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LES URSULINES DE PONT-CROIX SOUS LA REVOLUTION

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Au mois de mars 1790, le monastère de Pont-Croix comptait : dix-neuf professes de chœur, deux novices et une postulante ; dix sœurs professes converses et une postulante. Il faut observer que les religieuses de chœur postulent trois mois, et les converses six mois, en habit séculier, et que toutes ont deux années de voile blanc.

Ville de Pont-Croix (Bretagne).

Dames de chœur.

Julienne Pétronille Le Guillou de Sainte-Angèle, supérieure, fille de Roland Le Guillou, sieur de Rosenduc, sénéchal de Pont-l'Abbé, entrée au noviciat, le 25 septembre 1751, à l'âge de 22 ans, Corentine Lair de Saint-Pierre, étant supérieure, et Le Pappe, directeur de la communauté.

— Marie-Anne L'Arbre de l'Epine de Saint-Joachim, assistante, née à Pont-l'Abbé, elle fit profession, le 30 avril 1761, à l'âge de 24 ans, en présence de Joachim Cheneau, docteur en théologie, recteur de Beuzec, de ses parents et autres témoins parmi lesquels, le recteur de Loctudy, Jeanne-Yvonne Duhaffont de Saint-Louis étant supérieure.

— Marie-Joseph Le Bihan Durumain, de Saint-Charles, zélatrice et maîtresse des novices, 63 ans, professe, le 25 juillet 1746.

— Françoise Lanivinec, de Sainte-Pélagie, 76 ans d'âge et 48 ans de vie religieuse.

— Marie-Jeanne Guillier Dumarnay de Sainte-Thérèse de Jésus, 60 ans, dépositaire, en charge depuis 1775.

— Marie-Claude Hubinaut, de Sainte-Anne, née à Quimper Corentin, professe, le 19 juillet 1762, à l'âge de trente ans.

— Jeanne-Corentine le Guillou, de Tous les Saints, 46 ans professe, le 16 janvier 1766.

— Marie-Jeanne-Perrine Chappuis, de Sainte-Félicité. Née à Paris, paroisse Saint-Sulpice, elle était fille de Pierre Chappuis de la paroisse de Broi, évêché de Lausanne en Suisse et de Marie-Jeanne-Eugénie Quintin de la paroisse Saint-Jean de Lamballe, évêché de Saint-Brieuc. Son père était entreposeur à Pont-Croix, lorsqu'elle entra au couvent le 10 juin 1764, à l'âge de 20 ans ; elle fit profession le 15 janvier 1766, Marie-Anne de Kerguélen de Sainte Luce, étant supérieure.

— Anne-Françoise Hus, de Sainte-Agnès, 44 ans, professe le 27 avril 1769.

— Anne-Catherine Morvan, du Cœur de Jésus. Ses parents habitaient Pont-Croix. Elle reçut l'habit à 20 ans, le 3 février 1777 ; Denis Marie de Kerven de Kerlec était recteur de Beuzec et Louis-Marie-Laurent Billon, directeur de la communauté. La cérémonie de profession eut lieu, le 3 février 1779, et fut présidée par Jean-Marie Morvan, curé de Saint Evarzec.

— Renée Le Floch, Marie de Sainte-Ursule, fille d'Alain et de Marie Quéau, de Plonéis, entra au couvent, en 1773, à 19 ans, mais ne fit profession que le 21 juillet 1781 en présence de Mgr Conen de Saint-Luc.

— Marie-Félicité-Joseph. Couderc, du Cœur de Marie, originaire de Quimperlé, elle épousa un écrivain au port de Brest et, devenue veuve, elle entra au noviciat, le 26 janvier 1784, à 22 ans, fit profession le 26 janvier 1786, assistée des pensionnaires Catherine-Louise Hello et Fidèle-Corentine Le Guillou.

