deux légendes iconographiques naissant parallèlement et spontanément en deux points différents. Il faut y voir une tradition constante puisqu'elle est concordante en deux points différents].

Saint Kirio et les clous.

En Plounérin, en Ploujean, et en Trédrez, saint Kirio est prié pour la guérison des furoncles, des clous. Il n'y a aucune relation entre le nom de cette affection et le nom du saint [Note : Et par conséquent il n'y a pas spécialité provenant d'un calembour, comme pour S. Cloud, ou S. Maclou, qui en France guérissent d'une affection qu'on désigne sous le nom de « clous ». DELEHAYE, Les Légendes hagiographiques, Bruxelles, 1905, in-8°, p. 54, SÉBILLOT, Le Folklore de France, II, p. 269, IV, p. 153]. D'ailleurs, en Bretagne, bien d'autres saints sont priés pour cette affection : saint Cadou [Note : A. LE BRAZ, Les Saints d'après la trad. pop., VIII, p. 222], saint Efflam lui-même [Note : En Kervignac (M.)], saint Maudez [Note : SÉBILLOT, Petite Légende dorée de Haute-Bret., p. 72, passage reproduit infra], saint Laurent [Note : SÉBILLOT, Le Folklore de Fr., IV, p. 139], etc., dont les noms n'ont aucune relation non plus avec le mal. Il faut noter que les pratiques thérapeutiques pour la guérison des clous, sont excessivement nombreuses. Le folklore en cette matière est des plus riches. Aucune maladie n'offre un folklore aussi fourni [Note : Certaines maladies, au contraire, ne sont traitées en aucune façon par le folklore, cf. SÉBILLOT, ibid., p. 268. La furonculose relève uniquement des soins du folklore. C'est ainsi que le recueil de médecine galloise du Moyen-Age, les Meddygon Myddveu, édit. Diverrès, Paris, 1913, in-8°, dédaigne cette affection, dont il ne parle que deux fois (pp. 945 et, 955 du Livre Rouge)].

Dans les pays où saint Kirio est invoqué contre la furonculose, cette affection porte le nom de ce saint qui la guérit. Grégoire de Rostrénen, dès 1732, a signalé l'appellation de droucq Sant Kirio, mal de saint Kirio ; un grand nombre de maladies sont ainsi désignées en breton, en faisant suivre le mot drouk du nom du saint guérisseur [Note : On trouvera la liste de ces maladies, dans le Dictionnaire breton-français de LE GONIDEC, s. v. Drouk. — Le Gonidec y donne aussi drouk sant Kirio qu'il a certainement, emprunté à Grégoire de Rostrenen]. En Trédrez l'on dit gloaz sant Kirio, le mot drouk servant à désigner des maladies graves telles que le drouk sant, épilepsie, alors que gloaz désigne un mal relativement léger. L'expression drouk sant Kirio indiquée dans les dictionnaires doit être fort sporadique. En septembre 1920, j'ai eu le bonheur d'interroger l'éminent bretonnant Francois Vallée, qui m'a dit l'ignorer. C'est la preuve indubitable que cette expression a une aire géographique très restreinte.

En chaque endroit où un saint guérit des furoncles, on fait soit au saint lui-même [Note : A la chapelle Saint-Laurent-en-Lion (Loire-Inf.), on dépose les clous ni pesés, ni comptés, au pied de la statue, dans un trou du mur ou sur l'autel, SÉBILLOT, Folklore de Fr., IV, p. 139 à S. Servant dans le Morbihan, les jeunes filles déposent des épingles sur le tombeau de S. Gobrien, pour se marier dans l'année, les hommes y déposent des sachets de clous, pointes et épingles pour la guérison des furoncles et des inflammations. Ibid., p. 160. — Pour ce qui est de l'épingle, c'est absolument par exception que l'on a dit que les morts prennent ces épingles pour rattacher leur suaire : Breiz Izel ou la Vie des Bretons dans l'Armorique, dessins d'Olivier Perrin, texte d'ALEXANDRE BOUET (1835), Nouvelle Edit., Quimper, 1918, in-4°, p. 47, est le seul à rapporter ce dire : SÉBILLOT, ibid., II, p. 203, dit qu'il ne l'a pas retrouvé ; c'est une explication que Bouët aura entendu donner mais ce n'est pas là une tradition], soit à sa Fontaine [Note : Ainsi la fontaine près de la chapelle de Saint-Antoine en Plouezoc'h (F.) (L. LE GUENNEC, Excursion en Plouezoc'h, Soc. Arch. Fin., 1906, p. 54).] des offrandes de monnaies, épingles ou clous.

