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LES URSULINES DE PONT-CROIX

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Le 18 mars 1679, en la ville de Pont-Croix, par devant les notaires royaux comparurent d'une part : les dames religieuses de cette ville ; d'autre part : Haut et Puissant seigneur, messire Sébastien, chef de nom et d'armes marquis de Rosmadec, de Tiwarlem et Pont-Croix, baron de Molac et du Juch, seigneur de Kergournadech et autres lieux, conseiller du roi en tous ses conseils, l'un des lieutenants généraux pour Sa Majesté dans la province de Bretagne, gouverneur particulier de la ville et du château de Nantes. Après délibération de leur corps politique, ces dames reconnaissent le marquis de Rosmadec pour leur seigneur supérieur, le patron et le fondateur de leur monastère, et comme signe de cette dépendance, elles s'engagent à mettre les armes dudit seigneur dans la pierre fondamentale de la chapelle et de la maison principale.

Ville de Pont-Croix (Bretagne).

Des relations existaient de longue date entre la famille de Rosmadec et l'ordre des Ursulines. Sébastien de Rosmadec était évêque de Vannes, lorsque les Ursulines vinrent s'établir à Vannes (1632), à Pontivy (1633). Magdeleine de Rosmadec entra au monastère de Quimper, fondé le 24 juin 1623 ; sa nièce Françoise y mourut en sa septième année ; elle-même s'éteignit doucement au mois de mai 1642.

Dix ans plus tard, le 20 septembre 1652, trois religieuses Ursulines de Quimper vinrent fonder le monastère de Pont-Croix. Et bientôt, à l'ombre du clocher de Notre-Dame de Roscudon, en ce petit coin de terre bretonne, on vit croître un surgeon de l'arbre planté, depuis un siècle, sur les bords du lac de Garde, par l'humble Angèle Mérici.

La première supérieure fut la Mère Urbaine Jeanne de Saint-Bernard, fille d'écuyer Pierre le Goff, née à Plozévet, le 29 décembre 1624, professe à Quimper, le 7 juin 1643. Elle avait pour assistantes : Marie Corentine de Sainte-Agnès, née à Scrignac, en 1620, professe à Quimper, le 27 décembre 1657, et Anne de tous les Saints, fille d'écuyer Demaril sénéchal de Crozon et de Gillette Rospiec, née en 1625, professe à Quimper, en 1648, supérieure de Pont-Croix de 1655 à 1661.

Par lettre missive du 30 janvier 1655, le marquis de Rosmadec donne à la congrégation naissante, 180 livres de rentes, payables, la moitié au 15 mai, l'autre moitié à la Toussaint. Cette donation fut confirmée et ratifiée par le contrat de 1679, à charge pour les religieuses de faire célébrer deux messes par semaine ; de recevoir sans dot une fille de noble extraction que le Marquis leur présentera pour être reçue mère de choeur, après le temps prescrit pour le noviciat. Si la première novice n'a pas l'esprit du cloître, ou ne peut en supporter les rigueurs, le dit Seigneur a la faculté d'en présenter une seconde, puis une autre, mais les religieuses n'assument pas la charge d'une quatrième épreuve.

Il y a une autre clause plus importante : les Ursulines s'engagent à faire le catéchisme soit dans leur chapelle, soit dans l'église de Notre-Dame de Roscudon. Déjà, Sébastien, marquis de Rosmadec, Ier du nom, « reconnaissant la certitude de la mort, et désirant pourvoir au salut de son âme », avait, par son testament du 6 mai 1613, fondé une rente de deux cents livres, pour être payée, au terme de Pâques, à celui qui fera les prédications de l'Avent et du Carême en l'église de Pont-Croix, non pour les dites prédications, mais « pour catéchiser le peuple qui en a grand besoin ». L'instruction du catéchisme se fera tous les jours, pendant ces deux stations. Si, parmi les prêtres chargés de desservir les messes et services à la collégiale, il s'en trouve un capable de faire le catéchisme, et qu'il soit approuvé par les Jésuites, le marquis lui attribue une rente de soixante livres tournois pour le dit catéchisme, qui se fera à l'heure la plus commode, tous les dimanches de l'année, autres que ceux de l'Avent et du Carême.

On retrouve, dans ces préocupations de grands seigneurs, le caractère distinctif de la vie religieuse en France, au début du XVIIème siècle.

