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District de Redon : la chouannerie.

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SOMMAIRE. — 1° Rapports du Directoire et du Comité avec les Districts voisins. — 2° Redon menacé, mars 1793. — 3° Emigrés et Chouans, opérations militaires. — 4° Les biens nationaux. — 5° Les cultes. — 6° Caractère de la répression : les suspects.

Nous avons déjà vu, çà et là, les causes du mouvement insurrectionnel dans le district de Redon ; elles se réduisent à deux principales : le refus du service militaire, la défense des prêtres insermentés. Encore serait-il plus vrai de dire que la Chouannerie eut surtout pour motif l'ingérence du clergé réfractaire qui provoqua l'insoumission de presque tous les jeunes gens. N'était-ce pas le meilleur moyen de lutter contre la Révolution, de la détruire même, que de la priver des hommes dont elle avait besoin, et de susciter en France une rébellion violente ?

L'insurrection ne se propagea guère avant le mois de mars 1793. Le 15, le Directoire ordonnait de payer 600 livres à la municipalité de Redon pour maintenir sa sûreté « menacée par les brigands répandus dans les paroisses limitrophes, à la distance d'une, de deux ou trois lieues » (A. D. I.-V. 2 L 82c). Cet arrêté avait été précédé de deux délibérations très graves, l'une du 15 janvier 1793, l'autre du 5 mars, où la difficulté de la situation apparaît nettement. Le citoyen Bellouard, substitut du procureur-syndic se plaignit avec amertume de la complicité de certaines municipalités et obtint la première fois que le Directoire prît la décision suivante (Voir Pièces justificatives XII. A. D. I.-V. 2 L 82c, folio 10) : « Le Directoire, vu le réquisitoire ci-dessus, arrête qu'en conformité d'icelui, toutes les fois qu'une municipalité autorisera, soit directement, soit indirectement, des prêtres non sermentés à dire des messes, administrer les sacrements, instruire la jeunesse ou remplir toutes autres fonctions publiques dans l'étendue de son territoire, il sera envoyé à ses frais une force armée proportionnellement à la population pour en expulser lesdits prêtres, ainsi- que les émigrés rentrés ».

Mais ce n'était là en quelque sorte qu'un prélude aux grands mouvements de mars qui amenèrent, on l'a vu, la transformation des administrations par Billaud-Varennes et Sevestre et sur lesquels il nous faut désormais insister. Dès le 5 mars, les environs sont menaçants. Aussi, le citoyen Gentil, après avoir déclaré qu'une action rapide s'imposait, obtient que le Directoire demandera au Département « quatre pièces de canon et un nombre suffisant de boulets » (A. D. I.-V. 2 L 82c, folio 46).

Cette requête resta sans effet. Pourtant la situation se compliquait de plus en plus. Le 16 mars, Degousée, curé de Redon, et Mazière sont nommés commissaires vers le Département pour obtenir 3 ou 400 hommes et deux pièces de campagne, car un grand nombre de factieux se trouvent répandus dans le District, notamment à Redon, où ils veulent incendier le lieu des séances, se faire remettre les papiers et massacrer les fonctionnaires publics.

A ce moment, le Directoire reçoit une lettre du Département écrite le 14, dans laquelle celui-ci déclarait ne pouvoir envoyer des troupes assez fortes pour rétablir l'ordre et recommandait de prendre des mesures préventives, comme d'envoyer, si le danger était imminent, la caisse et les objets précieux au District de Rennes. En réalité, le péril est proche : des rassemblements se sont formés à Bains, Brain, Maure, Pipriac, Bruc, Saint-Seglain, aux environs de Redon, à Saint-Nicolas, Avessac, Rieux, Saint-Perreux, Saint-Vincent. L'insurrection est prête à éclater, à incendier le District et à enlever la caisse des assignats. « Ces brigands portent la cocarde blanche, leur but est de la faire prendre à tous les citoyens et d'immoler ceux qui refuseraient de porter ce signe de rébellion, d'infamie et d'esclavage. Dans le port de cette ville, un navire a, ce jour, mis le pavillon blanc. Plusieurs gens suspects ont crié dans les rues : Vivent les autocrates, Vive la noblesse, au diable le District, les administrateurs et la caisse » (A. D. I.-V. 2 L 82a). Le mauvais vouloir des habitants de Redon, de la garde nationale même, en présence de la municipalité qui veut faire repousser les brigands, est évident. Les soldats, las de la situation intenable qui leur est faite, bouclent leurs sacs pour rentrer à Rennes, malgré leurs chefs, puisqu'on ne leur permet pas de se défendre. La guerre civile menace. Les districts de Blain, Savenay et Rochefort sont infestés de Chouans : les papiers mêmes de l'administration n'ont pu être sauvés.

Dans ces circonstances difficiles, le Directoire ne put, après avoir rapporté l'arrêté précédent, qu'envoyer à Rennes les papiers et la caisse, nommer commissaires, à cet effet, Bastide et Bellouard, et prier le Département d'envoyer une force armée, quelle qu'elle soit.

En outre, le 25 mars, il fut décidé qu'on prélèverait 2,400 liv. sur les charges locales pour défrayer les détachements cantonnés à Redon et assurer la sécurité de la ville. Fort heureusement le général Beysser arriva à temps et délivra cette place stratégique de premier ordre, véritable clef des districts de Rochesauveur [Note : Autrefois La Roche-Bernard. — Voir J. Desmars, Redon et ses environs ; A. Aulard, Etudes et Leçons sur la Révolution française, 1ère série, pp. 220-221], de Rochefort, de Montfort, de Bain et de Blain.

