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NOTICE HISTORIQUE SUR LE CHATEAU DE NANTES (au XVIIIème siècle).

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Le maréchal de Montesquiou fut nommé, en 1717, gouverneur de Nantes.

La place de lieutenant du roi au Château de Nantes étant vacante par mort du marquis de Sévigné, Louis XV la donna à Colbert, comte de Croissy, qui fit son entrée à Nantes le 5 janvier 1718. La même année, M. de Mianne fut nommé lieutenant du Château.

Nantes fut témoin en 1720 d'une exécution terrible : quatre gentilshommes bretons tombèrent le 26 mars sur l'échafaud.

Tout le monde connaît cette fameuse conspiration de Cellamare, ourdie contre le régent de France par la duchesse du Maine.

Les Etats de Bretagne, fatigués des dépenses et du luxe de la Cour, avaient refusé en 1717 de voter le don gratuit, espèce d'impôt volontaire, que l'on avait voulu rendre obligatoire, au mépris des priviléges du pays. Les Etats furent dissous à cause de leur résistance, et l'exaspération était grande parmi les nobles Bretons, que la duchesse du Maine entraîna facilement dans son parti. Celle-ci obtint du prince de Cellamare, ambassadeur d'Espagne, qu'une flotte viendrait seconder le mouvement. Des vaisseaux éspagnols apparurent en effet sur la côte de Bretagne ; la noblesse courut aux armes, mais elle fut dispersée par le duc de Montesquiou.

Tandis qu'à Paris on épargnait les chefs de la révolte, on instituait à Nantes, le 30 octobre 1719, une chambre royale, chargée de punir les conjurés. Cette chambre, composée de treize membres, était présidée pare le marquis de Châteauneuf de Castaignières. Sept gentilshommes furent arrêtés : de Guer, marquis de Pontcalec ; de Montlouis ; du Couëdic ; de Talhouet-Lemoine ; Keranguen ; les chevalier de Coëvrogan, et de Coué de Salarun.

Le mardi de la semaine sainte, 26 mars 1720, les membres de la chambre royale se réunirent au Château, dès cinq heures du matin. Les chambres voisines de la salle du conseil furent évacuées et des ordres sévères furent donnés aux gardes. Les huissiers s'éloignèrent, et le procureur général, après avoir écrit et scellé ses conclusions, se retira dans l'appartement du marquis de Castaignières.

A neuf heures, le capitaine du Château consigna la garnison, à laquelle il fit distribuer de la poudre et des balles. Les portes furent fermées et six grosses pièces d'artillerie furent pointées sur la ville. La maréchaussée et le régiment de Saint-Simon étaient prêts à marcher au premier signal.

A trois heures, la peine de mort fut prononcée contre quatre des conjurés : MM. de Montlouis, de Pontcalec, de Talhouet et du Couëdic. L'exécution devait avoir lieu le même jour. La séance fut levée quatre heures et demie ; les commissaires étaient émus et quelques-uns versaient des larmes. Le rapporteur de la chambre, M. d'Eury, resta seul dans la salle avec le greffier et les gardes.

M. de la Griolais, grand prévôt de Nantes, alla alors aux Carmes demander quatre religieux pour préparer les condamnés à la mort. Les RR. PP. carmes Mathieu, Georges, Pierre et Nicolas, arrivèrent bientôt au Château, sous la conduite de M. de Galiné, exempt de la maréchaussée.

Un instant après, on fit venir les quatre gentilshommes l'un après l'autre dans la salle des délibérations.

De Pontcalec arriva le premier et entendit à genoux son arrêt de mort. A ces mots : tête tranchée, il s'écria : « Ah ! M. d'Eury, je vous ai tout dit ! Il faut donc que je périsse, moi, qui ne suis point l'auteur de tout cela ! ». Le bourreau s'approcha pour lier les mains de Pontcalec, mais celui-ci résista : des valets furent appelés et enchaînèrent le condamné, qui fut conduit dans la chapelle du Château, où les carmes étaient rendus.

De Montlouis, du Couëdic et de Talhouet furent amenés successivement et entendirent avec calme leur condamnation. Ils se livrèrent eux-mêmes au bourreau et se rendirent ensuite dans la chapelle.

