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District de Redon : La Terreur à Redon.

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SOMMAIRE. — 1° La patrie déclarée en danger à Paris : épuration du District. — 2° Nouvelle orientation du Directoire épuré. — 3° Rupture avec le Département. — 4° L'agent national. — 5° Le Comité de surveillance révolutionnaire : Le Batteux.

Les 5, 11 et 20 juillet 1792, l'Assemblée législative avait décrété la patrie en danger [Note : A. Aulard, Histoire politique de la Révolution, pp. 190-191-192] et la levée en masse. Le contrecoup de ces décrets ne tarda pas à se faire sentir dans le District de Redon. Des attroupements furent tenus un peu partout dans les communes : les plus graves eurent lieu aux environs de Maure. Redon même fut violemment agité au mois de mars 1793. Un curé constitutionnel et trois gendarmes y furent même assassinés [Note : Ch.-L. Chassin, La Préparation à la Guerre de Vendée, 3ème vol.]. La ville faillit être enlevée par les Chouans et ce n'est que grâce à l'activité du général Beysser qu'elle dut de rester à la République [Note : Cf. de Closmadeuc, Les débuts de la Chouannerie dans le Morbihan (Révol. franç. 1901)].

Beaucoup de personnes avaient été arrêtées à la suite de ces attroupements, et le 21 mars 1793, en vertu d'un arrêté du Conseil général du Département, daté du 18, le Directoire convoquait un jury d'accusation pour statuer sur le sort des prisonniers. Les hommes qui furent choisis étaient connus par leurs attaches révolutionnaires et républicaines : c'étaient Le Dault, négociant ; Barbe-Mintière, enregistrateur ; Evain, commis au District ; Le Batteux, directeur des postes ; Salou, marchand ; Pellan le jeune ; Garel, commis au District ; Matard, marchand. Leurs suppléants étaient Pellan aîné ; Mathurin Touzé, serrurier ; Besnier, avoué, et Leclerc, greffier du juge de paix.

L'agitation croissait. Les 314 jeunes gens de la première réquisition qui avaient refusé de partir se tenaient cachés dans la campagne, bientôt rejoints par leurs camarades de la levée en masse, tenant des rassemblements nocturnes. Un grand nombre de paysans guidés par les prêtres réfractaires leur venaient en aide. Quelques nobles, notamment un certain Thomelin, leur faisaient espérer le débarquement d'un prince, si bien que tous ces gens-là étaient prêts à prendre la défense du trône et surtout de l'autel. Le District, relativement calme jusqu'alors, courait le risque d'être mis à feu et à sang comme l'était déjà celui de Fougères [Note : Th. Lemas, Un District breton, etc... C'est par Fougères que les Blancs gagnèrent Granville pour faciliter l'entrée de leur « prince »].

Le 12 août 1792 (A. D. I.-V. 2 L 82b), les enrôlements volontaires contractés sur la place de la Liberté (autrefois place Saint-Sauveur) se réduisaient à une vingtaine. Un certain nombre de membres de l'administration s'étaient enrôlés, mais, comme leur place était à Redon plus encore que sur les frontières, ils avaient envoyé des remplaçants. Dès le 1er août 1792, l'assemblée générale du District avait pris un arrêté important sur l'enrôlement en vue de former des bataillons de volontaires. En vain avait-elle promis aux commis qui se feraient soldats de conserver leur place (A. D. I.-V. 2 L 84a), l'enthousiasme était médiocre.

Le 25 février 1793, des troubles se produisirent à propos de la levée des gardes nationales. Les paroisses de Brain, Bains, Langon, Pipriac, Sixt, Bruc, Maure, Saint-Seglain s'y opposèrent de toutes leurs forces. Des mouvements tumultueux se produisirent. Le maire de Bains fut maltraité à tel point que le Directoire dut envoyer la force armée pour le secourir. Le 28, des menaces et des insultes furent adressées au citoyen André Poligné, commandant de la garde nationale de Renac.