Ainsi fut écarté un danger immédiat. Cependant tout était encore à redouter. Aussi, le 4 avril 1793, l'Assemblée générale envoyait-elle Le Batteux, Bastide et Gentil avec la force armée pour « désarmer » les paroisses d'Avessac, Fégréac et Saint-Jean-des-Marais. Enfin, s'occupant même d'opérations militaires, elle prenait un grave arrêté, le 12 avril suivant, sur la dénonciation faite par un de ses membres, de six prêtres réfractaires cachés dans la paroisse de Bains [Note : « Un membre a dit : — Un homme digne de foi et par sa probité connue et par un civisme à toute épreuve, m'a fait ce matin une déclaration confidentielle. Le fanatisme est alimenté, entretenu, irrité par l'astucité (sic) des prêtres contre-révolutionnaires. Ces prêtres surabondent plus que jamais dans nos cantons et nous empoisonnent de leur souffle meurtrier. Je sais, à n'en point douter, que six de ces prêtres sont actuellement dans la paroisse de Bains. Ces six prêtres font faire les Pâques et travaillent par là à rallier les brigands dispersés. J'ai des hommes sûrs et ces hommes vous serviront de guides. Je demande, en conséquence, que vous preniez à l'égard de ces « bons prêtres, » les mesures que vous prescrivent les circonstances ». A. D. I.-V. 2 L 84a]. « Le Conseil général, ... arrête que le commandant de la garde sera requis, sur-le-champ, de fournir 60 hommes pour les onze heures du soir ; que ces 60 hommes seront divisés en trois pelotons, que chacun des détachements sera dirigé par un guide et deux commissaires nommés à cet effet » (A. D. I.-V. 2 L 84a).

Le lendemain, 13 avril, Lodin, Gentil et Bastide rapportaient un procès-verbal de capture du sieur Roussel, ex-curé de Pluerlin (district de Rochefort), capture faite dans la paroisse de Bains.

Le 27, le danger étant toujours pressant, le Conseil général demande un détachement du 39ème de ligne, pour renforcer les troupes de Redon réduites à ce moment à 100 hommes, auxquels s'ajoutent 45 hommes du bataillon de Seine-et-Marne et 250 recrues, alors que les campagnes sont parcourues en tous sens par les brigands [Note : C'est à cette époque, 11 mai 1793, que se place la formation du Comité de Sûreté générale]. — Un mois après, le 29 mai, il prenait un arrêté énergique contre « les ci-devant privilégiés et parents d'émigrés ». Les privilégiés devaient être transférés à Rennes, sauf exception pour ceux qui auraient fait preuve de civisme, ou qui seraient âgés ou infirmes. Les pères et parents d'émigrés devaient se rendre au chef-lieu de département, à jour dit, sous peine d'y être conduits par la force armée et à leurs frais. Les autres, suspects et réfractaires, resteraient à leur domicile sous la surveillance des autorités constituées. Enfin les réunions de plus de trois personnes étaient désormais interdites.

Pendant ce temps, les opérations se poursuivaient. Le 12 juin 1793, le commandant de la place de Redon écrit au Département pour lui faire part d'une lettre du général Avril. Celui-ci a appris que Machecoul, Port-Saint-Père et quelques autres localités du sud de la Loire ont été reprises par les rebelles. Comme, si l'ennemi approche, le commandant de Redon doit se replier sur Rennes sans se laisser couper à Pont-Réan, il demande avec insistance des troupes au Département, appuyé en cela par le Directoire du District (A. D. I.-V. 2 L 95). Sur ces entrefaites, le général Avril vint cantonner à Redon. Le 29 juin 1793, le District lui enjoignait de rester dans la ville avec sa troupe... « Les administrateurs composant le Conseil général du District de Redon, ... considérant le danger imminent dont la ville est menacée par l'invasion du poste de Blain ; que les troupes formant les garnisons de Redon sont à peine suffisantes pour sa défense ; considérant d'ailleurs l'inutilité d'une force armée à. Rochefort dont l'administration s'est retirée à Malestroit, arrêtent de requérir le citoyen Avril de faire rester à Redon jusqu'à nouvel ordre les deux compagnies dont est cas » (A. D. I.-V. 2 L 95). En dépit des protestations du Directoire, le général quitta Redon le 2 juillet.

Le 30 juin 1793, une réunion plénière et révolutionnaire, destinée à prendre des mesures efficaces contre la Chouannerie, avait été tenue à Redon par le Conseil général, de concert avec des commissions des districts et municipalités de Josselin et de Malestroit et l'administration de Blain. Après une longue délibération (Voir Pièces justificatives XIII. A. D. I.-V. 2 L 84a, folios 78-79), le Conseil général de Redon « ...considérant qu'il est important que Redon ne soit pas sans troupes, d'abord pour conserver les bateaux du côté de la ville de Redon pour assurer en tous événements la retraite à nos troupes ; secondement pour maintenir la paix et la tranquillité dans nos campagnes circonvoisines ; troisièmement pour conserver les papiers du District et la sûreté de deux caisses, celle du District de Redon et celle de Blain qui est dans nos murs ; arrête, sous sa responsabilité, de retenir à Redon, jusqu'à nouvel ordre, 80 hommes du département des Côtes-du-Nord, commandés par le citoyen Berthelot ». Puis l'assemblée leva la séance « en se jurant amitié et fraternité ». Elle résolut à ce moment d'envoyer chaque jour, à midi, de Redon, un courrier qui se rendra à Peillac où il trouvera celui de Malestroit et cela « autant que les circonstances critiques nous entoureront ».

