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District de Redon : le Gouvernement Révolutionnaire du district de Redon.

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SOMMAIRE. — 1° La correspondance de l'agent national. — 2° Les subsistances. — 3° Le salpêtre. — 4° Extension des gardes nationales. — 5° Les soldats de la première réquisition. — 6° L'instruction publique.

Nous avons vu que la loi du 14 frimaire an II avait établi un agent national auprès de chaque Directoire, complétant ainsi l'administration locale révolutionnaire. A partir de ce moment, l'administration du district dépend étroitement de la Convention. L'agent national de Redon était René-Antoine Binel dont le caractère apparaîtra nettement au cours de ce chapitre. Il est la personnification même du mouvement révolutionnaire.

Nous avons le bonheur de posséder le registre de correspondance de l'agent national [Note : A. D. I.-V. 2 L 95 bis. Registre commencé le 11 nivôse an II, fini le 27 floréal an III (Envoi de M. Le Bourdellès, procureur de la République à Redon, du 12 décembre 1893). Lacunes du 21 pluviôse an II au 12 ventôse. Lacunes du 13 pluviôse an III au 18 floréal] dans lequel nous trouvons l'écho de toutes les délibérations du Directoire et l'analyse décadaire des événements qui se sont produits dans le district. C'est désormais la source dont nous aurons le plus l'occasion de nous servir.

Bien que commencé le 11 nivôse an II, ce registre n'acquiert de valeur capitale que le 12 pluviôse, date à laquelle l'agent national annonce au Comité de Salut public qu'il entre en fonctions et dans quelles conditions il y entre :
« Citoyens,
Je commence aujourd'hui la correspondance que m'impose la tâche glorieuse et pénible d'agent national. Je devrais commencer ma carrière par l'entretien de l'intérêt public, mais il ne me paraît pas déplacé de vous entretenir un moment de moi, parce que la confiance est le grand mobile de toute chose. En un mot, je me sens digne de la mériter au moins par le civisme le plus constant et le zèle le plus ardent.

Armé au mois de mars dernier (vieux style) contre les insurgés des campagnes, levés alors pour assiéger Redon, j'accourus de Rennes avec mes frères d'armes de la garde nationale, sous le commandement de Beysser. Nous parcourûmes assez victorieusement les différentes villes gardées par nos ennemis. Lorsque, de retour à Redon, j'appris que les représentants du peuple Sevestre et Billaud-Varennes m'imposaient le devoir essentiel de m'occuper de l'administration du Directoire de ce district, j'obéis et, depuis, le représentant du peuple Carrier m'a donné une commission de procureur-syndic, ce qui m'appelle au poste d'agent national. Il me reste à justifier ce titre.

Cette première lettre sera longue. Elle exige des détails que je dois au Comité parce que les circonstances orageuses qui ont agité cette ville pendant dix mois consécutifs ont mis des entraves à la marche de l'administration, ont nécessairement arriéré ces opérations à des époques où les brigands nous menaçaient de près, détruisaient à chaque fois l'ordre que nous nous empressions de mettre dans les lois et dans le travail. Nul ordre quelconque ne fut établi dans les précédentes administrations jugées malveillantes et contre-révolutionnaires par les représentants du peuple.

Dès que l'administration a eu connaissance du décret du 14 frimaire qui donne à la République un gouvernement révolutionnaire, je me suis empressé de requérir l'ordre dans les lois. Le travail a été distribué par bureau et chaque administrateur est comptable envers l'administration du travail qu'il est tenu de diriger et de faire. Cette méthode que nous n'avons qu'imparfaitenient établie, a le double avantage d'accélérer le travail et de ne pas surcharger de la négligence d'un seul les autres administrateurs : plus la responsabilité pèse, plus il est naturel de se mettre à l'abri de celle d'autrui.

Cette distribution a nécessité un plus grand nombre de commis devenu absolument utile jusqu'à ce que l'administration soit au courant. Nous n'avons plus à craindre les troubles qui nous ont agités : la Vendée n'est plus ; nos campagnes sont tranquilles. Ainsi la marche de l'administration ne sera plus entravée, et le gouvernement révolutionnaire va donner le grand mouvement d'action si nécessaire à la République, si consolant pour les vrais patriotes et si terrible pour les malveillants.

Les seules entraves que nous ayons à craindre est l'ignorance des municipalités de campagne. La difficulté de trouver des sujets un peu instruits pour occuper surtout les places d'agents nationaux et de greffiers n'a pas encore permis au commissaire des représentants du peuple à Rennes de les refondre. Quatre seulement sur vingt-six sont épurées. Aussi je n'ai point encore de correspondance établie avec elles parce que la plus grande partie des procureurs de commune savent à peine signer.

