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LES BUREAUX DE CHARITÉ

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LES BUREAUX DE CHARITÉ ET L'ASSISTANCE DANS LES CAMPAGNES.

Les auteurs qui écriront sur la bienfaisance publique pourront critiquer les habitudes et la tolérance de ceux qui présidaient autrefois aux distributions de secours, mais aucun ne contestera que la dotation des pauvres ait été considérable. Cette ancienne société si rude d’abord puis si amoureuse du faste et des plaisirs n’a pourtant pas laissé une seule infortune dans le dénuement ; elle a pratiqué la bienfaisance la plus large et trouvé un soulagement à toutes les misères. Elle a été si ingénieuse dans la recherche des meilleurs moyens d’assistance qu’elle ne nous a rien laissé inventer, pas même les fourneaux économiques [Note : Il y avait à Rennes des indigents qu’on nommait les pauvres de la Marmite. – Archives de la Loire-Inférieure, E 1222].

Le christianisme qui était à la base de toutes les institutions donnait aux relations sociales un caractère de bienveillance mutuelle que nous ignorons ; je n’en donnerai d’autre preuve ici que cette coutume si répandue parmi les familles nobles d’accepter le titre de parrain ou de marraine au baptême des enfants de leurs vassaux [Note : On trouve fréquemment les signatures et les noms de familles importantes dans des actes concernant des roturiers]. A l’époque même où les classes de citoyens semblaient le plus étrangères les unes aux autres, on voyait le clergé, la noblesse et le Tiers se confondre dans une seule assemblée pour fonder une oeuvre de bienfaisance. Toute distinction sociale s’effaçait quand il s’agissait de l’exercice de la charité. On ne peut pas compter le nombre de femmes de haute naissance qui, sous Louis XIV, sollicitèrent l’honneur de porter l’habit de soeur des pauvres et prirent la direction des Hôtels-Dieu et des hôpitaux. Qu’on cherche dans toute l'Europe, on ne trouvera pas de pays qui, mieux que le nôtre, ait compris la parabole évangélique du bon Samaritain.

Les lépreux, les estropiés, les vieillards ne sont pas toutefois ceux qui ont le plus lourdement pesé sur les riches et provoqué le plus d’actes de générosité. Il est un autre fléau intermittent auquel il a fallu faire la part bien plus large, c’est celui de la famine. On ne saura jamais ce que les coeurs compatissants ont prodigué de secours aux familles indigentes à chaque retour de cette terrible maladie de la faim ; cependant j’essaierai de rassembler quelques faits relatifs aux anciennes fondations charitables du diocèse de Nantes. J’y ajouterai quelques renseignements sur la formation et le rôle des bureaux de charité qui, après avoir été à leurs débuts des bureaux de perception, perdirent peu à peu leur caractère fiscal pour devenir, sous l’inspiration du zèle religieux, des associations de bienfaisance spontanée.

Aujourd’hui, quand la disette vient s’abattre sur un point quelconque du territoire, les autres parties épargnées lui viennent en aide avec les ressources concentrées entre les mains du pouvoir. Au XVIème siècle, il n’existait nulle part de fonds de réserve pour les calamités inattendues ; les campagnes étaient complètement dépourvues d’administrations charitables. L’aumône se faisait à chaque porte, isolément, au hasard, sans entente, ni mesure.

Aux époques de famine on faisait des distributions générales de blé ou de pain à l’aide d’une taxe forcée qui se prélevait sur tous les habitants aisés, ce qui n’empêchait pas les femmes de la bourgeoisie et de la noblesse d’aller quêter de maison en maison les dons volontaires. Les parlements, juges alors de toutes les réclamations, contraignaient les récalcitrants et fixaient même la contribution que devait payer chaque abbaye. De 1545 à 1587, la ville de Nantes fut obligée six fois de recourir aux quêtes, aux rôles de cotisation et aux poursuites pour secourir ses malheureux (Archives municipales, série GG). Les villes étaient alors dans une cruelle extrémité par suite de l’insuffisance de la maréchaussée : pendant que d’un côté elles enrôlaient les nécessiteux de chaque quartier, de l’autre les chasse-gueux étaient occupés à éloigner les étrangers. Les portes et les rues étaient envahies par des bandes affamées qui se déplaçaient sans cesse dans la crainte de mourir de faim. Il n’y avait qu’un moyen de prévenir les dangers de ces irruptions toujours repoussées et toujours renaissantes, c’était d’obliger chaque paroisse à nourrir ses pauvres. Charles IX adopta cette mesure dans son édit de 1566.

« Nous ordonnons que les pauvres de chaque ville, bourg et village seront nourris et entretenus par ceux de chacune ville, bourg et village dont ils seront natifs et habitans sans qu’ils puissent vaguer et demander l’aumône ailleurs qu’au lieu duquel ils sont. A ces fins seront les habitans tenus contribuer à la nourriture desdits pauvres selon leurs facultés à la diligence des maires, échevins, consuls et marguilliers » (Recueil des lois et ordonnances, Jourdans, t. XIV, p. 209).

Il n’y a pas dans notre législation de texte plus ancien relatif à l’assistance publique dans les campagnes ; c’est la première tentative du pouvoir royal pour régulariser la distribution des secours. Les prescriptions contenues dans cette ordonnance n’ont pas varié jusqu’en 1789, elles se retrouvent dans tous les édits subséquents et formèrent la règle de la jurisprudence des parlements. Comme elles appelaient à leur aide la contrainte, il fallut les renouveler bien des fois avant de les faire accepter. Dans le comté nantais les paroisses se montrèrent si peu empressées de se conformer aux ordres du roi, que la ville de Nantes jugea utile, en 1584, de rappeler à tous les recteurs qu’il y avait obligation pour eux de pourvoir à l’entretien de leurs paroissiens indigents (Archives municipales, série GG). Il y a dans la déclaration du 22 mai 1586 du roi Henri III un article tout spécial sur le même objet :

« Les habitants de chaque ville, dit-il, seront tenus de nourrir et entretenir les pauvres de leur ville sans que lesdits pauvres puissent se transporter ni vaguer d’un lieu à un autre » (Ordonnances d'Henri III, t. I, p. 924, éd. Fontanon).