— Jeanne Sainte-de-Rospiec, dite Marie Céleste, fille de Pierre Jacques, chef de nom et d'armes de Rospiec, seigneur de Trévien : elle reçut l'habit, le 22 juillet 1784, à 27 ans, des mains de Mgr Conen de Saint-Luc, et fit profession, le 22 juillet 1786, en présence de Louis Corentin de Perrien, docteur en Sorbonne, recteur de Plouhinec.

— Marie-Magdeleine Guézennec, dite Marie de Saint-Joseph, 30 ans, de Pont-Croix, professe depuis le 6 décembre 1786.

— Marie-Charlotte-Joseph Rolland de Basse-Maison, dite Marie des Anges. Son père était avocat, sa mère s'appelait Marie-Anne de Leissègues ; ils demeuraient en la paroisse de Saint-Ydunet, ville de Châteaulin. Entrée au noviciat à 20 ans, le 23 novembre 1785, elle fit profession, le 30 janvier 1788, ayant comme témoins mesdemoiselles Jeanne de Leissègues de Tréanna, de Plouhinec et Marie Jacquette de Basse-Maison, d'Audierne, en présence, de Jean-Marie de Leissègues de Rozaven, recteur de Plogonnec.

— Anne-Yvonne Le Baillif, de Saint-Louis, fille d'écuyer Yves Joseph Le Baillif, seigneur de Kerbeuzec, receveur des devoirs, fit profession, le 13 octobre 1788, à. 28 ans.

— Thomase Gabrielle Bulot, de l'Ange gardien, 21 ans fille d'un docteur médecin de Quimper, professe, le 21 novembre 1788.

— Marie Anne Chatton de Sainte-Cécile, fille de Jacques Corentin Yves, avocat, et de Marie Françoise Le Dastumer de Concarneau, fit profession à 40 ans le 21 novembre 1788.

— Françoise Julienne Thomase Moreau, dite Marie de Sainte-Reine, 29 ans, fille d'un notaire de Quimper, professe le 19 octobre 1789, huit jours avant le décret qui interdit jusqu'à nouvel ordre de prononcer des vœux monastiques.

 

Novices pour être Mères de Chœur.

— Marie Louise Guillemette Caroff, de Saint-Augustin, 20 ans, de la paroisse de de Saint-Hoardon, de Landerneau.

— Marie Agnès Périne Séveno, de Sainte-Rosalie, 24 ans, fille d'un huissier au tribunal royal de Châteaulin.

 

Postulante.

Marie Yvonne Briand, 20 ans.

 

Sœurs converses.

Françoise Abgrall, de Saint-Jean, 80 ans, 55 ans de vie religieuse, a perdu presque complètement la raison, la parole et la marche.

Catherine Abgrall, de Sainte-Monique, 75 ans, 51 ans de vie religieuse.

Catherine Martin, de Sainte-Barbe, 76 ans, 51 ans de vie religieuse.

Marie-Anne Follic, de Saint-Dominique, 45 ans, de Primelin, fit profession, le 2 juin 1772, en présence de Jean Dagorn, curé de Châteaulin.

Marie Quéré, dite Marie-Victoire, 52 ans, de Cléden, 16 ans de vie religieuse.

Marguerite Carval, de Sainte-Marie, 41 ans, de Cléden, 15 ans de vie religieuse.

Barbe Berthélémé dite Marie de Saint-Gabriel, 36 ans, de Lennon, reçut l'habit, le 14 avril 1779 en présence de François Augustin Pierre Bonaventure Debon, licencié de Sorbonne, professeur de théologie et directeur du Séminaire.

Corentine Le Bot, dite Marie de Saint-Michel, 25 ans, de Briec.

Jeanne Le Gall, de Saint-Corentin, 28 ans, d'Elliant.

Renée-Mathurine Pastézeur, dite Marie de Sainte- Marthe, 28 ans, de Guipavas.

 

Postulante.

Hélène Quartier, 27 ans.