L'esprit public s'élève chaque jour dans cette ville, et reflue sur nos campagnes. Le décadi prochain, nous élevons un temple à la Raison. Degousée, curé, en même temps de ce district, vient de faire sa déclaration, il a abdiqué ses fonctions dont il n'a jamais abusé, c'est un patriote ardent, éclairé, républicain par principe, philosophe profond, il est le premier à éclairer de sa raison ceux dont la leur fut offusquée par les préjugés. Devars, curé de Renac, vient aussi de faire sa déclaration. Je vous envoie expédition de l'une et de l'autre.

Nous avons déjà fait deux envois à la Monnaie de Nantes. Ils consistent en 53 marcs 1 once ; 175 marcs 2 onces, 5 gros 1/2 argenterie ; 72 livres cuivre. Nous allons envoyer ce qui nous reste et appeler l'argenterie et cuivre de toutes les communes du district ; les cloches sont presque toutes à notre disposition. Ainsi la République triomphante trouve en elle-même les plus grandes ressources, elles confondent nos ennemis, rendent nuls leurs efforts, nous appellent à de nombreuses et longues victoires, et préparent le bonheur du genre humain.

Ce serait bien ici le moment où les fonds destinés aux frais du culte ne rencontrent plus de mains intéressées pour s'en saisir, d'en faire l'emploi pour la consolidation du bonheur public, des écoles primaires dans nos campagnes, confiées à des patriotes qui joignent à la lecture et à l'écriture seulement des moeurs sévères et un sens droit, cela suffit pour éclairer les habitants des campagnes, sur l'intérêt qu'ils doivent prendre au maintien de la République, à leur inspirer l'amour fraternel qui doit régner entre eux et les habitants des villes, à leur montrer le danger de la différence qu'ils mettent encore entre l'assignat et l'argent, à leur montrer que la véritable religion consiste à reconnaître un Etre suprême, à l'adorer, et que l'adoration qu'il exige de chacun d'eux, consiste dans l'union entre tous les hommes, dans des mœurs sévères et dans l'amour de sa patrie. — Citoyens, une grande partie des Français, trompés ou séduits, lâchement vendus aux ennemis de l'Egalité se sont tour à tour élevés contre le Bonheur public on a abusé de la crédulité ou de l'ignorance des habitants des campagnes, pour les soulever contre leur propre intérêt. Eclairée, cette position si essentielle de l'Empire sera indestructible, elle sera indestructible parce qu'à l'exemple des tribus rustiques chez les Romains les cultivateurs français à qui des mœurs sévères sont plus faciles, les maintiendront encore contre les factions et la cupidité des villes. BINEL ».

J'ai tenu à citer cette lettre, malgré sa longueur, parce qu'elle rend un compte détaillé de la situation du District au début de l'an II, et parce qu'elle trace, du moins implicitement, tout le programme du Directoire épuré.

Comme l'annonce l'agent national, le 21 nivôse an II, le travail était réparti entre cinq bureaux comme suit :

Bureau des Municipalités (Lanoë). Envoi des lois aux municipalités. Correspondance. Envoi des registres de l'état-civil. Correspondance à ce sujet. Correspondance avec le Ministre de l'intérieur.

Bureau des Contributions (Henault). Rôles des contributions foncières et mobilières. Requêtes en demande de décharge d'imposition. Emprunts. Bordereaux de situation de caisse du Receveur et envoi de ces états. Mandats de paiement — civils —.

Bureau de la Guerre (Bastide). Recrutement, subsistances, approvisionnements. Marine. Correspondance avec les ministres de la guerre et de la marine. Traitement des vétérans et des invalides. Gendarmerie. Mandats de paiement — militaires —.

Bureau des Domaines nationaux (Gentil). Correspondance. Opérations préliminaires des adjudications. Fermages. Réclamations des droits des femmes et des enfants.

Bureau de l'Agent national (Binel). Surveillance et exécution des lois. Correspondance administrative avec le Comité de Salut public et le Comité de Sûreté générale. Courriers (A. D. I.-V. 2 L 83a).

Ainsi se trouvait divisé le travail. Les bureaux étaient dirigés par des hommes actifs et tout dévoués à la cause révolutionnaire. Le nom même qui fut donné à ces bureaux indique quelles furent les préoccupations les plus vives du nouveau gouvernement. Nous ne reviendrons pas sur les biens nationaux dont nous avons parlé précédemment, mais il nous faut encore examiner, outre l'administration municipale, la question des finances et celle de la guerre. A la première se rattache directement la loi du maximum et la question des subsistances ; à la seconde la levée des soldats de la première réquisition et l'extraction du salpêtre.