A saint Kirio en Trédrez, l'on offre des épingles ; à saint Kirio en Ploujean, on offre des sous, des épingles ou des clous ; à Saint Kirio en Plounérin, l'on n'offre que des clous. Il s'agit là simplement d'une offrande en métal qui n'a aucune autre signification.

Mais il faut s'arrêter sur l'offrande de clous, qui peut être l'objet d'erreurs excessivement graves.

Il faut d'abord fixer un point capital : le clou est une offrande de métal au même titre que l'offrande de monnaie ou d'épingles, puisqu'à Ploujean l'on a vu ces trois sortes d'offrandes réunies. Le clou est un numéraire, pourrait-on dire [Note : Au même titre que l'ont été les haches, et les broches à l'époque préhistorique, DÉCHELETTE, Manuel d'Archéologie préhistorique, celtique et gallo-romaine, Paris, in-8°, 1908 et sq., II, pp. 164, 403, 800 et sq.]. Il n'a absolument rien de commun avec le nom que la maladie porte en breton. En breton, l'emploi métaphorique du mot clou pour désigner les furoncles n'existe pas. Cette métaphore n'existait pas en latin, le mot furunculus emprunte sa métaphore à l'idée d'un petit voleur. En breton, les mots qui désignent les furoncles, Gor, Pugnez et Hesked, n'ont que ce seul sens, qui est leur sens propre. Les mots qui désignent les clous à clouer, Broud, Tach, ne sont jamais employés pour désigner les furoncles [Note : De même en gallois, corn6yt = furoncle, ne repose sur aucune métaphore. — Cf. à, ce sujet le petit centon reproduit par LE BRAZ, op. et loc. cit. : A saint Kadou, allez avec des clous, pour guérir des furoncles : Da Zant Kadou — Et gant tachou — Vit Kaoud remed d'euz or goradou. Les trois noms, du saint, des clous el des furoncles, sont différents. — D'ailleurs, en ce qui concerne S. Kirio et les autres saints guérisseurs de clous, il ne faut pas oublier qu'ils guérissent aussi des plaies, des tumeurs, échauffements des paupières, etc. Voyez le passage de L. LE GUENNEC sur S. Kirio en Ploujean, supra cit. et GAULTIER DU MOTTAY, supra cit.].

Il importait de bien marquer ce premier point, parce que en France, et dans la Bretagne de langue française où les furoncles sont appelés clous, le calembour est intervenu qui a fourni une explication absolument inexacte du rite : on offre des clous pour être guéri des clous.

Cette explication inexacte se trouve dans bon nombre d'auteurs : SÉBILLOT, Le Folklore de France II, p. 293-294 : La nature de l'offrande est parfois déterminée par une similitude de nom entre l'affection qu'il s'agit de guérir et l'objet donné à cette intention. Lorsqu'on vient chercher de l'eau à la fontaine S.-Malo à Bréhand-Moncontour, pour la guérison des furoncles, qui dans le pays gallo sont appelés clous, on y jette une poignée de clous qui n'ont dû être ni comptés, ni pesés, et qui servent à réparer la toiture de la chapelle voisine ; dans la commune limitrophe de Trébry, la fontaine S.-Maudez reçoit la même offrande, de même que la fontaine dite de S.-Clou, non loin de Saint-Brieuc. Dans plusieurs fontaines de Basse-Bretagne placées sous le vocable de St Villo ou de saint Cado on jette des clous à poignées afin d'être préservé, des clous sur le corps [Note : Cf. ibid., IV, p. 139 : « En Bretagne, où les furoncles sont appelés clous, il est d'un fréquent usage d'offrir au saint réputé peur les guérir, des clous de fer qui ne doivent être ni pesés ni comptés, etc... » ; pour le nom de S. Cloud qui intervient, cf. ibid., p. 153, on déposait des clous sur l'autel de S. Cloud, dans l'église du Pin (Deux-Sèvres) pour la guérison des furoncles].

Il a été recueilli un conte facétieux excessivement intéressant pour expliquer l'offrande de clous à la fontaine Saint-Maudez près de Trébry.

