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Aucune des monographies consacrées aux annales de Rennes n'a mentionné, que je sache, l'invasion d'une maladie contagieuse, que, dans le langage du temps, on appelait « la peste, » maladie qui répandit l'effroi dans la ville et la fit déserter par une notable partie de la population pendant l'année 1483.

Les registres capitulaires de Saint-Pierre de Rennes ont gardé des traces assez curieuses de ce fait historique dans plusieurs délibérations des derniers mois de cette année. On y voit que les chanoines avaient quitté la place, fuyant devant le fléau, comme de simples mortels ; sauf pourtant un seul qui resta intrépide à son poste, et qu'on voit réunissant sous sa présidence les grands chapelains suppléants à l'absence des Seigneurs du Chapitre, prenant avec eux des délibérations, nommant les officiers du Chapitre, réglant les affaires et les intérêts de ce corps, enfin chapitrant et chapitre faisant, suivant l'expression consacrée, tout seul, au milieu de la débandade générale.

Voici le texte d'une de ces ordonnances rendues par « Messire Pierre Mehaud, docteur en l'un et l'autre droit, comme dit le protocole des actes, seul des seigneurs chanoines à present résidant en léglise de Rennes, attendu l'absence des autres, à cause de la peste qui a sévi et qui sévit encore dans la cité et les forsbourgs de Rennes » [Note : Humile Capitulum ecclesie Redonensis, in loco nostro solito capitulari, presente venerabili et discreto viro domino Petro Mehaud utriusque juris doctore, solo ex dominis Canonicis ipsius ecclesie eidem ad presens residenti, aliis propter pestem que viguit et adhuc viget in civitate et suburbibus redonensibus notarie absentibus, capitulans, etc. (Reg. Cap.)].

« Nous humble Chapitre de l'eglise de Rennes chapitrant et notre chapitre faisant a toutte solemnité, et droit en tel cas requis, a plain connaissans ès sens, leaulté et bonne expérience de nostre bien amé maistre Nicholas Dalier, avons aujourd'hui iceluy Dalier croyé et institué, croyons et instituons nostre Senneschal au lieu de feu Pierre de Beaucé, aux droitz, gaiges, proufiltz et emolumens a lui deubs et accoustumez, jucques à nostre bon plaisir, parceque ledit Dalier nous jurera a bien et deubment audit office se porter, en mandant et commandant a touz nos subjects estre obeissans, etc. Fait en notre Chapitre, soubz nostre petit sceau, le 10e jour de septembre 1483, present venerable seigneur Missire Pierre Mehaud, chanoine de ladite eglise, seul a present résident, les autres pour la peste notoirement absents ».

Plus tard, le 20 septembre, assisté de « Vénérables hommes Dom Jehan Jarnigon et Jehan Ogier, grands chapelains de la dicte eglise, » P. Mehaud institue capitulairement Dom Jehan Bretaigne, prestre, pour prevost du Chapitre.

A la fin du mois d'octobre, un de ses confrères est revenu se joindre à lui, et tous deux, Pierre Mehaud et Maitre Jehan Du Locquet, composent le Chapitre, « aliis dominis canonicis propter pestem Redonis vigentem notarie absentibus ». Le fléau continuait toujours, mais la terreur diminue ; le 22 novembre, un troisième reparaît, Maître Bertrand de Coetlogon. — Enfin le 31 janvier 1484 (nouveau style), le Chapitre s'est complété. L'effroi a été vaincu, les vénérables chanoines ont repris leur place ; la peste avait sans doute diminué d'intensité, car les délibérations capitulaires suivantes n'en parlent plus. (P. D. V.).