Dans les temps troublés que la France traversait, il n'est pas étonnant que le prix des marchandises ait beaucoup augmenté, tandis que la main d'œuvre trouvait de moins en moins son utilisation. Aussi la Convention prit-elle la mesure révolutionnaire connue sous le nom de loi du maximum. Il était défendu, sous les peines les plus graves, aux commerçants de vendre leurs denrées au-dessus du prix moyen de 1790, auquel on ajouterait un tiers ou un quart ; il leur était également défendu de cesser leur commerce.

Nous avons déjà eu l'occasion de montrer combien le district de Redon était misérable, et combien il avait besoin de secours et d'approvisionnements [Note : Voir Pièces justificatives III]. Si, dès 1790, on souffrait, il était bien évident qu'en 1793, la situation avait dû empirer et que le district était sous la menace d'une disette. Aussi, dès le 10 octobre 1793, le Directoire s'occupait-il activement d'établir un maximum du prix des marchandises. Pour cela il chargeait les citoyens Lallemand et Gentil d'aller chez tous les marchands et d'exiger leurs factures et leurs registres de 1790.

On se mit immédiatement à l'œuvre et il semble que le maximum fut établi, en grande partie, de très bonne heure, car le 24 frimaire an II, la municipalité de Redon considère que la fixation du prix du vin à 60 livres la barrique lèse les propriétaires, et le Directoire, faisant droit à ces réclamations, porte le prix de la barrique de vin soutiré à 80 livres, et de la barrique de cidre à 24 livres.

Cependant le maximum ne put remédier complètement au manque de subsistances et désormais l'une et l'autre question sont intimement liées. Un fait survint à cette époque, qui montre une véritable abnégation chez les administrateurs du district, si l'on songe surtout que Redon était menacé de la famine. Le 26 frimaire an II, deux administrateurs du district de Vitré étaient envoyés à Redon pour obtenir des subsistances. « Le Directoire, ouï le procureur-syndic, considérant l'état de pénurie où se trouvent leurs frères de Vitré, arrête d'autoriser lesdits commissaires à faire dans son arrondissement les achats de grains et de patates qu'ils pourront trouver, et s'engage même à leur en fournir : le tout cependant autant que le contingent à fournir par le district pourra le permettre » (A. D. I.-V. 2 L 83a). Ce fait, est-il besoin de le dire, resta absolument isolé.

Le 3 pluviôse an II, l'agent national écrivait aux administrateurs des districts de Rochefort, la Roche-Bernard et Blain pour protester contre un de leurs arrêtés qui interdisait d'envoyer des approvisionnements à Redon, en contravention formelle avec la loi. Sévèrement il les admoneste et les engage à s'y conformer sur-le-champ (A. D. I.-V. 2 L 95 bis).

Le 24 ventôse, ce sont d'autres plaintes. Le marché de Redon s'appauvrit en dépit des efforts de la municipalité. La raison en est que quelques communes du district de Blain qui apportaient des approvisionnements à Redon ont été pillées par les « brigands ». Beaucoup d'habitants y ont été tués. A ce moment, la situation est particulièrement critique. Redon est sous la menace de l'envahissement et de la disette. Aussi, le 2 germinal, l'agent national annonce-t-il au Comité de Salut public que, pour parer au dernier de ces fléaux, il a fait ensemencer en « pommes de terre les terres de la patrie ». Il joint à sa lettre le total des réserves contenues dans les greniers du District. On voit combien elles sont insuffisantes :

Froment : 128 quintaux 63 livres.
Seigle : 562 quintaux 3 livres.
Blé noir : 60 quintaux.

Ces réserves ne pouvaient durer longtemps. Aussi, le 28 germinal, demanda-t-il des approvisionnements à Roche-Sauveur, puis à Lorient.

C'est dans ces moments de pénurie que la loi du maximum fut appliquée, non sans murmures. Le 7 floréal, les denrées de première nécessité font totalement défaut. Tout ce qui vient par la rivière est vendu à Roche-Sauveur, car l'établissement du maximum est loin d'y être achevé. Dès le 27 germinal, Binel avait écrit à l'agent national de Roche-Sauveur et à celui de Roche-des-Trois : « Je t'envoie, citoyen, le 1er n° du maximum que chaque agent national de district est tenu de faire. Je ne puis t'envoyer d'autres numéros pour le présent, n'étant pas imprimés... J'ai pris sur mon compte de maximer les draps de Malestroit et les castos de Pluerlin, quoique n'étant pas de mon arrondissement. Je pense que tu ne le trouveras pas mauvais. Je t'en envoie une copie manuscrite afin que tu puisses tabler là-dessus pour former ton tableau ». Le 23 floréal, il écrit de nouveau à l'agent national de Roche-Sauveur dans le but d'en obtenir des subsistances : « Compte sur mon zèle à concourir au salut public, car l'ensemble dans nos opérations nous amènera l'abondance dans nos marchés, lorsque les prix ne seront qu'un. Mais je t'engage à rectifier les sept lieues dans le prix de la voiture, car tu conçois bien que les denrées venant par mer se trouvent à prix égal à Roche-Sauveur, et ici il ne nous parviendrait aucune marchandise pendant que vous en regorgeriez... Salut et fraternité » [Note : A. D. I.-V. 2 L 95 bis. Quelques tarifs du maximum se trouvent conservés incidemment dans le registre de correspondance de l'Agent national, mais ils sont fragmentaires, insuffisants, et, par suite, ne peuvent nous permettre de tirer aucune conclusion].

