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CONGRÉGATION DES FILLES DU SAINT-ESPRIT

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ORIGINES, OEUVRE DE LA CONGRÉGATION DES FILLES DU SAINT-ESPRIT.

I. — Les Origines.

Elle manquerait de vérité la description de plus d'un village breton, si, en mainte scène de la vie quotidienne, ne se détachait la figure aimée et vénérée de la Soeur Blanche.

Une maison plus vaste, qui se confond par ses dehors modestes avec celles du voisinage, voilà l'abri d'une existence toute de dévouement dans sa simplicité. Nombreuses, aux heures de classes, y entrent les enfants pour recevoir, avec le solide enseignement auquel l'inspecteur rend souvent hommage, l'éducation non moins sérieuse qui élève les volontés et les coeurs : « Les Maîtresses, est-il dit dans les Règles, se souviendront souvent que l'éducation est ce qu'il y a de plus sublime dans les fonctions de leur Institut ; que, par l'instruction, elles entrent en participation du ministère de Jésus-Christ même, ainsi que des travaux des hommes apostoliques ». Nombreux entrent aussi les visiteurs au parloir hospitalier ; infirme ou blessé pour recevoir un pansement ; père ou mère de famille venant demander un bon conseil ou verser une confidence dans un coeur discret ; grande dame qui confie à des talents quelque ouvrage de broderie.

Souvent, en dehors des classes, la silhouette blanche apparaît par les rues, à travers la lande, dans le chemin creux qui conduit à la ferme. Ne vous y trompez pas : il y a un malade aux environs. La Soeur, dont la pharmacie doit être des mieux montées, comme les connaissances des plus complètes, apporte, toujours gratuitement, le remède qui fera attendre, éviter peut-être la visite du médecin. Elle met de l'ordre, de l'air, du soleil, de la joie, dans la pauvre chaumière. A son départ la couche du malade est retournée, les enfants habillés, le repas apprêté. Bien des gens l'arrêtent encore au passage, comme elle les arrête elle-même, pour causer de ces mille riens qui gagnent le coeur des foules et la confiance des générations.

Heureux surtout le pasteur qui possède les Soeurs dans sa paroisse. A peine l'église est-elle ouverte qu'elle voit entrer les ferventes adoratrices qui seront les dernières à la quitter. L'éclat des ornements, la blancheur des nappes, la fraîcheur des fleurs, la propreté des murs et du parvis émerveillent le visiteur. C'est que la Fille du Saint-Esprit aime à exprimer dans ses oeuvres les paroles de l'Ecriture : Seigneur, votre temple me pénètre de respect... son entretien fait mes délices ; et n'est-ce pas une des formes les plus exquises des Dons de Piété et de Crainte de Dieu ?

Vienne le soir. Quand la religieuse regagne le recueillement de sa cellule, elle peut se dire qu'elle a vécu une journée bien remplie, et que, dans le sillage de sa blanche robe, sont tombées nombreuses des semences d'édification, de vertu.

Granum sinapis « grain de sénevé » : ces mots, qu'une main inconnue écrivait en marge de l'acte de décès d'une des fondatrices, résument admirablement les débuts de la Société. Deux femmes l'organisent et la constituent à elles seules pendant quelques années, au havre du Légué, à 3 kilomètres de Saint-Brieuc, où la rivière du Gouêt se jette dans la mer. L'une, Renée Burel, lui apporte l'ardeur de ses vingt-cinq ans ; l'autre, Marie Balavenne, l'expérience d'une vie mûrie à quarante ans par un veuvage prématuré. Leur dessein n'inflige-t-il pas un nouveau démenti à la calomnie des « primaires » qui réservent aux temps modernes le souci de toutes les détresses ? C'est vers une classe spéciale de déshérités, les enfants des pauvres pêcheurs, que se penche leur sollicitude. L'esprit et le coeur de ces enfants ne risquent-ils pas de rester incultes à ces foyers d'où le père est souvent absent, où la mère est absorbée par les soins du ménage ? Elles leur apprendront « à lire, écrire, aimer Dieu et le servir » ; le reste de leur temps sera consacré à la visite des pauvres et des malades auxquels, grâce à l'aumône des riches bienfaiteurs, elles distribuent des vêtements ou les remèdes prescrits par le médecin.

