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Le P. Joseph du Tremblay et la réforme de Fontevraut

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La réforme de Fontevraut et la fondation des Bénédictines du Calvaire furent, dans le monde monastique, l'un des grands événements du XVIIème siècle. Fontrevraut était devenue abbaye royale : quinze de ses abbesses furent prises sur les marches du trône. L'histoire ne leur reproche aucun désordre, quoique plusieurs d'entre elles aient aimé le voyage de Versailles et de Saint-Germain-en-Laye ; mais néanmoins, et sans le désirer peut-être, le souvenir de leur naissance et le goût de leur rang les accompagnaient sous les cloîtres gothiques de la célèbre abbaye. De là certains abus que le Père Joseph du Tremblay, Capucin, voulut réformer ; et ce sera de cette réforme que sortira l'Ordre austère des Bénédictines du Calvaire. Il donnera à sa Congrégation un tel élan de vie surnaturelle que ni les révolutions, ni la persécution, ni la destruction des monastères ne pourront y faire pénétrer le relâchement ; et aujourd'hui, comme aux jours d'autrefois, les Calvairiennes sont encore la beauté et le paradis de la vie religieuse en France.

Ce fut au monastère de Hautes-Bruyères, dépendant de Fontevraut, à peu de distance du château du Tremblay, que le Père Joseph entra pour la première fois en relation avec les Fontevristes. Un sermon qu'il y fit sur le vœu de pauvreté jeta le trouble dans ces âmes habituées à une vie luxueuse et commode, et elles demandèrent une réforme à l'Abbesse Générale de leur Ordre, Madame Eléonore de Bourbon. Après un entretien avec cette dernière et sa coadjutrice Madame Antoinette d'Orléans, veuve de Charles de Gondi et professe des Feuillantines de Toulouse, le Père Joseph résolut de fonder le Calvaire.

Il y trouvera des obstacles presqu'insurmontables. Mais, quand il s'agissait de la gloire de Dieu, la ténacité de volonté du Père Joseph était invincible. Ici, il aura contre lui la coopératrice de son œuvre, Madame d'Orléans qui, par un excès d'humilité, voulait rentrer dans le calme du couvent des Feuillantines, et les Feuillants eux-mêmes à qui on enlevait leur plus illustre sujet. La nature, à son tour, sembla vouloir contrarier l'œuvre, car plusieurs des premières religieuses moururent, emportées par un mal violent, tant à l'Encloistre qu'au monastère de Poitiers. Ce fut alors que le Père Joseph écrivit à ses filles la lettre suivante, pour les consoler :

« MES BONNES Sœurs, [Note : Les Annales Calvairiennes, par le P. Siméon Mallevaud, récollet, Angers, 1671, ont publié cette belle, lettre, p. 29 et suivantes]
Je ne puis que je ne compatisse du profond de mon âme, et avec un continuel souvenir douloureux, à l'affliction que vôtre charité reçoit, à moo avis, par la privation de nos bonnes Sœurs, vos compagnes, qui vous ans laissées autant remplies d'ennuys que d'admiration de leurs ferveurs, et désirs de jouir de Dieu. Les travaux de vos malades vous rengregent vôtre déplaisir, je ne diray pas que l'appréhension vous travaille de tomber en mesme accident ; car combien que cela puisse toucher vos sens, j'estime que c'est plutost l'occasion de ce pénible et amoureux martyre qui se présente è vos yeux, laquelle réjouit vos âmes par l'espoir d'y participer. De vray si je me remettois en l'esprit la suite des incomparables jugements de Dieu en la conduite de votre bonheur éternel, j'aurois plus de besoin de consolation que de vous consoler, n'y ayant aucune de vous que je n'estime me devoir estre plus chère, en nôtre Seigneur, que si la nature vous avait rendues toutes mes propres sœurs, et m'asseure que parmy vos peines vous avez connaissance des ressentiments de la mienne, Mais entrons ensemble dans le secret de Dieu, et là nos douleurs se changeront en allégresse, et nos craintes en asseurance.

Je ne sçay par quel instinct, peu avant mon départ, je vous representay l'histoire de cette courageuse fille du Prince Jephté, laquelle venant toute joyeuse au devant de son père victorieux, elle apprit de luy que pour obtenir la victoire, il l'avait vouée à la mort, en sacrifice cruel et estrange à la vérité ; mais pourtant généreux de la part du père et de la fille, qui se monstra très contente de donner sa vie, puisqu'elle avait servy à faire triompher son père. Tour son regret estoit qu'elle craignoit que son père demeurant sans lignée recevroit dommage par sa mort. Nôtre Seigneur a voulu accomplir parmy vous cet exemple de vertu héroïque, qui a rendu la fille de Jephté plus illustre et célèbre dans l'Ecriture, qu'aucune autre devant ou après, hormis la glorieuse Mère de vôtre Espoux, le martyre de laquelle an pied de la Croix (qui continua jusques à l'heure de son heureux décès) fut figuré par le volontaire sacrifice de cette jeune princesse.

