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Nantes pendant la Révolution - Fureur révolutionnaire et décadence économique

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Ardent foyer révolutionnaire, Nantes, après avoir brisé l'élan farouche de la Vendée, subit la plus affreuse Terreur ; sa prospérité économique sombre complètement dans la tourmente.

La Révolution commence à Nantes dès 1788. — Le mouvement qui allait emporter la France vers des destinées nouvelles couvait depuis longtemps à Nantes. Il ne fallait qu'une étincelle pour soulever le peuple. Elle se produisit. le 1er novembre 1788, jour ou le Bureau municipal devait élire les représentants du Tiers-Etat aux Etats de Bretagne. Sur la requête du peuple assemblé en masse, les députés choisis furent chargés de demander : 1° que le Tiers eût un député par 10.000 habitants et que ce député ne pût être ni noble, ni soumis par sa fonction à l'autorité ; 2° que le nombre des députés du Tiers fût égal à celui des deux autres ordres réunis ; 3° que les curés d'origine roturière fussent admis dans l'ordre du clergé ; 4° que les corvées fussent supprimées et les impôts équitablement répartis. Une délégation fut nommée pour demander au Roi d'appuyer ces revendications ; des envoyés spéciaux furent chargés de surveiller à Rennes les députés ordinaires.

Les Etats de Bretagne se réunissent pour la dernière fois. — Les Etats de Bretagne se réunirent à Rennes le 29 décembre 1788 (ce fut la dernière fois). Le Tiers y comptait 59 membres (dont plusieurs étaient nobles) et les ordres privilégiés 495. Ils refusèrent toute concession au Tiers, et furent ajournés par le roi à l'année suivante. La noblesse et le clergé, continuant de se réunir, la jeunesse de Rennes protesta. Il y eut des rixes ; deux jeunes gens furent tués. Cette nouvelle causa une vive émotion à Nantes, et 800 jeunes Nantais se rendirent à Rennes. La noblesse capitula.

Le Tiers-Etat et le bas clergé élisent leurs députés. — Le 4 avril 1789, les habitants de Nantes, âgés de 25 ans nés Français ou naturalisés, compris au rôle des impositions, s'assemblèrent pour rédiger le cahier des doléances de la ville et nommer les délégués chargés de choisir les députés aux Etats Généraux. Les principales revendications adoptées furent la suppression des privilèges, l'égalité de tous devant la loi, la répartition équitable de l'impôt, le droit pour tous de prétendre aux fonctions publiques, la nomination des curés par leurs paroissiens. On insista sur la nécessité de conserver à la Bretagne les libertés et les exemptions d'impôts (gabelle) dont elle jouissait, et d'assurer des garanties aux commerçants nantais, notamment à ceux qui se livraient à la traite des nègres.

La noblesse et le haut clergé refusèrent de désigner des représentants aux Etats Généraux ; mais le bas clergé rédigea ses cahiers et nomma ses électeurs. Ceux-ci, le 20 avril 1789, choisirent trois curés comme députés. Le même jour, les électeurs du Tiers désignèrent les huit députés qui devaient représenter le pays nantais au sein de l'Assemblée Constituante.

Nantes vibre à l'unisson de Paris. — Désormais la vie politique nantaise va être liée au grand drame qui se joue à Versailles et à Paris. Notre ville va devenir un ardent foyer révolutionnaire, et chaque événement de la capitale y aura sa répercussion.

Dès le 16 jùiilet 1789, le peuple, qu'inquiétaient les menées de la Cour, confisqua les deniers royaux ; le 17, il s'empara de la poudrière de Barbin. Le 18, on connut à Nantes la prise de la Bastille. Aussitôt des officiers de la milice, accompagnés d'un grand nombre d'habitants, se dirigèrent vers le Château ; le gouverneur, sommé de se rendre, s'exécuta aussitôt. En quelques heures, le peuple révolté devint maître de la ville.