La générosité naturelle peut beaucoup, mais quelles grâces ne seconderont pas l'effort de l'âme qui s'unit à Dieu par des liens plus intimes ! Renée Burel et sa compagne l'ont compris : elles prononcent les voeux de religion le 8 décembre 1706, fête de l'Immaculée-Conception, leur fête secondaire. En l'honneur de Marie, elles donneront à leur costume, celui des femmes de Plérin, auquel elles ajoutent la croix et le rosaire, la couleur blanche : le peuple les appellera les Soeurs Blanches. Mais leur consécration va à Celui qui seul peut dispenser à leur œuvre la Lumière, et l'Amour : elles s'appelleront les Filles du Saint-Esprit.

Nous parlons de fondatrices ; avant elles, avec elles, il faut parler de fondateur. Sans conteste, si l'on entend par là celui qui a la première idée d'une OEuvre, qui en cherche et dresse le cadre, assez durable et assez souple pour se retrouver en s'y adaptant, comme une inspiration féconde, à travers les évolutions inévitables, ce titre revient à M. Leuduger (Voir Le Saint-Esprit, Juillet-Août 1916, p. 55-59 : Un apôtre breton au XVIIème siècle). On s'étonne même que des biographies récentes méconnaissent ou mettent en doute une tradition des plus anciennes et des plus vénérables, que la Société revendique par ses voix les plus autorisées.

Les preuves en abondent. Directeur de conscience de Marie Balavenne, il l'est aussi de Renée Burel, sa parente, et ce n'est pas pour la rendre au siècle qu'il détourne cette âme privilégiée d'entrer chez les Ursulines. Chanoine Ecolâtre du Chapitre de Saint-Brieuc, il recevait, de par ses fonctions, la surveillance et l'organisation de l'enseignement dans le diocèse, digne récompense du zèle dépensé, dès sa jeunesse sacerdotale, à l'instruction religieuse des pauvres et des petits. On connaît aussi ses délicates industries pour le soulagement des malheureux, et l'intensité de sa vie intérieure.

Tout, son tempérament, sa charge, ses relations, des fondations antérieures similaires, prédestinaient M. Leuduger à être l'ouvrier de la première heure. C'est encore lui qui aide de son argent Marie Balavenne à construire l'école du Légué, bénite par Monseigneur de Boissieux, en 1706. Si les documents contemporains mentionnent la Règle approuvée alors par le même prélat, c'est pour en attribuer la paternité au saint prêtre que la mort ne frappait qu'en 1722, debout à son poste. Monseigneur de Montclus ne fera que sanctionner, en 1733, « les Règles approuvées par ses prédécesseurs depuis plus de vingt ans », et, un siècle plus tard, le Vénérable Jean-Marie de Lamennais, supérieur ecclésiastique de la Société, en décidant l'impression des Règles modifiées en 1819, les qualifiait néanmoins de « constitutions et règles de M. Leuduger » [Note : Le Vénérable Jean-Marie de la Mennais (1780-1860) est le frère de Félicité de la Mennais. Il a fondé les Congrégations des Frères de l'Instruction chrétienne de Ploërmel et des Religieuses de la Providence de Saint-Brieuc].