Vous êtes venues au lieu où vous estes comme au devant de Jésus-Christ vôtre Père, et ensemble votre Espoux, voua avez crû que vous estiez trop heureuses de vous acheminer à la jouissance des plus grands moyens de perfection, à laquelle le Sauveur vous a conduites par sa main puissante, dans la victoire de plusieurs difficultez : Et voiez que dès l'abord la mort s'est présentée, et qu'il vous a fallu mourir plusieurs fois par la veue et la douleur du trépas de nos chères Sœurs. Ainsi le Ciel vous fait connoitre quel trophée vos constances luy acquèrent, et laissant aux anges à se réjouir des belles et éternelles palmes qu'ils admirent en la main de vos compagnes, j'estends mes yeux, et je vous prie d'ouvrir aussi les vôtres sur l'occasion que Dieu vous offre d'espérer qu'il veut en vous grandement se glorifier. Dans cette ardente fournaise de tourmens sensibles il affine l'or de vos couronnes, et comme pierres angulaires, sur lesquelles il veut édifier un Royal bâtiment, il vous taille et polit à coups de marteau, et comme les pierres du Temple ne rendirent point de bruit sous le fer des ouvriers, ainsi vos cœurs frappez de tant de coups, demeurent tranquilles et stables dans la volonté de laisser vaincre Dieu en vous, et parachever son ouvrage. Plusieurs Martyrs ont enduré beaucoup moins que celles qui sont allées à Dieu, et que celles qui maintenant endurent. Et comme ce n'est pas tant le sentiment de la peine que la dignité de la cause qui annoblit le martyre, vous ne manqués du cette part â rendre vos souffrances très-glorieuses, puisqu'elles sont fondées dans le véritable dessein d'affermir et d'estendre en vous et en autruy, le plus qu'il vous sera possible, le Royaume de Jésus-Christ, par la pratique de sa vie parfaite, ou règne autant son divin Esprit en plénitudes de délices et de liberté, que la chair et nature sont captives par les armes d'une constante volonté. Bientôt je me promets que vous verrez plus clairement les effets de Dieu sur vous en abondance de misericorde, et en témoignage de sa puissance et bonté vers les ames qui espèrent en sa fidélité. Persévérez en allégresse intérieure par dessus les sens abattus, prénez avec résignation les moyens de soulagements corporels qui vous seront donnés pour vous réserver, si Dieu veut, à plus grand martyre, et à servir tant qu'il voudra aux desseins de son honneur. Tenez-vous prêtes pour vous présenter à vôtre Espoux quand il vous appellera, et considérez quelle immense gloire possèdent maintenant celles qui vous ont devancées, laquelle ne vous laissez pas ravir par faute de courage et de persévérance, car il faut mourir tost ou tard, il faut pâtir en ce monde ou en l'autre. Mais il y a une incroyable différence entre les ames qui tiennent leurs lampes ardentes comme les sages Vierges, ou celles qui follement se sont fermer au visage la porte du Paradis, pour avoir préféré les ténèbres à la lumière, la nature à la grâce, et la vie lasche et éteinte au vigoureux et animé désir de perfection.

Beaucoup de bonnes ames prient pour vous, je vous supplie ne m'oublier en vos prières, et croyez que je vous ay présentes, sans aucun oubly, devant nôtre Seigneur, lequel, en bref, me fera la grace de vous aller servir selon mon indignité et très-grand désir. Continuez à vous rendre zelantes de la gloire de Dieu, et faire prières ferventes pour le bien de son Eglise, comme par ci-devant je vous ay avisées.

FR. JOSEPH. Paris, ce 4 février 1618 ».

L'opposition viendra surtout de l'abbesse de Fontevraut, Madame Louise de Lavedan de Bourbon. Elle venait de succéder à sa tante Eléonore, morte au mois de mars 1611, Grande Prieure de l'abbaye au moment de son élection, elle voyait avec regret les meilleures de ses religieuses l'abandonner pour se retirer au prieuré de l'Encloistre, avec Madame d'Orléans. Louis XIII prit fait et cause dans cette affaire pour l'abbesse de Fontevraut et il écrivit à Marquemont, archevêque de Lyon, la lettre suivante que nous avons trouvée au ministère dus affaires étrangères (Archives du Ministère des Aff. Etr. - France, n° I, 202 ou 462).