M. de la Griolais étant venu prendre les dernières volontés, des condamnés, on parla d'un sursis. Le grand prévôt, alla demander l'avis du président de la Chambre, mais il revint bientôt annoncer que l'exécution aurait lieu dans une heure. Un silence profond se fit dans la chapelle et les condamnés se mirent en prières.

A huit heures, on donna le signal du départ et les gentilshommes sortirent de la chapelle. Mme de Montlouis, qui était dans les prisons du Château, aperçut alors son mari et s'écria : « Adieu, mon cher mari, je ne vous verrai plus ! » — « Adieu, ma femme, répondit de Montlouis, adieu ! ».

Le pont-levis du Château s'abaissa. Huit gardes à cheval, précédés d'un lieutenant, ouvraient la marche, puis s'avançaient les condamnés, accompagnés des Pères Carmes. Le prévôt des gardes de la Chambre, les huissiers et le grefier venaient ensuite ; la maréchaussée fermait la marche. Les invalides du Château formaient la haie.

Le cortège se rendit sur la place du Bouffay, où les condamnés furent exécutés.

Victor d'Estrées, maréchal de France, commandant en chef pour le roi en Bretagne, fit son entrée à Nantes, le 7 septembre 1720, et descendit au Château. M. Gérard Mellier, maire de Nantes, alla saluer le maréchal et lui dit, en lui présentant les officiers de la milice bourgeoise : « Monseigneur, je vous présente un peuple choisi, qui remplit les offices du régiment de milice bourgeoise de cette ville. Les pratiques de l'art militaire y sont observées plus exactement que jamais depuis que le juste discernement du roi nous en a donné le gouvernement. Une sage activité, une vigilance infatigable, me paraissent les accompagner dans leurs fonctions ; c'est un témoignage que je dois rendre à votre grandeur. Elle porte, en quelque façon, dans leur âme votre courage intrépide, et une noble disposition à l'art de la guerre, qualité particulière, attachée aux héros de votre illustre race ». Le maréchal adressa au maire quelques paroles obligeantes et le reconduisit jusqu'à la porte de ses appartements. Le maire et le corps de ville passèrent ensuite dans la chambre de Mme d'Estrées, qui était entourée de ses dames d'honneur, de la noblesse et de l'évêque de Saint-Brieuc. M. Gérard Meulier harangua la maréchale que le remercia fort gracieusement.

Le maréchal d'Estrées passa une grande revue au Château, le 22 décembre 1726.

Le sieur de Lafond était à cette époque ingénieur en chef au Château ; le sieur de Cheviré, major ; et M. du Clos, aide-major.

Le 23 décembre 1726 furent faits et délivrés au Château par le maréchal d'Estrées, à MM. Gérard Mellier, maire de Nantes, Julien Gendron et François Mellier fils, des brevets de capitaine-lieutenant, lieutenant et enseigne de la compagnie des chevaliers préposés au droit de tirer au papegault dans la ville de Nantes. MM. Meulier prêtèrent au Château, entre les mains du maréchal, serment « de se comporter fidèlement au fait et exercice de l'emploi de capitaine-lieutenant et d'enseigne du jeu du papegault de cette ville ». Le lieutenant Gendron prêta serment le 24 avril 1727 (Arrêts, ordonnances, règlements et délibérations pour la ville de Nantes, 1726, page 373).

Le 25 novembre 1728, le maréchal duc d'Estrées fit au Château un règlement pour la compagnie du jeu du papegault (Arrêts, ordonnances, règlements et délibérations pour la ville de Nantes, 1728, page 71).

Le 1er octobre, le roi nomma et établit « le sieur Julien Boutin, Me chirurgien, en la charge de chirurgien major du Château de Nantes en survivance du sieur Ruotte, qui en est pourvû, parce que ledit sieur Boutin exercera ladite charge conjointement avec ledit sieur Ruotte, pour en jouir après son décès, aux droits, fruits, profits, revenus et émolumens apartenans audit office » (Arrêts, ordonnances, règlements et délibérations pour la ville de Nantes, 1728, page 147).

« Le mardi 23 dudit mois de novembre 1728 monseigneur le maréchal duc d'Estrées donna au Château un grand bal masqué, précédé d'une illumination magnifique, composée d'abord, sur la porte de la barrière à l'entrée du pont du Château, d'un soleil illuminé de lampions avec tous ses raïons.