Les réformes de la Constituante sont acceptées. — Le 26 juillet, les Nantais adoptèrent les trois couleurs ; la garde nationale fut organisée. Le 30 septembre, l'assemblée des paroisses de la sénéchaussée de Nantes, par 136 voix contre 74, renonça aux privilèges de la province, et donna son adhésion aux décrets des 5 et 6 août 1789. Au début de 1790. L’ancien comté nantais, avec, quelques modifications, devint le département de la Loire-Inférieure. Nantes fut le siège d'un des neuf districts que comprenait ce département.

Nantes prend part au mouvement fédératif. — En février 1790, à Pontivy, 150.000 Bretons et Angevins se fédérèrent pour la défense des idées révolutionnaires. Le 24 juin eut lieu la fédération des troupes de la ville de Nantes et du département ; un grand banquet fut servi sur le Cours du Peuple (Cours de la République). Une délégation représenta Nantes à la grande fête de la Fédération, à Paris, le 14 juillet 1790.

La Constitution civile du clergé rencontre une forte opposition. — Le 25 avril 1790, une forte émeute de paysans qui ne voulaient pas payer les droits d'octroi fut apaisée sans violence, grâce au maire Kervégan. Mais la Constitution civile du clergé souleva de plus grosses difficultés. L'évêque de Nantes refusa de s'y soumettre, et avec lui un grand nombre de prêtres. Un nouvel évêque fut élu le 12 mars 1791 ; des curés constitutionnels ou assermentés remplacèrent les prêtres réfractaires. Ils rencontrèrent parfois une forte opposition ; en mai et juin, la garde nationale dut aller porter secours à plusieurs d'entre eux.

Les idées révolutionnaires font des progrès. — Le 21 juin 1791, on apprit à Nantes la fuite de Louis XVI. Aussitôt les postes furent renforcés, les suspects arrêtés, les poudres et munitions confisquées ; les militaires, parmi lesquels se trauvait Dumouriez, durent prêter serment de fidélité à la Nation et à la Constitution ; on afficha une vibrante proclamation.

Les esprits s'échauffaient de plus en plus. De nombreux clubs et sociétés populaires s'étaient fondés dans la ville ; certains propageaient les idées les plus révolutionnaires. Les riverains du fleuve et les campagnards arrêtaient les grains dirigés sur Nantes ; la disette menaçante constituait un nouveau motif d'excitation.

Au mois de juillet 1792, l'Assemblée législative ayant déclaré la Patrie en Danger, les jeunes Nantais, répondant à l'appel de leur député, Coustard de Massy, s'enrôlèrent en grand nombre et volèrent à la frontière. On expédia à Paris des piques, des canons, des chevaux.

La nouvelle des événements du 10 août 1792 augmenta encore la nervosité de la population nantaise. La foule maltraita les prêtres réfractaires : on dut interner les plus âgés ; ceux de moins de 70 ans furent transportés en Espagne ou au Portugal. Les journaux hostiles aux idées nouvelles furent supprimés, les emblèmes de la royauté brisés. Une foule immense assista à la fête où l'on proclama l'abolition de la Monarchie (25 août).

Les Nantais se divisent en Girondins et Montagnards. — La République (21 septembre 1792) fut accueillie avec joie par les Nantais ; mais les républicains de notre ville, comme ceux de Paris, étaient divisés en Girondins et Montagnards.

Le maire de Nantes, Baco, et les dirigeants du département appartenaient au parti girondin ; en décembre 1792, ils adressèrent de vives remontrances à la Convention. Sur huit députes de la Loire-Inférieure, trois seulement votèrent la mort de Louis XVI ; mais l'exécution du roi reçut l'adhésion enthousiaste des sociétés populaires, animées de l'esprit jacobin.

La guerre de Vendée. — Un fait, d'une importance capitale pour notre région, va éclipser aux yeux des Nantais les événements parisiens c'est l'insurrection vendéenne. La révolte éclata du 10 au 15 mars 1793 dans un grand nombre de communes angevines, poitevines et bretonnes, sous le prétexte de s'opposer à une levée de 300.000 hommes, décrétée par la Convention pour repousser l'invasion étrangère.