C'est dans ces circonstances graves que les représentants du peuple, Sevestre et Billaud-Varennes [Note : Ils étaient commissaires de la Convention nationale pour les départements d'Ille-et-Vilaine et des Côtes-du-Nord] passèrent à Redon. Ils entrèrent le 28 mars 1793 dans la salle des séances de l'assemblée générale et, sur-le-champ, « considérant que si les ennemis de la Révolution osent en présence des citoyens de Redon braver la puissance nationale, » c'est qu'ils ont affaire à une administration trop faible, arrêtèrent que le citoyen Fromentoux, président actuel de l'assemblée et juge de paix à Maure, sera remplacé provisoirement par Degousée, curé constitutionnel de Redon, que le citoyen Symon sera suspendu et remplacé par Binel de Rennes, que Rozy le deuxième et Le Moyne auront pour successeurs Molié et Barbe-Mintière, que Dayot, déjà suspendu « comme prévaricateur et coupable d'incivisme, » cédera ses fonctions à Bellouard. Celui-ci en tant qu'administrateur était remplacé par Lodin. Le Directoire se trouvait donc ainsi définitivement constitué :
Degousée, président.
Gentil, vice-président.
Bastide.
Binel.
Lodin.
Bellouard, procureur-syndic (A. D. I.-V. 2 L 84a).

Le lendemain Billaud-Varennes et Sevestre se rendirent à la municipalité, exprimèrent tout leur mécontentement avec beaucoup d'énergie et l'épurèrent, après avoir dit, entre autres choses, « qu'il fallait agir plutôt que de délibérer » (Histoire de Redon, p. 273).

Les deux administrations se mirent alors sérieusement à l'œuvre : la commune planta un arbre de la liberté le 31 mars 1793 et arrêta une liste de suspects pour le 1er avril. Quant à l'assemblée générale, dans sa séance du 29 mars 1793, elle se divisa en quatre bureaux chargés d'affaires bien déterminées :

1er bureau. Correspondance générale avec le Département, les districts circonvoisins et les municipalités du ressort : Degousée, Le Fèvre, Lallemand.

2ème bureau. Affaires relatives aux émigrés, aux prêtres, aux biens nationaux, etc. : Gentil, Barbe-Mintière, Rozy.

3ème bureau. Contributions publiques, etc. : Lamotte, Binel, Lodin, Molié.

4ème bureau. Ouvrages publics : hôpitaux, mendicité, navigation intérieure, affaires militaires : Bastide, Chevalier, Le Batteux.

L'administration générale ainsi organisée allait agir désormais avec beaucoup de vigueur. Plusieurs questions devaient tout d'abord attirer son attention : celles des subsistances et des émigrés. Aussi, le 23 mai 1793, le Directoire, conformément à la loi, se décide-t-il à nommer des commissaires intelligents pour la confection des listes d'émigrés « et la consistance de leurs terrains par municipalité ». Le Directoire avait cependant déjà demandé des renseignements préliminaires aux receveurs d'enregistrement, mais sans succès par suite de la difficulté qu'il y avait à trouver des hommes dévoués. Le procureur-syndic, résolu à en finir dans cette séance du 23 mai, dressa tout de suite une liste de commissaires. Il fallait se hâter car la loi punissait de destitution tous les Directoires qui ne se seraient pas occupés d'établir l'état des biens nationaux. Par la même occasion, ces commissaires devaient veiller aux subsistances, conformément à l'article 26 de la loi. Il est nécessaire en effet d'en connaître le prix pour en opérer la réduction à dater du 1er juin suivant.

Un simple fait d'ordre public montrera encore mieux l'énergie de ce Directoire. L'officier public de la Chapelle-Bouexic avait refusé de constater le mariage de Jean Corvaisier et d'Anne Fily, fille majeure. Le Directoire lui ordonna de constater ce mariage et dans le cas où il s'y refuserait encore, l'acte serait transcrit par huissier ou notaire aux frais de l'officier public. Naturellement le Directoire se réservait, quelle que soit la détermination du maire, de le dénoncer à l'accusateur public.