A la seconde porte, sur le pont, étoit un profil de lampions, où se lisoit distinctement ces mots : Vive le roy.

Toutes les embrasures des tours au dehors étaient garnies de lampions.

Au-dessus du dôme du perron dans l'intérieur de la cour du Château, il y avoit en face un grand écusson aux armes du roi, représentées en lampions, ce qui étoit accompagné entre chaque croisée de la même face, d'une grande fleur de lis en lampions, dont les croisées dans leur contour étoient illuminées.

Il fut aussi tiré un grand nombre de fusées sur le bastion de Lorraine du même Château. Monseigneur le maréchal fit servir un repas somptueux, et l'on ne put rien ajouter au goût magnifique qu'on reconnut dans tout le rapport de cette brillante cérémonie » (Arrêts, ordonnances, règlements et délibérations pour la ville de Nantes, 1728, pages 142, 143).

Le duc d'Orléans fui nommé, en 1737, gouverneur de Bretagne, pour Louis-Jean-Marie de Bourbon, duc de Penthièvre, qui était trop jeune pour remplir cette fonction.

L'année suivante (1738), le roi donna le gouvernement de la ville et du Château de Nantes à Louis Toussaint, duc de Brancas, grand d'Espagne et maréchal de France ; et il désigna le marquis de la Fare Laugère, pour remplacer le maréchal d'Estrées.

En 1745, le comte de Menou, brigadier des armées de Sa Majesté, était lieutenant du roi au Château de Nantes ; M. de Livernière-Rouxeau, major, chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis, et M. Reinal, aide-major. La garnison se composait de deux compagnies d'invalides, de soixante hommes chacune.

L'armement de la forteresse, tel qu'on le trouve dans les états de 1754, consistait : en dix canons de fonte, dont deux du calibre de seize; douze canons de fer hors de service ; dix mortiers de fonte, dont deux de douze pouces ; deux mille cinq cent quatre-vingt seize bombes ; huit mille sept cent quarante-trois boulets de différents calibres; trois cent soixante-cinq, fusils, dont cent quatre de dragons ; quatre cent quatre-vingt-huit mousquetons ; deux cents canons de mousquets non montés ; neuf cent cinquante-six pistolets ; un grand nombre de hallebardes el de pertuisanes.

L'état-major comprenait un gouverneur, un lieutenant du roi, un major, un aide-major, un aumônier, un chirurgien, un lieutenant, un commissaire ordinaire, un garde-magasin d'artillerie et un ingénieur. La garnison se composait de deux compagnies d'invalides et d'une compagnie de bas officiers.

En 1759, la ville sollicita l'autorisation de continuer les cales du Port-Maillard, au pied des murailles du Château. Mais le Gouvernement n'accéda pas à la demande de la municipalité et, le 25 janvier 1759, M. Tremellin adressa la lettre suivante à M. Gelée de Prémion, maire de Nantes.

« J'ai consulté M. Fregier (le directeur des fortifications), sur la proposition que vous avez faite de construire un quai le long du Château de Nantes, comme celui qui est au pied du Château Trompette à Bordeaux. Ce directeur pense que le modèle cité rie doit pas être suivi sans quelques correctifs ; qu'il faudra laisser règne sans interruption un fossé de cinq à six toises de large, revêtu en contrescarpe, depuis celui de droite du bastion Mercoeur, jusqu'à celui de gauche de la tour du Fer-à-Cheval, avec deux ponts aux deux bouts, pour le traverser ; et qu'enfin le parement du quai doit être continué sur la rivière, au devant de la tour du Milieu, en forme de bastions avec de petits flancs et un parapet à canons qui découvre à droite et à gauche le pied du rivage. Je vous préviens, que d'après le compte qui a été rendu au roi de cette observation, l'intention de Sa Majesté est que vous vous conformiez dans l'exécution de ce projet aux alignements qui vous seront prescrits par M. Fregier, ou par les ingénieurs qui sont à ses ordres ».

La ville n'accepta pas ces conditions onéreuses et ajourna les travaux du quai Maillard.

Le chevalier Henri de Kermartin était en 1764 lieutenant des invalides du Château.

Au mois d'octobre 1773, le duc et la duchesse de Fitz-James arrivèrent à Nantes et logèrent au Château où ils trouvèrent « cinquante bouteilles de bon vin du meilleur que l’on eût pu trouver ».

