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District de Redon : L'agitation dans les campagnes du district de Redon.

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SOMMAIRE. - § I. 1° Les troubles. — 2° L'amnistie. — 3° La question religieuse. § II. 1° Le Directoire remplacé par la Commission provisoire. — 2° Suppression du District. — 3° Réouverture des Eglises.

La réaction thermidorienne n'est pas seulement caractérisée par une opposition violente faite au Robespierrisme, mais aussi par une recrudescence de mesures anticléricales [Note : Voir A. Aulard, La Convention et la séparation de l'Eglise et de l'Etat (Et. et Leç. sur la Rév. franç., 2ème série, pp. 115 et sqq.)]. La raison en est facile à comprendre. Lorsque les Jacobins eurent été renversés du pouvoir, les prêtres tentèrent de prendre dans l'Etat une place excessive, bien en vain, car le gouvernement thermidorien était loin d'être favorable au catholicisme. On n'abrogeait pas, comme ils l'espéraient, les décrets portés contre les prêtres réfractaires : on se bornait à les tolérer. Cette déception les poussa à protester et c'est à eux qu'incombe la responsabilité des journées violentes de floréal et de prairial. La conséquence fut que l'on prit contre eux de nouvelles mesures coercitives.

En fait la guerre n'avait jamais cessé. Nous avons même vu qu'elle avait éprouvé un regain de violence vers la fin de l'administration purement révolutionnaire. Les prêtres et les nobles dirigeaient toujours la lutte dans les campagnes. Deux textes le prouveront : le premier est un arrêté du représentant du peuple Le Carpentier, le second une adresse du Directoire de Redon aux administrés du district. Le 23 thermidor, en effet, les administrateurs du département d'Ille-et-Vilaine faisaient passer à Redon copie d'un arrêté du représentant, ayant pour objet « la répression des derniers mouvements du fanatisme ».

Nous croyons intéressant de le citer en entier :
« Nous, représentant du peuple dans le département de la Manche et autres environnants,

D'après les avis qui nous ont été donnés par plusieurs administrations sur l'existence de la multiplicité de rassemblements révolutionnaires, dits Processions Nocturnes.

Considérant que ces mouvements ténébreux sont un nouvel effet de la perfidie des ci-devant prêtres, qui, réunis à d'autres malveillants, cherchent à entraîner dans des démarches séditieuses les moins éclairés, pour en faire de nouveaux prosélytes au fanatisme, et de nouveaux ennemis au gouvernement républicain ;

Considérant que l'inutile emploi des lumières et des exhortations prodiguées jusqu'à ce jour avertit qu'il est temps de faire succéder l'énergie révolutionnaire à une dangereuse tolérance ;

Considérant enfin que la liberté des cultes, décrétée par la Convention nationale., ne peut en aucun temps servir de prétexte à la perturbation de l'ordre ; que tout signe d'un culte particulier est un outrage pour les autres cultes, en un mot, que le salut de la République exige la fin d'une lutte déjà trop longue entre le fanatisme et la raison, le crime et la vertu, le royalisme et la liberté,

Arrêtons ce qui suit :
Article premier. Tout signe public de tout culte quelconque sera supprimé et ses débris mis à l'écart.
Art. 2. Sont compris dans la suppression et démolition les bâtiments ci-devant connus sous le nom de chapelles, et servant aujourd'hui de rendez-vous pour les rassemblements fanatiques et contre-révolutionnaires.
Art. 3. Sont réputés ennemis de la Chose publique tous individus qui, sortis de leurs foyers pour troubler la paix des villes et des campagnes, formeraient des processions nocturnes.
Art. 4. En conséquence la force armée sera déployée contre eux, et les instigateurs ou directeurs des attroupements seront saisis, conduits dans la maison d'arrêt et traduits comme conspirateurs devant le Comité de sûreté générale de la Convention.
Art. 5. Quant aux autres individus qui auraient été entraînés dans lesdits rassemblements, ils seront également saisis et conduits à la maison d'arrêt, pour être interrogés et traités ensuite selon le caractère de leur délit, et il sera rendu compte du tout au Représentant du peuple.
Art. 6. Les administrateurs du District et la municipalité requerront, autant que besoin sera, les commandants de la force armée qui demeurent chargés d'employer aussitôt tout moyen de vigueur et de prudence nécessaire, conjointement avec des commissaires des autorités constituées.
Art. 7. Il est expressément recommandé aux dites autorités de veiller à la célébration de la Décade instituée par la loi, et de tenir note de ceux qui affecteraient de consacrer au ci-devant dimanche un temps qui appartient exclusivement à la Patrie.
Art. 8. Le présent sera envoyé aux départements de la Manche, de l'Ille et Vilaine, des Côtes du Nord et du Morbihan, qui sont invités à en transmettre aussitôt des expéditions à chacun des districts de leur arrondissement, chargés de son exécution, à l'effet de quoi il sera imprimé et publié dans les formes ordinaires.