« Monsieur l'Archevesque de Lyon, il y a quelque temps que le Pape accorda un Bref en faveur de ma cousine Sœur Anthoinette d'Orléans Prieure de l'Encloistre pour pouvoir transférer les Religieuses dudict Prieuré de l'Encloistre en un monastère des Fueillantines qu'elle avoit commencé de faire bastir en la ville de Poictiers en vertu duquel elle auroit enlevé les dittes Religieuses dudit couvent de l'Encloistre sans la permission de ma tante l'Abbesse de Fontevrault et icelles conduictes au dit monastère nouvellement basty où ma dicte cousine d'Orléans et plusieurs des dittes Religieuses seroient décédées incontinent après, Au moyen de quay celles qui sont restées se trouvant sans conduitte ont envoyé à ma dicte Tante de retourner audit Prieuré de l'Encloistre, mais avec condition d'avoir un visiteur particulier et de pouvoir eslire une Vicaire ou Vice gerente pour estre leur Supérieure : Ce que ma dire Tante ne leur a voulu accorder pour estre trop préiudiciable à son Ordre, dont laditte Abbaye de Fontevrault est le chef et l'une des plus célèbres de mon Royaume, dans laquelle les Religieuses vivent avec toute piété et discipline régulière : Et partant les dittes Religieuses ne doibvent faire difficulté de se soubzmettre à ma dite Tante et aux Visiteurs ordinaires dudit Ordre, ayant toutes fait profession de la Reigle de S. Benoist dudit Ordre de Fontevrault, duquel despendent tous les Prieurez. Car autrement ce seroit se soubstraire de l'obéissance qu'elles doibvent à leurs Supérieurs, diviser l'Ordre, et causer le schisme et donner exemple d’inobédience à tous les autres prieurez, despendant de la ditte Abbaye. C'est ce qui empesche ma ditte Tante de consentir à ces conditions, ne voulant empescher qu'elles vivent entre elles avec toute la plus grande perfection de la Religion qu'elles pourront choisir, pourveu qu'elle y conserve sa supériorité, et bien qu’elle eust fait révoquer le dit droit comme abusif, y ayant une obseption manifeste, d'autant que maditte cousine d’Orléans n'estait point abbesse, mais simple prieure triennale dudit Prieuré de l'Encloistre, et que si maditte Tante en eust fait sa plainte en mon Parlement, il y auroit pourveu. Néantmoins elle a mieux aimé s'adresser à Sa Sainteté pour la prier de vouloir révoquer ledit Bref et ne permettre qu'il soit rien fait au préjudice de ladite abbaye de Fontevrault, que d'avoir recours aux moïens et remèdes extraordinaires. Et m'ayant fait supplier de l'aider en une si iuste poursuite de l'entremise de mon nom et autorité, l'ay bien voulu vous en escrire ceste lettre afin que vous en fassiez instance à saditte Sainteté et luy représenter les raisons susdittes avec celles qui vous seront déduittes plus amplement par les mémoires qui vous en seront envoïer par maditte Tante, Laquelle me touchant de proximité de sang comme elle fait et ma cousine sœur Marie de Bourbon sœur de mon cousin le comte de Soissons que i'ay destinée pour coadiutrice et succéder en laditte abbaye, Je seray bien ayse qu'elles reçoibvent l'effect de ma recommandation qu'elles s'en sont promis. Et que vous vous employez pour faire réussir cet affaire à leur contentement et ainsy qu'il est iuste et raisonnable, comme pour chose que i'auray bien agréable. Et je prie Dieu, Monsieur l'Archevesque de Lyon, qu'il vous ait en sa sainte et digne garde,

Escript à S.-Germain-en-Laye, le 30e iour de may 1618. (Inédit.) Louis ».

La lettre royale n'eut point d'effet à Rome : le Pape encourageait au contraire la nouvelle réforme, et l'Abbesse de Fontevraut voyant ses réclames inutiles se désista, après bien des difficultés, de ses prétentions sur la Congrégation naissante. Le Père Joseph en prit occasion pour adresser la lettre suivante à ses filles de Poitiers :