Enfin le 14 juillet 1793, les administrateurs proclamaient et acceptaient la nouvelle constitution élaborée le 24 juin (A. Aulard, Histoire politique de la Révolution, pp. 306-313). Le procureur-syndic en requit « l'enregistrement, l'affiche, la publication et l'envoi aux municipalités du ressort » (Voir Pièces justificatives IX. A. D. I.-V. 2 L 83a). Comme celles-ci devaient en délibérer, Bellouard crut bon d'adresser une circulaire d'encouragement aux cantons du ressort [Note : Citoyens, nous vous transmettons l'acte constitutionnel pour le répandre dans les municipalités de votre arrondissement. ... (lacune). C'est en vous réunissant en assemblées primaires, sous huitaine, pour manifester votre voeu sur cet acte, l'ouvrage des veilles de vos Législateurs. Nos amis, vous savez qu'on ne peut vivre sans lois, qu'il nous faut reconnaître une autorité : un vaisseau sans pilote est bientôt exposé à périr. — C'est en vous rangeant sous l'autorité de la loi que vous trouverez la paix. Que deviendrions-nous, si, toujours cherchant des lois, nous les rejetions ? Nous nous exposerions à être livrés tantôt à des séductions, tantôt à des orateurs, et enfin à des maîtres. Ne consultez que vos cœurs, n'écoutez ni la haine, ni la passion : fidèles à vos sentiments, soyez libres, soyez républicains. » A. D. I.-V. 2 L 83c]. On y remarque une certaine hésitation, contrastant avec l'assurance ordinaire de son style. C'est qu'alors on était en pleine lutte entre Girondins et Montagnards : la province était très divisée et un grand nombre de départements se soulevaient en faveur de la Gironde amoindrie. Cette lutte eut un retentissement très profond dans le pays qui nous occupe et causa une rupture entre l'administration départementale et le District de Redon.

Les Girondins étaient parvenus à faire voter un décret établissant une « force départementale ». Peut-être était-ce dans le but d'organiser une république fédéraliste ? Ce n'est pas sûr. Mais un de leurs véritables mobiles était bien de réduire Paris à son quatre-vingt troisième d'influence. Le District de Redon avait obéi à l'arrêté du Département qui y était relatif. Mais, quand la Gironde eut été vaincue, le décret fut rapporté. Beaucoup de départements refusèrent de s'y soumettre, et parmi eux était celui d'Ille-et-Vilaine. Aussi, dès le 9 juin, le Directoire de Redon avait-il pris une nouvelle orientation et protestait-il violemment à propos de l'enregistrement d'une commission délivrée par le Département au citoyen Provost.

« Le citoyen Provost, commissaire au recrutement de l'armée du District de Redon, a présenté une nouvelle commission, lui délivrée par les administrateurs au département d'Ille-et-Vilaine en assemblée générale, le sept de ce mois, par laquelle le citoyen Provost est chargé de se concerter avec l'administration et avec les officiers supérieurs de la garde nationale, tant du chef-lieu que des municipalités, où elle a donné preuve d'un civisme soutenu, à l'effet d'inviter lesdites gardes nationales à se réunir à la force départementale autant que leur âge, leur vigueur et leur habitude du maniement des armes les rendront susceptibles de voler à la défense de la République et de la représentation nationale, de les éclairer sur les vues liberticides d'un parti factieux de la Convention, etc... ».

Cette commission souleva des tempêtes et le Directoire prit immédiatement une décision très grave qui rompait d'une manière virtuelle ses rapports avec le Département.

« Les administrateurs soussignés, arrêtent unanimement que la commission ci-dessus ne sera confirmée par aucune de leurs signatures ; observent en outre que s'ils ont obéi pendant un instant aux ordres de l'administration supérieure, c'est parce qu'ils ont cru que la Convention était anéantie et que la commune de Paris s'était arrogée une injuste domination sur le reste de la République, mais l'arrivée du citoyen Provost, chargé par le gouvernement de forcer leurs suffrages, leur a ouvert les yeux et à l'instant ils ont juré une haine éternelle au fédéralisme.