Port-Malo, le 16 thermidor, l'an 2 de la République, Le Carpentier » (A. D. I.-V. 2 L 83b, folio 132).

Le Directoire envoya cet arrêté à toutes les municipalités et l'accompagna d'une adresse rédigée avec beaucoup d'habileté et bien faite pour impressionner les populations [Note : A. D. I.-V. 2 L 83b, folio 132. Voir Pièces justificatives XXIV] (1er fructidor an II). Elle leur rappelait l'état misérable où les laissaient les redevances seigneuriales et leur montrait comment la Convention les avait affranchies. Cette adresse produisit d'assez heureux effets. Le 9 fructidor, l'agent national pouvait écrire au Comité de salut public que « plusieurs jeunes gens de la 1ère réquisition que les sollicitations ou la crainte ont arrêté dans leurs foyers se sont présentés volontairement à l'administration du District qui les a accueillis paternellement » (A. D. I.-V. 2 L 95 bis).

Une pièce datée du 29 germinal an III, c'est-à-dire postérieure de quelques mois aux événements que nous venons de relater, nous donne la liste générale des jeunes gens de la première réquisition du District de Redon. Leur nombre total est de 1,377 ainsi répartis : 129 sont exempts pour le sixième, 18 se sont mariés avant la promulgation de la loi, 136 ont été renvoyés pour cause d'infirmité, 29 pour cause de maladie, 56 avaient plus ou moins que l'âge et 236 ont déserté ; 772 restent au service de la République (A. D. I.-V. 2 L 90). Le nombre des déserteurs avait donc sensiblement diminué, mais il était encore bien grand et ces 236 jeunes gens tenaient la campagne.

Les troubles avaient, en effet, repris avec plus de violence à la faveur de la réaction thermidorienne. Le 15 vendémiaire an III, une insurrection des jeunes gens de la 1ère réquisition est imminente dans la commune de la Chapelle-Bouexic. A leur tête se trouvent Davy la Jary (ou du Jaril), ex-noble, Lefeuvre, ex-officier municipal, et Noblet. Ils menacent d'assaillir Guignen : le poste de Lohéac est insuffisant à les en empêcher. Le Directoire envoie donc une force armée à La Chapelle-Bouexic, à Maure, et partout où les commissaires le jugeront à propos. Les commissaires ont pour mission de s'emparer des jeunes gens réfractaires et des meneurs qu'ils conduiront au District (A. D. I.-V. 2 L 83c). L'opération fut assez bien conduite, comme le témoigne cette note de l'agent national : « Les insurrections que l'on avait à craindre dans ce district ne paraissent plus avoir de consistance, après la destruction de plusieurs chefs et de trois prêtres réfractaires (20 vendémiaire an III) ».

Un fait à signaler — et très caractéristique — ce sont les déclarations de certains paysans qui prétendent avoir été entraînés malgré eux parmi les Chouans et font profession de foi révolutionnaire. Guillaume Rio, dit Biron, déclare ainsi le 28 vendémiaire « que par un moment d'erreur et dans l'ivresse, il a, au mois de mars 1793, vieux style, arboré la cocarde blanche dans un moment où tout annonçait la venue des brigands ». Depuis ce jour, il a dû se cacher. Il déclare, en outre, qu'il ne fut jamais chef contre-révolutionnaire et fait le serment « sur la foi républicaine d'être à tout jamais fidèle à la République ». — Le lendemain, c'est une déclaration analogue de Denis Ménager [Note : Denis Ménager, sous-lieutenant de la garde nationale de Redon, arrêté sur l'ordre du Comité révolutionnaire le 8 octobre 1793], mis en arrestation il y a un an par un acte arbitraire et qui est parvenu à se sauver. Le 30, un nommé Rolland Lefeuvre se soumettait, comme l'avait fait Guillaume Rio (A. D. I.-V. 2 L 83c).