Louis XIII, dans son ordonnance de janvier 1629, enjoint aux mendiants de se retirer aux lieux de leur naissance ; il recommande de les accueillir avec charité et de les faire travailler s’ils en sont capables (Recueil des lois et arrêts, Jourdans, t. VI, 235). Louis XIV, celui de nos rois qui a fait le plus de règlements sur l’assistance publique, ne s’est pas lassé de renouveler les prescriptions de ses prédécesseurs, pour exterminer la race des faux mendiants. Son édit en forme de règlement, de 1656, celui de juin 1662, qui le complète et le résume, indiquent le service des secours à domicile comme le moyen efficace de combattre la mendicité. Le roi répète de nouveau que chaque paroisse doit l’aumône à ses pauvres ; que les indigents doivent être enrôlés ; il ordonne de prélever en cas de nécessité une taxe forcée sur chaque contribuable ; défend de donner et de mendier dans les rues, et invite les religieux à remettre aux bureaux de charité ce qu’ils ont l’habitude de distribuer à jour fixe. En 1680, une autre ordonnance remit en vigueur celle de 1566.

Une requête de l’hôpital. de Lesneven va témoigner du zèle que déployait le duc de Chaulnes, dans son gouvernement de Bretagne, pour seconder les intentions du roi.

« Les pauvres gens du païs et duché de Bretagne, Monseigneur, remontrent très-humblement à votre Grandeur, que vous êtes le père de cette province, vous procurez des secours à tous les pauvres par ces hôpitaux généraux et confréries de charité que vous faites établir. Vous procurez aussi à ces hôpitaux et confréries certains remèdes qui guérissent promptement toutes maladies curables d’hommes et d’animaux » (Le remède universel pour les pauvres gens, Paris, 1 vol. inf-f° p. 36).

Malgré les instances pressantes et réitérées des déclarations royales, malgré les arrêts conformes émanant du Conseil et répandus à profusion dans tous les ressorts judiciaires, l’organisation des bureaux de charité se serait opérée bien lentement, si l’autorité religieuse des évêques n’était venue en aide à l’autorité civile. Le Père Chaurand, missionnaire jésuite, que nous avons vu présider à la formation de plusieurs hôpitaux généraux, rendit de grands services sous ce rapport au diocèse de Nantes.

Au milieu du XVIIème siècle, sous l’épiscopat de M. de Beauvau, les pauvres malades n’étaient secourus que dans les villes pourvues d’hôpitaux ; quant aux familles qu’un revers ou une disette plongeait dans la détresse, et qui avaient honte d’aller tendre la main comme les mendiants de profession, elles ne trouvaient de soutien que dans la commisération du recteur de la paroisse et du seigneur de la contrée. Les nécessiteux qui avaient connu l’aisance étaient devenus très nombreux depuis que les famines revenaient périodiquement ; beaucoup d’entre eux parvinrent avec peine à se relever et formèrent parmi les malheureux une classe à part qu’on nommait les pauvres honteux.

Afin de porter secours à tant d’infortunes, M. de Beauvau, évêque de Nantes (Histoire de Châteaubriant, par l’abbé Goudé, p. 441 ; Mémoires du doyen Blays), et M. de Barillon, évêque de Luçon (Archives de la Loire-Inférieure, série G. Brevets de 1740 ; voir celui de Vieillevigne), entraînés par le souffle généreux qui fit éclore tant de dévouements parmi les contemporains de saint Vincent-de-Paul, ranimèrent le feu de la charité sur les deux rives de la Loire par les encouragements qu’ils prodiguèrent aux confréries pieuses. Ils invitèrent leurs diocésains [Note : La date du 24 décembre 1649 est donnée comme le point de départ des approbations épiscopales aux assemblées de charité. (Règlement du bureau de Saint-Similien ; coll. Dugast-Matifeux : Mémoires, Clergé, p. 5)], notamment les femmes, à se constituer en société, à vivre fraternellement, à mettre leurs aumônes en commun et à s’exciter mutuellement à la pratique des oeuvres charitables. Les documents contemporains attestent que leurs exhortations furent entendues et portèrent leurs fruits dans plusieurs parties du diocèse de Nantes. Suivant les mémoires du doyen Blays, la population de Châteaubriant fonda une confrérie dès l’année 1654 (Histoire de Châteaubriant, de l’abbé Goudé, p. 441). Dans la première assemblée, où se trouvait l’élite de la société féminine, on élut une supérieure, une assistante et une trésorière. Ces dames de charité allaient visiter les malades à domicile et leur portaient ce qu’elles avaient pu recueillir. Le Père Chaurand leur suggéra l’idée de placer un tronc dans la chapelle Saint-Nicolas et de quêter les jours de fêtes et les dimanches. Ce casuel, joint aux cotisations et aux legs, constitua des ressources notables à l’association. Elles avaient l’habitude de se réunir chaque mois, pour dresser une liste des malades, examiner leurs besoins et fixer la quotité des secours à répartir. L’une des associées, nommée Julienne Houssaie, dans la pensée de venir en aide aux pauvres les plus abandonnés, donna une rente foncière de 40 livres, au moyen de laquelle on afferma sur les murailles de la ville deux chambres, où se lit l’essai d’un nouvel hôpital.