« Au Calvaire de Poitiers [Note : Recueil de lettres du père Joseph, imprimerie Gabriel Martin, rue Saint-Jacques, au Soleil-d’Or, 1677],
MES BONNES MÈRES ET SOEURS,
Il a plu à Madame l'Abbesse de Fontevrault vous donner toute permission de vivre selon la plus parfaite manière de vie que vous désirez d'embrasser : elle se désiste de toutes oppositions et vous donne sa bénédiction, vous délaissant entièrement entre les mains du Saint-Père, selon le bref qu'il vous a concédé. Elle a envoyé cette sienne déclaration, en bonne forme, sur parchemin, à Monsieur le Cardinal de Retz. Vous êtes bien obligées à prier Dieu pour elle, et je tiens cela comme un miracle du ciel : vos âmes doivent demeurer maintenant en grande tranquillité. Je vous verrai dans un mois ; maintenant plus que jamais, Dieu offre à vos amis vos âmes de plus en plus unies et disposées aux saints avis que l'on vous donnera pour votre perfection. Redoublez votre union, votre soumission, votre zèle, votre espérance de l'accomplissement des choses excellentes de la gloire de Dieu en vous, selon que souvent on vous l'a déclaré, et admirez ses miséricordes, desquelles vous ne voyez encore qu'un échantillon. Je vous prie, demeurez et persévérez en ces saints mouvements, et n'amusez vos esprits à chose quelconque, hors à cette sainte soumission et amplitude de désir de correspondre à ce que Dieu demande de vous. Rendez grâces à Dieu quelques jours sur cette occurence, et faites pour l'amour de Notre-Seigneur, que je me puisse consoler à mon arrivée autant que je me promets, vous trouvant en l'union, soumission et saint zèle en l'honneur de Dieu, et de la perfection que j'espère par sa bonté voir en vos âmes. Redoublez votre fidélité à la prière ; et, avec la réception de la présente, je supplie Notre-Seigneur qu'il daigne nous verser le parfait esprit du grand patriarche Saint Benoit, auquel je me tiens indigne de servir. Ne soyez pas, mes chères Sœurs, ingrates des infinies grâces de Dieu, qui daigne vous ouvrir la porte à ce haut honneur de pouvoir observer cette sainte règle oubliée par tant de siècles. Vous êtes bien misérables, si vous n'admirez sa bonté sur vous, et l'accomplissement de ce que l'on vous a promis ; mais vous serez bienheureuses de croire fidèlement la fidèle parole que l'on vous a dite. Il faut persévérer et reprendre un esprit tout nouveau en allégresse et confiance que celui qui a commencé ce difficile ouvrage le parachèvera par sa toute-puissance. Je vous prie d'employer vos oraisons et communions durant plusieurs jours, à révérer sa Providence et remercier sa bonté et votre honorée Mère, qu'il a voulu être nommée dans la déclaration, à ce que vous voyiez par qui vous avez obtenu ces grâces. FR. JOSEPH. Le 13 juillet 1620 »
.

On aura sans doute admiré les sentiments élevés des deux remarquables lettres du capucin, fondateur et diplomate. Afin de montrer que ni la religion, ni la politique, n'avaient tari en ce religieux aucun sentiment d'affection, nous allons encore mettre sous les yeux du lecteur quelques autres lettres de ce fils de Saint François, dont la haine jalouse a voulu faire un homme sans cœur et un tyran. Nous en détachons au hasard trois des lettres intimes qu'il adressait à Marie de la Fayette, sa mère, avant et après son entrée dans l'Ordre des Capucins.