Ces deux déclarations avaient été faites en vertu de l'art. 1 de l'arrêté du 3 vendémiaire des représentants du peuple Boursault et Bollet, promettant une amnistie partielle à tous ceux qui feraient leur soumission. Pour la dernière fois, le citoyen Binel se montre à peu près rassuré : « Les ci-devant nobles qui voulaient opérer un soulèvement dans les communes du District ont évacué le territoire depuis la mort d'un d'entre eux, tué par les troupes de la République... S'ils ne paraissent pas, comme je l'espère, il n'y a pas à craindre de rassemblements et l'esprit public se soutiendra ; 29 vendémiaire an III » (A. D. I.-V. 2 L 95 bis).

Mais, dans le courant de brumaire, tout change. Des rassemblements nocturnes sont tenus. Dès le 29 brumaire, l'agent national se montre plus alarmé : « ... Quelques scélérats cachés dans la commune de Goven servent à la corrompre, mais des détachements, soit de Rennes, ou des communes voisines, rassurent les patriotes et font fuir les Chouans. Des commissaires de l'administration et du Comité révolutionnaire vont, en exécution de l'arrêté du représentant du peuple Boursault, du 3 vendémiaire, parcourir les campagnes, y prêcher la haine des Rois, des fanatiques et des aristocrates, l'unité et l'indivisibilité de la République, etc... ».

Déjà, le 19 brumaire, de sérieuses mesures de précaution avaient été prises. Le Comité révolutionnaire de la Roche-des-Trois avait annoncé à celui de Redon qu'il avait fait lever en masse tout le pays contre les agressions des Chouans et l'avait exhorté à se concerter avec lui. A la suite de cette communication, le Comité révolutionnaire de Redon prit un arrêté analogue.

C'est alors que la Convention essaya de remédier à la situation dans laquelle se trouvaient les départements de l'Ouest. Par la loi du 12 frimaire, elle décréta qu'une amnistie pleine et entière serait accordée aux brigands et aux chouans qui se soumettraient. Cette loi était accompagnée d'une proclamation des représentants du peuple Guezno et Guermeur. « J'espère, répondait l'agent national, le 1er nivôse, que cette loi aura de bons effets, surtout pour les jeunes gens de la 1ère réquisition que je crois lâches et timides et plus égarés que coupables ». Il écrivait le même jour au Comité de sûreté générale : « L'esprit des communes n'est, en général, pas mauvais. Un quartier de la commune de Goven révèle quelques mauvais sujets, jeunes gens de la 1ère réquisition qui se cachent le jour et rôdent la nuit, volent et assassinent les patriotes quoiqu'il y ait de la troupe dans les environs. J'espère que la loi d'amnistie les fera rentrer .. » (A. D. I.-V. 2 L 95 bis).

On créa à ce moment aussi deux compagnies de garde territoriale chargées « de poursuivre les Chouans, de protéger les personnes et les propriétés, de prêcher la haine des rois et l'unité de la République ». La crainte de cette organisation solide, jointe à l'effet produit par la loi d'amnistie, détermina une quinzaine de jeunes gens de la 1ère réquisition à se soumettre (Voir appendice XVI. 19 nivôse an III).

Mais en même temps elle produisait un effet tout contraire. Tout le mois de pluviôse an III fut agité de troubles graves. Le 18 pluviôse, le citoyen Joret de Longchamps, agent national près la commune de Brain vint se plaindre que sa maison avait été attaquée par les brigands dans la nuit du 15 au 16.