Nantes est menacée. — Les premiers succès des rebelles ayant coupé ou menaçant Ies communications de la ville, ses administrateurs n'en décidèrent pas moins de la défendre en attendant les secours demandés. Fait prisonnier au cours des premiers combats, un négociant nantais, Haudaudine, s'illustra par son dévouement et mérita d'être appelé le Régulus nantais. Bientôt se joignirent à la garde nationale les soldats de Canclaux et de Beysser. Les quelques succès remportés par ces généraux ne purent arrêter les progrès des armées catholiques et royales qui, maîtresses de la Vendée et de l'Anjou, s'avançaient sur Nantes. Les discusions entre Girondins et Montagnarde se turent devant le danger pressant. Le député girondin Coustard de Massy organisa une Légion nantaise de 2.000 hommes ; des délégues des sociétés populaires se présentèrent devant la Convention et obtinrent de cette Assemblée des secours et des subsides. Pendant ce temps, l'investissement de Nantes se resserrait, et, le 20 juin 1793, les chefs royalistes sommaient la ville de se rendre à merci pour éviter d'être livrée à une « exécution militaire ».

Nantes organise sa défense. — Les communications avec Paris sont interceptées ; Nantes ne peut plus compter que sur ses propres forces. Le maire Baco et les autres administrateurs concentrent dans leurs mains « tous les pouvoirs nécessaires au salut de la chose publique ». Ils prennent, de concert avec les chefs militaires, d'énergiques mesures de défense : les postes sont doublés, les entrées barricadées, des batteries établies sur les points faibles, des bateaux armés surveillent le fleuve, un tribunal révolutionnaire juge sans appel les rebelles détenus dans les prisons, la guillotine est dressée en permanence sur la place du Bouffay. Mais Canclaux, général en chef, et Beysser, commandant de la place, n'ont que 12.000 hommes à opposer aux 80.000 Vendéens qui s'approchent de la ville.

La situation était donc grave. Les représentants de la Convention voulaient se replier sur Redon ; Baco, Canclaux et Beysser furent l'âme de la résistance. Grâce à leur énergie, à l'enthousiasme des soldats, au dévouement du ferblantier Meuris, le Léonidas nantais, qui, avec une poignée d'hommes, arrêta à Nort le gros de l'armée royaliste, Nantes fut sauvée.

Les Vendéens attaquent Nantes. — Ce fut le 29 juin 1793 que commença le siège. L'attaque se produisit des deux côtés du fleuve. Au Sud, Charette tenta de pénétrer dans la ville par les Ponts ; il fut assez facilement repoussé. L'action la plus sérieuse se déroula au Nord. Les troupes de Cathelineau, suivant les routes de Vannes, de Rennes et de Paris, s'avancèrent jusqu'à la place Viarmes, où le Saint de l'Anjou fut blessé mortellement par un cordonnier patriote qui l'ajusta, dit-on, de sa fenêtre.

Surprise par la résistance inattendue des Nantais, l'armée « catholique et royale » leva le siège ayant perdu 5.000 hommes.

La résistance de Nantes sauve la République. — Cette défaite des Vendéens devant Nantes arrêta les progrès de l'insurrection. Si la ville eût été prise, le sort de la République se serait trouvé compromis, car l'armée royaliste, maîtresse du port et de l'embouchure de la Loire, aurait pu recevoir des secours des rois étrangers coalisés contre la France, et faire de Nantes la forteresse de la contre-révolution. Aussi la Convention décréta que les Nantais avaient bien mérité de la Patrie.

Les Vendéens sont battus à Savenay. — Dans la crainte d'un retour offensif des Vendéens, on continua à mettre la ville en état d'offrir encore une meilleure résistance. L'attente fut heureusement vaine. L'armée de Mayence poursuivit au contraire les rebelles, et, sous les ordres de Kléber et de Marceau, les écrasa à Savenay (23 décembre 1793). A leur retour à Nantes, les deux jeunes généraux furent fêtés comme des sauveurs.