Degousée, Binel, Bastide, Lodin, Lallemand, Bellouard, procureur-syndic, Raulin, secrétaire » (A. D. I.-V. 2 L 83a, folio 17).

Cette protestation signée, l'administration du District agit avec promptitude et énergie. Le 16 juillet, l'assemblée générale envoyait à la Convention une rétractation solennelle signée en outre par la municipalité et le tribunal. Le 5 août, Gentil, Bastide et Blanchet, procureur de la Commune, qui faisaient partie de la force départementale, quittèrent Caen et vinrent, adhérer à la rétractation du 16 sur le décret de la Convention du 26 juin (A. D. I.-V. 2 L 84a, folio 82. Voir Pièces justificatives X) Il y eut cependant un certain nombre de dissidents attachés aux idées girondines qui refusèrent leur signature.

Cette rétractation n'était encore que platonique. La plupart des volontaires faisant partie de la force départementale n'avaient pas compris comme Gentil et Blanchet les décrets de la Montagne victorieuse ou peut-être les avait ignorés. Il appartenait donc au Directoire de faire revenir les soldats du District, ainsi qu'il l'avait promis dans son adresse à la Convention nationale. Ce fut l'objet de la séance du 25 juillet 1793, où la représentation d'un des directeurs fut suivi d'un très grave arrêté (Voir Pièces justificatives XI. A. D. I.-V. 2 L 83a, folios 43-44) : « Le Directoire considérant qùe le salut du peuple est la suprême loi, et que dans le danger imminent dont la patrie est menacée,

Arrête que l'Administration d'Ille-et-Vilaine demeurera personnellement responsable des événements qui arriveront aux jeunes gens du District de Redon, que dans le cas même où il y aurait une amnistie pour les coupables, elle ne pourra jamais s'étendre au citoyen Jehanne, s'il ne fait pas revenir dans nos murs la force armée qui en est sortie, que ce commissaire en répondra sur sa tête et sur ses biens ».

Le 30 juillet suivant, le Directoire transcrivait une lettre du citoyen Even, membre du Conseil du Département, en commission au District de Redon. Even avait écrit au Directoire d'Ille-et-Vilaine au sujet de la force départementale le 10 juillet précédent : la réponse s'était fait attendre. Elle contenait une rétractation du Département et la reconnaissance de la Convention par celui-ci, comme centre commun.

La conclusion de toute cette affaire nous est donnée par un arrêté du représentant du peuple en date du 23 septembre, qui ordonne de mettre sous séquestre les biens d'un certain nombre d'administrateurs du Département, très connus pour leurs attaches girondines. Ces biens devaient être considérés comme biens nationaux et leurs propriétaires comme émigrés. C'étaient (A. D. I.-V. 2 L 83a) :

Lanjuinais et Defermon, ex-députés à la Convention nationale.

Le Chapelier, ex-constituant.

Gilbert, ancien président du Département.

Malherbe, ancien procureur général syndic.

Jehanne, et Courné, anciens administrateurs.

Angers fils et Jourdain, anciens administrateurs du District de Rennes.

Duplessis, ancien maire.

Tréhu, ancien juge.

Robinet, ancien juge.

Legraverend, procureur de la commune.

Lemerer, ancien commis.

Montant, ancien capitaine des canonniers de Rennes

[Note : Le cadre de cette étude ne me permettait pas d'insister outre mesure sur le conflit relatif à la force départementale entre le District de Redon et le Département d'Ille-et-Vilaine. J'ai donc été nécessairement incomplet. La conduite du Département ne résultant pas seulement de l'opposition redonnaise, je ne pouvais étudier minutieusement cette conduite. Cependant un travail intéressant s'impose sur la question du fédéralisme en Ille-et-Vilaine].

Quelque temps après, le 14 frimaire an II (4 décembre 1793), la Convention supprimait les procureurs généraux de Département et les procureurs-syndics de District. Ces derniers étaient remplacés par des agents nationaux, nommés d'ordinaire par les représentants en mission. Ils devaient adresser un rapport décadaire d'abord au Comité de Salut public, puis aux comités compétents après la réaction thermidorienne. On sait quelle fut l'importance de cette grave transformation.