Le même jour, la Commission des subsistances mettait à la disposition du District un nombre de pains suffisant à la subsistance du peuple jusqu'à la récolte prochaine. Chaque individu, véritablement misérable, recevrait « un quart de blé noir » (A. D. I.-V. 2 L 83b).

Cependant le Directoire prenait patience, la récolte s'annonçait assez bonne. A plusieurs reprises même, l'agent national n'hésite pas à faire un tableau idyllique du bonheur qu'apporterait une moisson abondante. Ces espérances furent déçues : la récolte ne fut que médiocre. Aussi, dès le 3 thermidor, des mesures énergiques sont-elles prises pour faire appliquer la loi du maximum dans toutes les communes. Mais surtout le 21 thermidor un arrêté du Directoire, tendant à faire approvisionner le marché de Redon, ordonna aux communes qui avaient l'habitude d'y apporter leurs marchandises de ne pas faillir à les apporter encore, et cela en quantité déterminée, même si elles sont étrangères au district de Redon et au département d'Ille-et Vilaine. Au reste, voici la liste qui en fut dressée :

Commune de St-Nicolas, 25 livres beurre frais, 6 douzaines d'œufs, 12 couples de volailles, 6 demés de grains.

Avessac, 50 livres beurre frais, 8 douzaines d'œufs, 8 couples de volailles, 10 demés de grains.

Plessé, Fégréac, Sévérac, St-Dolé, Rieux, La Potrie, Béganné, Caden, Allaire, St-Vincent, Peillac, St-Jagut, Le Fougeray, Glenac, St-Jean-des-Marais, St-Perreux, Bains, Renac, chacune 50 livres beurre frais, 8 douzaines d'oeufs, 8 couples de volailles, 10 demés de grains.

Langon et Brain, chacune 15 livres beurre frais, 10 douzaines d'œufs, 10 couples de volailles, 12 demés de grains.

La Gacilly, Sixt, St-Just et Bruc, chacune 20 livres beurre frais, 15 demés de grains.

Ce n'était là qu'un minimum et chaque commune pouvait apporter une quantité supérieure de denrées. Toutes seraient payées au prix du maximum. Si les communes visées par cet arrêté refusaient d'y souscrire, elles seraient dénoncées sur-le-champ au Comité de Salut public et à la Commission du Commerce. Le Directoire laissait aux municipalités le soin de faire la répartition à leur gré. Cet arrêté fut en outre envoyé au Comité de Salut public, à la Commission du Commerce et des approvisionnements, aux districts de Roche-des-Trois, Roche-Sauveur et Blain avec prière de concourir à son exécution.

L'exécution de ce décret ne fut pas immédiate car, le 21 pluviôse an III, le Directoire prenait un nouvel arrêté : « Le Directoire..., vu l'article 5 de la loi du 4 nivôse, la loi du 16 nivôse, la loi du 18 vendémiaire, l'article 6 de la loi du 6 pluviôse et la disette du district de Redon, arrête : les communes de Saint-Nicolas, Avessac, Plessé, Fégréac, Sévérac, Saint-Dolé, Sixt, Saint-Just, Bruc, Langon, Brain, Renac, Bains, Rieux, La Potrie, Béganne, Caden, Saint-Jagut, Peillac, Saint-Vincent, Le Fougeray, Glenac, La Gacilly, Saint-Jean-des-Marais, Allaire et Saint-Perreux sont requises d'apporter aux marchés de Redon de huitaine en huitaine les denrées déterminées par l'arrêté du 21 thermidor an II » (A. D. I-V. 2 L 83c).

Bref, ce qui ressort nettement des différents faits que nous venons de rassembler, c'est l'impuissance presque totale du Directoire de Redon à assurer les approvisionnements dans un pays essentiellement agricole, pauvre, éloigné de toute communication avec la mer ou avec des régions plus riches ; à une époque où les campagnes étaient troublées et dévastées par les bandes des Chouans, une telle situation critique était inévitable. Aussi, connaissant la misère des habitants, le Directoire se montra-t-il extrêmement réservé en ce qui concerne les réquisitions. Certes, il y en eut, d'hommes, d'animaux et d'objets, ruais combien rares et combien légères.