Les Montagnards triomphent. — Les factions, qui avaient fait trêve au moment du danger, reprirent leurs querelles après la délivrance de la ville. A Nantes, comme à Paris, Girondins et Montagnards furent aux prises ; ici, comme là-bas, ce furent les idées de Robespierre qui triomphèrent. Les autorités locales, trop modérées, durent céder aux injonctions des représentants du peuple en mission et abandonner à peu près complètement à ceux-ci le pouvoir qu'elles tenaient de la Constitution.

Le maire Baco, qui avait fait des remontrances contre les excès de la Convention, fut retenu prisonnier par cette Assemblée ; le député nantais Coustard de Massy fut guillotiné comme girondin, à Paris.

Carrier fait régner la Terreur. — Les partis extrêmes étaient les maîtres de la ville, lorsque, en octobre 1793, le conventionnel Carrier, obscur avocat auvergnat, arriva à Nantes. Les principaux administrateurs furent destitués et remplacés par des patriotes plus ardents. Un Tribunal révolutionnaire et un Comité de Salut public furent institués. Nantes connut alors l'odieux régime de la Terreur. Les prisons regorgèrent bientôt de suspects : nobles, prêtres, vendéens, girondins, modérés. La guillotine, toujours en permanence sur la place du Bouffay, ne suffisant pas à la besogne, on fusilla dans les carrières de Gigent, à Richebeurg. Les maladies contagieuses firent de terribles ravages dans les prisons, surtout dans celle de l'Entrepôt. Ce n'était pas encore assez, les noyades portèrent la Terreur à son comble.

Toute la ville tremblait devant le Proconsul. La Convention entendit enfin les cris d'horreur qui s'élevaient de notre cité. Carrier, rappelé en février, fut condamné à mort et guillotiné avec quelques-uns de ses lieutenants (décembre 1794).

La guerre de Vendée se termine. — De nombreux insurgés vendéens tenaient encore la campagne ; des colonnes républicaines pourchassaient impitoyablement ces brigands qui se livraient parfois aux plus horribles représailles. Le général Hoche, par de sages mesures de clémence, pacifia les esprits.

Les Vendéens, après avoir menacé Nantes encore une foie à l'automne de 1794, signèrent une paix de réconciliation en février 1795. Charette, leur chef, fit, à cette occasion, une entrée triomphale à Nantes ; mais bientôt il reprit les armes. Battu et fait prisonnier, il fut fusillé sur la place Viarmes le 29 mars 1796.

Le 20 octobre 1799, 3.000 Vendéens, pénétrant par surprise dans la ville de Nantes, en devinrent les maîtres pendant quelques heures ; ils furent bientôt rejetée après un vif combat dans les rues.

Nantes célèbre les fêtes révolutionnaires. — La vie n'était point alors aussi sombre à Nantes qu'on pourrait se l'imaginer. Le théâtre fut presque constamment ouvert jusqu'à sa destruction par un incendie en 1796. Des fêtes civiques furent fréquemment organisées. Les plus remarquables furent la fête de la Fédération (24 juin 1790) ; la fête donnée aux Anglais résidant à Nantes (23 août 1790) ; l'inauguration du pavillon de la Nation (10 avril 1791) ; la plantation d'un arbre de la Liberté (28 octobre 1792) ; la translation du Club Vincent la Montagne à l'église Sainte-Croix (18 novembre 1793). Le 21 mai 1794, il fut ordonné que « la ci-devant » cathédrale serait affectée à la célébration des fêtes publiques « après évacuation des chevaux appartenant à l'armée ». Toutes ces fêtes révolutionnaires se distinguèrent par les mêmes caractères : amour du grandiose factice, abus des symboles et des allégories, rappel des souvenirs de l'antiquité.

Nantes souffre pendant la Révolution. — Il n'y eut point de arise subite ; nul ne prévoyait alors la tournure tragique qu'allaient prendre les événements. En 1789 et 1790, on continua les travaux d'embellissement de la ville, notamment dans le quartier Graslin, où fut établi le Cours du Peuple (aujourd'hui Cours de la République) ; on éleva la colonne Louis XVI ; les quais furent réparés, une chaussée construite entre la Loire et le Château, la place de la Duchesse-Anne aplanie ; les marais de Barbin furent comblés en partie.