D'après M. Taine, il y avait en France, au début de la Révolution, 37 000 religieuses en 1500 maisons. La communauté de Pont-Croix rentre donc dans la moyenne.

Elle a pour directeur, Pierre-Jérôme Guyard-Duvergé. Au physique, un homme d'une quarantaine d'années « cinq pieds six pouces, cheveux châtains, yeux grands, roux et enfoncés, front grand, nez long, bouche grande, visage long et rouge ». Il a remplacé, en 1784, « l'aimable et doucereux », M. Billon, nommé recteur de Beuzec, résidant à Pont-Croix.

Le 23 novembre 1789, il souscrit pour 12 livres à la contribution patriotique, tant pour lui-même que comme tuteur de son frère Mathieu Jacques, absent outre-mer, déclarant que son revenu n'excède point 400 livres. La Nation lui ayant octroyé un traitement de 700 livres, au mois de janvier 1791, il offre, le 1er juillet de la même année, 64 livres 8 sols 11 deniers pour contribuer aux besoins de l'Etat, et désigne Jean-Louis Pierre Marie Blaise Maisonneuve, pour être à ses droits quand le remboursement de la contribution pourra s'effectuer, suivant l'article XVII du décret du 6 octobre 1789. Avec les autres membres du clergé de Pont-Croix : Billon, recteur, Plouïnec vicaire et Quillivic, instituteur, Duvergé adhère, non sans restriction, à la protestation, de Mgr de Saint-Luc. M. Sohier, recteur de Mahalon en avait pris copie au Séminaire et s'était chargé de la faire signer dans le pays.

Les restrictions préparent et présagent les défections. Billon et Quillivic prêtent serment, le 25 mars, et, le 1er avril 1791, d'une main qu'il esssaye de rendre ferme, Duvergé lui-même, écrit sur le registre des Délibérations Municipales : « Je soussigné, prêtre, directeur des Dames Ursulines, résidant à Pont-Croix, déclare, conformément au décret de l'Assemblée Nationale du 27 novembre 1790, sanctionné par le Roi le 26 décembre, que je prêterai le serment requis par le dit décret, dimanche prochain, à l'issue de la grand messe ». Duvergé prêtre. Et, le 3 avril, la grand'messe finie, Duvergé monte en chaire, fait un petit discours de circonstance et jure « d'être fidèle à la Nation, à la Loi et au Roi, de maintenir de tout son pouvoir la Constitution décretée par l'Assemblée et acceptée par le Roi ». A la fin de la cérémonie, les conseillers municipaux, ceints de leurs écharpes, se rendent à la sacristie pour signer le procès-verbal, et les cloches carillonnent en signe de réjouissance.

Seul, Joseph Fidèle Plouinec s’est ressaisi, et refuse de jurer. Il est mis en état d'arrestation le 9 décembre 1791, « pour avoir souvent et publiquement fait diversion avec son curé, dans l'exercice solennel de ses fonctions ecclésiastiques ». — Duvergé le remplace, et, dès lors, recteur et vicaire, à l'unisson « reconnaissent que l'universalité des citoyens français est le Souverain ». promettent « soumission et obéissance aux lois de la République » ; jurent « sincère attachement à la République une et indivisible, haine à la royauté » pour célébrer l'anniversaire de la juste punition du dernier roi des Français : et le 7 vendémiaire, an VI, ils renouvellent le serment de « haine à la royauté et à l'anarchie, attachement et fidélité à la République ». Ils n'omettent aucune formule et ne laissent passer aucune occasion.

Duvergé, malgré son civisme, n'entend pas remplir gratuitement les fonctions de vicaire, et, le 8 janvier 1793, il réclame au conseil général de la commune le paiement de la desserte des fondations de l'église paroissiale pour l'année 1792. Il est dû, sauf erreur, 400 livres 10 sols, suivant le tarif fixé par arrangement entre le corps politique et les desservants. Si ce tarif est trop élevé, pour les ressources actuelles de l'église, on peut examiner les titres et voir à combien portent les 4% accordés pour la desserte des fondations, suivant le décret du 18 février 1792. Le conseil est d'avis qu'on paie 400 livres suivant l'usage, et, l'on frappe à la caisse, que sonne déjà creux, pour remettre cette somme à messieurs les prêtres.