Multiplier jusqu'au fond des campagnes les œuvres d'assistance et d'enseignement; associer directement la femme à cette diffusion de la Lumière et de l'Amour : c'est le but que poursuivent, avec des méthodes diverses, accommodées aux tempéraments différents, Saint-François de Sales et son ordre de la Visitation, Saint-Pierre Fourier et sa Congrégation de Notre-Dame, Saint-Vincent de Paul et ses Filles de la Charité. C'était aussi le rêve d'Angèle Mérici qui n'avait d'abord voulu fonder qu'une association libre pour l'éducation des jeunes filles et le soin des malades. La discipline ecclésiastique obligea les religieuses Ursulines à se cloîtrer comme les autres, mais elles n'en restèrent pas moins fidèles à l'esprit de leur fondatrice.

Elles se répandirent à travers la France, établissant des écoles de filles, comme les Jésuites avaient fondé des collèges de garçons, expliquant le catéchisme de Bellarmin, à en rendre jaloux les prédicateurs, réalisant enfin le programme que traçait Anne de Xainctonge, fondatrice elle aussi d'une petite compagnie de sainte Ursule. « Nous ne porterons pas comme eux (les religieux) de grands flambeaux qui jetteront un jour brillant dans l'Eglise, mais nous porterons de petites lampes qui éclaireront les jeunes filles, les servantes, les pauvres et les femmes. Le petit jour que nous donnerons sera entretenu par notre vie et nos forces, consumées dans l'instruction pour faire connaître et adorer Dieu, par son divin Fils Notre-Seigneur ». De la lueur de ces petites lampes, et de l'éclat de ces grands flambeaux, sortit le siècle le plus brillant de notre histoire.

***

Le monastère de Pont-Croix rayonnait également dans sa petite sphère et les vocations se multipliaient. Au XVIIIème siècle, l'usage s'établit de conserver le nom patronymique, mais à l'origine le moniales n'étaient désignées, dans les contrats d'acquets ou de fondations que par leurs noms de religion. Il ne reste, de cette époque, qu'un seul procès-verbal de vêture, l'un des premiers, il est vrai, puisqu'il est daté du 31 août 1664. C'est celui de demoiselle Catherine Le Talec, fille mineure et puînée de dame Renée Lahennec, comtesse douairière du Stiffuit, demeurant au manoir d'Essandy, paroisse de Pouldreuzic. Après avoir été quelque temps pensionnaire et postulante dans le monastère, elle déclara son dessein, moyennant la grâce de Dieu, d'entrer en religion pour y vivre, tant en santé qu'en maladie, selon la règle de saint Augustin et les autres constitutions de l'Ordre, en qualité de mère de chœur.

Dans l'inventaire des archives du monastère, à la veille de la Révolution, on trouve mentionnés les contrats de dot qui établissaient une rente perpétuelle et c'est ainsi que nous ont été conservés les noms de quelques religieuses : elles appartiennent pour la plupart aux familles nobles du pays.

Contrat de dot : de demoiselle de Rospiec en date du 24 septembre 1666 établissant une rente de 180 livres sur le domaine de Kerhaüs paroisse de Meilars et d'un boisseau et demi de froment sur le lieu de Kernaët, paroisse de Beuzec. — de demoiselle Billoart (7 septembre 1680) rente de douze boisseaux froment, de douze boisseaux seigle, quatre boisseaux avoine et 12 livres sur le domaine de Moustolgoët en Pouldergat : de huit boisseaux froment et six chapons sur le lieu de Brenellec en Esquibien : de cinq boisseaux d'orge sur Lezarouan en Plohinec. — de demoiselle de Silguy (7 septembre 1680) rente de 123 livres 10 sols sur les lieux nobles de Lesmaec et de Kervéguen, paroisse de Plounevez, près de Lesneven. La perception de cette rente ayant suscité des difficultés entre le fermier et les religieuses, on s'en remit à l'arbitrage des évêques de Quimper et de Léon, et « ce qu'il y a de plus sûr, écrit la soeur dépositaire pas trop instruite à ce sujet, c'est qu'on a aliéné le fonds. ». — de demoiselle Lhair de Lauvivan (31 janvier 1704), rente de 60 livres due par M. du Marhallac de Kerraoul, de Quimper, et de 14 livres, 12 sols, 8 deniers, sur le lieu de Trévoyen, en Plogastel Saint-Germain, — de demoiselle Le Guével, sœur de l'Ascension, (19 novembre 1707), rente de cinq boisseaux froment et de 50 sols, sur Kerbeuleuc, en Goulien, dans le fief de Lezoualc'h ; de trois boisseaux seigle et de 24 sols sur Kergabet en Plozévet, fief de Kerharo : deux boisseaux froment, un boisseau orge, un boisseau fèves, sur Kerscoulet, en Primelin ; 4 livres, sur une parcelle de terre à Bremuel, en Mahalon. — de deux demoiselles Yvenou, (11 août 1727), rente de dix-neuf boisseaux froment, dix-huit boisseaux, orge, douze boisseaux fèves, cinq boisseaux avoine et 23 livres sur le manoir du Bren, en Plozévet, domaine du Roi. — De demoiselle Henry de Kerhoutenant, (18 septembre 1738), rente de 30 livres due par Madame Henry de Kermadec demeurant à Morlaix. — De demoiselle le Veyer, (16 mai 1763), rente de 30 livres, due par Monsieur le Veyer, habitant au Menec près de Lesneven.