D'ailleurs cette consécration inattendue au Saint-Esprit peut-elle mieux s'expliquer, sinon par l'influence de celui qui écrivit de si belles pages sur « les titres du Saint-Esprit à notre culte ? » M. Leuduger ne se trouvait-il pas alors, comme Directeur des Missions de Bretagne, le successeur désigné de M. Le Nobletz et du P. Maunoir, ces apôtres de Marie et de l'Esprit-Saint ? N'est-ce pas lui qui transmit ces dévotions, par les dignes prêtres ses collaborateurs, au Bienheureux Grignion de Montfort, à M. Poullart des Places, et à leurs Congrégations respectives [Note : Rome fait marcher de pair les causes du P. Maunoir et de M. Le Nobletz son maître, Vénérables, le premier depuis 1875, le second depuis 1897 : le ponent de la cause du P. Maunoir est le cardinal Billot. — Grignion de Montfort, béatifié en 1888, a vu cette année 1916 fêter le deuxième centenaire de sa mort. A cette occasion, Benoît XV adressait au P. Lhoumeau, Supérieur général de ces deux Sociétés : la Compagnie de Marie et les Soeurs de la Sagesse, une lettre élogieuse où il rappelait les deux règles de conduite du Bienheureux : « Obéissance au Saint-Siège et dévotion à la Sainte Vierge »] ? Avec M. Leuduger, les Filles du Saint-Esprit auréolent leur Société d'une gloire nouvelle ; elles la font entrer dans ce courant de foi, d'orthodoxie et d'attachement au Saint-Siège qui, pénétrant leur méthode d'éducation, n'a pas peu contribué au catholicisme intrépide de la Bretagne.

On conçoit cependant le pieux souvenir qui reste attaché aux deux recteurs de Plérin, M. Allenou de la Garde et M. Allenou de la Ville-Angevin, son neveu et successeur en 1714. Le bourg du Légué faisant partie de leur paroisse, ils portèrent un intérêt de tous les instants à l'établissement qui fut transféré à Plérin même, de 1720 à 1727. Le second, appelé en 1741 aux missions naissantes du Canada, mort sept ans plus tard Evêque nommé de Québec où il repose, se regarda toujours comme le Père de l'OEuvre qu'il avait dirigée pendant un quart de siècle ; la veille de sa mort il lui écrivait, en forme de testament, une lettre d'édifiants conseils destinée à être lue dans toutes les maisons. Associés ainsi à la fondation, il est naturel que ces saints prêtres aient reçu par analogie, en ces premiers temps où une Congrégation vit de traditions orales sans songer à peser les mots selon leur précision canonique, le titre de fondateurs, qui serait peut-être plus justement remplacé par celui de « supérieurs ecclésiastiques ».

Fondateurs et fondatrices vont peu à peu disparaître, mais dans des visions pleines d'espérances. La maison de Plérin était citée en 1723 comme « la mieux formée du pays et la plus nombreuse qui soit dans les campagnes ». A l'appel des Evêques et des nobles, elle essaime dans les neuf diocèses bretons, qui lui envoient les vocations des meilleures familles. Les municipalités reconnaissent les fondations « d'utilité publique, pour apprendre tous les ouvrages propres à une fille, lire, écrire, coudre, filer, tricoter... en prodiguant aux malades visites, soulagement, consolations ». L'Etat les déclare « exemptes du droit d'amortissement pour acquisitions, échanges, dons et legs ». Il n'est pas jusqu'à la vie religieuse qui n'eût reçu, dès les premiers jours, une forme plus précise et plus complète, grâce à l'entrée d'une jeune novice, sortie du Carmel pour raison de santé : Soeur Marie Allenou de Grandchamp, élue, à la mort de Marie Balavenne, seconde Supérieure générale. Son long gouvernement de trente cinq ans (1743-1777) exerce, sur la Société comme sur le peuple, une influence ineffaçable quel idéal ne pouvait inspirer cette devise toute d'amour qu'elle avait faite sienne : « Sur toutes choses que Dieu soit le mieux aimé ! ».

La Congrégation avait fondé alors 19 maisons, formé 118 professes, depuis ses origines. Mais l'épreuve n'est-elle pas nécessaire à toute OEuvre pour l'affermir ? La Révolution sera le vent perturbateur qui courbera un instant le jeune arbuste, Mais pour le voir se redresser, arbre vigoureux, étendant ses rameaux à travers le monde.