Le comte d'Artois, frère de Louis XVI, fit son entrée à Nantes le 23 mai 1777 et descendit au Château. Après avoir entendu les félicitations des divers corps et notamment celles des chapitres de Saint-Pierre et de la collégiale, le prince se rendit à la comédie, puis il revint souper au Château, dans l'appartement du lieutenant du roi. Le comte d'Artois partit de Nantes le 25 mai à neuf heures du matin, au bruit de l’artillerie et sous l'escorte de deux régiments de cavalerie bourgeoise.

M. Bernard Jean de l'Isle de Goyon, capitaine de grenadiers dans le régiment d'Enghien, fut nommé, en 1779, major au Château de Nantes, à la place du marquis de Mussy.

La terrasse, construite par le duc de Mercœur, et que reliait la tour du Fer-à-Cheval à la tour de la Rivière, fut détruite en 1784, par ordre du maréchal de Ségur, afin de transformer le Château en arsenal. C'est sur l'emplacement de cette terrasse que fut construit le grand bâtiment qui se trouve au fond de la cour et qui sert à emmagasiner les voitures et les affûts.

Nantes resentit, en 1789 le contre-coup des graves événements qui se passaient dans la capitale et la nouvelle de la prise de la Bastille ne fit qu'augmenter encore l'agitation qui régnait depuis quelque temps dans la ville.

Le 18 juillet, au soir, M. Andrieux, officier de la milice bourgeoise, à la tête de deux cents hommes, se présenta sous les murs du Château et somma, au nom du peuple, M. de Goyon, major de la place, de lui livrer la forteresse. M. de Goyon comprit la difficulté de sa position et le danger qui résulterait de sa résistance. Afin d'éviter l'effusion du sang et le sort de l'infortuné gouverneur de la Bastille, il remit le Château aux mains du peuple, qui lui donna le commandement de la garde bourgeoise.

Quelques jours après, le bruit se répandit qu'il y avait au Château un dépôt considérable de poudre et d'armes. Des commissaires, désignés par la ville, se rendirent au Château, où ils ne trouvèrent que sept à huit cents livres de poudre, des sabres et quelques vieux fusils. La foule, qui accompagnait les commissaires, ayant remarqué qu'une porte n'avait pas été ouverte, se préparait à l'enfoncer, en criant que là était le dépôt d'armes. On ouvrit cette porte et on y trouva les archives.

Le 3 août, des soldats de la milice bourgeoise furent envoyés au château du Pont-Hus, près de Nort, où, disait-on, se tenaient des assemblées suspectes et contre-révolutionnaires. Ils y trouvèrent le marquis de Trémargat qu’ils conduisirent au Château de Nantes, où il obtint la permission de recevoir les visites de son médecin et de se promener dans la cour.

Au mois de mars 1790, dix canons appartenant à la ville, qui étaient dans la cour de la maison commune, furent transportés au Château, où ils sont toujours restés depuis cette époque.

Pendant l'année 1790, l'artillerie et les vétérans de la milice bourgeoise montèrent, pendant le jour, la garde à la forteresse.

Le 6 avril 1790, les invalides du Château vinrent déposer à la mairie le don patriotique de deux jours de solde, et le capitaine Challoy prononça les paroles suivantes :

« Messieurs, c'est entre les mains de ceux qui ont donné de si grands exemples de patriotisme, que nous venons déposer les faibles marques de notre zèle ; veuillez bien recevoir, pour don patriotique, deux jours de la paye des officiers, bas-officiers et invalides du Château de Nantes. Après avoir employé notre jeunesse contre les ennemis de l'Etat, dans les armées du roi, nous consacrons bien volontiers ce qui peut nous rester de jours, au maintien de la tranquilité publique et au succès d'une révolution qui fait sortir de l'avilissement toutes les classes des citoyens.

En envoyant notre faible don à l'assemblée nationale, nous vous prions de vouloir bien faire demander par vos députés, que dans les nouvelles ordonnances militaires, on ne donne plus la dénomination d'officiers de fortune aux officiers parvenus, sans naissance, et après les plus longs services, et s'il ne conviendrait pas mieux de les distinguer en général par le nom d'officiers de mérite. Ce sera un faible dédommagement de la misère et des persécutions qu'ils éprouvent quelquefois dans leurs vieux jours, de la part de ceux qui n'ont d'autres droits que la naissance et la fortune ».