A ces redevances, il faut ajouter : un titre de rente de 197 livres 10 sols, sur l'hôtel de ville de Paris, les pensions viagères faites à quelques religieuses et les 8 ou 900 livres que rapportaient, bon an mal an, le jardin et l'enclos, les confitures et autres douceurs. Au total, et sans tenir compte des redevances en nature, cela faisait environ 100 livres par tête, aux vingt-neuf religieuses que comptait le monastère à la Révolution.

Nombreuses et lourdes sont les charges. Il est dû : 200 livres, pour les arrérages d'un constitut consenti au profit des Dames Hospitalières de Quimper ; 45 livres, pour autres arrérages au profit des Dames Cordelières de la même ville ; 500 livres, pour les honoraires de Monsieur le Directeur et Chapelain ; 300 livres, pour l'entretien de l'église en cierges, huile etc ; 240 livres, pour les gages de la tourière et des domestiques.

Le médecin coûte annuellement 100 livres ; l'entretien des bâtiments demande environ 300 livres, encore ne fait-on que les réparations urgentes, vu la cherté du bois.

La situation financière est loin d'être brillante. En 1790, il n'y a, au dépôt, que 5840 livres en 26 billets de banque. « C'est le seul argent qui y repose depuis, hélas ! trop longtemps ». Il est vrai qu'on vient de construire pour les pensionnaires, des appartements qui ont coûté 3868 livres, 11 sols, en main-d'œuvre et matériaux, sans compter les faux frais et la nourriture des ouvriers ; c'est une grosse dépense : Monsieur l'abbé Rozaven, député à l'Assemblée Nationale, pourra témoigner qu'elle était absolument nécessaire.

Dans ces conditions, et indépendamment de l'austérité prescrite par la règle, la table devait être des plus frugales. On pourrait presque en reconstituer les menus, à l'aide d'un cahier des provisions, tenu par une excellente ménagère, Marie Jeanne Guillier de sainte Thérèse de Jésus. Elue dépositaire en 1775. elle commence par établir « à la plus grande gloire de Dieu et de sa sainte Mère » un inventaire exact de l'actif et du passif de la communauté. Tout s'y trouve inscrit, depuis les 13 livres payées à Bourlogot, pour ferrer le cheval et les 4 livres, 7 sols donnés au patour Nicolas Bosser pour garder six vaches et deux génisses, jusqu'aux 23 livres, dues pour des peaux, par Ropart, de Léon « mais je n'ai pu découvrir cet homme, ayant beaucoup de Ropart en Léon ». La dépositaire se plaint également que tout renchérit : les gages des domestiques ont beaucoup augmenté, ainsi que la journée des ouvriers, les messes sont à présent, de 15 sols, au lieu de 12.

Les comptes des fournisseurs sont tenus soigneusement à jour. En juin 1775 on achète de Tréfrest cinquante-deux cordes de bois à 9 livres, neuf cents fagots à 8 livres, quatre cordes de copeaux à 7 livres. On prend du vin rouge et blanc, chez M. Bolloré d'Audierne, et chez M. Guéguen, de Pont-Croix. On se procure chez M. Marquer et chez M. Barbe marchands à Quimper : figues et prunes, amandes et avelines, sucre et riz, ocre rouge et mine de plomb, fromage de Hollande et fleur de soufre, petite morue du Nord et grande morue de Miquelon ; chez M. Beulier, de Nantes : bois de campêche et bleu d'empois, noix de galle et gomme d'Arabie, huile d'olive pour l'église et drogues pour la pharmacie ; chez M. Lahennec : chaux, fer d'Espagne et fer de Suède, une pochée de noir de fumée. On fait venir de Morlaix du tabac — quatre livres par mois, un peu plus en été — et de la toile pour doubler les guimpes.