A signaler avec quel empressement les habitants et les corps constitués de la ville de Nantes s’enrôlèrent sur les registres de la confrérie de la charité de Saint-Jean, fondée en 1657, et les abondantes aumônes recueillies par les confrères au profit de l’hôpital général (Histoire administrative des hôpitaux de Nantes, p. 293). Devant cette preuve de zèle, il est bien difficile de croire que les paroisses de Nantes aient été sans administration charitable ; cependant, je n’ai trouvé aucun indice de bureau de charité à Nantes pendant le XVIIème siècle. Tout ce que je puis avancer, c’est que le Conseil des bourgeois, suivant un traité passé en 1625, versait au docteur Mello 300 livres par an, pour soigner les indigents. Le médecin Mathieu Becot, qui lui succéda, se contentait des mêmes honoraires en 1676 (Archives de la Chambre des Comptes, B 1648).

A la suite d’une entente concertée entre les curés ou d’une exhortation épiscopale plus pressante que les précédentes, tous les quartiers de la ville se mirent en devoir d’organiser avec régularité des distributions de secours en 1708.

Cette date marque le commencement d’une nouvelle ère, pendant laquelle les bureaux charitables de Nantes deviennent permanents et fonctionnent sans interruption.

« Il y a dans cette paroisse, dit le curé de Saint-Similien, une assemblée de charité tenue tous les derniers dimanches du mois au presbytère, par le recteur et des dames dévouées qui y sont en grand nombre. Le bureau de charité est établi dans cette paroisse, comme dans les autres de la ville, et persévère depuis le 11 juillet 1708. Les comptes sont arrêtés tous les ans par M. le recteur et la trésorière » [Note : Les revenus se composaient, en 1780, de 50 livres de rente léguées par l’abbé d'Espinose, archidiacre de Nantes, d’une rente de 40 livres, don anonyme, et des quêtes faites le dimanche dans l’église. (Brevet de 1780, Archives départementales, série G)].

La population indigente s’étant accrue considérablement sur le territoire de Saint-Similien pendant la seconde moitié du XVIIIème siècle, le recteur Lebreton de Gaubert fut dans la nécessité d’appeler à son aide tout ce que sa paroisse comptait d’hommes généreux. Dans une assemblée tenue le 18 novembre 1787, il représenta l’état affligeant de sa situation en face de la multitude des malheureux qui imploraient sa pitié, et rencontra de suite de nombreux paroissiens prêts à lui fournir leur concours. Ces faits sont consignés au début du règlement qui fut arrêté quelques jours après [Note : Ce règlement est compris dans un recueil intitulé : Mémoires, Clergé, p. 2. (Collection de M. Dugast-Matifeux)].

L’existence du bureau de charité de la paroisse Saint-Denis nous est certifiée par un legs de 500 livres qui lui fut attribué en 1732 (Délibérations de 1732 et Inventaire des titres, f° 62. – Archives de l’hôpital de Bourgneuf).

A Vieillevigne, où l’on suivait les inspirations de l’évêché de Luçon, avec l’approbation de M. de Beauvau, la confrérie était administrée par quatre officiers des deux sexes : le directeur, qui était toujours le curé, un procureur des pauvres chargé du recouvrement des rentes, une supérieure pour diriger les visites des dames et une trésorière pour distribuer l’argent aux nécessiteux. On délibérait en assemblée générale des associés sur l’état des pauvres enrôlés et sur la gestion des deniers. Les soeurs, c’est ainsi que s’appelaient entre elles les dames de charité à Vieillevigne, se chargeaient de quêter à l’église, les dimanches et fêtes, avec une boîte, et, après la récolte, elles allaient de ferme en ferme ramasser le blé qu’on voulait bien leur donner pour les malheureux. Elles recevaient également le linge. On sait que leur garde-meuble en contenait, en 1740, ainsi qu’une foule d’autres objets parmi lesquels on mentionne des suaires : ce qui montre que la pauvreté était honorée jusque dans la tombe.

La société des dames de Vertou était dirigée par une supérieure accompagnée, tantôt de deux, tantôt de quatre assistantes (Brevet de 1776. - Archives départementales, série G).

Voici, pour Clisson, ce qui est relaté dans le préambule des lettres patentes de son hôpital général : « Depuis l’année 1682, les habitants ont estably un bureau de charité qui, par la grâce et provité divine, a eu un sy heureux succès que, par la vigilence des directeurs, non seullement les pauvres tant de la ville que des paroisses des forts-bourgs ont esté pourveus de toutes leurs nécessités, mais encore que les directeurs ont trouvé un fonds de plus de 500 livres de rente » (Mandements royaux, vol. XXXVIII, f° 248. – Archives départementales, série B).

A Machecoul, où le père Chaurand était venu rédiger un règlement d’administration en 1681, les pères des pauvres se recrutaient comme le bureau des hôpitaux ; les uns étaient membres électifs, les autres directeurs-nés. Parmi ces derniers, se rangeaient les recteurs de la ville, les juges, les marguilliers en charge et deux religieux de la Chaume. Il y avait un receveur des aumônes qui rendait ses comptes chaque année, un secrétaire et deux distributeurs de pain. Les prêtres se réservaient la visite des malades. « Ces directeurs, dit un mémoire de 1724, s’assemblent tous les premiers lundy de chaque mois, examinent l’état des pauvres et délibèrent sur les moyens de les soulager. Ces pauvres sont des artisans, des journaliers qui sont surchargés d’enfants, et qui, en hiver principalement, ne peuvent les nourrir de leurs journées et de leur travail, des vieillards, des infirmes, de petits orphelins qui ne sont point en état de gagner leur vie, dans les années où le blé est cher et dont le nombre diminue dans les années plus abondantes et sont même en état de soulager les autres. On donne aux uns du pain, aux autres de l’argent, mais on ne souffre pas de fainéans. S’il fallait envoyer à l’hôpital de Nantes tous ceux qui ont besoin d’assistance, il s’en trouverait plus de 300. Les uns ont besoin de secours toute l’année, les autres seulement une partie, il y en a qui ne sont en nécessité que lorsqu’ils tombent malades. Ainsi, il semble qu’il n’y ait point de meilleur moyen de pourvoir au soulagement de ces nécessiteux, que par le maintien du bureau, et c’est dans cette vue qu’il a été maintenu par autorité de la Cour. C’est aussi par ces raisons que les directeurs supplient, très humblement Monseigneur l'Intendant de conserver et protéger le bureau des pauvres de Machecoul dans l’état où il est » (Intendance de Bretagne, C 1285. - Archives d'Ille-et-Vilaine).