Le maire répondit : « Qu'il est beau, Messieurs, qu'il est digne d'admiration, l'exemple généreux et héroïque, qui donne à la nation des soldats citoyens, qui, après avoir versé leur sang pour la patrie, lui offrent, dans son besoin, jusqu'à leur subsistance. Nous enverrons, Messieurs, à nos représentants, votre généreuse contribution et nous les engagerons à faire supprimer à la suite des noms des officiers et soldats citoyens l'épithète d'officiers de fortune, pour y substituer celle d'officiers de mérite ».

Pendant la séance qui eut lieu au Château le 21 avril, le peuple força et brisa la porte des archives.

En 1790, trois fenêtres carrées furent percées dans la tour du Pied-de-Biche, à gauche de la porte principale. L'architecture de ces fenêtres ne mérite pas d'être mentionnée.

Le 17 mars 1791, M. Giffart-Champagné, commandant du Château, demanda à la mairie de lui confier les pièces d'artillerie qui appartenaient à la ville. La municipalité lui accorda ce qu'il désirait, à condition qu'il laisserait les artilleurs de la milice bourgeoise s'exercer au maniement du canon avec les soldats placés sous ses ordres.

La ville de Nantes avait déjà plusieurs fois demandé la démolition de la forteresse ; elle en avait même fait l'acquisition. Mais cet acte avait été anéanti, parce que l'Etat avait classé le Château de Nantes comme place forte de second ordre. Le 23 septembre, la ville demanda à l'assemblée nationale « que les douves fussent comblées et le Château rasé, afin de pouvoir continuer la belle promenade du cours Saint-Pierre jusqu'à la rivière et augmenter la largeur des rues voisines : que, dans le cas où le gouvernement persisterait à garder le Château attendu que ne pouvant servir à la défense de la ville, il ne pourrait qu'être contre elle, qu'il soit au moins démantelé ».

En 1792, le ministre de la guerre ordonna à la ville de Nantes, de rendre au capitaine d'artillerie la tour du Fer-à-Cheval, occupée par les armes de la milice bourgeoise. A ce sujet, la municipalité adressa le 28 mars à l'assemblée nationale la demande suivante :

« Nous devons ajouter qu'indépendamment de la nécessité de la tour du Fer-à-Cheval pour le dépôt d'armes de la municipalité, les citoyens ne la verraient passer en d'autres mains qu'avec la plus grande inquiétude, parce qu'elle domine tout le Cours où se font les revues, et que sa plate-forme est la plus propre à y établir des batteries qui pourraient attaquer la ville ; inquiétude qui subsistera dans l'esprit des habitants, tant que le Château ne sera pas démantelé : pour la dissiper, nous avons pris l'arrêté dont nous vous envoyons copie. Nous demandons à l'assemblée nationale le démantelement de cette forteresse et le comblement de ses fossés en y réservant le parc d'artillerie ».

L'arrêté, rédigé par MM. Trioche et Douillard, était ainsi conçu : « Législateurs, le Château de Nantes domine la ville ; il peut facilement la détruire et jamais la défendre. Les inquiétudes qu'il a données et qu'il ne cesse de donner à tous les citoyens, ne sont que trop fondées. Ce fut pour les faire cesser que la municipalité fit la soumission pour faire l'acquisition de ce fort, qui pouvait devenir si funeste : par un décret, l'adjudication lui en fut faite ; mais ce décret fut oublié, et par un autre, le Château de Nantes fut considéré comme poste militaire de second ordre. Alors les citoyens s'assemblèrent dans leurs sections et demandèrent qu'au moins ce fort fût démantelé et que les fossés fussent comblés. Leur pétition fut renvoyée à l'assemblée nationale et est demeurée jusqu'à présent sans réponse ».

La municipalité ajoute que citoyen Bonvoust, commandant du Château, réclame l'une après l'autre toutes les parties de la forteresse pour le service de l'artillerie : elle expose ses craintes à ce sujet et elle prie l'assemblée de vouloir bien répondre à la demande des sections.