SÉBILLOT, Petite Légende Dorée de Haute-Bretagne, p. 72 : « Quand saint Maudez voulut attacher les ardoises sur la couverture de sa chapelle, il n'avait pas de clous, et il se désolait, parce qu'il ne savait comment s'en procurer. Un homme du pays ayant, appris que le pauvre saint, Maudez n'avait pas de clous, lui en porta tout ce qui lui en fallait. Or cet homme avait des clous (furoncles) dans une fesse, qui le faisaient beaucoup souffrir et l'empêchaient de travailler. Saint Maudez, pour le récompenser du service qu'il lui avait rendu, lui guérit aussitôt ses clous. C'est depuis, ce temps qu'on s'adresse à saint Maudez quand on a des clous aux membres, et qu'on lui offre des clous de fer en mémoire du miracle qu'il fit en guérissant le bonhomme. (Conté en 1883 par François Ramet du Couray, âgé de 50 ans) ».

L'offrande consiste en une poignée de clous à lattes qui ne doivent avoir été ni comptés, ni pesés.

Ce conte est de Haute-Bretagne ; pays de langué française, où la métaphore clou = furoncle, est courante. La métaphore apportée par la langue française a poussé à créer ce conte, mais le rite de l'offrande de clous demeure absolument indépendant de la maladie dont on veut obtenir la guérison.

La preuve en existe dans le fait qui a déjà été indiqué, à savoir que l'on offre aussi à saint Kirio, pour les furoncles, des sous et des épingles, mais une autre preuve existe encore dans un autre fait, à savoir que l'on offre des clous aux fontaines pour d'autres maladies. A la fontaine qui se trouve près de la chapelle de la Madeleine, à 1 kilomètre de Pempoul, sur la route de Morlaix, on jette en guise d'offrandes des clous rouillés dans l'eau pour obtenir la guérison des petits enfants [Note : A. LE BRAZ, Les Saints bret. d'après la trad. pop., IX, p. 593. — Dans un cas où il ne s'agit pas de fontaine : les jeunes filles déposent des épingles sur le tombeau de S. Gobrien à l'église de S. Servant (M.) pour se marier dans l'année. Les hommes y déposent des sachets de pointes, de clous et d'épingles pour la guérison des clous et inflammations. (SÉBILLOT, Folkl. de Fr., IV, p. 160). — En aucun cas, les jeunes filles ne font offrandes de clous]. Il y a donc un premier point acquis : l'offrande de clous est sans relation aucune avec le nom français de clous dans le sens de furoncle.