La plupart des bureaux de charité n’ont vécu pendant le XVIIème siècle, qu’au moyen des quêtes, les rentes ne sont venues assurer leur existence que dans de rares paroisses. L’évêché qui se préoccupait de leur situation fit prendre des informations par les archidiacres visiteurs dans leurs tournées du XVIIème siècle. Si les notes recueillies par cette voie nous étaient toutes parvenues, nous aurions tous les éléments d’une statistique fidèle. Contentons-nous de quelques citations relatives aux climats d'Ancenis, de Clisson et du pays de Retz (Livre de visites pastorales de 1680 à 1689. – Archives départementales, série G).

Dans la paroisse de Saint-Mesme, le recteur déclare que le bureau de charité subsiste au moyen d’une quête que des particuliers font une fois l’an et d’une boîte qu’ils présentent à l’église aux fêtes solennelles (Livre du climat de Retz). Aux Touches, le bureau avait suspendu ses réunions faute de ressources (Livre du climat d'Ancenis, f° 87) et celui de Gorges n’était pas plus prospère en 1685 (Livre du climat de Clisson, f° 481). A Ligné, le visiteur constate que le recteur le fait vivre avec le concours des notables de la paroisse et qu’en outre deux gentilshommes se consacrent à la visite des malades (Livre du climat d'Ancenis, f° 103). A Saint-Donatien, près de Nantes, ce sont des dames charitables  qui se chargent de quêter dans l’église les dimanches et fêtes, quelques aumônes, à l’aide desquelles elles portent des secours à domicile, mais elles ne sont pas organisées en société (Livre du climat d'Ancenis, f° 35). A Mézanger, le recteur et ses vicaires obtenaient, par leurs instances, de quoi subvenir à l’entretien de 60 pauvres en 1686.

Nous avons vu qu’à Ancenis la communauté des soeurs hospitalières attachée au service de l'Hôtel-Dieu prêtait aussi son concours au bureau de charité, pour la répartition des aumônes en 1683. La pratique de l’assistance à domicile n’était pas nouvelle alors dans cette ville. Les comptes de 1569 à 1579 renferment la mention des sommes versées chaque mois pour la pension des pauvres malades (Archives de l'Hôtel-Dieu d'Ancenis, E 11). Quand le bureau de charité fut réorganisé vers 1774, après la dissolution de la société des soeurs, le produit des collectes s’élevait à 7 ou 800 livres (Registre du district d'Ancenis de 1790, p. 12. - Archives départementales, série L).

Les indigents de Campbon, grâce à la générosité de deux bienfaiteurs, recevaient des secours réguliers pendant le carême. Rolland Mabilais, sieur de la Guichardais, leur avait légué en 1675 une rente de 30 livres qu’un marguillier leur partageait en présence du curé, et le jeudi-saint, une autre rente de 10 livres provenant du legs d'Yves Dalibert, leur était distribuée (Archives de la fabrique). A. Guérande, les dames de charité firent donation d’une rente de 75 livres en 1699 (Titres de l'Hôtel-Dieu. - Archives de la mairie).

Dans les paroisses où les seigneurs avaient fondé des abbayes ou des prieurés, les aumônes se faisaient à des époques fixes et dans une mesure déterminée par contrat ou par arrêt. Ainsi, le prieur de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu était tenu, au Moyen-Age, de distribuer aux indigents un setier de blé le dimanche, le mercredi et le vendredi de chaque semaine, de la Toussaints à la Saint-Jean, et en outre de secourir les pauvres qui passaient (Livre du climat de Retz, f°s 168 et 173. — Ogée, dans son dictionnaire, affirme aussi ce fait sur un procès-verbal de 1572). Lorsque le bureau de charité fut constitué, le prieur qui ne résidait plus, s’acquittait en versant chaque année entre les mains du recteur, 34 setiers de blé qui furent la principale dotation. M. et Mme de la Moricière l’augmentèrent par un legs de 60 livres de rente, de 1672 à 1686, et plus tard, Françoise Gaborit, par une rente de deux setiers de seigle. Ces revenus pourtant n’étaient rien en comparaison du nombre de familles indigentes à secourir, car le recteur, dans son brevet de 1761, dit que le bureau de Saint-Philbert « est plutôt dans le coeur et les aumônes des personnes de qualité et des notables que dans les fonds » (Brevets des paroisses. – Archives départementales, série G). Son état de situation de 1790 n’accuse pas plus de revenus fixes que les documents du XVIIème siècle (Liasse de déclarations. - Archives départementales, série Q).