En fait, le Directoire de Redon occupait en juillet-août 1793 une situation stratégique de premier ordre. Il coupait la route de la mer aux Vendéens, maîtres du District de Blain, et c'était encore sur lui que l'on devait compter si la résistance de Rennes fléchissait. Les Chouans qui parcouraient et terrorisaient les districts de Fougères et de Dol essayaient, en effet, de gagner la mer et de préférence Roche-Sauveur.

Pendant quelques mois alors une accalmie semble s'être produite dans les mouvements insurrectionnels. Cette paix relative ne dura pas et fut définitivement troublée au mois de septembre 1793. Le Conseil général, le 23, décréta que tous ceux qui, par leurs discours ou leurs relations, seraient suspects et surtout les parents d'émigrés, seraient étroitement surveillés. Le commandant de la force armée devait faire mettre ses troupes sous les armes. Une visite domiciliaire serait opérée. On désarmerait tous ceux qui ne seraient pas inscrits sur le registre de la Garde nationale ou qui n'auraient pas déclaré leurs armes à la municipalité. Enfin, on arrêterait les étrangers, les suspects et les « ci-devant nobles » pour être interrogés par l'Assemblée sur leurs sentiments civiques. Des commissaires furent nommés sur-le-champ pour procéder à la visite domiciliaire décrétée : c'étaient Dumoutier, maire ; Blanchet, procureur de la commune ; Pellan aîné, Berranger, Herbin, Boullon, officiers municipaux ; Hilaire Pellan, Jean Pellan, Patys et Hunault, notables. Ceux-ci sortirent immédiatement de la salle des séances. Ils y revinrent quelques heures après et firent part séparément des arrestations qu'ils avaient opérées. En conséquence, Fourché, Collobel Duprédy, Collobel Dubot, Carnois, Osmont, Oncle, Dondel, Lardenois, Lollivier aîné, Deshayes aîné, furent dirigés sur la maison d'arrêt. Ils furent interrogés le lendemain :

« 1° Sur leur conduite étrange et vaguement suspecte tenue par eux jusqu'à ce jour ;
2° Pourquoi ils se sont toujours éloignés des assemblées primaires et des sociétés civiques, et surtout pourquoi ils n'ont point pris une part active à l'acceptation de la constitution républicaine donnée aux Français libres par leurs représentants »
. Amenés séparément, ils alléguèrent tous à peu près les mêmes excuses. Ils objectèrent qu'ayant été chassés une fois d'une assemblée primaire, ils n'avaient osé s'y représenter ; que les mêmes raisons les avaient empêchés de demander à être admis dans la Société Populaire. Ils ajoutèrent enfin qu'ils ne demandaient pas mieux que d'accepter l'acte constitutionnel. Ils furent donc tous remis en liberté.

Cette opération arbitraire est, on le voit, très significative et caractérise tout à fait les époques troublées. Ce fut le dernier acte du Conseil général réuni en permanence. Dès le mois d'octobre, le Directoire a repris le gouvernement. Pourtant la guerre était loin d'être terminée. C'est ainsi qu'une lettre du 24 brumaire an II lui annonçait que 40 à 50 brigands armés de sabres et de fusils avaient passé à Saint-Germain-des-Prés, commettant beaucoup de crimes. Bientôt des mesures furent prises contre eux et l'on établit des gardes vigilants le long de la Vilaine pour protéger les bateaux qui approvisionnaient Rennes (27 brumaire).

En réponse à la lettre du 24 brumaire, le Directoire avait envoyé un détachement de 50 hommes, avec les citoyens Hénaud et Gentil en qualité de commissaires « pour anéantir les brigands ». Ce détachement envoyé le 26 à Saint-Germain-des-Prés, rentra le 28. A ce moment. Devars, commissaire du Représentant du peuple à Renac, fit craindre aux directeurs que des pelotons rebelles, s'échappant de l'armée vendéenne battue, ne vinssent ravager le territoire. Aussi le Directoire envoya-t-il un détachement à Lohéac et dans les paroisses environnantes pour empêcher les insurgés de passer par le District de Redon et d'atteindre la mer. La situation était redevenue extrêmement critique : c'est alors que le Directoire fit appel à Carrier (2 frimaire an II). Le Batteux fut nommé commissaire : il devait prier le Représentant de prendre « toutes les mesures et tous les moyens propres à mettre les républicains de Rochefort, de Redon... en état de se battre et de périr glorieusement et utilement pour la patrie » et ne le quitter qu'après en avoir obtenu des secours (A. D. I.-V. 2 L 83a. folios 133-134. Voir Pièces justificatives XIV).

En dépit de l'heureux choix du commissaire, cette mission ne dut guère avoir de résultats appréciables, car le 19 du même mois, le Conseil général adressait au Directoire des reproches au sujet des retards apportés dans les opérations. Pour lui, trois causes principales compromettent l'administration : 1° Voilà huit mois que le District est menacé d'envahissements perpétuels. On envoie des administrateurs en qualité de commissaires, et il y en a toujours un ou deux en mission. Les brigands menacent sérieusement le District : ils sont entrés à Blain, ils ont menacé Nantes ; 2° Des cinq administrateurs qui doivent toujours composer le Directoire, le procureur-syndic a été placé comme officier de police à la suite de l'armée des Côtes de Brest et a dû démissionner le 10 septembre ; un autre administrateur a été appelé à un autre poste par les représentants. La réquisition de la garde nationale de Redon, pour se rendre à Rennes, a enlevé tous les commis, sauf le secrétaire et un commis au bureau des municipalités ; 3° Enfin la correspondance avec les municipalités est devenue très difficile, par suite du soulèvement des campagnes. Le Conseil général, en conséquence, délègue vers Carrier et Pocholle le citoyen Degousée, en vue d'obtenir des secours pour lutter contre les brigands, et la nomination de nouveaux membres pour compléter l'administration du District (A. D. I.-V. 2 L 84a).