Mais ces travaux furent complètement arrêtés pendant la Terreur. La dictature de Carrier, le désarroi administratif qui en résulta, l'entassement des suspects dans les prisons, le manque de précautions hygiéniques provoquèrent des épidémies dont les progrès furent arrêtés par le dévouement d'un jeune chirurgien, Darbefeuille, qui désinfecta l'Entrepôt et fit recouvrir de chaux les cadavres restée sans sépulture à Gigant.

En 1793, Nantes souffrit de la disette, et plus encore en 1794. La ration de pain fut réduite à une demi-livre par homme ; cette restriction fut acceptée sans murmures.

La situation financière est déplorable. — Dès le début de la Révolution, de notables économies furent réalisées par la suppression de diverses indemnités payées aux fonctionnaires, royaux ; mais les travaux de voirie et d'embellissement de la ville, l'entretien des ateliers de charité, la constitution des approvisionnements nécessaires pour prévenir la disette, la mise en état de défense de la cité, l'équipement de la garde nationale amenèrent de graves embarras financiers.

Ceux-ci s'accrurent en 1793 quand la Ville dut consacrer plus de 2 millions de livres à secourir les miséreux, les veuves, les orphelins, les patriotes réfugiés. Dans sa ferveur révolutionnaire, Nantes fit cependant encore de nombreux dons en nature à l'armée ; elle adressa au Trésor public 41.469 marcs d'argent, refusant de profiter des lois qui diminuaient ses charges, s'en imposant au contraire volontairement de plus lourdes.

Le commerce de Nantes disparaît pendant la Révolution. — En 1789 et en 1790, le commerce nantais ne se ressentit point des événements qui agitaient le pays. Nos négociants envoyèrent des délégués à Paris pour défendre auprès de la Constituante leurs intérêts menacés.

Mais, pendant les années suivantes, le commerce nantais reçut un coup mortel. La guerre de Vendée et la Terreur ruinèrent presque complètement le trafic intérieur ; la grande foire lut supprimée. Les mêmes causes, auxquelles il faut ajouter la guerre maritime, la révolte de Saint-Domingue, la suppression de la traite des noirs, expliquent facilement la quasi-disparition de notre activité maritime de 1792 à 1800. Le mouvement de la navigation de notre port, qui, en entrées et sorties, était en 1790 de 2.558 navires avec 236,000 tonneaux, n'était plus en 1802 que de 240 navires avec 37.000 tonneaux ; seul le petit cabotage avait conservé une certaine prospérité.

Pendant les guerres avec l'Angleterre, il y eut à Nantes d'assez nombreux armements en course.

Notre industrie naissante avait moins souffert ; mais son importance était médiocre. Rien ne restait de la prospérité nantaise du milieu du XVIIIème, siècle ; tout était à refaire.

 

COMPLÉMENTS ET LECTURES.

I. — Sommation des Chefs royalists à la Ville de Nantes.

Aussi disposés à la paix que préparés à la guerre, nous tenons d'une main le fer vengeur et de l'autre le rameau d'olivier. Toujours animés du désir de ne point verser le sang de nos concitoyens, et jaloux d'épargner à cette ville le malheur d'être prise de vive force ; après en avoir délibéré en notre conseil, réuni au quartier général d'Angers, nous avons arrêté devons présenter à l'unanimité un projet de capitulation dont le refus peut creuser le tombeau de vos fortunes et dont l'acceptation, qui peut vous sauver, va, sans doute, assurer à la ville de Nantes un immense avantage et un honneur immortel.