***

La Communauté recevait des pensionnaires. Les pensions produisaient ordinairement entre 1200 et 2000 livres ; en 1789 la somme avait dépassé 3000 livres, le nombre des enfants ayant beaucoup augmenté.

Des personnes âgées, restées seules, se retiraient également au couvent. Telle, Marguerite Arhan, veuve de Jean Le Quéré, de Cléden, qui mourut le 10 février 1789 à l'âge de soixante-dix-neuf ans et fut inhumée dans le cloître du monastère.

C'était une source d'ennuis, plus que de bénéfices, si l'on en juge d'après la succession de Mlle Eléonore Floch. Sur la liasse qui renferme tous les documents de cette affaire, la sœur dépositaire a écrit « papiers essentiels à garder ». C'est peut-être cette recommandation qui les a fait parvenir jusqu'à nous, et, si la chose n'a pas d'importance par elle-même, elle vaut d'être rapportée comme un trait de mœurs.

Donc, le 24 mars 1764, les dames Ursulines reçurent de la dite demoiselle, une somme de 3000 livres à charge de lui payer 150 livres de rente annuelle. Il se trouva que cet argent fut la seule ressource de mademoiselle Floch, après qu'elle eut payé les dettes de son neveu, messire Jean Louis Le Floch, prêtre, dont elle avait accepté purement et simplement la succession. C'était insuffisant pour se procurer dans le monde les secours et les soulagements que demandait son âge : elle avait quatre-vingt-quatre ans, — et, c'est pourquoi par un acte du 17 novembre 1773, elle tint les Ursulines quittes de la rente et du capital, à condition d'être par elles nourrie, logée, blanchie et entretenue, sa vie durant. Et pour spécifier plus nettement ses intentions : 1° elle recevra par an cent livres, pour ses menues dépenses ; 2° elle sera maîtresse de se faire servir à volonté par celle des sœurs converses qui lui agréera le plus ; 3° elle aura tous les jours, une tasse de thé, matin et soir, et une tasse de café à son dîner, une bouteille de vin ou même plus, et d'ailleurs, on lui servira les aliments les plus conformes à son goût, à son âge et à sa santé ; 4° dans ses maladies sérieuses, les religieuses seront obligées, outre les soins domestiques, de lui fournir, si elle le désire, un médecin et un chirurgien pour la traiter. Elle avait pris ses dispositions pour mourir en paix, sans hâte.

Les dames Ursulines, après en avoir délibéré capitulairement, avaient signé le contrat ; mais un doute leur vint sur la légitimité de cette donation et la dépositaire en référa à M. Debon, prêtre, directeur au grand séminaire.

Dans sa lettre du 3 septembre 1774, M. Debon lui répond, que l'édit de 1749, sur les acquisitions des gens de main-morte et les dispositions de testament en leur faveur, ne met aucun obstacle à la donation que veut faire mademoiselle Floch ; le roi défend seulement aux gens de main-morte d'acquérir sans lettres patentes cinq sortes de biens qui sont : les biens fonds, les maisons, les droits réels, les rentes foncières ou non rachetables et les rentes constituées sur des particuliers. D'autre part, les religieuses peuvent recevoir en conscience cette donation, bien que Mlle Floch ait une héritière, puisqu'elle a fait à cette héritière plus de bien qu'elle n'aurait lieu d'espérer de sa succession, et que d'ailleurs, ce n'est là qu'une compensation un dédommagement du tort que subissent les religieuses, n'ayant en réalité que 200 livres pour donner à cette personne des soins qui vaudraient probablement plus de 400 livres. Cette lettre d'affaires se termine par les lignes suivantes : « J'unirai demain, madame, mon intention à la vôtre. Je vous aurais une obligation infinie, si vous vouliez bien avoir la bonté de continuer de prier pour mon salut. Soyez persuadée que je ne vous oublierai point dans mes prières. Mes remerciements à vos dames, de la communion qu'elles veulent bien faire à mon intention. Témoignez-leur, que je leur saurai bien bon gré, si elles ont la charité de continuer d'intercéder pour moi auprès de Dieu. Ce que je leur prie de demander surtout au Seigneur, c'est que je ne sois pas aveugle sur mes défauts, et, qu'il me fasse la grâce de corriger en moi tout ce qui y est contraire à la sainteté dont un prêtre doit être doué. J'ai l'honneur d'être, avec un très profond respect, Madame, votre très humble et très obéissant serviteur ». DEBON, prêtre.