Le 30 avril, le conseil général croyant que l'assemblée acceptait les propositions que la commune avait faites pour devenir propriétaire du Château, moyennant 470.000#, adressa encore une nouvelle demande aux législateurs.

Le 10 août suivant, la municipalité ayant appris que l'assemblée nationale n'avait pas eu sous les yeux les pétitions qu'elle lui avait envoyées, rédigea une nouvelle adresse, où elle conclut au démantelement du Château ou à l'aliénation aux prix et conditions offerts par la commune. Il est dit dans cette pièce : « Que le Château occupe avec ses fossés un espace de 251.000 pieds de superficie ; que la partie employée pour le service de l'arsenal consiste dans un seul et grand hangar. D'énormes tours, deux bastions, quelques autres ouvrages, de vastes galetas, des logements incommodes et malsains, une chapelle inutile composent le Château, au centre duquel la seule partie qui serve est comme un pépin au milieu d'un gros fruit ».

Cette pétition n'eut pas plus de succès que les précédentes, et le Château de Nantes resta aux mains du gouvernement.

En 1792, il y avait un grand nombre de prêtres prisonniers au Château. La municipalité se montra fort bienveillante envers eux. Après leur avoir donné connaissance du décret du 22 mai, qui les condamnait à la déportation, elle leur conseilla de descendre la Loire pour quitter le pays, afin d'échapper à la fureur de la populace. Mais une foule menaçante entourait tous les jours la forteresse et ne cessait de proférer des cris de : Mort aux prêtres. La milice nationale sut comprendre et remplir son devoir : elle garda une noble attitude et lutta avec énergie contre le peuple ameuté qui demandait la mort des prisonniers.

Au mois d'août, cent soixante-huit prêtres de la Sarthe furent envoyés au Château de Nantes. A peine y étaient-ils entrés, que les clameurs de la populace retentirent avec plus de fureur. Enfin, le 10 septembre, les prêtres s'embarquèrent pour l'Espagne, sous la protection de la garde nationale, qui les escorta jusqu'à Paimbœuf, où ils furent confiés à la milice de cette ville.

Le 10 décembre, la troupe furibonde se porta au Château, et demanda la destruction des papiers que renfermaient les archives de la forteresse. Elle exigea que les parchemins fussent livrés au ministre de la guerre pour le service de l'artillerie et que tous les titres généalogiques fussent anéantis. Le peuple mit le feu aux archives et un grand nombre de pièces disparurent dans les flammes.

Le 13 octobre 1793, Jacques-Thomas Drot, dit Gourville, financier du théâtre de Nantes, capitaine des grenadiers du quartier Graslin, apprit par Goullin, membre du comité révolutionnaire, que quatre cents prêtres étaient détenus au Château. Les prisonniers devaient être embarqués pour l'Espagne : mais Goullin veut s'opposer à leur départ, et les déporter secrètement dans la Loire.

Gourville assemble à la hâte ses grenadiers, et s'empare, le soir même, du poste du Château ; puis, sans annoncer aux prisonniers le danger qui les attend, il prend toutes les mesures nécessaires pour faire échouer le complot que Goullin lui a révélé. A minuit, la foule encombre les abords de la forteresse, et fait entendre son mot d'ordre : « Au Château ! au Château ! » « Au nom du peuple français, s'écrie Goullin, gardes nationaux, baissez le pont-levis ; la nation a des vengeances à exercer, et ses victimes sont là ». — « C'est possible, répond Gourville, mais j'ai ordre de ne livrer les portes du Château qu'à l'autorité municipale. Voyons ton autorisation ? » — « Gourville, le peuple ne joue pas la comédie, et ta tête répondra de ta désobéissance à ses voeux ». — « Ma tête appartient à la nation, elle peut en disposer ; mais ici je suis soldat, j'ai une consigne, je dois y obéir ».

La populace insulte Gourville et lui jette des pierres. Les officiers municipaux refusent de donner à Goullin l'ordre qu'il demande. La foule se dissipe. Alors Gourville s'approche des prêtres, et leur dit, en leur remettant une forte somme d'argent « Vous avez, Messieurs, entendu les cris de mort qu'un peuple égaré proférait contre vous. L'orage est passé ; vous n'avez plus rien à craindre. Dans une heure, vous serez en Loire ; des bâtiments vous attendent à la grue du Château. Avec mes grenadiers, je vous accompagnerai jusqu'au lieu de l'embarquement ». — « Mais, Monsieur, dit un des prisonniers, à qui sommes-nous redevables d'un si grand service ? Dites-nous votre nom, afin que, dans l'exil, nous puissions prier pour vous ». — « Je suis, Messieurs, le vieux Gourville, financier du théâtre de Nantes ».