En conséquence, nous vous invitons à délibérer et statuer :

Que le drapeau blanc sera, de suite, six heures après la réception de notre lettre, arboré sur les murs de la ville ;

Que la garnison mettra bas les armes et nous apportera ses drapeaux ;

Que toutes les caisses publiques, tant du département, du district, de la municipalité que des trésoriers et quartiers-maîtres, nous seront pareillement apportées ;

Que toutes les armes nous seront remises ;

Que toutes les munitions de guerre et de bouche nous seront fidèlement déclarées, et que tous les autres effets, de quelque genre que ce soit, appartenant à la république, nous seront indiqués et livrés pour que, par nous, il en soit pris possession au nom de S. M. Louis XVIII, roi de France et de Navarre, et au nom de Mgr le Régent de France ;

Qu'il nous sera remis pour otages les députés de la Convention nationale de présent en mission à Nantes, et autres dont nous conviendrons.

A ces conditions, la garnison sortira de la ville sans tambours, ni drapeaux, les officiers seulement avec leurs épées et les soldats avec leurs sacs, après avoir fait le serment de fidélité à la Religion et au Roi ; et la ville sera préservée de toute invasion, de tout dommage, et mise sous la sauvegarde et protection de l'armée catholique et royale. En cas de refus, au contraire, la ville de Nantes, lorsqu'elle tombera en notre pouvoir, sera livrée à une exécution militaire, et la garnison passée au fil de l'épée. (Angers. 20 juin 1793).

II. — La noyade du 24 frimaire.
Les prisonniers sont arrivés du Bouffay à pied, dans la nuit noire, liés par groupes de 18 ou 20. Ils attendent sur le quai, grelottant de froid et de peur, ignorant le sort qui leur est réservé. Pendant ce temps, Goullin et Grandmaison, les lieutenants de Carrier, sont à la recherche d'un bateau.

Enfin on a trouvé une gabare. Une échelle est appliquée sur le flanc pour faciliter le chargement. Comme on ne peut manœuvrer aisément ces grappes humaines, on est obligé de couper les cordes qui accouplent les victimes ; mais les poignets restent liés. Il est difficile de descendre une échelle sans l'aide des mains, aussi l'embarquement s'opère avec beaucoup trop de lenteur, au gré des noyeurs. Alors Grandmaison saisit les malheureux par le collet et les jette l'un sur l'autre dans le bateau. Ils s'y débattent en tas, hurlant d'effroi.

Des soldats sont appelés pour mettre l'ordre dans cette mêlée palpitante : ils frappent au hasard à grands coups de crosse, et profitent de l'occasion pour râfler tout ce qu'ils trouvent à tâtons sur ces corps grouillants.

Les soldats remontent, l'écoutille est fermée ; mais la cargaison rugissante, dans un suprême effort, opère sur les minces voliges une telle poussée que le plancher du pont en est soulevé. En hâte, on cloue des cercles sur les panneaux, et l'ordre est donné de démarrer.

La gabare descend le cours du fleuve. Sur le couvercle de ce grand cercueil d'où s'échappe un indicible concert de cris et de gémissements, les noyeurs sont assis, chantant à tue tête pour couvrir les plaintes de leurs victimes.

A la hauteur de l'île Cheviré, des charpentiers descendent dans des canots et se préparent à ouvrir dans les flancs du bateau des sabords par où l'eau entrera. Mais la plupart des prisonniers, « encaqués dans cette oubliette flottante », ont, au prix d'efforts surhumains, réussi à dénouer leurs liens. De toute la puissance de leurs poings, décuplée par l'horreur, ils impriment une si formiable poussée aux planches de l'écoutille, que celles-ci craquent et cèdent, laissant passer des mains et des bras qui s'agitent désespérément.

Les soldats sont pris de peur ; mais les charpentiers, à grands coups de hache, activent leur sinistre besogne, pendant que Grandmaison, se servant de son sabre comme d'une faux, tranche tous ces membres convulsés et plonge la lame dans les fentes du plancher, perçant les poitrines au hasard de sa rage sanguinaire.

Lentement la prison flottante s'enfonce dans le fleuve. Au moment où l'eau va clore à jamais la bouche de tant de malheureux, une clameur d'épouvante s'élève si formidable qu'on l'entend jusque dans la ville…. Mais les noyeurs dans leurs canots ont regagné la rive. (D'après LENOTRE).