Le directeur des ci-devant Ursulines continue à dire la messe, dans la chapelle de la communauté, mais cette chapelle est insuffisante pour contenir le grand nombre de personnes de la ville et des campagnes voisines qui désirent assister à la messe matinale, les dimanches et les jours de fêtes. Beaucoup sont obligés de rester dehors, exposés aux injures du temps ; on n'est guère plus à l'abri dans l'intérieur : il y fait trop froid en hiver trop chaud en été. On se bouscule, on cause, aucune police. C'est un scandale. M. Pouppon, avocat, se fit l'écho de ces plaintes dans une lettre adressée au conseil, le 10 août 1793 et la municipalité, considérant : que le citoyen Guyard est vicaire du curé qu'il est salarié par la Nation en cette qualité, que son premier soin et le premier de ses devoirs est de se rendre utile à la chose publique, demande au Curé de dire dorénavant la Messe matinale en l'église paroissiale, qui peut contenir et, au delà, toutes les personnes.

A la réorganisation du canton de Pont-Croix, lorsque les municipalités furent remplacées par une administration centrale, Duvergé devient agent municipal (24 novembre 1795). Comme tel, il est chargé de faire réparer la maison des ci-devant Ursulines et de procéder à l'adjudication des biens nationaux. Au rétablissement officiel du culte, il conserve ses fonctions de vicaire de Pont-Croix jusqu'en 1806. Par son testament, en date du 12 janvier 1808 il lègue les trois quarts de ses biens à ses neveu et nièce Jean Louis, Blaise Maisonneuve, aide-canonnier, alors au service, et Marie-Perrine-Claire-Blaise Maisonneuve, institutrice à Douarnenez, l'autre quart à sa sœur Marie-Mathurine, veuve Couppon, demeurant à Concarneau. Il mourut l'année suivante (1809).

Les religieuses apportent, le 31 décembre 1789, leur modeste offrande à la Contribution patriotique : une boîte d'argent avec son couvercle, une tasse, deux cuillers et une fourchette d'argent.

Conformément au décret du 13 novembre 1789, la supérieure et la dépositaire dressent un état, aussi complet que possible, des charges et des revenus de la Communauté. « Nous ne voulons rien céler, déclare sœur Sainte-Thérèse, et ce ne sera sûrement qu'erreur ou méprise, si cette déclaration n'est pas faite avec la plus exacte vérité ». Et sœur Sainte-Angèle contresigne le rapport en affirmant n'avoir aucune connaissance qu'il ait été fait directement ou indirectement quelque soustraction de titres, papiers ou mobiliers.

Comme la chapelle de la Magdelaine, sise au chevet de l'église paroissiale, paraît trop petite, les Ursulines mettent leur chapelle à la disposition des citoyens actifs, réunis, le 3 février 1790, pour élire les Notables et les Municipaux, élection mouvementée qui dura de midi à 11 heures du soir ; encore fallut-il un autre tour de scrutin, le dimanche suivant, 7 février, et, cette seconde séance commencée à 1 heure ne fut levée qu'environ minuit. La chapelle servit encore de salle de vote, pour compléter ou renouveler le conseil municipal, pour choisir les fonctionnaires de tout ordre ; cependant le 28 juin 1791, jour de la Fête-Dieu, attendu que le Saint-Sacrement devait être exposé toute la journée, c'est en la chapelle de la Magdelaine, que se tint l'assemblée primaire, pour la nomination des électeurs suivant le système établi par la Constituante.