 

II. — L'Œuvre

Les Filles du Saint-Esprit, au déclin du siècle qui les vit naître, avaient témoigné par leurs oeuvres de leur double idéal : répandre l'enseignement, exercer la charité auprès du peuple des campagnes.

Proscrire l'enseignement chrétien par la suppression des Congrégations, tel avait été le mot d'ordre lancé, dès 1763, par la Franc-Maçonnerie et le philosophisme. Les Filles du Saint-Esprit devenaient ainsi les victimes du plan satanique, lorsque l'Assemblée Législative le vota sans pudeur. Mais l'article 2 de la loi du 18 août 1792 « qui exceptait formellement les établissements de charité » ne se devait-il pas de les épargner comme le fera judicieusement observer la Supérieure Générale, Mère Catherine Briand ?

Hélas l les temps n'ont pas changé. L'Evangile est la loi d'amour ; c'est par l'amour qu'il fait ses plus belles conquêtes : la législation laïque contre l'enseignement qui frappe l'Eglise à la tête, ne sera qu'une étape plus ou moins longue avant de la frapper au coeur, dans ses oeuvres de charité.

Les perquisitions illégales ont commencé à Plérin au cours de 1791, suivies bientôt des tracasseries légales, inventaires, amendes, spoliations qui enlèvent peu à peu aux religieuses leurs rentes, leurs biens, les moindres objets de leur modeste mobilier. L'expulsion se prépare.

En vain la municipalité s'émeut. Sa protestation indignée rappelle « les services les plus éminents, les plus assidus, rendus par les Soeurs aux infirmes pauvres et aux enfants indigents.... leurs secours entièrement gratuits, inappréciables, surtout en temps d'épidémie... leur vie à l'abri de tout reproche, digne de la confiance publique ». La Supérieure Générale fait ressortir le contraste entre « leur humanité, la compassion pour les maux des campagnes », et les termes de l'arrêté qui les chasse en donnant pour motifs « l'exécution de la loi et l'amour du bien public ». Quels arguments convaincront jamais le jacobinisme sectaire ? En son langage grandiloquent, aussi grossier que ridicule, il dénonce dans les Soeurs un danger social : « la propagation dans les campagnes, sous le couvert d'un habit prohibé, du fanatisme et des préjugés les plus dangereux... terrible fléau dont il faut délivrer les bons citoyens ».

La proscription de l'innocence et de la charité est prononcée par le directoire des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor) le 15 janvier 1793. Les 20 religieuses de Plérin quittent l'établissement, mais « contraintes par la force majeure », comme l'enregistre leur protestation noble et fière. La même procédure indigne et brutale frappe les 71 Soeurs qui constituent alors la Société ; elles abandonnent successivement leurs maisons bénies, souvent vendues comme biens nationaux. Les unes sont accueillies par leur famille ou des personnes charitables, et continuent à exercer discrètement autour d'elles leur ministère de dévouement. D'autres sont emprisonnées pour être demeurées, malgré la loi, dans leurs immeubles, sauf à voir leurs soins réclamés auprès des malades et des blessés, parfois — ironie suprême, — auprès des blessés des troupes révolutionnaires !

Mais l'ironie, et l'on est heureux de le reconnaître, se retournera parfois contre ses auteurs. Saluons ces femmes de caractère qui obligent leur geôlier à entrer en composition avec elles. Telle, à Saint-Pol de Léon, Soeur Potier qui ne consent à soigner les malades qu'en rentrant en possession, avec ses compagnes de sa maison. A Quimper, Soeur Marie-Claude Bodet obtient par sa sainte hardiesse l'autorisation de sortir pendant la journée : elle soigne les malades et les pauvres, s'ingénie à se procurer linge, vêtements, qu'elle entasse sur elle-même, et rentre chaque soir dans la prison pour devenir la providence de ses compa­gnons d'infortune.