M. Bars, avocat, est également d'avis qu'on peut passer contrat avec la demoiselle aux conditions précitées, mais il ne calcule pas comme M. Debon. Il s'agit pour lui, d'un contrat aléatoire où l'on risque autant de gagner que de perdre. Considérant l'âge et les infirmités de la dite demoiselle, on peut lui octroyer encore cinq ans de vie « les 100 livres que vous lui donnez annuellement font 500 livres pendant cinq ans. Reste 2.500. Diviser cette somme par 5, le résultat est 500 livres que Mlle Floch vous donne annuellement pour sa pension ». Il n'y a donc pas lieu à un dédommagement quelconque, il y a simple égalité dans le contrat.

Mlle Floch trépassa le 24 avril 1776, et les héritiers, après avoir payé les frais funéraires, réclamèrent la succession. Contrat et sommation furent envoyés par la dépositaire à M. Debon qui commença par tranquilliser la conscience des moniales : « J'ai exposé votre cas à nos mrs, et nous pensons tous que vous n'avez aucune faute théologique à vous reprocher et que vous êtes sans tache devant Dieu ; nous croyons, il est vrai, que vous seriez plus en règle, pour le for extérieur, c'est-à-dire, à l'égard des tribunaux séculiers, si le scellé avait été mis : ce qui aurait dû être fait, à la réquisition du procureur fiscal ou des héritiers ; mais nous ne voyons dans ce défaut aucun péché de votre part ». Puis, il leur conseilla de s'adresser à Rennes, car son beaupère lui a dit que « les avocats de Quimper savaient très peu les matières qui regardent les gens de mains mortes ». A la fin de la lettre, l'abbé Debon souhaite à ces dames une bonne et heureuse année. On était au mois de janvier 1777.

Marie-Josèphe Le Bihan Durumain de Saint-Charles écrivit donc à son parent, procureur au parlement, et voici la réponse :

Rennes, 24 janvier 1777. MA CHÈRE COUSINE,
« J'ay reçu à tems les vôtres des 9 et 16 courant, et je travaille depuis incessamment, pour tâcher de vous procurer la satisfaction que vous désirez ; J'avais donc, aux fins de la première, dressé un ample mémoire en triple, et consulté sur chacun d'eux, séparément, tout à la fois, pour accélérer : MM. Du Parc Poullain, Varin et Drouin qui me paraissent pencher en général en votre faveur, au moins les deux derniers, dont je serais aussi plutôt de l'avis que de M. du Parc, qui n'a point jugé à propos d'approfondir les questions que je lui avais proposées. Quoique ces trois consultations me semblent plus que suffisantes, pour vous mettre en état de vous défendre au besoin j'avais aussy, en vue de vous servir à la lettre et par surabondance de droit, envoyé un exemplaire de mon mémoire à M. Boylesve. Autre célèbre jurisconsulte, mais qui me l'ayant renvoyé jusqu'à deux fois, probablement parce qu'il avait déja dû consulter cette affaire pour vos adverses, j'ay cru devoir m'en tenir aux trois consultations que j'ay remises avec les autres pièces à Mgr votre Evêque (M. de Saint-Luc) qui a bien voulu se charger de vous envoyer le tout le plutôt possible et saris frais de port : Je me flatte que vous serez satisfaite, je le désire au moins et continueray d'agir de mon mieux, en cette vue, à l'occasion. Je demeure bien respectueusement à toutes vos dames, et, de tout mon cœur à vous, ma chère sœur ». Votre dévoué cousin, DU RUMAIN.

« Ma femme et mes enfants, bien sensibles à votre bon souvenir, vous assurent toutes de leurs tendres hommages. La poste me presse, je me recommande à vos bonnes prières ».