« MADAME [Note : Les Epîtres du Révérend Pére Joseph de Paris, etc Bibl. Mazarine, MS, 2, 301],
Je vous ai plusieurs fois escrit, depuis qu'il vous plust me faire tenir les trois cents escus, comme je les avois reçus, et crois qu'en estes depuis advertie, pour n'être passé une seule quinzaine que je n'aie escrit par deux ou trois diverses voies et voie, que celles par le moyen de Monsieur le Président Perrot, doivent estre allées surement d'autant que son fils a reçu réponse aux siennes qui étaient dans le même paquet que les miennes, desquelles ce mot sera la confirmation. Si par aventure, par quelleque disgrâce ne les aviez pas reçues et un adverrissement du bon et prospert estat ou nous sommes tous par deça, bien que ne laissions de participer à l'ennui de nos misères publiques, et que l'éloignement au lieu d'en diminuer le ressentiment, je crois qu'il l'augmente plutôt. Je me vois tantôt toucher du bout du doigt la fin de l'an, duquel j'ay employé quatre mois à apprendre en Provence ce que c'estait de piller patience et de remédier aux difficultés qui se présentent aux voyageurs. J'en ay tantost passé icy six mois, desquels j'oserais dire avec vérité n'avoir perdu peu d'heures qu'elles ne fussent toutes données à mes exercices lesquels j'ay ordonné de cette sorte que laissant la danse, le jeu de luth et la musique et mille autres amusemens ordinaires en ce pays, desquels on ne se souvient plus passé les monts ; je me suis du tout adonné à monter à cheval, aux armes et à mes lettres, y joignant l'exercice de la langue espagnole et italienne qui ne me seront de peu d'usage et d'utilité aux temps à venir. Si j'eusse pu m'arrêter un an en Allemagne au sortir d'Italie, cela m'eut apporté un merveilleux profit, voyant que cette langue seule a avancé la pluspart de ceux qui ont le plus de voies aujourd'hui et aurais cette satisfaction étant à Strasbourg ou à Cologne de n'être qu'à douze journées de vous. Mais je crois que la disposition des affaires de présent rue feront rappeler plutôt que ce terme, étant un secret très-profitable de se pousser de bonne heure au monde qui y veut parvenir, et principalement en celui-cy, ou l'on ne peu espérer avancement qu'étant appuyé de l'épaule de ceux qui la peuvent prêter. Je crois qu'aurez reçu sur cela deux des miennes ou amplement j'en recherchais vostre avis et par ainsi je ne vous importunerai de tant de répétitions et m'arrétais plus à plomb sur le fait de Monsieur le Connétable auprès duquel me mettant, et de bonne heure, de peur de quelqu’accident ne me fermât ce chemin, vous pourriez plus attendre que d'aucune autre voie en quelque vocation qu'il vous plaira de m'imposer. Je sais, Madame, que l'honneur que vous me faites de me tenir pour vostre très obéissant fils fera que vous prendrez la peine d'en délibérer murement, touchant toutes ces diverses résolutions et choisir la plus utile. Je vous prie très humblement me commander ce qu'il vous plaist que je fasse touchant le séjour en ce lieu, et si vous vouiez que j'aille passer l'hyver à Rome auquel si l'on a demeuré quelque temps pour apprendre l'humeur de cette cour, on ne se doit vanter de rien apporter des mœurs et des ruses de l'Italie, car ici nous employons tout le temps aux exercices et rien du tout à la conversation. Je croirais bien occuper deux ou trois mois à Florence, comme l'Octobre et le Septembre, pour la rare commodité qu'il y a de bons manèges du Duc auxquels Madame la Grande Duchesse m'a promis de m'y faire recevoir et pour y apprendre la perfection de la langue qui n'est pas un petit profit, selon les desseins que je me propose d'avoir à faire avec plusieurs sortes de gens ou la multitude des langues est très requise. J'en attendrai donc, Madame, votre commandement auquel je rendrai toute ma vie l'obéissance que je lui dois ».
(Inédit). Cette letre est de 1596, époque à laquelle il fit un voyage d’Italie.

Douzième épître de la collection de la Mazarine.
« MADAME,
Paix en Jésus-Christ. Je croy qu'avez reçu la réponse à vos dernières. Ce m'est une grande consolation que Dieu me permette avoir si souvent de vos nouvelles. Je ne puis laisser partir ce bon père, présent porteur, sans de nouveau vous remercier humblement d'une si grande faveur qu'en cela il vous plait me faire et vous assurer de notre bon portement. C'est luy vers lequel vous avez fait la charité de l'accomoder de cette recette, de quoi il se sent si bien tenu de prier Dieu pour vous, et pour luy-même vous en remerciera plus à plein ; il se trouve très bien. Je suis ici assisté de famille, de quoy je loue Dieu tant pour estre vostre voisin, que pour estre sous une si bonne conduite, sans cela j'eusse eu de la peine à me résigner d'estre privé du vénérable père Pacifique, mais je vous laisse ce bien-là, m'assurant qu'il vous apportera toute la consolation qu'il pourra en Nostre Seigneur ; mais, que dis-je, c'est vous qui consolez les autres et qui nous animez par vautre constance. Aussi Frère François vient avec nous, et Madame sa mère commence à entendre raison, vous seule avez eu cette prérogative de vous y estre soumise à la première voix de Dieu. Le vénérable père Constantin se recommande affectueusement à vos prières, il est envoyé pour prendre le couvent de Nogent-le-Rotrou.

Je vous supplie me recommander à celles de Monsieur Gallot et aux vostres, car c'est vous qui avez autorité, et comme par droit pouvez impétrer les grâces de Dieu pour moi qui suis toujours, etc., F. JOSEPH ».

(Inédit). Le couvent de Nogent-le-Rotrou fut pris en 1601 ; c'est donc la date de la lettre.