Il faut noter ensuite que cette offrande de clous n'a absolument aucune relation avec différentes pratiques superstitieuses où le clou joue le rôle principal : la première de ces pratiques est celle du clou à qui l'on transmet un mal, qui le garde à la place du patient, et qu'on jette ensuite. Le clou doit avoir touché le mal, et il faut un clou par furoncle [Note : Par exemple, pour les verrues, autant d'épingles que de verrues : SÉBILLOT, Le Paganisme Contemporain, Paris, 1908, in-18, p. 129, marque bien la différence qui sépare ce rite du rite de l'offrande. Il s'agit de transmettre le mal à la pointe, puis de jeter cette pointe]. Rien de semblable dans la pratique à saint Kirio, l'offrande des clous est faite de clous qui n'ont jamais touché le mal, et de clous ni comptés, ni pesés. — Aucune relation non plus avec le rite qui sert à enclouer le mal, à le fixer à un mur ou un arbre pour en débarrasser le patient [Note : SÉBILLOT, ibid., p. 140, dégage encore ce troisième rite, mais insuffisamment ; à la fin de son paragraphe, il revient à parler des offrandes. — L'exemple type de ce rite est donné par PLINE, Hist. Nat., XXVIII, 6, 17 (63). Autres exemples : SÉBILLOT, Folkl. de Fr., III, 134, 413, 423, 424 ; IV, 138. Ce troisième rite fixer le mal par un clou = le rite du lien attaché à l'arbre et qui lui passe la fièvre du patient, SÉBILLOT, Pagan. Cont., pp. 136-137]. — Aucune relation non plus avec le rite d'enfoncer un clou ou une épingle pour marquer un vœu [Note : Celui de se marier dans l'année par exemple. SÉBILLOT, Folkl. de Fr., III, pp. 423, 425, IV, p. 168-169. Pagan. Cont., p. 282], solenniser une ferme résolution [Note : SÉBILLOT, Folkl. de Fr., IV, p. 151. ZABOROWSKI, les clous votif., in Bull. Mém. Soc. d'Anthropologie de Paris, X, 6ème série, 1920, p. 112. — C'est là un acte symbolique : ma volonté tiendra autant que ce clou] ; ni avec le rite assez mal défini d'enfoncer un clou ou une épingle dans une statue, rite qui a peut-être pour but de raviver la mémoire de l'idole, de lui fournir un memento pratique qui lui rappelle son dévot, ou bien rite qui a simplement pour but de réveiller la statue, et d'attirer son attention sur la prière qui lui sera faite [Note : SÉBILLOT, Pagan. Cont., p. 103 ; Folkl. de Fr.. IV, p. 169. FRAZER, The Scapegoat (Golden Borne), 3ème éd., VIème, partie, Londres, 1913, p. 64 et seq., marque la différence entre le rite d'enclouer le mal, le tenir fixé ou enfermé dans un arbre ou dans un mur, el, le rite d'enfoncer un clou ou une épingle dans une statue pour attirer son attention et fixer sa mémoire. — Tous ces rites se sont d'ailleurs plus ou moins contaminés. Le rite romain de la plantation du clou paraît un rite encore autre, bien que l'on ne soit pas arrivé à le dégager. Cf. JULES TOUTAIN, Le rite de la plantation du clou, principalement dans l'antiquité romaine ; in Mém. Soc. des Antiquaires de France, 8ème série, XV, 1915-18, pp. 43 el. seq. ; je crois qu'il existe le rite du clou, enfoncé comme témoignage d'un passage en un endroit. ZABOROWSKI, op. cit., pp. 110, 112, 113. De là au clou enregistreur des années, il n'y a pas loin. Le clou enfoncé joue le même rôle que le calculus ou l’albo lapillo jetés dans une pour compter le temps. Le rite du clou enregistreur du temps à Rome a subi les contaminations du rite encloueur du mal en particulier : D'où le sens lustral puis expiatoire de cette pratique].

Voici donc ce rite de l'offrande de clou dégagé ; il s'agit d'une offrande ordinaire indépendamment de toute autre croyance ou interprétation [Note : Indépendamment aussi de cette croyance qui fait que le fer est considéré comme métal éloignant les maléfices (cf. SÉBILLOT, Pagan. Cont., pp. 37, 57, 173, 275, Folkl. de Fr., IV, p. 236), parce que c'est un métal profane et impie. Il était déjà métal impie dans l'antiquité, on n'aurait pas osé se servir d'outils de fer dans un temple, et ce métal est proscrit dans la religion catholique pour les objets du culte], offrande qui a existé de tous temps, qui s'ajoute, encore de nos jours à des cultes nouveaux et qui est venue se greffer au culte de saint Kirio, sans qu'on n'ait aucunement le droit de dire qu'il s'agit en l'espèce de vieilles pratiques payennes qui se célébraient jadis en ces trois sanctuaires et qui auraient été christianisées par le clergé. L'ancien paganisme n'a rien de commun avec les pratiques actuelles à saint Kirio, il ne les a pas créées. Notre saint a son culte de saint, de vrai saint, et c'est à ce culte que sont venues se greffer des pratiques issues de l'esprit populaire, pratiques que l'esprit populaire organisait déjà à l'époque payenne et qu'il continue à organiser [Note : Tout cela fait partie du « paganisme universel et éternel » et n'est nullement une survivance de cultes préchrétiens, v. supra au chapitre de S. Kémo, concernant les poussières guérisseuses. De même à un calvaire qui date d'un siècle à peine à Ste-Anne d'Auray, on plante des épingles pour se marier dans l'année (PAUL, GRUYER, Calvaires bretons, Paris, in-8° [1921], p. 62, et, l'on jette des épingles dans la fontaine de Ste-Anne d'Auray, qui ne remonte pas au-delà du XVIIIème s., SÉBILLOT, Folkl. de Fr., II, p. 222. — Les pratiques supertitieuses du culte de nos saints sont très changeantes, elles se greffent sur n'importe quel saint, même nouvellement. importé, et en aucun cas on ne peut les utiliser pour l'étude historique du saint].

(R. Largillière).

© Copyright - Tous droits réservés.