Désormais le pouvoir central exerçait une influence prépondérante sur l'administration du District, grâce à cet agent tout dévoué. Nous avons vu combien il pouvait peu compter sur le dévouement des procureurs-syndics, élus d'assemblées souvent hostiles aux hardiesses de la Révolution (Voir supra affaire Dayot).

Le procureur-syndic de Redon avait été Bellouard pendant un certain temps. Il ne l'était plus lorsque fut appliquée la loi du 14 frimaire. Nous trouvons, en effet, à son sujet, l'arrêté suivant, daté du 6 septembre 1793 : « Les administrateurs du District de Redon, sur la réquisition du citoyen Bellouard, procureur-syndic de ce district, à lui donner un congé de trois à quatre jours pour se rendre à Nantes, à l'effet d'y recevoir du commissaire ordonnateur la commission d'officier de police de sûreté de l'armée des côtes de Brest ; — arrêtent que ledit Bellouard est autorisé à faire ce voyage et prient tous ceux qui sont à prier de le laisser librement passer et de lui prêter aide et assistance ainsi qu'elles sont dues à tous bons républicains » (A. D. I.-V. 2 L 83a).

Bellouard ne revint pas. Par une lettre reçue le 12 septembre par le Directoire, il annonce sa nomination au poste indiqué et donne sa démission. Les administrateurs votèrent des remerciements à leur ancien procureur-syndic et décidèrent que provisoirement les fonctions en seraient exercées par le substitut, le citoyen René-Antoine Binel. Cette décision fut confirmée par Carrier, représentant en mission à Nantes, par un arrêté du 26 brumaire an II. Il nommait, en outre, comme administrateur du District, devant entrer immédiatement en fonctions, le citoyen Lanoë (d'Allaire).

Quelques jours seulement après que la loi du 14 frimaire eut été votée, Carrier maintenait Binel dans l'administration générale de Redon et le désignait comme agent national. Sa correspondance commença le 12 pluviôse an II. Huit jours auparavant on avait réorganisé les bureaux pour la troisième fois (3 pluviôse an II). Désormais il y en avait cinq, dirigé chacun par un chef de bureau, comme suit :

Bureau de l'Agent national : chef Blanchet.

Bureau des Contributions, chef Dumont.

Bureau des Domaines nationaux, chef Bredoux.

Bureau de la Guerre, chef Molié.

Bureau de la Municipalité, chef Evain.

Nous avons caractérisé précédemment — du moins autant que nous l'avons pu — le rôle joué à Redon par la Société des amis de la Constitution ou Société Populaire. Le 21 mars 1793, la Convention décréta que dans chaque commune ou section de commune, « il serait élu un comité chargé de recevoir les déclarations des étrangers en général, et surtout de s'assurer du civisme des étrangers nés dans les pays avec lesquels la République était en guerre. On les appela Comité de surveillance » [Note : A. Aulard, Histoire politique de la Révolution, pp. 350 et sqq]. Des comités furent formés dans toutes les communes du District, mais seul celui de Redon nous intéresse directement. En somme il ne fut que la transformation du comité directeur de la Société Populaire en un corps officiel, légalement institué par des lois.

Conformément à la loi du 21 mars 1793, un arrêté des trois corps administratifs de Rennes ordonna l'élection d'un Comité de sûreté générale à Redon. Voici le début du procès-verbal des opérations du 11 mai 1793 qui nous fournit de très précieuses indications :

« Les corps administratifs de la ville de Redon, convoqués et réunis en la salle des séances, le président du Conseil du Directoire a fait donner lecture d'une expédition d'arrêté des trois corps administratifs de la ville de Rennes, réunis, relatif à la formation d'un Comité de sûreté générale, tant dans ladite ville de Rennes, que dans le chef-lieu de District, ledit arrêté en date du 30 avril dernier. Il a été également donné lecture de la lettre d'envoi de cet arrêté adressé par les administrateurs du département d'Ille et Vilaine à ceux du District de Redon, le 3 de ce mois, portant invitation de former le plus tôt possible le comité en question.