D'ailleurs, ce n'étaient pas les seules difficultés avec lesquelles l'administration générale se trouvait aux prises. Deux autres questions la préoccupaient : celle de la levée des recrues et celle du salpêtre.

Le 18 pluviôse, an II, une lettre du Comité de Salut public signée B. Barère, Billaud-Varennes, R. Lindet, Carnot, A. Couthon, C.-A. Prieur, Collot-d'Herbois, Saint-Just, Jeanbon Saint-André, ordonnait au Directoire de faire procéder à la recherche et à l'extraction du salpêtre (A. D. I.-V. 2 L 83a). Dom Jausions écrit à ce sujet (voir Histoire abrégée de la ville et abbaye de Redon) : « Pressé par la guerre à l'intérieur comme à l'extérieur, la République forçait de concourir à sa défense ceux qui détestaient son joug de fer. La fabrication du salpêtre fut organisée à Redon et il fut reconnu que le terrain de l'ancienne église paroissiale était propre à l'extraction de cette précieuse matière. On y établit donc un atelier ; on invita d'abord les citoyens à venir y travailler tous à tour de rôle ; un peu après on les y força, à charge de payer des remplaçants, lorsqu'on était empêché de travailler par soi-même ».

Ce résumé est en somme assez exact. L'exploitation du salpêtre fut en effet conduite avec beaucoup de soin à Redon, mais elle ne donna guère de résultats appréciables, car cette matière manquait presque totalement. Le 4 prairial an II, le citoyen Lebel faisait enregistrer son diplôme de capacité pour l'extraction du salpêtre et était chargé d'en diriger les travaux dans toute l'étendue du district. En dépit des méthodes plus rationnelles que l'on adopta, peu de gens consentirent à s'y livrer. En vain créa-t-on une Ecole de Salpêtre, dans le courant de messidor. Le 19, le département d'Ille-et-Vilaine envoya un préposé pour hâter les travaux. Le Directoire lui promit le concours de son argent et de son pouvoir moral. Quelques jours après, le 3 thermidor an II, sur la demande du Conseil général de la commune de Sixt, les administrateurs redonnais votaient une subvention de 1.200 livres en vue de rechercher « cette précieuse matière ».

Le Directoire n'obtint cependant que très peu de résultats. Le 9 fructidor an II (A. D. I.-V. 2 L 95 bis). l'agent national écrivait au Comité de Salut public qu'on n'avait pu obtenir encore que 163 livres de salpêtre. Le 16 vendémiaire an III, il mandait à la commission des armes et poudres que l'on n'avait pas trouvé de salpêtre dans les caves, mais seulement dans les colombiers et dans une chapelle de l'église paroissiale. A ce moment, les communes n'avaient encore rien fourni. Chaque livre de salpêtre revenait à 100 sous. Pourtant il y eut momentanément une période d'activité plus grande dans cette recherche, si bien que dans la première décade de frimaire on put en réunir 238 livres. En somme un seul envoi de deux barriques put être fait au début de l'an IV à l'armée des Côtes de Brest.

Le Directoire ne put donc pas concourir d'une manière effective à l'armement de la France. Pourtant il fit des envois assez fréquents « de matières de cloches » pour être transformées en bouches à feu. Le 23 floréal an II (A. D. I.-V. 2 L 83b), ordre était donné aux municipalités de descendre les dernières cloches pour les envoyer à Rennes et de tenir l'argenterie prête à toute réquisition. Le 8 prairial, on faisait un premier envoi de tout le cuivre que l'on avait pu trouver, auquel on joignait de l'argenterie, des souliers, etc... mis en réquisition. En même temps, on expédiait des toiles et une barrique de plomb au citoyen Prieur, en mission à Brest.

Le Directoire se heurta à des obstacles encore plus sérieux, lorsqu'il voulut procéder à la levée des recrues. L'Assemblée législative avait décrété une levée de 300.000 hommes bientôt suivie de la levée en masse. 314 jeunes gens du district avaient refusé de partir et se cachaient dans la campagne. La Convention avait besoin d'hommes. De nombreuses difficultés surgirent, alors. Les communes discutaient sur le contingent qu'il leur fallait fournir. Saint-Germain-des-Prés demandait à être séparé de Lohéac et à fournir une recrue tandis que Lohéac en aurait deux à donner (11 mars 1793). Le lendemain, les officiers municipaux de la paroisse de Comblessac réclamaient une réduction dans le nombre de leurs recrues sous prétexte que cette commune n'avait que 780 habitants. Le Directoire s'impatientait. Pour en finir, le 13 mars 1793, il nomma des commissaires pour accélérer la levée dans toutes les communes, sauf à Renac où les opérations étaient terminées. Le 17 mars, nouvel arrêté pour hâter le recrutement des 314 soldats que le district devait à la patrie. Bien entendu ce nombre était susceptible d'augmentation. Le Directoire, en conséquence, dressa un tableau de la répartition des hommes d'après la population totale de chaque commune (A. D. I.-V. 2 L. 82c. Voir Pièces justificatives XVIII).