A partir du 2 pluviôse an II, nous avons, pour la Chouannerie, une source précieuse de renseignements dans le registre de correspondances de l'agent national, Antoine Binel. C'est ainsi que nous savons que le 6 pluviôse, des détachements furent envoyés dans le district de Rochefort; que le 16 pluviôse, grâce au général Tribourt qui fit rompre la chaussée de Saint-Nicolas en deux endroits, le District de Redon fut préservé d'un nouvel envahissement. Bref, le 5 germinal an II, il pouvait écrire au Comité de sûreté générale que les communes sont tranquilles, qu'à peine il existe quelques individus fanatisés par les prêtres réfractaires (A. D. I.-V. 2 L 95 bis).

En effet, à ce moment, la lutte est localisée dans les districts de Rochefort et de Roche-Sauveur. Un seul événement vint, dans le courant de germinal, troubler la demi-quiétude des administrateurs. Le 16 germinal, au matin, on trouva « aux lieux ordinaires où se mettent les affiches, celle-ci : Le Batteux, ta tête paiera tes crimes ». « Certes, citoyens, ajoute l'agent national, si Le Batteux, ce patriote zélé est criminel, il ne l'est qu'aux yeux des conspirateurs. Les mesures révolutionnaires qu'il a prises d'après les ordres du Représentant du peuple Carrier les déconcerte et une continuelle vigilance les outrage ». Le Conseil somma, en conséquence, la municipalité, la force armée et écrivit à la Société Populaire d'agir de façon à protéger les Républicains et surtout Le Batteux. Des patrouilles nocturnes devront être organisées, des perquisitions plus scrupuleuses et plus actives devront être faites (A. D. I.-V. 2 L 84b).

Ce n'était qu'une alerte. Cependant le Directoire prit des précautions et entre temps vint en aide aux districts voisins. Le 22 germinal, une note de l'adjudant général Chiron (A. D. I.-V. 2 L 83b) relatant des mouvements d'aristocrates à Redon et aux environs effraya une fois de plus les administrateurs. Des patrouilles parcoururent la ville toute la nuit et des piquets à cheval protégèrent les routes aux abords de la ville. Aussi l'agent national pouvait-il écrire, à la date du 23 germinal, que le district était calme malgré les soulèvements des districts de Rochefort et de Roche-Sauveur.

Cette quiétude ne devait pas être de longue durée, car ce même 23 germinal, il lui arrive de témoigner ses craintes. Un détachement de Redon a tué une vingtaine de brigands dont un chef, ex-capitaine au régiment de Picardie. Les papiers saisis ont appris qu'il « y a environ un mois, vingt hommes bien montés se sont embarqués au Passage-Neuf, à une lieue et demie de nous, munis de passeports en règle ». — « On ne doute plus, écrit alors Binel, que les hommes étaient échappés de Savenay, où l'armée de Talmont a trouvé sa fin, et que ce sont eux qui se répandent et soulèvent les campagnes du Morbihan. Mais comment ont-ils pu se procurer des passeports ? Ou ils sont faux, ou les municipalités des districts qui nous environnent sont scélérates » (A. D. I.-V. 2 L 95 bis).

De telles craintes étaient fondées, et le mois suivant, Redon fut presque aussi menacé qu'il l'avait été en mars 1793. Jusqu'alors les Chouans et les Vendéens avaient combattu simultanément, les uns voulant atteindre la mer, les autres luttant dans le Morbihan. Même le 3 germinal, l'agent national avait écrit à De Bègues, commandant temporaire de Redon, d'agir contre les rebelles d'une vingtaine de communes morbihannaises qui se sont réunies le matin à Caden et se portent sur Vannes. Mais le District de Redon n'était pas très directement menacé.

Or, le 1er floréal, le District de Rennes prévenait l'administration que les Chouans fuyaient de Vitré et de Fougères, se portant sur son territoire au nombre de deux cents. Le 12 floréal le Directoire prenait des mesures énergiques : 1° Pour couper aux brigands l'entrée du Morbihan, en proie à des soulèvements continuels ; 2° Pour contenir la malveillance des communes dévouées à la Chouannerie ; 3° Pour réunir « les bons et braves patriotes » (A. D. I.-V. 2 L 83b - Cf. de Closmadeuc, article cité, supra).

Le lendemain, une lettre du citoyen Tetiot, juge de paix à Baulon, avertissait que les Chouans s'étaient emparés de Goyen, y commettaient de grands ravages et avaient coupé l'arbre de la Liberté. Le Directoire y répondit par deux arrêtés : le premier, de circonstance; le second, d'ordre plus général. Comme les Chouans menacent de gagner le Morbihan de forêt en forêt et comme déjà un détachement a été envoyé la veille dans la forêt de Baulon, un autre détachement partira le jour même pour tenir en respect les paroisses de Guignen et de Maure. A ce détachement de 100 hommes étaient attachés deux des commissaires les plus dévoués du District, Hunault et Gentil. D'autre part, tous les ex-nobles qui n'avaient pas quitté Redon, et qui par là même tombaient sous le coup de la loi des 27 et 28 germinal an II, recevaient l'interdiction de sortir de la ville « tant en raison de leur sûreté personnelle que pour éviter l'occasion de les rendre dangereux ».