Suivant un antique usage, le prévôt de Vertou distribuait le dimanche et le mardi 18 boisseaux de farine par semaine, charge qu’on estimait à 450 livres par an (Livre du climat de Clisson, f° 77), et à Pontchâteau, le prieur faisait donner par son fermier, trois tonneaux de grain (Registre des arrêtés de 1791, vol. II, p. 58. – Archives départementales, Q). Les religieux de la Chaume qui, suivant la déclaration royale, s’étaient empressés d’apporter en 1681 aux pères des pauvres de Machecoul, ce qu’ils étaient tenus de distribuer à leur porte, refusèrent en 1698 de se conformer aux règlements. Il en résulta une instance à la suite de laquelle le Parlement les condamna, le 12 mars 1700, à verser 11 tonneaux et 18 boisseaux de blé par an, pour leur contingent [Note : Livre du climat de Retz, p. 56. — Intendance de Rennes, C 1285. (Archives d'Ille-et-Vilaine)]. Le bureau de charité de Sainte-Croix de Machecoul avait 118 boisseaux de blé à distribuer et celui de la Trinité, 40. Ce dernier jouissait aussi de deux rentes montant à 50 livres, et comme ce revenu était loin d’être suffisant, les dames de charité faisaient la quête une fois par mois dans les maisons. Il faut croire que dans le XVIIIème siècle les abbés revinrent à l’ancienne coutume, car le titulaire de 1768 dit dans une requête au Parlement que l’abbaye de la Chaume donne aux pauvres 138 boisseaux de blé par an. Un arrêt du 16 juin 1770 l’autorisa, sur sa demande, à en faire la remise au bureau de charité.

En 1724, l’abbaye de Meilleraie devait verser aux pauvres de Moisdon un boisseau de seigle par semaine et un demi-boisseau aux passants, ce qui faisait un total de 78 boisseaux par an (Archives d'Ille-et-Vilaine, C 1285). L’abbaye de Saint-Gildas-des-Bois donnait en pain l’équivalent de deux tonneaux de seigle le vendredi de chaque semaine, de la Toussaints à la Saint-Jean [Note : Archives de la Loire-Inférieure, série Q. Registre de déclarations du clergé, n° 2, f° 93. — Ces religieux avaient dans leur cimetière, au XVIIIème siècle, un hôpital de fous. On vient encore en pèlerinage en ce lieu pour obtenir la guérison de la folie. (OGÉE, dictionnaire de Bretagne)].

Le bureau de charité de la paroisse Saint-Sébastien recevait également du prieur de Pirmil des dons de blé (Archives de la Loire-Inférieure, série G. Visites du climat de Clisson, f° 91).

Les pauvres de la paroisse du Bignon n’avaient pas à se plaindre du voisinage de l’abbaye de Villeneuve. Les religieux de cette maison leur devaient en 1689 deux setiers de blé par semaine (Archives de la Loire-Inférieure, série Q. Déclarations du clergé, vol. II, f° 66). Dans le carême, l’aumône qui se faisait à 60 pauvres et trois fois par semaine, consistait en deux miches de pain de seigle, deux pots de vin et quatre harangs. Telle était la ration qu’on servait aux plus malheureux ; les autres n’en avaient que la moitié. L’abbaye faisait de plus trois aumônes générales de 16 setiers le mardi gras, le jeudi saint et le mardi d’après la Pentecôte. A la mort de chaque religieux on donnait la pitance du défunt pendant 30 jours au plus besoigneux du pays. Les passants et les pèlerins avaient droit aussi à l’hospitalité des moines de Villeneuve. A l’aide d’une rente de 947 livres laissée par l’abbé Jean d'Estrées en 1718, l’abbaye venait encore en aide aux 25 paroisses où elle possédait des terres [Note : Cet abbé de Villeneuve avait légué par testament du 2 mars 1718 une somme de 47.352 livres qui aurait pu être placée plus avantageusement. (Délibérations de l’hôpital de Bourgneuf, janvier 1733)]. En outre « l’abbaye est avoisinée (dit la déclaration de 1790) de tant de paroisses indigentes et est si proche de la grande route que les pauvres y abondent continuellement et il en coûte annuellement à la maison tant de charités en argent qu’en pain distribué journellement aux passans et pauvres voisins la somme de  800 livres » (Déclarations du clergé, t. II, f° 48. – Archives départementales, série B).

Les termes de la fondation de l’abbaye de Blanche-Couronne, près de Savenay, ne nous ont pas été conservés, mais nous savons que les religieux, suivant une tradition constante, se croyaient obligés de faire l’aumône à tous les pauvres qui se trouvaient présents le dimanche, le mardi et le jeudi de chaque semaine et de plus, d’assister les étrangers indigents toutes les fois qu’il s’en présentait. L’intrus laïque qui, au XVIème siècle, portait si indignement le titre d’abbé commendataire en ce saint lieu, aurait volontiers renoncé à cette coutume charitable si le Présidial de Nantes ne lui avait enjoint, par un arrêt de 1560, de distribuer trois setiers de blé par semaine.