Ses domestiques furent sabrés et mutilés ; les portes de sa maison enfoncées, les armoires brisées et pillées. Il ajoutait «... que les brigands jurèrent que, s'il ne se défaisait pas de sa charge d'agent national, ils fussent revenus ; que son âge de 73 ans, les précautions à prendre d'après cet assassinat, d'après tant de pertes, ne lui permettaient pas de demeurer constamment au dit Brain, que le service de la République pourrait souffrir de ses absences » et il terminait en offrant sa démission (A. D. I. V. 2 L 83c). Elle fut acceptée.

La déposition de Joret de Longchamps fut ce qui détermina le Comité révolutionnaire à peindre la situation des campagnes au Comité de sûreté générale de la Convention et aux représentants en mission dans le département d'Ille-et-Vilaine « et autres y contigus » (19 pluviôse an III).

« Nous trahirions la confiance publique dont nous sommes dépositaires, écrivait-il, si fermant les yeux sur les désastres qui nous environnent, nous négligions d'en tracer le déchirant tableau devant les représentants dont la sollicitude paternelle s'étend sur toute la République. Depuis environ trois décades une horde de scélérats forment des attroupements royalistes et fanatiques, errent de commune en commune, égorgent la nuit les patriotes, enlèvent leurs effets et abattent partout les arbres chéris de la liberté. Ces expéditions criminelles se font aux cris de Vive le Roy, de La bonne Religion, Au diable la Nation. La terreur est répandue parmi les habitants des campagnes : les membres des corps constitués désertent leurs maisons et cherchent dans les bras de leurs voisins un asile de sécurité contre les inquisitions de ces infâmes brigands : chaque nuit offre de nouvelles horreurs à apprendre.

C'est à notre surveillance qu'est confiée la sûreté publique et individuelle, c'est à nous que vous avez délégué le soin de dissiper ces attroupements contre-révolutionnaires. Nous sommes pénétrés de l'importance de cette obligation, mais une insuffisance de moyens, de forces, enchaîne notre zèle et notre activité. A peine, dans le chef-lieu de notre district, avons-nous le nombre de troupes nécessaires pour conserver les précieux dépôts que la République y a établis. Nous n'osons provoquer des sorties, crainte de dégarnir la commune de Redon et de l'exposer à l'invasion subite de la part de ces forcenés. Le général de division Krieg est dans nos murs : il a comme nous, l'intention de faire le bien, les bras manquent. Ce ne sont point de rassemblements momentanés dont nous vous entretenons. Ces dévastateurs ne se bornent point à égorger les individus, ils emportent avec eux, non seulement les vêtements, non seulement les armes, ils portent même la prévoyance jusqu'à enlever les grains et les subsistances. Ils ne cèlent pas l'intention qu'ils ont de s'en servir pour faire la guerre, disant que ce ne doit pas être à leurs dépens [Note : Voir Pièces justificatives XXV. A. D. I.-V. 2 L 83c, folio 102]. Leur but, criminel est de porter l'insurrection dans notre territoire, d'y reproduire la même scène dont la Vendée a été le théâtre. Ils font même prêter aux agriculteurs le serment de se lever en masse lorsqu'ils recevront de leur part la réquisition. Ces délits ne présentent plus les circonstances de délits commis envers les particuliers, ils menacent la sûreté publique, et, sous ce point de vue, ils doivent fixer l'attention du gouvernement. Vous pouvez, citoyens représentants, en nous mettant à lieu d'exécuter les devoirs que vous nous avez tracés, arrêter ce fléau désorganisateur. La seule ressource que nous semblent exiger les localités est d'y établir de distance en distance des cantonnements de Républicains, dont le courage saura exterminer ces ennemis acharnés de la Révolution ou dont la présence assurera la paix et l'exécution des lois » (A. D. I.-V. 9 M 19).

De telles plaintes n'étaient pas exagérées. La Chouannerie désorganisait les administrations. Toujours quelque membre démissionnait, déterminé par la peur. Après Joret, de Longchamps, le 3 ventôse, c'est Guillemois, maire de Langon. Tandis qu'il était à Redon pour affaire depuis le 12 pluviôse, dans la nuit du 14 au 15, les Chouans volèrent et pillèrent l'argent qu'il avait à son domicile, brûllèrent ses papiers et ceux de la municipalité, maltraitèrent les personnes. Guillemois prévient en outre le Directoire : 1° qu'il n'y a point d'officiers municipaux à Langon ; 2° qu'il existe à Brain, chez le citoyen Derennes, environ 100 livres de salpêtre appartenant à la municipalité de Langon.