M. Debon allait de temps en temps voir le secrétaire de l'évêque, pour lui demander des nouvelles de l'affaire, et, quand on lui remit les consultations des trois avocats, il se hâta de les envoyer à Mme Sœur Thérèse de Jésus : « Je remets les papiers dans le sac que vous m'avez envoyé, mais comme je n'ai pas appris à coudre, je vais charger Marie-Jeanne de l'arranger, en lui recommandant de le faire comme pour sa tante.... Oserai-je vous charger d'offrir de ma part un bouquet de civilités au doucereux et aimable M. Billon ? » (directeur).

La sœur dépositaire résume ainsi l'affaire sur son cahier : Il est dû les arrérages d'un an, onze mois et sept jours, soit 193 livres, 11 sols, 4 deniers. Si les héritiers renoncent à attaquer le contrat de fonds perdu, sans exiger la dite somme, il faudra l'employer à faire prier Dieu pour le repos de l'âme de la défunte ; c'est, ce qui a été décidé par des prêtres habiles et par des avocats ; si les héritiers réclament les dits arréages, il faudra payer aussitôt, moyennant bonne décharge, parce que ce sera, de leur part, un acquiescement au contrat de 1773. En marge, cette note : « Affaire tout à fait terminée, la communauté a payé les 193 livres et elle en a eu bonne décharge en 1783 ».

***

Le monastère n'était pas un asile pour les vieillards, mais avant tout une maison d'éducation et d'enseignement. « Chargées, par vœux, d'instruire la jeunesse, tant pensionnaires qu'externes, de la ville et environs gratuitement », les religieuses s'en acquittaient à la satisfaction générale, ainsi que le témoigne la prospérité de leur établissement, ainsi qu'il apparaîtra surtout aux efforts faits par la municipalité pour le conserver. On ne possède aucun détail particulier, sur l'organisation de cette école. On ne connaît pas davantage, la vie intime des moniales ; autant qu'on en peut juger par l'extérieur, elle apparaît également éloignée du rigorisme des Jansénistes et de la mondanité des chanoinesses, et le monastère de Pont-Croix peut être rangé parmi ces communautés où « la ferveur, la sobriété et l'utilité sont incontestables » suivant l'expression de M. Taine. On s'en convaincra davantage à la description du couvent, description facile, puisque les immeubles subsistent en grande partie, et, que l'inventaire des meubles fut soigneusement dressé, pour obéir aux prescriptions de l'Assemblée.

L'enclos mesure deux hectares et demi, y compris la surface occupée par les bâtiments. Il a la forme d'un rectangle à peu près régulier, compris entre le grand chemin et la rue du Poullou, la rue du couvent et le cimetière, le chemin qui mène de Penanguer à la fontaine. Des niches, des grottes, des stations interrompent la monotonie des murs aux solides assises, et, sans nuire à la piété, reculent un peu les limites de cet horizon trop borné. Devant les statues de saint Jacques ou de sainte Angèle on se plaît à rêver parfois de terre d'Espagne ou de ciel d'Italie, comme aujoud'hui les grottes de Lourdes, si multipliées dans les jardins de nos couvents, évoquent la douce vision d'une basilique toute blanche, au pied de vertes montagnes.

De la maison principale, l'œil embrasse la vallée du Goyen ; on peut en suivre les capricieux méandres : en amont, à perte de vue ; en aval, jusqu'à l'endroit où la rivière, faisant un coude brusque, paraît finir en un petit lac où se réflètent le noir des pins et le gris des landes.

La chapelle vient d'être démolie. On a découvert encastrée dans la pierre fondamentale, une boîte en plomb de 6 x 8. Sur le couvercle : FR. hiacintus de Pleuc, EPI. CORNUBIENSIS. 1730. A l'intérieur une médaille en argent du Jubilé de Benoît XIII, (1724). Très simple, avec ses murs épais percés de grandes baies par où entre la lumière toute vive, au point que les fidèles se plaignent d'y être incommodés par l'ardeur du soleil. A l'entrée du sanctuaire, se balance une lampe de cuivre ou d'argent très mince. L'autel est en bois des Indes verni, seuls les gradins et le tabernacle sont dorés ; aux grandes fêtes, on le pare de vases en bois doré, de flambeaux de cuivre argenté. Bien pourvue de linges et d'ornements, la sacristie est pauvre en vases précieux : un soleil, un saint ciboire, un calice et un gobelet couvert pour servir aux ablutions, le jour de Noël. Du côté de l'épître, le chœur des religieuses avec deux rangs de stalles de chaque côté, des rideaux de serge sur la grille et sur les portes.