Il est vrai que les élections sont de moins en moins houleuses, car les citoyens actifs tombent peu à peu dans l'inertie et dédaignent leur parcelle de souveraineté nationale.

Bien plus, à la fête de la Fédération, le secrétaire de la Municipalité fut chargé d'écrire à la supérieure des Ursulines, pour inviter ces dames à unir leurs prières et leurs intentions, à la cérémonie patriotique. Et lorsque les Notables rentrèrent à la Maison Commune, après le Te Deum, ils y trouvèrent la réponse de ces dames ; elle correspondait au zèle patriotique, dont on ne doutait point qu'elles fussent animées.

Quinze jours après, on remit sur le bureau du district, qui venait d'être constitué, un paquet cacheté contenant une adresse des supérieure et dames du chapitre des Ursulines, avec leurs félicitations sur la formation et la composition de cette assemblée : sur quoi il a été arrêté que le Président, M. de Rospiec, frère de sœur Sainte-Marie-Céleste, répondrait, au nom de l'Assemblée, à la dite adresse et témoignerait aux dames Ursulines la satisfaction que l'Assemblée éprouve de leur démarche.

Plus significative encore est la lettre des Ursulines demandant comme une grâce, à broder sur le guidon du district telle devise qu'il conviendrait à l'administration.

« La Communauté de Pont-Croix a vu avec toute la joie et le civisme qu'elle a montré jusqu'à ce jour, ce gage précieux de la réunion, l'oriflamme du District de Pont-Croix, mais sans devise. La Communauté, désirant prouver de plus en plus à l'Administration son zèle et son amour pour la Nation, demande, comme une grâce, de broder, sur cette oriflamme nationale, la devise qui serait agréable à l'Administration, moyennant qu'elle voulut bien lui en donner le dessin. Nous osons, MM. nous flatter que vous voudrez bien nous accorder cette grâce, jointe à toutes celles dont vous voulez bien honorer notre Communauté, qui, sensible à vos bontés, me charge de vous en témoigner sa reconnaissance et de vous faire de très justes remerciements, sentiments que je partage bien sincèrement avec elle, joints à ceux du très profond respect avec lequel j'ai l'honneur d'être. Votre très humble et très obéissante servante. Sœur SAINT-CHARLES, supérieure. 17 juillet 1791 ».

Le Président est chargé d'écrire à ces dames, pour leur témoigner la satisfaction de l'Administration ; elles n'ont cessé de donner les preuves les moins équivoques de vrai civisme, depuis le premier instant de la Révolution ; et, pour faire connaître à tous les citoyens, l'attachement des religieuses à la prospérité de la Nation, il est arrêté que copie de leur lettre sera adressée au Département, à l'Evêque, à la Municipalité de Quimper et à la Société des Amis de la Constitution de cette dernière ville.

Hélas ! il ne suffit plus d'une devise artistement brodée sur un guidon pour rallier tous les Français. La Constitution civile a déjà fait son oeuvre de division profonde, d'opposition irréductible. Et le parloir des Ursulines fut témoin d'une scène qui dut se renouveler souvent dans les villages de Bretagne.