Le Directoire ne tarda pas à s'émouvoir à son tour. Le 22 ventôse an III il prenait une délibération dans laquelle il dépeignait la position du District sous les couleurs les plus sombres : « ... Considérant qu'il est du devoir de l'administration, comme de son voeu, de prendre, d'appeler tous les moyens de dissiper les troubles, ramener le calme et la paix intérieure ;

Que dès qu'elle eut connaissance des incursions nocturnes qui se faisaient dans les communes voisines, quoique sous d'autres districts et départements, des meurtres et des pillages qui en étaient les effets, elle envoya l'un de ses membres à Rennes vers le Représentant du peuple Boursault, pour concerter et prendre les mesures afin de rémédier au mal dans sa naissance, d'en arrêter les progrès, d'empêcher que, s'étendant, il ne pénètre dans le District et n'y excite et ailleurs de plus grands troubles ;

Que le quartier du général Krieg placé ici par suite de ces démarches, ce sage militaire s'est empressé de disposer des cantonnements, mais qu'obligé de les restreindre en raison de la modicité de ses troupes, les communes qui n'en avaient pas ou qui en étaient trop distantes, se sont vues d'abord exposées aux insultes ;

Que, dans notre District, les malveillants ont commis des pillages à Brain, Langon, Sixt, Goven, Lassy, Maure et qu'un particulier de Messac a été assassiné à Messac de plusieurs coups de fusil ;

Que des maires, agents nationaux et juges de paix ont quitté leur poste pour mettre leur personne à couvert ;

Que la nuit dernière un cantonnement de cinquante hommes de nos troupes, placé au bourg d'Allaire, à une lieue et demie de Redon, sur la route de Vannes, ayant été assailli par plusieurs centaines d'attroupés, il les a repoussés et en a tué un — on le dit chef — et blessé plusieurs ; mais que l'obscurité ayant empêché de se livrer à leur poursuite, il n'y a point de prisonniers ;

Qu'il semble résulter de ces faits qu'on s'agite pour former dans ces cantons une nouvelle Vendée ;

Que des esprits sont exaspérés par tout ce qu'on leur a fait souffrir, n'étant que trop facile à se laisser séduire et entraîner par des gens qui ne veulent que l'anarchie, le meurtre et le pillage ;

Quels que soient leurs complots, pour les déjouer, pour arrêter l'incendie, il ne faut pas moins user de violence que déployer de forces : mais que pour être efficaces, les mesures doivent être générales, uniformes, et partir du point central.

LLe Directoire, l'agent national entendu, arrête d'adresser le tableau de notre position aux Comités de Salut public et de Sûreté générale, de leur demander qu'un homme aussi brave que prudent, par exemple, le général Krieg, ait à sa disposition des troupes suffisantes, et que faisant marcher la persuasion avec l'appareil de sa force, ils puissent ramener ceux qui ne sont qu'égarés, contenir les malveillants et réprimer les scélérats.

Que s'il est d'autres et meilleures mesures à prendre, les Comités les accélèrent et nous mettent à lieu de déployer notre zèle pour l'intérêt public et le Salut de la Patrie » (A. D. I.-V. 2 L 83c, folio 83).

A la suite de ces démarches, le Directoire obtint un supplément de troupes, ce qui lui permit d'établir un certain nombre de cantonnements aux environs de Redon. Tout le mois de germinal et celui de prairial presque en entier se passèrent sans nouvelles incursions des Chouans, non qu'ils eussent déposé les armes, mais parce que la crainte les maintenait dans les districts voisins. Le 20 floréal an III (10 mai 1795), les troupes ayant été retirées de La Gacilly, les habitants vinrent à Redon exprimer les craintes qu'ils avaient de voir piller les grains appartenant à la République. La preuve en était que la veille, après le départ des troupes, les Chouans étaient entrés dans le bourg et s'étaient emparés de toutes les armes qu'ils avaient pu découvrir. Bien que La Gacilly n'appartint pas au district de Redon, le Directoire lui donna cependant vingt-cinq hommes jusqu'à ce que le district de La Roche-des-Trois ait fait enlever les grains. Il nommait en outre, en qualité de commissaire, Seguin, juge de paix du canton.