Voici au reste comment l'agent national rendit compte des opérations des 12 et 13 floréal. « 19 floréal an II. L'administration requit le commandant de la place de faire sortir un détachement de 100 hommes, pour se rendre à Baulon, vers la forêt de la Musse. De nouveaux renseignements déterminèrent à requérir dudit commandant un second détachement, de 100 hommes, pour se rendre à Maure. Les troupes, ne connaissant point les localités ni les routes, déterminèrent l'administration, au lieu de donner des guides qui auraient pu être infidèles, à nommer des commissaires avec chaque détachement, braves républicains qui, connus dans nos communes, en imposeraient aux malveillants et lèveraient en masse les patriotes. Le premier détachement se rendit à son poste. Les éclaireurs (cinq cavaliers) du second, à peine entrés au bourg de Maure, furent assaillis par 8 ou 900 chouans, n'eurent que le temps de s'enfuir : trois chevaux restèrent. Repliés sur le détachement qui les suivait, le commandant les fit replier aussitôt sur Lohéac qui couvrait d'un côté la Vilaine et se trouvait intermédiaire entre Rennes et Redon.

Je dois remarquer que l'administration écrivit, lors du départ des détachements, au général Carmel pour le prévenir de la marche des Chouans, des détachements partis, en le prévenant de rétablir le poste de Redon.

J'écrivis dès lors à l'administration du District de Ploërmel que la marche des Chouans se dirigeait infailliblement vers Guer, entrée ouverte du Morbihan.

La horde des brigands poursuivie par les troupes sorties de Rennes, réunies à notre premier détachement, s'enfuirent de Maure quelques heures après leur entrée, dirigèrent leur marche vers la commune de Guer, et, lorsqu'ils étaient sur le point d'y entrer, arriva de Ploërmel un détachement qui, depuis midi, du 14, tint en échec jusqu'au soir la clique des Chouans. Ces infâmes scélérats se retirèrent à Beignon et à Paimpont, et gagnèrent la forêt de cette commune. Les gardes nationaux de Paimpont et de Plélan s'efforcèrent de leur couper le passage : ces braves défenseurs, trop faibles en nombre, furent mis en déroute après avoir perdu une trentaine des leurs, presque tous pères de famille.

Le général Canuel arriva à Redon, le 15, à 4 heures du matin. Il blâma nos opérations. Le général Ropignot, d'un autre côté, écrivit le 14 au commissaire de notre second détachement et approuva sa marche et sa position. Les Chouans ont fui la forêt de Paimpont. Ils ont sans doute craint d'être cernés et se sont repliés sur le district de Montfort-la-Montagne, environ à 3 ou 4 lieues de Rennes, où on nous les annonce cernés de manière à trouver incessamment la fin de leur abominable vie.

Notre détachement a arrêté deux prêtres qui suivaient les Chouans. Ils ont été fusillés. Une femme de la commune de Maure qui dirigea les Chouans dans leur entrée, après être venue s'informer s'il n'y avait pas de force armée dans le bourg, a été arrêtée sur la dénonciation du maire, par le Comité de surveillance qui l'a envoyée au District » (A. D. I.-V. 2 L., 95 bis. Lettre au C. S. G. et au C. S. P).

Pour une fois encore le District était sauvé [Note : Les Vendéens, vaincus au Mans, après leur folle équipée vers Granville, s'étaient débandés. Les uns tentèrent de gagner la Loire à travers le district de Blain et furent exterminés par Westermann, à Savenay. Les autres voulurent rallier les Chouans qui terrorisaient le Morbihan et s'efforcèrent de passer par Maure, Guer et sans doute Ploërmel. C'est aux opérations faites contre ces derniers que se rapporte le récit précédent]. Un mois plus tard, le 19 prairial, l'agent national écrivait au Comité de sûreté générale que, depuis la fuite des Chouans, rien ne s'était passé « de nuisible à l'intérêt de la République dans les communes. Les cultivateurs sont tranquilles et contemplent l'abondante récolte qui se prépare ».

Jusque vers la fin de l'administration du Directoire épuré par Billaud-Varennes et Sevestre, la tranquillité se rétablit à peu près. Dans une lettre de l'agent national, en date du 24 thermidor an II, se trouvent résumés tous les événements qui se sont passés depuis le début de messidor. Certes la campagne est encore agitée, mais rien de bien grave ne s'est produit et l'on songe à en finir avec les brigands.

« Par le courrier du 22 de ce mois, je vous faisais passer l'analyse de la décade du 10 au 20. Je vous adressais encore l'état rempli que vous m'avez fait passer le 13 de ce mois. Vous ne les recevrez point puisque le courrier a été assassiné sur la route. Ses assassins ont vidé sa valise et emporté toutes les lettres et paquets.

Cette nouvelle que je n'ai apprise que le 23 (soir), m'a déterminé à établir ma correspondance avec les différentes communes, mais le temps ne me permet pas, pour cet ordinaire, de rétablir cette analyse, encore moins le grand tableau que je vous faisais passer et que je vois avec peine en des mains étrangères. Je vous ai donné connaissance, le 21 messidor, de la correspondance des brigands, surprise dans la commune de Baulon. L'arrestation de plusieurs individus, depuis conduits à Paris, ont activé des malveillants chefs que nous n'avons pu faire arrêter. Cette nuit partent des Républicains déguisés en brigands, conduits par un guide que ces scélérats voulaient débaucher. L'administration étend sa surveillance jusque sur les communes du Morbihan qui nous avoisinent. Il paraît que l'insurrection, si on ne prend les mesures les plus promptes, sera plus étendue qu'on avait lieu de s'y attendre. Je vous rendrai compte des résultats de notre marche nocturne.

25 dud. 3 h. du matin.