Le 28 juin 1791, Michel Cayphas, de Pont-Croix déjeunant au parloir de la communauté, y rencontra Alain le Friand, fermier du Bren, en Plozévet — où l'intrus « le vertueux Quillivic » était mis à la torture, au rapport des commissaires du District. Cayphas lui demanda d'où il était et, sur sa réponse, il ajouta : « Vous êtes de terribles gens à Plozévet, et cependant, vous avez de bons prêtres ». Friand répliqua, « Cela m'est égal, je n'ai pas été les chercher, et si on les trouve si bons à Pont-Croix, on aurait pu les garder ». — « Ce qu'il y a de plus mal c'est qu'on ne fait plus baptiser les enfants ». — « Tout homme peut baptiser, et j'ai été dans un pays, où l'on ne faisait baptiser les enfants qu'à l'âge de cinq ans ». Friand dit encore qu'il se f... de la Nation, que les nouvelles lois n'étaient point bonnes et que, si le Roi les avait trouvées telles, il n'aurait point cherché à s'en aller. Ces propos, ou d'autres semblables, il les répéta dans la rue ; il fut entendu des commères qui stationnaient au seuil des portes, des domestiques qui revenaient de la fontaine. Le bruit se répand en ville, qu'un paysan, qui n'est pas ivre, tient les propos les plus séditieux contre la Révolution, la Nation, les prêtres conformistes. Les gardes nationaux se mettent à sa poursuite et l'atteignent à Lambabu, en Plouhinec, sur la route de Plozévet. Traduit devant la Municipalité de Pont-Croix, il se voit condamner à trois jours de prison. Mais le surlendemain, à la prière du « vertueux Quillivic », il est élargi, non sans avoir payé six livres trente-six sols pour les frais d'arrestation et de détention.

L'article II de la loi du 13 février 1790 porte que « Tous les individus, de l'un et de l'autre sexe, existants dans les maisons religieuses, pourront en sortir en faisant leur déclaration, devant la Municipalité du lieu ». Mais les victimes des cloîtres ne se pressent guère d'en sortir, et c'est seulement le 19 octobre 1790, qu'en vertu des ordres transmis par le District et du mandat donné par la Municipalité, M. de Clermont, maire, Le Gall, officier municipal, Le Bris procureur de la commune et Billette secrétaire se rendent au parloir des Ursulines. Ils y trouvent les dignitaires de la Communauté : sœur Saint-Charles, supérieure, sœur Sainte-Angèle, assistante, sœur Saint-Joachim, zélatrice, sœur Sainte-Thérèse-de-Jésus, dépositaire. Ces trois dernières s'étant retirées, les commissaires demandent à sœur Saint-Charles si elle entend rester en cette communauté ou en sortir : et la supérieure répond qu'elle persiste à y demeurer. Une à une, les dames de chœur et les sœurs converses à l'exception de sœur Saint-Jean, qui est en enfance, entrent et font la même déclaration, aussi nette, aussi ferme. Puis ce fut le tour des novices et des postulantes. La première, Marie-Louise Guillemette Caroff est au couvent depuis cinq ans déjà, ses parents l'empêchent de prononcer ses derniers vœux jusqu'à ce qu'elle ait atteint sa majorité ; elle n'en reste pas moins fidèle à sa vocation. Les décrets de l'Assemblée ont empêché l'autre novice Marie Séveno de faire profession et les deux postulantes, Marie Briand et Hélène Cartier de recevoir l'habit, mais toutes trois persistent dans leur dessein « sans contrainte ni suasion de personne ». Aucune des moniales ne voulut donc profiter de la liberté qui leur était offerte, au nom de la Nation, par les municipaux en écharpe, et ceux-ci se retirèrent après que la Mère supérieure leur eut déclaré qu'il n'y avait, dans le monastère aucune autre personne sous l'habit religieux.

D'après cette même loi du 13 février 1790, il ne devait être rien changé pour le moment à l'égard des maisons chargées de l'éducation publique et des établissements de charité. La communauté de Pont-Croix rentre dans cette catégorie. A l'unanimité, le Conseil général émet le vœu que la maison soit conservée. Et le District, considérant que l'intention des religieuses est de vivre suivant leurs anciennes règles, et particulièrement, de continuer leur secours les plus zélès pour l'éducation publique, prie le Département d'accorder sa protection pour la conservation de la dite maison.

De plus, le District fait observer au département qu'en justice et suivant les déclarations de l'Assemblée, les dettes des Ursulines — qui se montent à 17000 livres — doivent être déclarées nationales, puisque l'Etat s'est approprié leurs biens. S'appuyant sur le décret des 8 et 9 octobre 1790, il demande pour les religieuses un secours annuel de 2400 livres, qui, avec les revenus de reste et les produits de leur industrie, suffiront d'autant mieux à leur entretien, que le Département a été prié d'accorder un traitement de fonctionnaire à l'aumônier sans cesse occupé de l'administration de la paroisse. Et comme le secours tarde à venir, un bon de 600 livres leur est délivré sur la caisse du clergé (4 j uillet 1791).