Dès lors les plaintes se renouvellent. Le 24 floréal, c'est le citoyen Salmon, meunier à Langon, acquéreur du moulin de Montenac, ancienne propriété de l'abbaye de Brain qui se plaint d'avoir été pillé cinq jours auparavant. Le 1er prairial, on enregistre une déclaration analogue du citoyen Rozy, juge de paix à Pipriac, dont la maison de Saint-Ganton fut dévastée par les Chouans dans la nuit du 8 au 9 germinal et qui ne dut son salut qu'à une absence fortuite.

A partir de ce moment, les documents précis nous font presque totalement défaut. Aussi, serons-nous forcé de nous borner au récit de quelques événements typiques, grâce auxquels nous pourrons nous faire une idée approximative de l'état du district pendant les derniers mois de la gestion du Directoire et montrer la persistance des troubles. Le 18 prairial an III, l'administration apprend qu'un chef de parti royaliste doit le jour même passer en revue le canton de Saint-Vincent (Morbihan). Tous les individus de 18 à 35 ans, armés ou non armés doivent se réunir sur une lande près du bourg. Or, récemment, le 16 et le 17, dans ce canton, des assassinats ont été commis sur un certain nombre de volontaires du bataillon de la Côte-d'Or et les arrivages ont été empêchés. Séance tenante, le Directoire requiert le commandant de la place d'y envoyer un détachement et de visiter Saint-Vincent et les lieux voisins. Sont nommés à cet effet commissaires civils, Gentil, administrateur et Lefeuvre, membre du Tribunal. L'expédition ramena plusieurs prisonniers.

Le Directoire s'étant procuré, on ne sait comment, la liste « des chefs de brigands qui parcourent le district de Josselin et qui entretiennent des correspondances avec les ennemis du bien public des districts environnants » et celle des chefs de brigands du district de Redon, décidé en outre à de sanglantes représailles, mit solennellement leur tête à.prix. C'étaient : Boulainvilliers, se disant envoyé du prince français ; Boistidout, ex-constituant ; Duplessix, Porman, Colas, Dureste, Puysségur, Priot, Guillemot, Lecompte de Kercoupe, Cantivy, Le Brasidec, Troussier, Beaumanoir, Lemoine, Boishur, Quitéron, Tambilly, Jolly, Gourdan, Kercadio, l'ex-marquis de Lorge, Carné-Coëtlogon fils, Yonnet, Du Cosquer, les curés de Saint-Jean-Brévelay, Crugnet, Saint-Servan, le curé du Plessis, Nayt, prêtre de St-Servan, Youchet, prêtre de Plumelec, Duquengo, émigré ; Bellevue (22 ans) ; Hagré, ancien page (19 ans) ; Geslin dit François (21 ans) ; de Fays dit Joseph (Voir de Closmadeuc, art. cité) (36 ans) ; Béjarry dit Augustin (27 ans) ; Desilz (30 à 40 ans) ; Jacques du Chemin (19 à 20 ans) ; Keryal (30 ans) ; Guilleaume (33 ans) ; Roussel de Tressé, puis deux inconnus surnommés Jean et Pierre (A. D. I.-V. 9 M 19).

Il fallait cependant en finir. Une lettre du Département, en date du 27 prairial an III, ordonna la formation d'une colonne pour parcourir le district de Redon. Le 30, Villerio, juge de paix à Brain, en était nommé commissaire civil. Puis le lendemain, 1er messidor, à la requête du procureur-syndic, on arrêta qu'il y aurait en permanence un commissaire près des troupes révolutionnaires et que sa mission durerait une décade. On nommait immédiatement en cette qualité le citoyen Matard, membre du Conseil d'administration, de Tréogat, commis et chef du bureau de la guerre. Celui-ci ayant démissionné le lendemain, verbalement et sans donner de motifs, le Directoire, sans accepter sa démission, nomma à sa place le citoyen Bredoux, chef de bureau des domaines nationaux (A. D. I.-V. 2 L 83c).