Des prisonniers arrivent. Deux entre autres ont été saisis armés, qui se rendaient au lieu du rassemblement qui doit, disent-ils, s'effectuer dans un bois près de Lohéac, le bois Duplessix-Auger, moitié chemin de Redon à Rennes. Notre garnison, peu forte, nous met sans moyens actifs pour nous y porter sur-le-champ, au nombre d'hommes qu'il faut pour que rien ne nous échappe. Nous venons de faire partir, par des chemins détournés, un exprès au général Moulin, à Rennes, pour qu'il fasse marcher de suite et sans relâche 200 hommes sur Lohéac, où notre jeunesse intrépide et courageuse va, avec ce qu'il est possible d'arracher à notre garnison, se rendre cette nuit. Si le général se rend à notre demande, nous avons l'espoir d'anéantir ces scélérats qui veulent aujourd'hui l'infâme Charette pour leur roi. Ainsi l'ont dit aux Républicains déguisés les deux prisonniers armés.

Du 25, à midi.

Un gendarme de Roche-des-Trois, arrive et prévient que sur la commune de la Gacilly, district de Roche-des-Trois, ci-devant Rochefort, il y a des chefs qui se retirent. Des ordres ont été donnés sur-le-champ pour les arrêter : nous espérons les avoir avant la journée de demain passée.

Les interrogatoires faits par le Comité révolutionnaire donne de grands éclaircissements et désigne bien des individus que l'on ne soupçonnait pas. En général les ci-devant nobles participent à ces rassemblements. Aucun ne devrait habiter les campagnes » (A. D. I.-V. 2 L 95 bis. Lettre au C. S. P.).

Tel fut le caractère de la Chouannerie dans le District de Redon de 1793 à 1795. On voit qu'il n'y eut aucune opération réellement capitale. Pendant presque ces deux années il ne s'est agi que de soulèvements partiels, sauf tout à fait à la fin, lorsque les troupes eurent à combattre les débris des Vendéens cherchant à gagner le Morbihan. La guerre n'y fut pas due surtout, comme en Vendée, à la levée des 300,000 hommes, mais bien au fanatisme des populations soigneusement entretenu par les nobles et les prêtres réfractaires.

Il semble que, dans un District troublé, avec le Comité de surveillance ardent que nous avons vu, la Terreur ait dû être extrêmement violente. Il n'en fut rien. Nous en avons un témoignage bien précieux dans l'aveu qu'en fait — d'assez n'auvaise grâce d'ailleurs — l'historien de Redon. Nous verrons plus tard ce qu'il a reproché à la répression révolutionnaire. Une brève revue des opérations du Comité de surveillance, pendant cette période, en sera une preuve de plus.

Jusqu'à sa réorganisation par Carrier, en octobre 1793, le Comité semble n'avoir pas réellement agi. Dès que Le Batteux en devint président, le jour même, certaines arrestations furent ordonnées. On les opéra du 8 au 12 octobre.

8 octobre 1793, Denis Ménager ; Toret, couvreur ; Gérard, vitrier ; Léandre, filassier.

9 octobre, Guillaume Viau, de Nantes, dont les papiers ne sont pas en règle ; Nogues. En outre sont déclarés suspects Coyac, perruquier ; Joyault jeune ; Lardenois ; Coudé ; Dayot ; Rozy, président du Tribunal.

10 octobre, perquisition opérée chez Rozy.

11 octobre, arrestations de Demontey et Fraboulet, considérés comme dangereux.

12 octobre, arrestation de Bernard du Treil, commissaire national près le tribunal du District de Condé (de Redon) (A. D. I.-V. 9 M. 18).

Nous possédons en outre la liste des personnes envoyées d'abord au tribunal criminel de Rennes, puis à la Conciergerie, liste arrêtée le 9 thermidor an II. On y trouve Anne Joubreille, veuve Hatais ; François Hatais ; Jeanne Hatais ; Joseph Nomel ; Renée Savouré, femme Tetiot ; David la Jary, ex-noble ; Lanoë-Coipeur ; Emilie Coipeur ; Pélagie Lanoë-Coipeur ; Bonne Lanoë-Coipeur ; Le Chauff, ex-noble ; Marie Maudet ; Duval ; Vesse de Loup, ex-noble (A. D. I.-V. 9 M 21).

Il ne faudrait pas croire que toutes les personnes qui furent envoyées à la Conciergerie et au tribunal révolutionnaire de Paris aient été exécutées : bien peu le furent. Redon notamment ne compte aucune victime. Le conventionnel Laignelot, représentant du peuple dans les départements de la Mayenne et de l'Ille-et-Vilaine trouva même que le Comité de surveillance agissait bien peu, et, le 7 prairial an II, il le gourmandait sévèrement pour laisser en liberté sur son territoire des prêtres et des nobles.

Dom Jausions prend soin de nous apprendre cependant qu'il y eut deux exécutions. Le décret de la Convention du 17 septembre 1793 avait ordonné de punir de mort les prêtres insermentés qui se seraient soustraits à la peine de la déportation portée contre eux en 1792. Deux prêtres furent ainsi guillotinés : Després, vicaire de Bains, le 27 octobre 1793, et Racapé, vicaire de Brain, le 1er novembre 1793, sur l'ordre d'un conseil de guerre siégeant le 27 octobre dans le chœur de l'église Notre-Dame. L'auteur ajoute en note : « Pour l'exécution de ces deux prêtres, la guillotine fut dressée au haut de la place vers l'endroit où se trouve aujourd'hui la fontaine. Il paraît qu'elle ne fut pas longtemps en permanence, car des paysans qui, peu après, furent condamnés à mort comme rebelles, furent exécutés devant la porte de l'église Saint-Sauveur où on les fusilla ».