Treizième Epitre de la même collection.
« MADAME,
Paix en Jésus-Christ. Vous ne vous avisez peut-être de ma ruse qui, pour avoir la douceur de vos lettres, vous envoie souvent les miennes ennuyeuses, faisant ainsi trafic avantageux de ma mauvaise marchandise, mais vous y gagnez aussi, car par vos bons exemples vous excitez au bien auquel vous participez. Nous ne vous parlons plus de vos affaires du siècle, parce que cela ne servirait de rien ; si trouverons-nous un moyen d'en parler très suffisamment, puisque je ne me puis taire de tout ce qui vous touche sans toute fois en dire un mot ; car, élevant nostre esprit à l'importance de nos autres affaires plus pressées qui se traitent au ciel, aisément nous connaîtrons avec quelle paix et indifférence nous devons laisser couler les occurences de cette vie, même quel profit nous devons tirer de ses contrariétés. Mon frère aura sa part au dommage du retardement de cette vente. Ces guerres et les évènemens d'icelle devraient faire un peu baisser les yeux à quellesques légères difficultés et ne point demeurer pour une petite acroche, je luy ferai réponse le plus à propos sur ce que je pourrai. Vous avez remis en train Madame de Sépoix, laquelle a de bonnes boutades, mais le Maréchal avait un peu attiédi sa dévotion ; je luy escris un mot et vous supplye luy faire tenir, en reconnaissance de tant d'obligations que je luy aie en mon particulier. Je loue Dieu que l'entreprise du couvent de Montfort-l'Amaury ait une si bonne issue ; vous vous mêlez de peu de choses à bon escient que vous n'en veniez à bout. Je ne doute pas que vous poursuiviez à tenir ces Messieurs en haleine, laquelle ils perdent assez souvent ; quant à moy j'y ay intérest, pour l'espérance de vostre voisinage, espérant d'y estre un jour jardinier, et vous y faire manger de nos choux de ma façon. Cela me fait d'autant plus désirer que M. Gallot fut accomodé à Montfort, pour le singulier profit qu'il ferait pour la correspondance de nos pères, et vous supplie affectueusement y employer vos industries.

J'approuve fort vostre dessein de passer l'hyver à Paris, vostre présence est du tout nécessaire à vos affaires, où vous voyez qu'il se commet si souvent de si lourds pas de clercs, puis vous nagerez en la pleine mer de toute piété, ayant à chosir à gauche et à la dextre. Si ma tante de la Trousse pouvait un peu s'échauffer à votre feu, serait un grand bien ; vous avez bien de quoy exercer vers vos parents la domination fraternelle, notamment envers nostre cousin en ses bénéfices.

Les nouvelles de nos quartiers sont que bientôt un grand prince doit paraître plein de majesté et terreur, sa suite est de plus de mille légions d'anges, son bras est armé de foudres et vient pour abolir toutes les antiquités et nouveautés de la terre et fera évanouir tous les soins et pensers des hommes ; l'on dit que ses ennemis ne laissent pourtant de faire bonne chair et dormir à la françoise ; mais pourtant qu'ils doivent avoir grand peur, car il a les plus forts de son costé et est ému d'un grand courroux pour tant d'outrages et mépris qu'ils luy ont faits ! Cependant ses amis se parent pour cette journée, avec le ciseau d'affliction se taillent les beaux habits de justice, et pour l'ardent désir qu'ils ont de le voir, vont et courent par toutes les places ou ils peuvent entendre de ses nouvelles et sont si occupez à cette besogne qu'ils ne voient et n'écoutent ce qui se passe ailleurs, demeurant comme insensibles des choses extérieures ; et ces gens-là pour voir s'ils ne le verront point venir de plus loin montent souvent sur le faîte de leurs logis par une sainte élévation d'esprit, ce qui fait que les autres qui ne savent rien de tout cela, qui se traite et qui est proche d'advenir, se moquent d'eux comme de gens qui baillent aux allouettes, mais eux ont pitié du mal prochain de ces profanes moqueurs. Voilà ce qui se dit en ce lieu et non autre, nous contentans de ces nouvelles, lesquelles je ne vous mande à vous comme nouvelles, mais comme affaires qui nous touchent et aussi afin qu'en avertissiez vos amis.

Les VV. PP. Gardien et Constantin se recommandent à vos prières, comme je fais humblement qui suis toujours, etc. FR. JOSEPH » (Inédit) [Note : Cette lettre est de 1603 ou 1602. On lit dans les Annales des Révérends Pères Capucins de le Province de Paris, la mère et la source de toutes celles de deça les monts en 1574. (Bibl, Maz. n° 2, 879). « Dans cette année 1602, le R. P. Provinvial (Ange de Joyeuse) prit possession des couvens d’Alecon, de Montfort, d’Abbeville, du Mans »].

Voilà donc quelques-unes des lettres intimes de ce grand homme. La jalousie n'avait pas empêché le P. Joseph de s'occuper de la nouvelle réforme ; jusqu'à sou dernier soupir il sera tout à elle. Ni la politique intérieure et extérieure de la France, ni le gouvernement de sa Province, ni la charge des missions de son Ordre ne ralentiront son zèle pour l'avancement des Calvairiennes dans la perfection.