Les religieuses, de leur côté, s'appliquent à rester dans la légalité. Le 16 février 1791, à la prière de sœur Saint-Charles, le Maire accompagné simplement du secrétaire, se rendit à l'église conventuelle, et s'étant avancé jusqu'à la grille du chœur il trouva les religieuses assemblées capitulairement. Elles déclarèrent que, pour obéir à l'article 26 des décrets des 8 et 9 octobre 1790, elles allaient procéder à la nomination d'une supérieure et d'une économe ; elles auraient préféré suivre à cet égard les règles de leur institut, mais elles se soumettent, comme elles l'ont déjà fait, à la loi de l'Etat. Il y avait 28 votantes. A l'unanimité sœur Saint-Charles fut réélue supérieure, sœur Sainte-Thérèse-de-Jésus, économe, et le procès-verbal d'élection « civique » fut contresigné par MM. Billette et de Clermont.

Cette législation tracassière n'est que le prélude de l'expulsion brutale. L'Assemblée législative achève l'œuvre de la Constituante, elle ordonne la suppression de toutes les congrégations enseignante et de toutes celles qui sont vouées au service des hôpitaux ; elle décrète que toutes les maisons religieuses seront immédiatement évacuées et vendues ; elle abolit les costumes des religieux et des congrégations séculières (août 1792).

En vain, les moniales « abdiquent leur costume bizarre » et se sécularisent. En vain, le District prie le Département d'étendre aux Ursulines de Pont-Croix l'arrêté concernant les Ursulines de Quimper, maintenues comme filles attachées à l'éducation publique : « les Ursulines de Pont-Croix sont dans une position absolument semblable ; elle sont, depuis la Révolution, donné des preuves d'un vrai civisme en éduquant publiquement et gratuitement les jeunes citoyennes du ressort, en distribuant aux malades et aux pauvres les secours nécessaires ». En vain, la Municipalité délivre les certificats de civisme. Il fallut enfin céder et le 30 octobre 1793 « le District considérant que la loi consacre toutes les maisons nationales au casernement des citoyens mis en activité, et que les circonstances actuelles ne permettent pas à l'administration de témoigner par une plus longue résidence dans leur maison, les égards qu'elle doit à ces bonnes citoyennes, arrête que la maison des ci-devant Ursulines est à la disposition de la Nation, et nomme deux commissaires que se concerteront avec la Municipalité et ces citoyennes pour qu'une partie de l'établissement soit prête, dans huit jours, sans blesser les égards que l'Administration se fera un de voir de leur témoigner ». On afferma le jardin et le verger ; la vente des meubles produisit 4.801 livres, 8 sols, 3 deniers ; la maison principale servit de caserne, de fabrique de salpêtre, le réfectoire devint « un appartement à bœufs » et la chapelle un temple de la Raison.

***

C'est donc à la fin de 1793, après cent quarante ans de séjour, que les Ursulines quittèrent, pour ne plus y revenir, le monastère de Pont-Croix.

La communauté se trouvait réduite à une vingtaine de membres. Cinq religieuses étaient mortes : trois dames de chœur : Marie-Claude Hubinaut, Marie-Jeanne-Périne Chapuis, Françoise-Julienne Moreau et, deux sœurs converses : Catherine Abgrall et Catherine Martin. D'autre part, Anne-Yvonne Le Baillif, Marguerite Carval et Françoise Hus avaient déjà quitté, le 14 juin, pour se retirer, les deux premières chez la veuve Baillif, et la troisième chez la veuve Esclabissac à Pont-Croix ; ce qui leur valut d'être immédiatement envoyées en arrestation à Quimper. Sainte Rospiec demeurait en état de surveillance dans le ressort de la Municipalité, parce qu'elle entretenait des correspondances avec des prêtres réfractaires ; son frère, l'ex-président du District avait d'ailleurs émigré.