Les seules victimes du District, furent donc celles des conseils de guerre et celles qui tombèrent sous les balles républicaines. Il est dès lors très difficile d'en indiquer le nombre. Une exception doit pourtant être faite. L'agent national annonce, en effet, au Comité de sûreté générale, à la date du 14 ventôse an II, que le tribunal criminel de Rennes a renvoyé six contre-révolutionnaires « subir à Redon, lieu de leur domicile et de leur forfait, leur jugement de mort, le 29 pluviôse » (A. D. I.-V. 2 L 95 bis). Dom Jausions insiste surtout sur le nouveau régime religieux que la Terreur introduisit. Le 27 floréal an II (16 mai 1794), un temple de la Raison fut établi dans la chapelle de la Congrégation où les fêtes décadaires devaient être célébrées (arrêté du représentant du peuple, Le Carpentier, 5 nivôse an II) [Note : Cf. Aulard, Le culte de la Raison et de l'Etre suprême ; du même, La séparation de l'Eglise et de l'Etat (Et. et Leç., 2ème série, pp. 141 et sqq.)]. Peu après il fut transféré dans l'enceinte de la nef de l'église Saint-Sauveur, le chœur ayant été transformé en grenier à foin [Note : A. D. I.-V. 2 L 95 bis. Il existait aussi un temple de la Raison à Renac]. Une statue de la Vierge fut coiffée du bonnet rouge et représenta la Raison, « aucune femme n'avait voulu devenir déesse » (Histoire de Redon, p. 285). On plaça autour d'elle les images des philosophes de l'antiquité. La chaire fut transformée en tribune pour les motions du Comité de surveillance et les lectures des décadis. Quelque temps après, par décret du 22 floréal, le culte de l'Etre Suprême fut institué (16 prairial an II, 4 juin 1794) et la première fête décadaire, célébrée le 20 prairial.

L'étude impartiale des faits semble donc prouver qu'à Redon, de 1793 à 1795, la Terreur n'a pas été bien violente. L'administration n'eut, pour ainsi dire, que l'intention d'une vive répression, et c'est ainsi que, le 22 messidor, l'agent national avait établi la liste d'un jury spécial, sur le réquisitoire du directeur du jury près le tribunal du district, pour statuer sur les nombreuses dénonciations qui étaient couramment faites [Note : Ce jury se composait de Laurent Macé, Lallemand père, Pierre Mesny, Normand fils aîné, Dumareil, Pellan aîné, Maussion, Marvidès, Dadhémar, Rozy jeune, Cezé, Dufau, Thélohan, Thierry aîné, de la Bouërre aîné, Arnould. A. D. I.-V. 2 L 95 bis].

Cependant nous avons vu que le Directoire fut très hostile aux émigrés. Outre les mesures de circonstances que nous avons relatées, un exposé succinct des contributions exigées des parents d'émigrés et quelques remarques sur les biens nationaux le prouveront abondamment. L'administration générale du District se montra sur ces questions absolument intransigeante. Tous les citoyens devaient être munis d'un certificat de civisme délivré par le Comité de surveillance, et les ex-nobles et « individus réputés tels, » d'un certificat de résidence ou de non-émigration délivré par les municipalités. Ce certificat n'était valable que pour trois mois, à partir de la date de l'enregistrement. Passé ce délai, il devait être renouvelé. Cette mesure, sur laquelle nous n'insisterons pas davantage, fut strictement exécutée. La contribution patriotique qui, nous avons eu l'occasion de le dire, était une taxe assez lourde établie sur les riches, fut aussi rigoureusement exigée des parents d'émigrés.

Quant aux émigrés eux-mêmes, comme on ne pouvait s'en prendre à leurs personnes, on s'en prit aux biens de leurs parents et aux leurs. Nous avons eu la bonne fortune de retrouver l' « état de la contribution relative aux pères et mères d'émigrés » pour la solde et l'habillement de deux volontaires par enfant émigré (année 1793) (A. D. I.-V. 2 L 89). La solde et l'habillement des deux volontaires étaient estimés 884 livres. Voici d'ailleurs le relevé de cet état :

Redon. — Quélo (ci-devt Cadouzan, René-Vincent, etc.) : 1 enfant. 884 l.
Denoël (J.-Franç.-Stanislas, ci-devt du Faouëdic) : 1 enfant. 884 l.

Renac. — Deletry : 2 enfants. 1.768 l.

St-Just. — La Souallaye (Etienne-Charles) : 1 enfant. 884 l.

Sixt. — Cottineau (Vve Mouraud de Cassac) : 2 enfants. 1.768 l.

Pipriac.— Thalouet - Brignac (Vve Tanouarn) : 2 enfants. 1.768 l.
Picaud (Vve Le Chauff, ci-devt Le Hellec) : 1 enfant. 884 l.
Rolland (Franç.-Marie, ci-devt Rengervé) : 3 enfants. 2.652 l.
Le Chauff (Vve Fournier, ci-devt Galmetière) : 1 enfant. 884 l.
Vve Guérif de Senac : 2 enfants.  1.768 l.

Maure. — Fournier (Guy-Marie, ci-devt La Chataigneray) : 2 enfants. 1.768 l.
Begasson (ci-devt la Lardais) : 1 enfant. 884 l.

Guipry. — Thomelin : 1 enfant. 884 l.

Total : 20 enfants. 17.680 l.