Dans les plaintes qui furent portées contre lui en 1563, on voit qu’il s’exécutait de la plus mauvaise grâce et réduisait les portions des indigents avec une parcimonie honteuse. Pour l’accabler davantage, les religieux témoins et victimes de son avarice, rappellent ce que faisaient les anciens. Le procès-verbal rapporte que l’abbaye « doibt et a tousjours acoustumé donner l’aulmosne à tous les paouvres qui se trouvent à ladite abbaye par troys jours de chaincune sepmaine scavoyr : aux dimanches, mardi et jeudi et pareillement aux aultres paouvres estranges passant chemyn à quelques jours de la sepmanne que que soict. Et mesme se doibt bailler et fayre aulmosne générale le jour de jeudi absollu, et à chacun paouvre doibt estre donné pour seix deniers de pain et une escullée de feubves apotaigées pour celluy jour de jeudi absollu. Et quant aux aultres jours, leur doibt estre baillé du pain et aultres vivres raisonnablement, ce que toutes foyz n’a esté faict en cest an, depuis que ledit abbé seroict venu en ce pays, queque soict en a esté faict bien peu. Et combien qu’il auroict esté par cy devant enjoinct et ordonné par la court de Nantes aux paouvres en ladite abbaye le nombre de troys septiers de bled par chaincune sepmaine, pour ce qu’il y avoit meshuy de ceste maulvoise année à eschoirs, si est-ce qu’il n’en a esté donné chaincune sepmaine plus de demy septier, tellement que les paouvres des environs de ladite abbaye ont receu si peu d’aulmosnes qu’ilz ont myeulx aymé ne y aller plus et se retirer ailleurs chercher leur vye et ont enduré grande nécessité à cest yver dernier. Et encores à présant recepvent moings d’aulmosnes qu’ilz ne faisoinct à l’yver, car il n’est baillé a chacun que ung morceau de pain si bien que la portion de seix n’est compétante pour sustanter ung seul paouvre, comme l’on pourra veoir par ung des loppins qui estoict apresté pour donner à ladite osmonne qui a esté par nous retenu ».

Les aumônes du prieur de la Trinité de Clisson se composaient de 52 setiers de blé qu’il distribuait le dimanche et le jeudi de chaque semaine par 8 boisseaux, soit en pain, soit en farine, et qui passèrent ensuite aux mains des directeurs de l’hôpital (Livre du climat de Clisson, p. 445).

A la Regrippière, le titulaire de la chapellenie de Saint-François, fondée par Charles de la Touche, seigneur de Fromenteau, prenait sur la métairie de Boisjolly 12 boisseaux de blé qu’il distribuait par moitié à Pâques et à la Pentecôte (Livre du climat de Clisson, f° 225). En vertu d’un arrêt du 7 mai 1596, le prieur claustral de Saint-Sauveur de Beré, en Châteaubriant, avait du prieur commendataire 40 boisseaux de blé à répartir en aumônes aux pauvres du fief de Beré avec un écu deux tiers qui se donnait le jour de Pâques [Note : Cette aumône passa aux mains des directeurs de l’hôpital au XVIIIème siècle. - Archives de l’hôpital de Châteaubriant, B 9]. Aux Couëts, paroisse de Bouguenais, les indigents du pays recevaient des Carmélites, en trois fois chaque semaine, la valeur d’un setier de seigle, sans compter les secours qu’on accordait aux pèlerins et aux passants malades dans l’aumônerie de Saint-Julien [Note : Déclaration de 1554, f°s 185-198 (Archives départementales, série B). — Archives d'Ille-et-Vilaine, C 1285].

Suivant Ogée, le prieur de Notre-Dame de Frossay devait salarier un maître d’école et distribuer chaque dimanche un boisseau de blé ; celui du bourg de Batz était obligé de faire l’aumône six fois la semaine (Dictionnaire de Bretagne, voyez Batz et Frossay) et la prieure de Sainte-Honorine de Héric servait par an aux pauvres de cette paroisse le pain de 3 setiers de blé (Brevet de 1755. – Archives départementales, série G). Il y aurait également beaucoup de faits curieux à relever sur le rôle des monastères au point de vue des voies de communication et sur les services qu’ils rendaient aux voyageurs dans les lieux écartés privés d’hôtellerie. Puisqu’il faut se borner à ce qui fait l’objet de la présente étude, retenons toutefois ceci que les seigneurs avaient bien des raisons pour multiplier sur leurs fiefs les maisons religieuses [Note : Les religieux de Coëtmaloën relatent que leur abbaye est sur le grand chemin venant du pays de Tréguier à Vannes, loin de trépas muni d’hôtellerie, de sorte que les voyageurs prennent leur repas et pension pour eux et leurs chevaux dans le couvent (Livre de la chancellerie de 1490-1491, f° 117. Archives départementales, série B)].

Autour de l’abbaye de Buzay, les malheureux étaient l’objet des soins les plus paternels. Par l’acte de leur fondation, les Bénédictins étaient chargés de donner huit tonneaux et trois setiers de seigle, cependant ils ne s’en tenaient pas là [Note : L’abbé Henri de Gondi, qui fut aussi évêque de Paris, augmenta de son temps la distribution de 80 setiers de seigle (Archives d'Ille-et-Vilaine, C 1293)]. Ils portaient aux malades, de la viande, des remèdes, des douceurs même et leur envoyaient le chirurgien à leurs frais. Les marins qui se rendaient à Paimboeuf ou qui en revenaient, s’arrêtaient souvent à l’hôtellerie de Buzay et n’en partaient jamais les mains vides. Pendant les 43 années que M. Bosset de Fleury, évêque de Chartres, fut abbé commendataire (1737-1780), les malheureux de Rouans et de Vue connurent un bien-être inaccoutumé (Déclarations du clergé, vol. II, f° 34. – Archives départementales, série Q). Il avait autorisé le prieur à prélever chaque année sur les revenus de la mense abbatiale une somme de 1.200 livres pour en faire des aumônes extraordinaires. La majeure partie de cette somme était employée à habiller les plus nécessiteux. A la mort du prélat, l’abbaye étant passée sous le régime de l’économat, les moines n’eurent plus la consolation de faire autant d’heureux.