Le souffle de l'enfer avait dispersé la Société. Mais combien survivait-elle dans le coeur de chaque religieuse ! Il suffira d'un souffle de l'Esprit Saint pour les réunir de nouveau, par une de ces rénovations merveilleuses, qui renouvellent à toute heure la face de la terre.

Le carillon pascal de 1802 annonçait, avec le Concordat, la résurrection de la France chrétienne. Sur le sol souillé par tant d'atrocités, les fleurs de la charité devaient revivre les premières. Trop de titres militaient en faveur des Filles du Saint-Esprit : un décret impérial du 40 novembre 1810 prononce leur rétablissement, en leur permettant d'étendre leurs maisons et de jouir de tous les autres privilèges accordés aux autres Congrégations hospitalières.

Les Soeurs sont alors au nombre de 46, rentrées peu à peu, depuis 1800, à la faveur des circonstances, à Plérin et dans les autres maisons non aliénées par la spoliation légale.

Alors s'ouvre la période de développement, d'organisation de la Société. Elle établit en 1834 son siège à Saint-Brieuc. Les Règles, mûries par un grand siècle d'expérience, sont remaniées, imprimées, promulguées en 1837. Les professes sont alors au nombre de 152 réparties dans 43 maisons.

Les Supérieures générales se succèdent, femmes d'une intelligence supérieure, d'un esprit organisateur, exercé par le passage à tous les degrés de l'administration. Vénérons auprès d'elles la lignée des Evêques de Saint-Brieuc, pilotes dévoués qui, par leurs conseils, leur sollicitude, aident à diriger la barque dans les passes dangereuses.

C'est que la Loi de Séparation ramenait les angoisses du dernier siècle. Forte de la Force de l'Esprit-Saint, la Supérieure Générale se refuse à la moindre concession sur le port de l'habit, à toute modification des Règles : « être tel, ou mourir » voilà son dernier mot. La réponse est brutale : le 12 juillet 1908, un trait de plume supprime 40 maisons.

Voilà la récompense du plus pur patriotisme. Mais les Sœurs le gardent assez noble, assez large, pour distinguer entre la France et leurs persécuteurs. On l'a bien vu en ces jours d'épreuve ; à peine la guerre est-elle déclarée, la Supérieure générale sollicite « l'honneur et la faveur d'ouvrir la Maison-Mère aux chers blessés ». Détail plus émouvant : le 1er juin 1916, sur son lit d'agonie, alors que ses suprêmes pensées semblaient devoir se partager entre ses Filles et l'Eternité, elle ouvre les lèvres pour demander qu'on lui lise, quoi donc... le dernier communiqué de Verdun !

Ce n'est pas des hommes, mais de Dieu que vient la récompense. A cette heure, la Congrégation qui comptait 340 maisons en 1902, en possède 375, où se dévouent 1.900 religieuses.

C'est que la persécution renouvelle, à tous les âges, le miracle des premiers siècles : l'exil des victimes porte à d'autres plages les semences de la foi et de la vie chrétienne. Ainsi l'Esprit-Saint contraint les ennemis de l'Eglise à devenir les instruments de son catholicisme, de son existence à travers le monde.

Sur les 375 maisons de la Congrégation, 53 s'élèvent vers 1917 hors de France : 22 en Amérique, 13 en Angleterre, 17 en Belgique, 1 en Hollande.

L'Amérique devait être la première, à tous égards, le « Nouveau-Monde » pour les religieuses exilées. Les Annales de la Société comparent avec émotion à l'arrivée de Colomb celle des neuf Soeurs débarquant, le 8 décembre 1902, en ce pays inconnu, où semble les appeler, de sa tombe de Québec, la voix d'un de leurs premiers Pères, M. de la Ville-Angevin. Ignorance de la langue, des moeurs ; préventions contre leur habit, leur religion, leurs aptitudes, leur méthode d'éducation, que d'obstacles à vaincre.