Ensuite et sur l'invitation du Président, l'assemblée délibérant.
et considérant la nécessité de l'importance d'un établissement dont dépend essentiellement le Salut public, après avoir entendu le procureur-syndic a arrêté et arrête :

1° Qu'il allait être procédé séance tenante à la nomination de cinq membres qui formeront le Comité de sûreté générale et de deux suppléants ;

2° Qu'avant de procéder à la dite nomination, l'assemblée prêtera individuellement le serment de garder le secret ;

3° Que l'élection des cinq membres se fera à la majorité absolue des suffrages et par scrutin et, au cas qu'un premier tour n'aurait pas donné cette majorité, pour cinq membres, il sera fait un second tour lors duquel la pluralité relative suffira ;

4° Que les suppléants seront élus de la même manière » (A. D. I.-V. 9 M 19a).

Vingt-deux électeurs prirent part au vote et nommèrent à la majorité absolue, Degousée et Chevalier, administrateurs du conseil du Directoire ; à la pluralité relative, Barbe-Mintière, Lallemand et Le Batteux, autres membres de l'administration, membres du Comité. Les suppléants furent Hunault, juge au tribunal du District, et Binel, administrateur.

Le comité devait être renouvelé par moitié tous les mois. Le 19 juin, on eut donc à pourvoir au remplacement de Le Batteux, Hunault, Binel, désignés par le sort, et de Degousée, qui s'était volontairement retiré. Le Batteux fut réélu, Herbin remplaça Degousée ; Le Dault et Marvidès furent choisis comme suppléants (A. D. I.-V. 2 L 84a). Cette élection très caractéristique fait déjà prévoir le rôle prépondérant que momentanément Le Batteux jouera dans ce comité.

En mai 1793, on avait élu en même temps un Comité de douze membres, dit Comité de surveillance, qui dérivait directement de la Société Populaire. Les membres en étaient Le Coquet président, Saulnier, Ménard, Balac, Jouppe, Vuillemot, Russel, Martin, Dalifard, Catenos, Coyac et Hervy secrétaire (A. D. I.-V. 9 M 19a).

Le président et le secrétaire n'étaient nommés que pour quinze jours.

Les deux comités vécurent quelque temps côte à côte, mais leurs attributions qu'on aurait pu supposer identiques se spécialisèrent bientôt. Le Comité de sûreté générale ne fut bientôt plus qu'une annexe du Directoire, un bureau dont le rôle était de veiller à la police de la ville. Aussi son rôle resta-t-il très obscur. Dès le mois d'octobre 1793, l'un et l'autre comités sont réunis sous le nom de Comité de surveillance. Ce comité comprenait sept membres. Son organisation définitive doit être attribuée aux représentants Carrier et Pocholle ( Registre A. D. I.-V. 9 M 19a. — Une lacune existe de juin 1793 au 11 ventôse an II).

« Au nom de la République française,
Les Représentants du Peuple dans le département d'Ille-et-Vilaine et autres, arrêtent qu'il sera établi un Comité de surveillance à Redon.
Les membres de ce comité feront incessamment désarmer tous les gens suspects.
Ils feront arrêter et enfermer dans les prisons de Redon tous les individus dont la liberté paraîtra menacer la liberté publique.
Les arrestations et les désarmements seront arrêtés à la majorité des membres présents.
Le Comité exécutera ponctuellement la loi relative aux gens suspects.
Les membres du Comité sont : Le Batteux, directeur des Postes ; Bastide, administrateur ; Martin, coutelier ; Russel, coutelier ; Vuillemot, marchand ; Le Coquet, taillandier ; Binel, procureur-syndic.
A Rennes, ce 4 octobre 1793, an II de la République française,
Les Représentants du Peuple français,
CARRIER, POCHOLLE »
(A. D. I.-V. 9 M 19a).