Cette coutume de vêtir les pauvres était très répandue autrefois. Je pourrais citer beaucoup de testaments où les légataires sont chargés de dépenses d’habillements. En voici seulement quelques exemples (Titres de l’hôpital de Guérande. - Archives de la Loire-Inférieure, série H) : Philippe de la Louairie, chanoine de la collégiale de Saint-Aubin de Guérande, ordonne dans son testament de prendre sur sa succession de quoi faire 12 justaucorps de drap bleu pour habiller 12 pauvres. M. Letreste (ou Lestrele) de Kerbernard veut qu’on prélève quatre mille livres sur la vente de ses biens meubles en faveur des pauvres d'Assérac et que la rente de cette somme soit employée à habiller principalement les enfants (Archives de la ville de Guérande. Hôpital). L’hôpital de Clisson avait reçu une donation à la charge de tenir ouverte une école charitable, de distribuer aux pauvres écolières, 20 livres de pain par semaine pendant quatre mois et d’habiller chaque année quelques-unes d’entre elles (Déclarations de 1790, vol. II, f° 157. - Archives de la Loire-Inférieure, série Q). A Bourgneuf, la supérieure de l’hôpital employait en vêtements, la rente de 50 livres léguée par M. Leboucher de Létardière pour se conformer à ses intentions (Délibérations du bureau, f° 268. – Archives de l’hôpital).

Le comte de Crux, en 1758, avait donné au bureau de charité de Saffré une rente de 110 livres en exprimant le désir qu’elle servît à acheter des étoffes qu’on distribuait le jour des Trépassés ou le dimanche suivant.

Lorsque le marquis de Becdelièvre acheta, le 2 mai 1769, la terre seigneuriale d4Avaugour en Carquefou, une des clauses du cahier des charges portait que l’acquéreur serait tenu d’habiller chaque année 12 pauvres des paroisses de Carquefou, du Cellier, de Mauves, de Thouaré et de la Chapelle-Basse-Mer (Arrêté du Conseil de Préfecture du 16 janvier 1810. – Archives départementales, série K).

« Quelques dames distinguées par leur piété, dit le règlement du bureau de Saint-Similien de 1787, et par leur zèle pour les malheureux, partageaient les sollicitudes du curé dans la distribution du pain et des vêtements » (Mémoires, Clergé. - Collection Dugast-Matifeux). On peut croire qu’il en était de même dans la paroisse Saint-Vincent de Nantes, d’après ce que rapporte le curé : « Il y a heureusement pour le soulagement des pauvres un bureau de charité établi dans la paroisse. On ne peut que donner les plus grands éloges au zèle infatigable avec lequel plusieurs dames des plus distinguées s’acquittent de cette oeuvre et pourvoient conjointement avec le recteur aux besoins des pauvres » (Brevet de 1780. – Archives départementales, série G).

De 1744 à 1760, celui d'Assérac reçut 7 contrats de constitution qui lui rapportaient 182 livres 16 sous 9 deniers de rente (Archives d'Ille-et-Vilaine, C 1290). Plus nous avançons dans le XVIIIème siècle et plus les fondations charitables se multiplient ; la fortune de beaucoup de bureaux date de cette époque.

Il en est cinq surtout dont la dotation importante mérite d’être signalée, ce sont ceux de Frossay, de Saffré, de Nozay, de Bouée et de Guérande. A Frossay, le trésorier des pauvres n’avait pas à toucher moins de 940 livres par an : sur la terre de la Raffinière, il prélevait une rente de deux tonneaux de seigle équivalant à 300 livres ; sur Elisabeth Cadou 100 livres ; sur les héritiers Guilbaud, 220 livres ; sur Victoire Charette de la Gascherie, 320 livres (Bordereau de 1799. Hôpitaux. – Archives départementales, série L). A Saffré, l’administration de la bienfaisance, nommée l’aumônerie, eut à sa disposition d’abord 200 livres en 1755, puis 282 livres en 1783, enfin 341 livres en 1790 [Note : Brevets de 1755 et de 1783 (Archives départementales, série G). Titres de la fabrique (Archives de Saffré)]. A ces ressources venait s’ajouter assez fréquemment le produit du bénéfice d'Ergantum qui ne valait pas moins de 1.030 livres de ferme en 1730, lors de son extinction. Un décret épiscopal de 1730 en avait appliqué le temporel au paiement d’un maître d’école, ou à son défaut, à l’augmentation des aumônes paroissiales ; or, comme la maîtrise était ordinairement sans titulaire, il en résultait, dit la déclaration de 1790, que les pauvres jouissaient en réalité des revenus de cette chapellenie (Déclarations du clergé. – Archives départementales, série Q).

Les rentes constituées au profit des pauvres de Nozay, de 1700 à 1790, atteignirent un total de 361 livres. La ferme du pré et du jardin de l’aumônerie de Saint-Jean produisait en plus 18 livres. Avec ces ressources et quelques autres, le trésorier du bureau de charité fut en mesure de distribuer, de 1782 à 1790 , la somme de 2.630 livres (Bureaux de charité. – Archives départementales, série H).

Par testament du 4 mars 1716, Adelaïde du Bois-Guéhenneuc, dame de Boispéan, bienfaitrice de Bouée, légua une rente foncière de 500 livres assise sur 40 oeillets de marais salants des frairies de Saillé et de Trescallan. Dans le procès que les marguilliers furent entraînés à soutenir vers 1743 contre le baron de Campzillon, à propos des droits d’amortissement, les indigents de la trève de Bouée ne sont pas désignés autrement que par le nom de pauvres honteux et par la sentence finale, ils sont assimilés aux communautés religieuses pour le service des droits féodaux (Brevets de 1779 et de 1783. - Archives départementales, série G. - Archives de la mairie de Bouée).

A Guérande, les pauvres de la même classe comptaient de nombreux bienfaiteurs et leurs visiteuses se nomment toujours dans les actes « les dames du bureau de charité des pauvres honteux ». M. l’abbé Loyer a été très surpris de rencontrer ce terme de honteux et s’est demandé à quelle catégorie d’indigents il fallait l’appliquer (Revue des provinces de l'Ouest, t. VI, p. 649-655). Les documents conservés à Guérande et ailleurs démontrent que ce nom était donné aux pauvres secourus à domicile. Veut-on quelques citations ?