Puis, tandis qu'on procédait à la levée de ces 314 soldats, il prenait d'autres arrêtés d'intérêt général. Le 16 avril 1793, il enregistre la commission d'agent utilitaire que le général Beysser a envoyée au citoyen Le Clerc, capitaine de la garde nationale. Le 25 avril, quelques volontaires, revenant de la garde de Châteanneuf, demandent une gratification de 132 livres, sous prétexte que Redon a fourni 13 hommes au lieu de douze. « Les administrateurs du district de Redon ...... déclarent qu'il n'y a pas à délibérer sur ladite requête : que le citoyen, qui s'est trouvé d'excédent pour la ville de Redon, a rempli un devoir qui honore son civisme et qu'il perdrait s'il voulait en tirer un salaire au-dessus de sa solde ». Le 15 brumaire an II, les citoyennes de Redon sont invitées à faire de la charpie avec les linges qui leur seront remis. Et toujours des réquisitions : réquisition de sabots le 15 pluviôse, de toile à sac et à voile, le 27. Des contributions, contribution patriotique en permanence, contribution extraordinaire de guerre de 295 livres (1 denier pour le dixième en sus de l'emprunt forcé) votée par la municipalité le 14 messidor, etc., etc....

L'agent national se montra à ce sujet particulièrement actif. Le 3 germinal an II, il ordonna aux communes de Pipriac, Lohéac, Guignen, Guipry, Saint-Ganton et Langon, de faire rassembler les jeunes gens de la première réquisition pour le 5 du mois. Il presse le citoyen Baron, agent pour cette réquisition... « De l'activité, plus de repos, ou nous aidons à tuer la Liberté » (A. D. I.-V. 2 L 95 bis).

En vain Binel prit-il des mesures très sévères, les recrues continuèrent à tenir la campagne et à faire la Chouannerie. Il faudra attendre le vote de la loi d'amnistie. Alors, dès le mois de nivôse an III, quelques jeunes gens, las de la situation précaire dans laquelle ils se trouvaient, feront leur soumission.

Les questions que nous venons d'étudier n'étaient pas les seules qui s'offrirent au zèle ardent des administrateurs. Leur activité s'étendait à un grand nombre d'affaires très variées dont il nous reste à dire quelques mots pour achever la peinture du gouvernement terroriste de Redon. Avant tout il fallait de l'argent et la situation financière normale était loin d'être brillante. Le budget de 1792 [Note : Voir Pièces justificatives IV. Les impôts en général n'étaient pas levés] que l'on peut prendre comme type, accusait 178,883 livres de recettes et 50,181 de dépenses. Etant donné l'état permanent d'agitation et de trouble dans lequel se trouvait le district, étant donné la difficulté que l'on éprouvait à faire rentrer les contributions, cet excédent considérable, en apparence, ne pouvait suffire. Aussi le Directeur ne transigeait-il jamais sur la levée des taxes révolutionnaires. Une pièce intéressante intitulée : « Etat général des taxes révolutionnaires, saisies, emprunts, échanges, dons volontaires et dépouilles des églises du district de Redon, dressé en exécution de l'arrêté du Comité du Salut public, du 27 prairial an II et de la loi du 23 frimaire an III de la République » nous en donne une preuve convaincante. Elle atteste un total de 4,880 livres en assignats, 527 marcs d'argent, 156 de vermeil et 1.614 de cuivre doré et argenté (A. D. I.-V. 2 L 90). C'était encore bien peu et c'est ce qui explique la détresse constante au milieu de laquelle vécut le Directoire.

Nous avons vu que, depuis le mois de pluviôse an II, l'agent national personnifie l'administration du district. C'est lui qui a la surveillance de tous les corps constitués et se conforme strictement aux lois. On a affaire à un personnel épuré, extrêmement soumis, chez lequel l'instruction seule laisse parfois à désirer. Une seule exception fut faite aux lois de la Convention. Le 8 prairial, une lettre du représentant du peuple Le Carpentier, résidant à Port-Malo (Saint-Malo), autorise le citoyen Rivierre, ex-curé constitutionnel de Bains, à poursuivre provisoirement ses fonctions d'officier municipal, pour avoir adopté un orphelin, quoique contrevenant à la loi sur le mariage des prêtres. Degousée lui-même, avait été incarcéré le 15 ventôse an II. Il ne fut mis en liberté que le 11 messidor sur un ordre de Le Carpentier, daté du 25 prairial, ordonnant d'élargir immédiatement les prêtres arrêtés qui manifesteraient l'intention de se marier. Degousée signa de nouveau comme président du Directoire à partir du 17 thermidor. Trois jours après il obtenait un congé pour rejoindre le représentant du peuple Laignelot qui le nomma juge-officier militaire.