Cet arrêté parvint à Redon le 8 octobre, et, séance tenante, à l'unanimité, Le Batteux fut élu président et Binel secrétaire. Nous ne reviendrons pas ici sur le portrait rapide que nous avons tracé de Le Batteux (Voir cependant Lallié, J.-B. Carrier) ; quant à Binel, nous aurons l'occasion d'apprécier son caractère lorsque nous aurons à étudier ses fonctions plus importantes d'agent national. C'étaient en somme deux terroristes éprouvés, et Carrier avait su parfaitement choisir.

Nous ne savons pas exactement jusqu'à quelle époque Le Batteux fut l'âme de ce comité, car les pages du registre de juin 1793 au 11 ventôse an II ont été arrachées, sans doute avec intention. A ce moment, nous lisons :

« L'an 2ème de la République, le 11 ventôse, aux fins de la publication qui a été faite par le tambour... que les dénommés ci-après auraient à s'assembler au lieu ordinaire du Comité de Surveillance aux huit heures du matin ; étant entrés en compagnie du citoyen François Le Coquet, Etienne Vuillemot et Jean Russel, les trois de l'ancien comité, nous ont déclaré qu'en vertu d'une assemblée du jour 9 ventôse, les citoyens Jean-Baptiste Hervy, Etienne Ménard, Jean Caténos, Pierre Jouppe, Luc Ballac, René-André Dalifard, Jean Guémené et François Saulnier étaient nommés pour compléter le Comité de Surveillance, avec Martin, ancien membre, et Coyac, suppléants :

Le citoyen Le Coquet a ouvert la séance par dire : Citoyens, nous sommes assemblés ici pour faire autant qu'il sera en nous le bonheur du peuple ; il faut commencer par former le bureau, premièrement un président, ensuite un secrétaire » (A. D. I.-V. 9 M 19a). Le Coquet fut alors nommé président à l'unanimité, et Hervy secrétaire.

Ainsi était réorganisé le Comité de surveillance, modifié par Carrier. Ses pouvoirs étaient extrêmement étendus, comme le montre l'arrêté du 4 octobre 1793. Il continua de centraliser les affaires des comités locaux jusqu'au 28 fructidor an II, où ces comités furent supprimés en vertu de la loi du 7 fructidor. Il ne devait plus y avoir qu'un seul comité révolutionnaire par district [Note : On était alors en pleine réaction thermidorienne].

L'exclusion de Le Batteux n'a rien qui nous surprenne. Carrier l'avait nommé commissaire aux armées, le jugeant très ambitieux et très dévoué. Son influence d'ailleurs croissait sans cesse. Sous prétexte de garder la communauté du Calvaire, il s'y était installé avec sa famille. C'est là qu'on essaya de l'assassiner au début de nivôse an II. En conséquence, le 19 nivôse, Carrier prit un arrêté tyrannique, où il était dit notamment : « ... Je déclare que les autorités constituées et tous les habitants de Redon deviendront personnellement responsables de la personne et des propriétés de Le Batteux ; que, s'il lui arrive le moindre mal, à lui ou aux siens, par la mauvaise volonté ou l'insouciance des Redonais, ils en répondront à la République et seront punis comme traîtres à la patrie » [Note : Histoire de Redon, p. 284].

Bref, c'était ce Comité de surveillance qui devait contrôler le Directoire, faire appliquer les lois révolutionnaires et présider à la répression de la Chouannerie.

Ainsi se trouvait constitué le gouvernement terroriste à Redon. Les élections étaient devenues inutiles, car la nomination des administrateurs dépendait en fait des représentants en mission. Le Directoire était étroitement soumis au gouvernement central avec lequel correspondait l'agent national, sans plus se soumettre à l'intermédiaire du Département. Le Directoire du District devenait presque absolu, n'ayant rien à craindre de ses administrés, mais tout des comités de surveillance et des représentants. C'était, au sens propre du mot, un gouvernement révolutionnaire, c'est-à-dire un gouvernement extraordinaire, que les circonstances seules rendirent violent et qui trouve, dans ce fait même, des excuses valables, sinon une justification complète.

(Léon DUBREUIL).

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