On se montra de même très sévère pour les biens des émigrés et c'est ainsi que du 13 floréal an II (2 mai 1794) au 7 fructidor an III (24 septembre 1795), le Directoire vendit 80 immeubles nationaux de deuxième origine. Nous avons trouvé plusieurs chiffres relatifs à leur valeur :

Revenu annuel des propriétés au taux de 1790 : 10,063 livres, 5 sols.
Estimation : 174,765 livres.
Adjudication. Paiement en assignats : 459,950 livres.
Adjudication. Conversion en numéraire ; 82,480 livres 2 sols (A. D. I.-V. 1 Q 346).

On continua d'en vendre beaucoup d'autres jusqu'à la fin du 1er semestre de l'an VIII (Voir Pièces justificatives XV).

La question des biens nationaux dans le District de Redon est intimement liée à la question de la Chouannerie et éclaire complètement le caractère de la révolte. C'est ainsi qu'aucun paysan (à l'exception d'un meunier) n'acheta de biens ecclésiastiques. Fanatisés depuis longtemps par le clergé breton, les habitants des campagnes auraient considéré un tel achat comme un sacrilège. Le clergé ne se faisait pas faute de le leur représenter ainsi.

Ces biens furent donc achetés presque en totalité par des administrateurs ou par des fonctionnaires. Le receveur du district, Duval, en fit de nombreuses acquisitions, pour près de 31,000 livres. Nous citerons de même au hasard Teilhac, receveur des devoirs à Renac ; Seguin, huissier à Redon ; Boullay, juge de paix à Redon ; Thélohan, à Pipriac ; Gory, à Brain ; Le Coquet, Bellouard, Molié, Marvidès, Rozy, etc.

Souvent aussi, de riches propriétaires, qu'on aurait pu supposer dévoués à l'Ancien Régime, profitèrent de l'aubaine pour arrondir leurs domaines (A. D. I.-V. 1 Q 345). Pierre Mazière de Jouy, ancien capitaine d'infanterie à Pontoise, acheta ainsi, dès le 14 avril 1791 :
1° A Redon, l'enclos de la Grande-Houssaye, murs, douves, maisons, prairies, etc... pour la somme de 28,000 livres ;
2° La métairie du Plessix, bois, parcs et dépendances, appartenant autrefois à l'abbaye de Redon, pour 28,500 livres ;
3° Les moulins à vent et à eau du Vial et de l'Etang, pour 12,200 livres ;
4° La métairie de Buard et ses dépendances pour 15,600 liv.

De même, le 14 avril 1791, Pierre Parcheminier achetait pour 12,800 livres, au nom de Camus de la Guibourguère, à Paris, la métairie de Saint-Marc, dans la paroisse de Langon. De nouveau, le 28 ventôse an III, Mazière de Jouy achetait le pré aux Oyes, pour 16,000 livres.

L'on voit que les biens de première origine ont été acquis presque uniquement par des administrateurs ou des propriétaires campagnards. La même remarque s'applique aux biens des émigrés. Cependant, les paysans montrèrent moins de répugnance à en acquérir. Il nous a été donné de relever dans les contrats de vente les noms d'un certain nombre d'entre eux (A. D. I.-V. 1 Q 346).

Ce seul fait caractérise beaucoup mieux l'esprit des populations que tout ce que pourra dire l'agent national dans ses rapports décadaires à partir du 24 ventôse an II. Nous n'insisterons que très peu à ce sujet. L'agent national, sorte de sous-préfet, a tout intérêt à se montrer très optimiste, trop optimiste ; et certainement il exagère lorsqu'il écrit le 4 germinal an II : « L'esprit public ne varie pas, les administrés se soumettent à la loi et les malveillants se taisent. Les communes ne parlent plus de prêtres d'aucune espèce, et celles où les prêtres assermentés ont abdiqué, n'ont point paru en prendre de l'inquiétude. Il semble, au contraire, que cette disparition d'êtres trompeurs a réuni les esprits fanatisés avec les patriotes » (A. D. I.-V. 2 L 95 bis. Voir Pièces justificatives XVI).

Après avoir encore déclaré, le 9 floréal, que le peuple s'assemble les jours de décade, le 9 prairial, le 19 messidor, etc..., que l'esprit général est bon partout, l'agent national est cependant obligé d'écrire le 19 thermidor an II, ces quelques lignes, où ses préoccupations et ses craintes apparaissent : « L'esprit public est bon, aime la Révolution et tous les jours fait de nouveaux progrès ; il serait à la hauteur où il doit être, si des prêtres réfractaires, des chefs de brigands ne faisaient ce qu'ils peuvent pour faire des partisans ».

En réalité, les campagnes étaient très peu éclairées. Elles se battaient parce que les prêtres les y avaient encouragées. Etait-ce pour le clergé ? était-ce pour le roi légitime ? J'avoue ne savoir que répondre. Certes on excitait l'enthousiasme par des chansons royalistes où l'on s'apitoyait sur le roi Louis XVI (A. D. I.-V. 9 M 22. Voir Pièces justificatives XVII), mais cette idée que l'on retrouve dans une lettre de l'agent national, citée plus haut, que les paysans voulaient Charette pour roi, montre combien ce soulèvement fut artificiel. C'est une exagération propre à certains contempteurs du mouvement révolutionnaire de dire que les populations se levèrent spontanément et en masse pour la défense du trône et de l'autel. En fait ils se levèrent sous la pression et en faveur de leurs curés. La levée des 300,000 hommes décrétée par la Législative ne saurait, en effet, suffire à expliquer la Chouannerie. De même que la Révolulion fut dirigée par un très petit nombre d'hommes, de même cette agitation fut due à un très petit nombre de mécontents. La masse suivit ses aspirations vagues en l'un ou l'autre sens, comme toujours, sans raisons bien sérieuses, étant, depuis des siècles, le troupeau que l'on tond et que l'on écorche.

(Léon DUBREUIL).

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