Ainsi s'ouvrait la guerre d'extermination qui devait se prolonger au delà de l'administration directoriale et, par intermittence, jusque sous le Consulat. Les mouvements des Chouans continuaient nombreux : ils commettaient des assassinats journaliers, volaient les chevaux, les bestiaux et tout ce qui se trouvait à leur portée. Des attroupements nocturnes se tenaient de nouveau aux environs de la ville, et reprenant en messidor leur tentative de mars 1793, cherchaient à s'emparer de Redon, ville ouverte, presque dépourvue de garnison. Aussi le 29 messidor, le Directoire décidait-il : 1° d'écrire au Département pour l'instruire de l'état de la ville ; — 2° de demander l'autorisation « de fortifier la ville où elle en est susceptible » ; — 3° de réclamer avec instance l'envoi des 600 hommes qui lui ont été promis.

Le Département répondit immédiatement et approuva la délibération. Mais cette approbation était bien platonique. Le 8 thermidor, le Directoire prenait un nouvel arrêté. Huit jours s'étaient en effet écoulés depuis la réponse du Département et l'ordre du Représentant donné au général Hoche de protéger le district. Le danger augmentait sans cesse. Le long des douves, des barricades en planches avaient été élevées ; des balles avaient été fondues avec le plomb trouvé dans les magasins et tous les fusils remis en état, mais les secours manquaient.

Cette fois encore, la ville put être sauvée. Cependant l'insurrection n'était pas exterminée, et il était désormais nécessaire de protéger les récoltes. Deux arrêtés du représentant du peuple Mathieu, des 22 et 24 thermidor, arrivés à Redon le 7 fructidor, indiquèrent au commandant les cantons où il devait envoyer des troupes « pour protéger les récoltes et prendre des mesures pour faire avorter les projets nacionicides des Chouans ». En conséquence, des troupes furent établies à Langon, sur la Vilaine, de manière à défendre le passage de Beslé et la commune de Brain, à Pipriac où se trouvaient beaucoup de domaines nationaux, à Maure « réceptacle des Chouans », à Loutehel, à Baulon, près de la forêt de la Musse, et à Goven occupé par les Chouans [Note : Le 18 fructidor an III, la municipalité de Brain demanda à tenir ses assemblées primaires chez elle et non à Renac, à cause des difficultés qu'il y avait d'aller au chef-lieu du canton pour accepter la Constitution, le pays étant infesté par les Chouans. Cette demande lui fut provisoirement accordée].

Peu à peu les Chouans reculèrent devant les armées, abandonnant définitivement le district de Redon. Le 20 frimaire an IV, sur la demande des administrateurs de Roche-Sauveur, le Directoire envoya un détachement au confluent de la Vilaine et de l'Oust pour leur couper le chemin. Ainsi, le Directoire au moment où il sortait de charge, avait, par sa ténacité, rendu la tranquillité et le calme au district qu'on lui avait confié. Il avait lutté avec constance, pour la défense de l'idée républicaine, de l'idée révolutionnaire.

La fin de son administration fut marquée par une recrudescence de persécution cléricale. Le 16 vendémiaire an III, l'agent national demandait aux municipalités de lui adresser dans les vingt-quatre heures le tableau des prêtres qui avaient quitté le territoire ou qui avaient été guillotinés. En même temps, on formait en vertu de la loi du 9 ventôse an II, les listes des étrangers dont les pays étaient en guerre avec la République, on exécutait la loi du 6 fructidor qui interdisait à tout citoyen de porter d'autres noms et prénoms que ceux qui seraient inscrits sur son acte de naissance. Enfin, le 2 frimaire, l'administration payait une pension aux prêtres et aux religieuses démissionnaires. Le 21 nivôse an III, Degousée, officier-juge militaire à Angers, refusa sa pension « pour tout le temps que ladite place d'officier-juge militaire lui sera conservée » (A. D. I.-V. 2 L 83c, folio 38).