Mais les catholiques, évêques, curés, fidèles, rivalisent de bienveillance et de zèle pour aider aux fondations. Bientôt le dévouement silencieux a renversé l'opposition, il en fait la conquête. On s'étonne en face de ces garderies d'enfants, de ces soins assidus, des visites multipliées aux pauvres et aux malades. Waterbury et Fall-River citeront avec admiration ces chiffres respectifs de 1.200 et 2.000 pauvres visités ; 700 et 1.000 malades soignés, au cours d'une seule année.

L'Esprit-Saint, qui est l'Esprit d'Intelligence comme la Charité incréée, a réalisé d'autres prodiges dans l'oeuvre de l'éducation. La langue anglaise n'a plus de secrets pour celles qu'on estime pour des éducatrices hors pair. Elles donnent en anglais l'instruction à tous les degrés ; y joignent des cours de français, les arts d'agrément. Les travaux manuels les plus délicats les mettent en contact avec les plus hautes classes sociales. Généreux efforts qu'a récompensés récemment le suffrage le plus honorable. Deux Etats, New-York et Vermont, ont érigé l'établissement des Soeurs en Académie ; affiliée à l'Université, elle en accepte les règlements, jouit en retour de tous ses pri­vilèges : les élèves pourront, comme ceux de l'Etat, entrer dans les écoles professionnelles de leur choix.

La Soeur Blanche reste encore, comme en Bretagne, l'auxiliaire des curés qui feront parfois le voyage de Saint-Brieuc pour demander quelques Soeurs ; mais ce n'est plus seulement le temple matériel, c'est le temple spirituel des âmes dont elles partagent le soin avec le pasteur : Catéchismes, Associations des Dames du Rosaire, de Sainte Anne, Congrégation des Enfants de Marie, vivent, prospèrent, au contact de leur zèle pieux et éclairé. Quelle belle oeuvre encore dont elles ont eu l'initiative, que les pensions de famille pour les jeunes filles catholiques, envoyées au loin par leurs parents, mais à un âge bien exposé, pour faire l'apprentissage de la vie !

Comme la terre de France, l'Amérique devait donner aux Filles du Saint-Esprit plus que des élèves, plus que des oeuvres.

Le spectacle d'une vie si humble et si dévouée a révélé à l'âme de la grande nation la dignité de la vocation religieuse. De tous les Etats, Irlandaises, Anglaises, Acadiennes, Canadiennes, Maronites, accourent au Noviciat préparatoire de Saint-Ildefonse avant de traverser l'Océan pour recevoir, à la Maison-Mère de Saint-Brieuc, l'empreinte commune qui assure à la Société, avec l'union des coeurs, l'unité d'action sous les climats les plus divers.

Hartford présente, rassemblée comme dans un « petit monde, la variété des fondations éparses dans le Nouveau-Monde ». Maison provinciale, rendez-vous des retraites annuelles ; noviciat ; maison paroissiale ; écoles ; oeuvre de malades ; garderie d'enfants ; pension de famille pour les jeunes catholiques, ont surgi peu à peu dans le cadre verdoyant de ses pelouses : n'est-ce pas encore l'image de la semence évangélique, au tronc robuste, aux rameaux nombreux et étendus, sur lesquels tous les oiseaux du ciel trouvent un refuge ?

 

III. — L'Esprit.

Quel est le secret de cette vitalité, de ces prodigieux succès, de cette universelle sympathie des nations, des races, des religions les plus diverses, qui faisait dire avec vérité aux obsèques de la Supérieure Générale, la Révérende Mère Saint-Georges, « que sa mort était le deuil de la Bretagne, de la France, de la Belgique, de la Hollande, de l'Angleterre, de la lointaine Amérique » (Discours de Monseigneur Morelle, Evêque de Saint-Brieuc, le 3 juin 1916, aux obsèques de la Révérende Mère Saint-Georges, Supérieure Générale, page 3).