La maison principale est formée de deux ailes, à deux étages. Un lit à rideaux de serge, une petite armoire servant de table, un tableau au-dessus, quelques images ou grottes, sièges de paille ou de bois, chandeliers de cuivre ou de fer blanc, forment l'ameublement et l'ornementation des cellules. Les appartements des pensionnaires comprennent : deux chambres neuves, où il y a trente lits garnis à neuf, rideaux d'indienne dans l'une, rideaux de coton à flamme dans l'autre.

Il y a, au parloir, un appartement très simplement meublé, pour M. le Directeur, lorsqu'il prend pension au couvent, et les portières tiennent en réserve, pour son service et pour certaines cérémonies : quelques couverts d'argent, un huilier et deux salières de cristal, des gobelets à café partie de faïence, partie de porcelaine. Et c'est probablement à cet usage externe qu'était destiné l'unique tourne-broche de la cuisine. Il y a, pour le service de la communauté, beaucoup d'ustensiles de grosse terre, 25 plats, 121 assiettes et 5 écuelles d'étain. Le réfectoire renferme sept tables longues avec des bancs d'un côté, couverts de buis, chandeliers de bois, vases de grosse faïence. Au milieu, la chaire de la lectrice, et que lit-elle ?

Une armoire en bois des Indes, vitrée dans le haut, servant de bibliothèque contient : les chroniques de l'ordre, l'histoire de l'Eglise du Japon, les œuvres de saint François de Sales, de sainte Thérèse, la relation des religieux de la Trappe, les Pères du Désert, les œuvres de Grenade, plusieurs légendes, beaucoup de livres de méditations, de sermons, de réflexions, la vie du Dauphin, celles de plusieurs saints personnages et autres livres de piété au nombres de 169 volumes.

Au bas de la dite bibliothèque, une petite armoire et deux tiroirs renferment copies des bulles et brefs de Paul V et Urbain VIII, pour l'érection de l'ordre de Sainte-Ursule, beaucoups de bulles et brefs d'indulgence. Les cartes de profession des religieuses, les registres des vétures, professions et enterrements, celui de l'interrogation des novices, ceux des élections et du chapitre, les billets, et boîtés pour les élections quelques brochures et manuscrits pieux. Il y a, de plus, au Noviciat, cinquante livres de différents auteurs pour l'instruction et l'édification des novices ; au Pensionnaire, des livres de classe, et, beaucoup de livres pieux avec chaque religieuse. La bibliothèque est placée dans la « communauté » ou salon, meublé en outre, de deux fauteuils bourrés, de quelques tableaux fort simples, avec des rideaux de toile aux fenêtres.

L'infirmerie renferme six lits à rideaux de serges. On trouve, à la pharmacie, des drogues et autres médicaments, un alambic de cuivre. Y fabrique-t-on l'élixir de longue vie ? On serait tenté de le croire, à consulter le registre des décès.

Aline Mauricette de Lesquen, en religion, sœur Sainte Hyacinthe, fille d'écuyer François de Lesquen et de Claude Yvonne Le Boiteux dame de la Ménarday mourut le 5 mars 1778, âgée de 92 ans, après 70 ans de profession. Françoise Abgrall, dite de Saint-Jean, sœur converse, mourut le 19 janvier 1791, à l'âge de 82 ans. La dernière qui fut inhumée dans le cloître du monastère fut Marie Jeanne Perrine Chapuis, de Sainte-Félicité, mère de chœur, décédée le 5 juin 1791.

Le dernier registre ne contient que les décès de ces deux religieuses ; il est formé de quelques feuillets de papier commun, encartés dans une page de cahier d'écriture, sur laquelle une enfant, de sa main mal habile, a tracé en gros caractères : « Priez la Sainte Vierge ! que l'Homme serait heureux ! ».

Les vêtures et professions sont une fête pour la petite ville. Toute la bourgoisie assiste, et signe au procès-verbal. Aux agapes qui suivent la cérémonie, on déguste un certain « rouge de graves de Médoc ». Rien ne paraît devoir troubler la douce quiétude des moniales et de leurs hôtes.

Voir   Ville de Pont-Croix " Les Ursulines de Pont-Croix durant la Révolution

(J.-M. PILVEN).

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