Toutes ces mesures étaient pour ainsi dire de simples mesures préventives. D'autres plus graves allaient suivre. Le 19 brumaire an IV, le Directoire, sitôt réception de la loi du 3 qui ordonnait d'exécuter dans les vingt-quatre heures les lois portées en 1792 et 1793 contre les prêtres réfractaires, quoique formellement décidée à lui obéir, dut y surseoir quelques jours, par suite de l'insuffisance de ses troupes. Le 15 vendémiaire an IV, en vertu de la loi du 5ème jour complémentaire, art. 1er, arrêtant que les frères et parents d'émigrés devaient cesser sur-le-champ toutes fonctions administratives, le citoyen Binel, frère d'un prêtre émigré, dut démissionner. Le Directoire regretta beaucoup de le perdre. Il le remplaça dans ses fonctions de procureur-syndic par le citoyen Saulnier ; Matard, commis au bureau de la guerre fut appelé au Directoire. Binel ne devait pas rester longtemps éloigné de l'administration. Dès le 26 nivôse an IV, il faisait partie de la Commission provisoire exécutive du ci-devant district de Redon.

En somme, la réaction contre le clergé ne fut pas sanglante à Redon. Presque personne ne fut inquiété. La persécution fut nous l'avons dit, anticléricale et non antireligieuse. Le 4 pluviôse an III était en effet promulgué un arrêté du représentant du peuple à Lorient, rétablissant la liberté des cultes. Cet arrêté devint exécutoire quand eurent été proclamés la loi du 3 ventôse an III et l'arrêté du représentant du peuple à Rennes, en date du 23 germinal [Note : A. Aulard, La Convention et la séparation de l'Eglise et de l'Etat (Et. et Leç. sur la Rév. franç.), 2ème série, p. 120]. Très peu de temps après, dès le 9 floréal plusieurs habitants de Sixt, sur une requête, furent autorisés provisoirement à occuper l'église qu'ils demandaient pour l'exercice du culte catholique. Quelque temps après l'église de Bains (29 floréal), l'église paroissiale de Redon (8 prairial), l'église de Maure (3 messidor) étaient également rendues au culte.

***

Ainsi au début de l'an IV les grandes raisons d'agitation et de trouble disparaissaient. La révolte s'éloignait, les églises s'ouvraient à nouveau et les prêtres qui juraient de maintenir la Constitution de l'an III n'étaient plus inquiétés. L'administration révolutionnaire se désagrégeait sous les coups que lui portaient les décrets de la Convention et surtout la Constitution de fructidor. La loi du 21 ventôse supprima le Comité de surveillance que nous voyons pour la dernière fois le 30 ventôse. Ce jour-là, le Directoire nomma les citoyens Dumont et Moreau membres du Conseil général de la commune en qualité de commissaires pour procéder à l'inventaire des registres, titres et effets du Comité. A la suite de la réception des commissaires, le Comité tint sa dernière séance.

« Séance du trente ventôse, l'an 3 de la République une et indivisible, présidée par le citoyen Fontaine et où étaient les membres soussignés.

Le Comité a, en vertu de la loi du 21 ventôse reçue ce jour, nommé le citoyen Lallemand, un de ses membres, pour assister à l'inventaire sommaire des registres, papiers de ce Comité qui en sera fait et pour en faire le Dépôt au Directoire de ce District, conformément à la susdite loi.

Fontaine, président, Boterel, Simon, Fouquet, Lallemand, Hunaut » (A. D. I.-V. 9 M 19).

Dans le courant de floréal, l'agent national redevint procureur-syndic. Le district est désormais très étroitement soumis au Département. Le Directoire végète sans grande activité jusqu'au 18 ventôse. C'est la date extrême que nous ayons relevée sur ses registres. Il fut remplacé le 26 nivôse par « la Commission provisoire exécutive du ci-devant district de Redon ». Tous les précédents administrateurs étaient maintenus en fonctions (arrêté du département du 27 brumaire an IV. art. 1 et 2). Cette Commission comprenait cinq membres. Le citoyen Thélohan ayant été appelé en qualité de juge de paix à Pipriac, et la loi du 3 brumaire comportant des exceptions que celle du 5ème jour complémentaire sur les parents émigrés ne comportait pas, le citoyen Binet fut réintégré.

En fait le Directoire n'existe plus. La Constitution de l'an III a établi le canton comme unité administrative et désormais l'administration générale de l'arrondissement que nous avons étudié se confond avec celle des neuf cantons du ci-devant district de Redon.

(Léon DUBREUIL).

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