Le 27 vendémiaire (1799) au soir, les administrations civiles et militaires se réunirent au Château, afin de prendre les mesures que nécessitaient les circonstances. Il fut décidé :

1° Que cinquante hommes de la garde nationale seraient de garde au Château ; que les portes de la forteresse seraient fermées à neuf heures du soir ; que les sentinelles du dehors seraient fournies par les postes de l'arsenal et relevées par la réserve du temple décadaire ; que les cartes pour entrer au Château seraient signées par le commandant d'artillerie ;

2° Qu'une pièce de huit serait placée sur un des bastions du côté de la rivière, et tirerait en cas d'alarme trois coups de canon, signal de nuit, pour battre la générale.

Le 5 prairial an VIII (25 mai 1800), à midi cinq minutes, un bruit épouvantable se fait entendre ; la ville est couverte d'un nuage de poussière et d'une pluie de gravois : la tour des Espagnols vient de sauter.... A la pensée que l'incendie peut gagner le grand magasin à poudre, la frayeur redouble, et plus de vingt mille habitants fuient vers la campagne. Avertis par le bruit de l'explosion, la troupe de ligne, la garde nationale et la gendarmerie accourent au Château, où le préfet, le général Gilibert et les autres fonctionnaires de la ville ne tardent pas à arriver. L'ordre s'établit peu à peu, et les travaux s'organisent sous la direction de M. Robineau, ingénieur en chef.

La tour des Espagnols, les courtines qui la reliaient au bastion Saint-Pierre et à la tour du Pied-de-Biche, une partie du palais du gouverneur et la chapelle du Château furent entièrement détruites. La tour du Pied-de-Biche fut lézardée et ses planchers furent enfoncés. Des trois pièces d'artillerie qui étaient sur la tour des Espagnols, l'une fut lancée sur la contrescarpe du fossé, l'autre au bas du cours Saint-Pierre, et la troisième fut jetée avec son affût et ses roues sur l'église des Carmélites. La porte et le pont du Château furent ravagés ; les caissons et les canons qui se trouvaient dans la grande cour furent brisés et rompus. Les douves, les rues environnantes et le cours Saint-Pierre furent couverts de débris ; cent une maisons furent atteintes et quelques-unes démolies.

Quarante-sept personnes moururent sur le coup, treize des suites de leurs blessures et cent huit furent blessées en ville. Au Château, il y eut aussi un grand nombre de victimes. Sept prisonniers de guerre autrichiens, enfermés dans la tour du Pied-de-Biche, périrent sous l'écroulement d'un plancher et six furent blessés. M Poignant, dit Duchesne, capitaine des ouvriers, fut tué ; sa femme et trois de ses enfants furent blessés. Fournier, contre-maître des manoeuvres, sa fille, Thomas et Aubié, grenadiers du bataillon de la Concorde, Gérard, tambour du bataillon des ponts, les frères Rivière, canonniers de ligne, et douze autres personnes périrent également au Château. Les grenadiers Leglas, Levesque, Lemerlé, Monnier, Jeannot, Feran, Mercier, Caussirand et Jacotot furent blessés.

« On n'a jamais pu connaître d'une manière certaine la cause de cette explosion, dit M. le colonel Allard. La version la plus probable et la plus accréditée l'attribue à la chute du plancher du premier étage de la tour, dont on avait fait alors un dépôt d'artifices, et sur lequel on avait placé les munitions provenant du déchargement des caissons des armées de la Vendée, après la pacification. Ces munitions, qui consistaient principalement en cartouches à boulets, enfoncèrent par leur poids le plancher, pourri peut-être en partie par l'humidité, et que l'obscurité du rez-de-chaussée avait dû, depuis longtemps, empêcher de visiter avec soin. Le choc qu'éprouvèrent dans leur chute les boulets, les matériaux et la poudre, dont on évalue la quantité à 8 à 10.000 livres, déterminèrent l'explosion ».

(Charles Bougouin).

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