Plus de cinq cents sermons restés malheureusement manuscrits, et trop mystérieusement et soigneusement renfermés dans les monastères du Calvaire, en sont la plus grande preuve. Pour suprême testament il leur légua aussi son cœur comme il l'avait fait de celui de sa mère. Le P. Ange de Mortagne, son secrétaire et compagnon, le porta dans un des carosses du Cardinal de Richelieu au Calvaire du Marais. Plus tard, à une date jusqu'ici inconnue, le cœur du Père Joseph fut transporté au Calvaire du Luxembourg.

Il a été découvert le 15 juillet 1851. D’abord cédé à M. Le Pelletier, président à la Cour des Comptes et qui préparait une histoire du P. Joseph, il est ensuite devenu la propriété des Calvairiennes. Le Calvaire d'Orléans est le gardien de ce précieux dépôt. Nous devons à l'obligeance de la Mère Marie de la Conception, ancienne prieure générale, les documents suivants sur cette découverte et jusqu'ici inédits. Une lettre de M. de Gisors, adressée à M. Le Pelletier, quoique écrite sur un ton plaisant, nous apprend l'époque où l'architecte du Sénat remit les cœurs de Marie de la Fayette et du P. Joseph entre les mains de M. Le Pelletier.

PALAIS DU SÉNAT.
ADMINISTRATION - Bureau DE L'ARCHITECTE - Paris, 10 Novembre 1859.

MONSIEUR LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL,
Je vous donne mon cœur avec le plus grand plaisir ; prenez-le s'il vous plaît et préservez-moi du mal. Ainsi soit-il.
Cette relique était dans l'intérieur d'un mur qui séparait le cloître des Filles du Calvaire de leur salle du Chapitre. L'Inscription est copiée exactement ; je l'avais égarée et je ne l'ai retrouvée que ce matin : cela vous explique, Monsieur le Secrétaire Général, pourquoi je ne vous ai point envoyé dès mardi soir, la trouvaille que vous voulez bien me faire l'honneur d'accepter. Votre tout dévoué serviteur, A. DE GISORS. A M. Le Pelletier.

Lettre de M. Le Pelletier à la Prieure Générale. 21 Novembre 1864.
MADAME LA SUPÉRIEURE,
Lorsque j'ai reçu la première lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, j'ai prié M. de Gisors de rédiger le Procès-Verbal que vous me demandez ; il m'avait promis de le faire et il y a quatre ou cinq jours, il m'a annoncé qu'il allait vous l'envoyer. Je pense que vous l'aurez reçu au moment où je vous écris. Tous les détails qui vous sont nécessaires seront insérés dans ce Procès-Verbal, au moins tous les détails qui sont à notre connaissance. C'est le reliquaire le plus large, celui qui est en partie dessoudé qui renferme le cœur du R. P. Joseph. Je m'étais trompé en vous disant que l'inscription dont je vous ai donné la copie figurait sur des plaques de marbre. M. de Gisors m'a dit depuis qu'elle était simplement peinte sur le mur. Permettez moi en finissant, Madame la Supérieure, de vous adresser à mon tour une demande. Je serais très heureux de recevoir de vous une relation des honneurs que vous avez rendus aux restes de votre vénéré Fondateur, elle me sera utile pour l'histoire que j'ai entrepris d'écrire. Veuillez agréer, Madame la Supérieure, l'assurance de mon respect. J. LE PELLETIER.

Lettres de M. de Gisors à la Prieure Générale.
PALAIS DU SÉNAT.
ADMINISTRATION - Bureau DE L’ARCHITECTE - Paris, ce 1er Décembre 1864.

MADAME LA SUPÉRIEURE GÉNÉRALE,
Je vous demande bien pardon d'avoir tant tardé à répondre à la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 29 octobre dernier, mais à cette époque je n'étais pas à Paris, et depuis lors, mon Inspecteur s'étant absenté à son tour, j'ai dû attendre parce que seul, il avait dans ses cartons les renseignements que nous avions recueillis lors de la découverte des reliques que vous possédez aujourd'hui. C’est le 15 juillet 1851 que des ouvriers occupés à la restauration du cloître des Filles du Calvaire, lequel fait aujourd'hui partie de la résidence du premier président du Sénat, ont mis à découvert deux inscriptions peintes (et non gravées sur le marbre comme vous le supposez) indiquant que se trouvaient là, le cœur et le foie du Père Joseph et le cœur de sa mère. Une fois sur la trace, j'ai bientôt mis à découvert les plombs que vous possédez. Nous étions trois témoins et acteurs dans cette découverte intéressante ; mon inspecteur et sous-inspecteur et moi, puis comme services, différents ouvriers de bâtiment. Maintenant que j'ai une date précise, je vais m'occuper, puisque tel est votre désir, Madame la Supérieure, de faire dresser un Procès-Verbal, qui sera certifié véritable par un employé et moi. Vous n'ignorez sans doute pas que, dans un ouvrage in-folio que j'ai consulté (une biographie, je crois) j'ai trouvé à l'art, concernant le Père Joseph, qu'à sa mort les filles du Calvaire de la rue de Vaugirard, obtinrent son cœur. Au surplus, je suis entièrement à vos ordres, s'il était en mon pouvoir de vous donner d'autres renseignements. Veuillez bien, Madame la Supérieure Générale, agréer l'hommage de mon profond respect. A. DE GISORS. 1er. Décembre 1864.