Au moment de l'évacuation définitive, le conseil général envoie deux de ses membres vers la citoyenne Le Bihan, pour lui témoigner le vif désir qu'a la Commune de conserver six religieuses : quatre mères et deux sœurs, pour instruire la jeunesse comme elles l'ont fait jusqu'alors à la satisfaction générale, et pour soigner les malades de l'hôpital. « Le ministère des dites citoyennes ne saurait être mieux employé, car Pont-Croix est voisin d'un port de mer où il peut arriver de moment à autre des citoyens qui se sacrifient pour la patrie et qui ont besoin de prompts secours à la suite d'un combat : l'amour de la patrie exige qu'elles acceptent ». Cette requête, après avis favorable du District, fut adressée à la Commission administrative du Département du Finistère. Et, quelques jours après, la citoyenne Marie-Jeanne Guillier, ci-devant Ursuline, vint déclarer au Conseil municipal que « ses compagnes ne demandaient qu'a se rendre utiles aux citoyens de cette commune en faisant tout leur possible pour venir au secours de l'humanité et en donnant tous leurs soins à l'hopital national, aux malades et blessés qui pourront s'y trouver ainsi qu'aux citoyens de l'intérieur de la ville et des faubourgs qui n'auront point de secours personnel ». Les religieuses trouvèrent un asile chez M. Le Bris, l'ancien procureur de la Commune. Grâce aux certificats de résidence et de civisme, délivrés par l'Administration, elles y vécurent relativement tranquilles et la tourmente passa.

***

Seule, ou a peu près, parmi les communautés d'Ursulines établies dans notre région, la communauté de Pont-Croix ne s'est pas reconstituée.

En 1795, la Maison des ci-devant Religieuses, était dans un état de dégradation complète. Les fenêtres avaient été brûlées par les soldats, sur le réfectoire, où se trouvaient les boeufs ; la porte ne fermait plus, sur le pavillon, où se tenait une petite école : et de larges taches noires marquaient, le long des murs, l'emplacement des foyers, où l'on brûlait des herbes, pour la fabrication du salpètre.

L'Administration municipale fit établir un devis estimatif des réparations urgentes et pria le département de mettre à sa disposition, la somme de 1260 livres en numéraire. On dut se contenter de maçonner quelques fenêtres, et de boucher quelques trous dans le toit, en utilisant les matériaux provenant de la démolition des chapelles de Lochrist et de la Magdeleine.

Enfin, la Nation parvint à se débarrasser de cet immeuble. Il fut vendu pour la somme de 13450 livres et le nouveau propriétaire l'afferma, pour servir de caserne aux gendarmes, jusque sous l'Empire.

Quant aux religieuses, les unes se retirèrent à la communauté de Quimper, les autres restèrent à Pont-Croix, continuant leur œuvre d'assistance, et d'enseignement.

Les citoyennes Marie-Joseph Rolland Basse-Maison et Barbe-Barthélemé s'établissent « marchandes de drogues en détails » et l'Administration leur accorde une réduction de la patente, attendu la modicité de leur commerce. Les citoyennes Anne-Catherine Morvan et Marie-Félicité Couderc réunissent les enfants, et naguère encore, deux ou trois vieillards se rappelaient avoir appris le catéchisme, à l'école des sœurs « Cœur de Jésus et Coeur de Marie ».

D'autre part, la Maison elle-même ne tarda pas à reprendre sa destination première ; transformée en Petit-Séminaire, dès 1823, elle est restée une maison d'étude et de prière, où flotte encore, ombre légère et discrète, le souvenir des humbles Ursulines.

(J.-M. PILVEN).

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