Le secret, c'est la Règle qui détermine, pour chaque Institut, la tortue particulière des relations et des promesses mutuelles avec Dieu en vue d'assurer sa gloire et le salut des âmes. Règle souple qui saura se modifier suivant les besoins des temps, des lieux ; règle sage dont on pourrait dire, comme de celle de saint Benoît, qu'elle est assez rigide pour dompter la nature, assez large pour ne pas la décourager. La bonne volonté, cette « condition du royaume des cieux », y trouve toujours accueil ; elle admet les santés médiocres, l'intelligence moyenne, auxquelles on confiera un travail approprié.

De pieuses réflexions en émaillent les articles. Veut-on recommander à la Fille du Saint-Esprit l'importance du travail ? L'Ecriture lui rappellera « que l'homme est fait pour travailler comme l'oiseau pour voler » (Job, V, 7). N'est-elle pas portée à cultiver, dans ses nuances les plus délicates, la vertu virginale, en lisant que « Jésus-Christ, qui a souffert d'être accusé faussement de toutes sortes de crimes, n'a jamais voulu qu'on le soupçonnât de la moindre chose contraire à cette vertu » ?

Mais c'est par l'élévation à Dieu, sous l'influence de l'Esprit qui nous apprend à prier (Eph. VI ; 18), que la religieuse vit chacun de ses jours avec une pureté d'intention, de tous les instants, on a pu le voir. Tous les quarts d'heure, les Soeurs, ne fussent-elles que deux, s'avertissent par ces paroles : « Elevons nos coeurs vers Dieu ! ». Edifiante pratique qui passe dans leur enseignement ; pendant les classes, toutes les demi-heures, les élèves sont invitées à formuler une de ces oraisons jaculatoires, flèches de prière confiante et amoureuse qui portent au trône de Dieu une intention toujours actuelle : guérison, conversion, victoire de nos armées. Voilà de ces choses qui ne s'oublient pas, et qui environneront à jamais la vie de la femme chrétienne de la douce obsession du surnaturel.

La grâce ne répond aux prières de l'âme que si elle la trouve détachée des créatures. La Fille du Saint-Esprit pratique ce renoncement par des observances qui étonneraient le monde, habitué à ne juger la vie religieuse que sur la façade des relations extérieures. Chaque vendredi comporte un jeûne de règle. Tous les mois, une retraite d'un jour, avec jeûne, fait converger la pensée des Soeurs, par un choix de méditations et de lectures appropriées, vers cette grande vérité : la mort. L'âme purifiée par la confession, elles se rendent au lit comme si c'était leur dernier soir, communient le lendemain comme en viatique. Quelle préparation à comprendre le sérieux de la vie à être reçues, portes ouvertes, dans l'autre vie à entrevoir dans la mort, non l'heure de la crainte, du désespoir, mais l'heure des consolantes et éternelles réalités !

La Fille du Saint-Esprit porte sur sa poitrine une Colombe d'argent ; au côté un rosaire terminé par une croix : emblèmes des inspirations de la grâce, de la prière, du sacrifice ; de l'Esprit-Saint qui, avec Marie, fera de sa vie l'image de Jésus. Chaque regard jeté sur la divine Colombe pénètre son âme des Dons qui sont surtout, les oeuvres et les actes l'ont assez montré, les Dons d'Intelligence, de Piété, de Force ; et l'on peut dire que l'humble Soeur fidèle à sa vocation mérite l'éloge ému déposé devant le cercueil de la Supérieure Générale par l'Evêque de Saint-Brieuc, « qu'elle est une intelligence, qu'elle est un coeur, qu'elle est un caractère ; et, quand elle est toutes ces choses éminemment, qu'elle est une vertu ; qu'elle est une sainte » (Discours de Monseigneur Morelle, p. 4).

(Extrait de la Revue de l'Archiconfrérie du Saint-Esprit) 

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