PALAIS DU SÉNAT.
ADMINISTRATION - Bureau DE L'ARCHITECTE - Paris, et 16 janvier 1865.
MADAME LA SUPÉRIEURE,
Voici le Procès-Verbal de la découverte faite en 1851 du cœur du P. Joseph, dans le petit cloître des Filles du Calvaire, attenant le petit Luxembourg. J'aurais pu vous adresser plus tôt ce document, mais j'y voulais joindre un renseignement que je n'ai pu retrouver, c'est-à-dire un ouvrage in-folio dans lequel j'ai lu, lors de la découverte dont il s'agit, que lors de la mort du P. Joseph, les Filles du Calvaire de Paris auraient demandé et obtenu la relique que vous possédez. Toutes mes recherches ont été inutiles, ma mémoire m'ayant fait défaut. Au surplus, vous savez mieux que personne, Madame, qu'il existe une histoire de la vie du R. P. Joseph, par l'abbé Richard, 2 vol. in-12 (1702) ; tome 2, page 302 et suivantes.
On a trouvé aussi quelque chose dans l'histoire de Paris, par Fabien, pages 11, 33 et 1319. Je vous prie, Madame la Supérieure, d'agréer mes hommages respectueux. A. DE GISORS. 16 Janvier 1865.

PROCÈS-VERBAL PALAIS NATIONAL DU LUXEMBOURG.
Le QUINZE JUILLET MIL HUIT CENT CINQUANTE ET UN à l'heure de Midi, les ouvriers maçons qui travaillent au petit Luxembourg, à la restauration de l'ancien cloître des Filles du Calvaire, ont donné avis, au bureau de l'Architecte du Palais du Luxembourg, que le parement d'un des murs de ce cloître (celui située au nord) semblait renfermer des cavités.

L'Architecte, sur ces indications, reconnut bientôt deux petites dalles ovales d'environ 0m 30 sur 0m35 sur chacune desquelles était marquée une croix, et au-dessus étaient tracées des inscriptions peintes, indiquant l'une : que là était déposé le cœur de Madame de la Fayette, mère du R. Pére Joseph du Tremblay, l'autre que là étaient déposés le cœur et le foie du R. P. Joseph du Trenablay. Dans l'espace vide que masquait chacune de ces dalles, il a trouvé en effet, deux petites masses de plomb d'environ 0m15 de haut ayant grossièrement la forme d'un cœur. Ces deux masses ont été portées au cabinet de l'Architecte et conservées par lui.

Le présent Procès-Verbal a été dressé par mon ordre et sous ma dictée, j'en certifie toute l'exactitude. A. DE GISORS, Membre de l'Institut, Architecte du Palais du Luxembourg. L'Inspecteur des bâtiments du Luxembourg REGNAT.

SOVS SE MARBE GIT LE COEVR DE DAME MARIE DE LA FAYETTE ISSVE DE LA DITE TRES ILEVSTRE MAISON DE LA FAYETTE ET MERE DV TRES R. P. JOSEPHE DE PARIS CAPUCIN FONDATEVR DE LA CONGREGATION DES RELI. DE NOSTRE DAME DV CALVAIRE. ELLE DECEDA LE QVINSIEME NOVEMBRE AN MIL SIX CENTS TRETE CINQ.

SOVS SE MARBE EST LE COEVR LE FOYE DV TRES R. P. JOSEPHE DE PARIS ZELE PREDICATEVR CAPVCIN PROVINCIAL DE LA PROVINCE DE TOVRAINE COMISSAIRE APPOSTOLIQVE DES MISSIONS DE SON ORDRE EN ORRIANT ET OCCIDANT ET MANDATEVR DE LA CONGREon DES RELIGes. DE N. D. DE CALVAIR. IL DECEDA L'AN MIL (six) CENTS TRENTS (huit) [Note : Huit était effacé, six ne se trouve pas sur l’original. — Inscription peinte sur le mur du cloître du couvent du faubourg Saint-Germain. On a respecté l'ancienne orthographe].

(R. P. Emmanuel de Lanmodez).

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