Dès son entrée en fonctions, Binel s'occupa sérieusement de sa tâche et surveilla attentivement les corps constitués. Le 15 pluviôse, il ordonne aux agents nationaux des communes du district de rendre compte chaque décadi de « ce qui se passe chez eux » (art. 17, loi du 14 frimaire an II). Le 7 ventôse, il nous donne des détails très curieux sur la Société populaire de Redon. Nous avons dit que les principaux membres de la Société avaient été appelés à former le Comité de surveillance révolutionnaire. Ceux qui ne purent être admis dans cette nouvelle commission ne se dispersèrent pas et la Société populaire continua d'exister avec des fortunes variables. Le 7 ventôse, Binel écrit au Comité de Salut public qu'il existe une seule société populaire dans le district de Redon à laquelle sont affiliés un certain nombre d'individus de plusieurs communes. Etablie en février 1791, elle était en rapport avec le Club des Jacobins. Au moment des troubles, c'est-à-dire à partir du mois de mars 1793, elle avait dû suspendre ses assemblées qu'elle reprit il y a environ cinq mois. Deux fois elle fut soumise à l'épuration. Aussi « les sociétaires épurés sont à la hauteur de la Révolution, suivant la gradation de leurs connaissances, c'est-à-dire que le moins instruit est « fermé » dans son opinion par la raison qu'il veut être libre » (A. D. I.-V. 2 L 95 bis).

Dans ses reproches — et ils ne sont ni ménagés, ni rares — l'agent national se montre extrêmement violent. Le président du Comité de surveillance de Renac avait pris sur lui de permettre aux débitants de dépasser le maximum. Aussitôt Binel lui écrit (3 floréal an III) qu'il est, responsable de tout changement sur sa tête et qu'il en répondra. « Souvenez-vous, ajoute-t-il, que dans un gouvernement révolutionnaire l'indiscrètion d'un fonctionnaire public devient un crime ». Il hâte, toujours menaçant, les listes des détenus ou des nobles que les municipalités et les comités de surveillance ne se pressent jamais d'établir.

Il déploya la même activité pour obtenir des communes les renseignements nécessaires à l'établissement des listes de bienfaisance que la Convention avait prescrit de dresser. En dépit de tous ses efforts, cette œuvre ne devait être exécutée que par le nouveau gouvernement issu de la réaction thermidorienne. Aussi, encore le 19 thermidor, écrit-il que la loi du 22 floréal sur la bienfaisance ne s'exécute pas aussi rapidement qu'il le désirerait, plutôt par ignorance que par mauvaise volonté. Les municipalités semblent ne pas comprendre et lui adressent d'incessantes réclamations. C'est encore en vain qu'au 1er fructidor il menace les maires. Nous verrons au chapitre suivant qu'il fallut attendre le 1er vendémiaire pour trouver, dans l'analyse de la décade, la mention de l'exécution de la loi.

L'explication de ces retards nous est donnée par Antoine Binel lui-même en deux endroits de sa correspondance, les 29 prairial et 9 messidor. Il écrit notamment à cette dernière date : « J'ai vu, en général, dans toutes les municipalités, la meilleure volonté et peu de moyens. Quelques citoyens épars çà et là les aident à l'exécution des lois. L'esprit public y est bon. La loi s'exécute plus ou moins promptement selon la capacité des maires et des officiers municipaux... » (A. D. I.-V. 2 L 95 bis. Voir Pièces justificatives XVI).

Il avait d'ailleurs eu d'assez fréquentes occasions de faire cette remarque. Aussi, pour y remédier, s'occupa-t-il d'établir un enseignement sérieux dans le district de Redon. Certes, le Directoire ne demandait pas grand chose aux instituteurs. Savoir lire, écrire, avoir des mœurs sévères et un sens droit « suffit, d'après lui, à éclairer les habitants des campagnes ». Nous n'avons malheureusement trouvé que des renseignements vagues sur cette organisation. Il ne semble pas que beaucoup d'instituteurs payés par les municipalités et logés par elles, aient été appelés dans le district. L'instituteur de Redon, le citoyen Leclerc, était, paraît-il, très dévoué à la cause révolutionnaire. L'enseignement, comme on le sait, était gratuit, mais non obligatoire. Aussi, l'agent national dut-il se borner à des exhortations fréquentes. Le 21 floréal, il écrit, en effet, à l'agent national près la commune de Redon : « Je t'invite à me rendre compte dans le jour du résultat de l'exécution des lois du 29 frimaire et 4 ventôse relatives aux Ecoles primaires et me fais délivrer un autant des déclarations des instituteurs. Si aucuns se sont présentés (sic), il est bien surprenant que la municipalité n'ait rien fait, à cet égard ». De même, le 19 vendémiaire, il écrivait aux municipalités, aux comités de surveillance et à la Société populaire pour les inviter à visiter les écoles.