III. — Haudaudine, le " Régulus nantais ".
Le 16 mai 1793, les citoyens Babin, Chaumier et Haudaudine, gardes nationaux de Nantes, se présentent devant le Comité central du département. Ils déclarent que, faisant partie du détachement des troupes de la République, ils sont tombés au pouvoir de l'ennemi avec un certain nombre de leurs camarades, à la 2ème attaque de Legé.

Le chef des rebelles leur a proposé de se rendre à Nantes pour porter des propositions d'échange de prisonniers. Ils ont accepté et sont partis, après avoir donné leur parole d'honneur de revenir si l'offre n'était point acceptée, bien prévenus que, s'ils manquaient à leur serment, les prisonniers au pouvoir des royalistes seraient impitoyablement sacrifiés.

Le Comité, après avoir blâmé le danger que pouvait présenter le rôle dont ils s'étaient chargés, dit qu'il n'y avait pas lieu de délibérer sur la proposition, et les laissa libres de faire ce qui leur conviendrait.

Les trois gardes nationaux déclarent alors qu'il ne leur reste plus qu'à tenir leur promesse. Mais la foule les entoure, leurs familles les pressent, les implorent. Emus par ces supplications, deux d'entre eux se décident à rester à Nantes. Un seul est inflexible : prières, menaces, sanglots, il résiste à tout, et il retourne pour se livrer à ses ennemis. Ceux-ci n'exécutèrent point leur terrible menace. Haudaudine et un grand nombre d'autres républicains furent sauvés, dit-on, par Bonchamp qui, au moment de mourir, demanda qu'on fit grâce aux prisonniers. Le « Régulus nantais » mourut paisiblement à Nantes le 7 août 1846.

IV. — Cruautés des Vendéens en 1793.
Instruite par l'exemple des Républicains, la chouannerie, qui commençait à s'organiser, comprit qu'elle devait employer la terreur pour arriver à son but. Faire peur, c'était s'opposer à l'approvisionnement des villes, et donner naissance dans les grands centres à des émeutes populaires ; c'était aussi discréditer un pouvoir trop faible pour protéger ceux de ses partisans qui habitaient les campagnes, c'était encore faciliter la désertion parmi les révolutionnaires et le recrutement dans le rang des chouans.

Dans un court espace de temps plus de 600 administrateurs et de 1.200 patriotes turent égorgés dans les campagnes du département de la Loire-Inférieure. Celui-ci était arraché de son lit la nuit, et on lui brûlait les pieds jusqu'à ce qu'il eût donné son dernier écu et tous les renseignements qui étaient à sa disposition. Un autre était assassiné à coups de baïonnette devant sa femme et ses enfants ; quelques-uns subissaient, avant de succomber, les mutilations les plus affreuses ; ailleurs un chef de chouans, jaloux de dépasser les égorgeurs de Nantes, hachait en morceaux, après l'avoir cruellement supplicié, un homme nul sous tous les rapports ; puis d'une main rouge de sang, il écrivait son nom sur la muraille. (Dr GUÉPIN).

 

A voir : Place Viarmes : Plaques commémoratives de la défense de Nantes et de la mort de Charette ; — Avenue des Martyrs : Monument rappelant les fusillades ; — Rue de Lamorcière : Ancien Entrepôt des Cafés ; — Rue d'Allonville : Maison de campagne de Carrier ; — 3. place de la Petite-Hollande : Hôtel de la Villestreux, habité par Carrier.

Bibliographie : L. Brunswicg : Ephémérides nantaises ; — Chassin : Récit authentique de la Défense de Nantes ; — Lallié : J.-B. Carrier ; les Prisons de Nantes pendant la Révolution ; le Diocèse de Nantes pendant la Révolution ; les Assemblées populaires à Nantes pendant la Révolution, etc. ; — Lenôtre : Les Noyades de Nantes ; — X. : La Loire vengée ; — Treille : Le Commerce de Nantes et la Révolution ; — Voir aussi les Histoires de la Révolution et celles des guerres de Vendée.

(F. Guilloux).

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