Le traitement des instituteurs ne semble pas avoir été bien élevé, car nous voyons, le 24 floréal, l'instituteur de Redon réclamer le paiement de 216 livres pour deux ans et deux mois de pension, soit 100 livres par an.

Enfin, en vertu de l'article 1, chapitre 2 de la loi du 27 brumaire an III, le mois suivant (23 frimaire) le Directoire nommait trois commissaires pour former le Jury des écoles primaires ; c'étaient Molié père, Dazémar (ou Dadhémar) et Lefeuvre, juge, tous les trois bien connus pour leur probité et leur républicanisme (A. D. I.-V. 2 L 83c).

De bonne heure, on s'habitua à considérer l'école comme le lieu de propagande le plus sûr et, quelque temps après l'époque qui nous occupe, nous trouvons cette note bien significative : « 24 brumaire an III. Je t'envoie dix exemplaires (de l'adresse) de la Convention au peuple français, du 18 vendémiaire dernier. Tu en feras lecture à tes élèves, l'afficheras dans ta classe et tu m'en accuseras de suite réception » (A. D. I.-V. 2 L 95 bis. Aux instituteurs du District de Redon).

L'enseignement secondaire fut complètement inconnu dans toute l'étendue du district. Par contre, le Directoire s'occupa d'envoyer certains sujets d'élite dans les établissements d'enseignement supérieur créés par la Convention. Le 23 prairial an II, nous apprenons que les citoyens Joseph Dufau, de Lohéac, René-François Leclerc, Henry Pavin, Yves Lamer, de Redon, Jean Lucas, de Bains, et Ambroise Bocherel, de Renac, sous la conduite du procureur Dufau, devront se rendre à l'Ecole de Mars à Paris. Ils partiront de Redon le 29 pour Rennes, où on leur désignera la route qu'il leur faudra prendre. Ils y passèrent plusieurs mois et rentrèrent à Redon le 29 brumaire an III, à l'exception de Pavin et de Bocherel, l'un resté à l'hôpital du camp des Sablons, l'autre à l'hôpital de Caen. De même, le 11 pluviôse an III, le citoyen Pierre Derennes était nominé élève en chirurgie à l'Ecole de santé de Paris.

On sait qu'une des créations de la Convention destinées à avoir le plus de légitime et durable succès fut celle de l'Ecole normale supérieure, organisée sur de toutes autres bases que l'Ecole actuelle. Il appartenait aux administrations locales de désigner les candidats qui, durant leur séjour, recevaient 1,200 livres d'appointements. Le Directoire de Redon ne faillit pas à désigner un sujet, à la suite d'une très courte délibération (23 frimaire an III) (A. D. I.-V. 2 L 83c, folio 18, Voir Pièces justificatives XIX).

L'administration centrale du District ne se borna point à essayer d'établir un enseignement primaire, à envoyer quelques sujets d'élite clans les écoles supérieures, il fit encore quelques heureuses innovations. L'agent national, le 29 germinal an II, requiert en effet, auprès des administrateurs, l'établissement d'une bibliothèque publique à Redon, dans un emplacement de l'abbaye, la nomination, de concert avec la Société populaire, de commissaires pris en dehors des autorités constituées pour dresser un inventaire avant le 8 prairial. Le 6 floréal, le citoyen Gentil fut député à ce sujet vers la Société populaire : les commissaires nommés furent Houdebine aîné, Besnier, Fouesnel et Lorère. Enfin, une création très particulière fut celle de l'Ecole du Salpêtre qui fut ouverte le 18 messidor, et à laquelle les communes durent envoyer les citoyens réquisitionnés pour l'extraction de cette matière.

Nous trouvons donc parmi les membres du Directoire, le souci d'établir un enseignement plus scientifique, plus rationnel. Mais il ne faudrait rien exagérer. Les mesures qui furent prises relativement à l'éducation et à l'enseignement n'ont pas été désintéressées. Elles ont pour but, tout comme l'extension des gardes nationales, la levée des recrues, le souci des approvisionnements, de fortifier, de rendre possible le gouvernement que la Convention avait promis dans sa Constitution de l'an III.

(Léon DUBREUIL).

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