Au Croisic, l'Hôtel-Dieu assistait autant les pauvres honteux que les malades, de 1621 à 1626 (Archives de la mairie, GG 36).

Le trésorier des pauvres honteux de Saint-Jean-de-Boiseau se trouvait en mesure de prêter une somme de 1.000 livres en 1779 aux moines de Geneston (Archives de la mairie de Boiseau).

A Châteaubriant, il y avait un des directeurs de l’hôpital chargé spécialement de visiter les pauvres honteux dans leurs maisons pour juger de leurs nécessités en 1683 (Délibérations du bureau, f° 146. - Archives de l’hôpital). Le legs de 500 livres fait à la paroisse de Bourgneuf en 1722, par Mathurin Amoureux du Marais, devait être versé aux pauvres honteux et mendiants, sous la surveillance de ses deux filles et du recteur (Archives de l’hôpital).

A Saint-Philbert-de-Grand-Lieu, le prieur donnait deux boisseaux de blé chaque semaine pour les pauvres honteux et non pour ceux qui demandent aux portes (Archives d'Ille-et-Vilaine, C 1285) ; et sur les limites de l'Anjou, à la Varenne, Gabriel Bridon avait laissé en 1670 une rente de 40 livres que le seigneur et le recteur de la paroisse étaient chargés de remettre aux pauvres honteux les plus dignes de pitié (Visites du climat de Clisson, p. 157. - Archives départementales).

Dans le règlement du bureau de charité de la paroisse Saint-Similien de Nantes, l’article 3 porte que les directeurs « ne s’occupent ordinairement que du soulagement des pauvres honteux ou artisans chargés de famille » (Mémoires, clergé, p. 1. - Cabinet Dugast-Matifeux). Enfin, je lis dans un brevet de 1780 : « Le bureau de charité de la paroisse Notre-Dame pour les pauvres honteux est commun avec celui de Saint-Léonard de Nantes et ne subsiste que par les aumônes journalières des fidèles » (Brevet de 1780, du curé de Notre-Dame. – Archives départementales, série G).

Il y avait tant d’effronterie parmi les gueux, qu’il fallait bien établir une distinction pour les pauvres honteux de leur indigence qui prenaient l’aumône comme un secours provisoire et non comme une dette. L'Eglise, qui n’a jamais cessé de prêcher la charité dans le monde, n’a pas oublié cette portion si intéressante de l’humanité souffrante. Il y a dans les actes du Concile de Ravenne (Labbei Concilia, t. XI, col. 1600, rubr. XXX) un canon spécial où les Pères recommandent d’avoir pitié des pauvres honteux, et nous avons bien des raisons de croire que ce conseil fut suivi par les recteurs des paroisses. Dans leur déclaration de 1790, les moines de Buzay disent qu’ils assistent « les pauvres familles et les pauvres honteux » (Archives de la Loire-Inférieure, série Q, vol. II, f° 34). Les indigents de cette classe ont été, à Guérande, largement soulagés, si nous en jugeons par les actes de générosité consignés dans les archives. Le chanoine Guilloré leur laissa, par deux legs, l’un de 1709, l’autre de 1718, deux maisons qui, en plusieurs occasions, servirent d’hôpital privé. Un autre chanoine, du nom de René Bahuaud, ex-recteur de Saint-Molf, leur donna aussi une maison avec jardin et pièce de vigne, afin que les pauvres de son ancienne paroisse fussent assistés à Guérande. D’après une déclaration faite en 1790 par la trésorière, Mlle Lechauff, la Société avait reçu de plusieurs particuliers divers dons dont le total, réuni à celui du produit des immeubles, fournissait un revenu de 974 livres ; et, malgré les ressources de ce patrimoine, les patronnesses étaient souvent dans la nécessité d’apporter le concours de leurs deniers (Archives de la Loire-Inférieure. Liasse des déclarations).

Jusqu’au milieu du XVIIIème siècle, le bureau des dames de charité de Guérande administra ses biens à sa guise et n’eut d’autre président que le recteur de Saint-Aubin. Non contentes de faire des quêtes de linge, d’aliments et d’argent, elles se rendaient aussi chez les malheureux ; et quand elles trouvaient un malade trop isolé dans sa demeure, elles le faisaient transporter dans l’une des maisons léguées par le chanoine Guilloré. Pour ces pénibles fonctions, elles furent aidées d’abord par une fille de confiance ; ensuite, elles appelèrent deux soeurs de la Sagesse, auxquelles elles confièrent la mission de tenir une pharmacie à bas prix et d’aller porter des secours chez les malades, soit à la ville, soit à la campagne (Archives de la Loire-Inférieure, série Q. Déclarations).

L’idée d’assister les pauvres à domicile fit beaucoup de prosélites dans le diocèse de Nantes, au XVIIIème siècle. A Blain, on ferma l’hôpital en 1778, à l’instigation du duc de Rohan, afin d’en convertir les revenus en remèdes, en linges et en vêtements que des soeurs du Saint-Esprit de Plérin allaient porter dans les maisons pauvres [Note : Archives de l’hospice de Blain. — Bibliothèque de Nantes, fonds Bizeul. Rapport de 1791. Il y avait 500 personnes, en 1778, à la charge du bureau. Ses revenus étaient de 978 livres]. Le président de Cornulier, en 1733, fit venir à Saint-Herblon des soeurs du même ordre, qu’il installa dans une de ses maisons et leur donna pour mission de veiller sur les malades d'Anetz, de la Rouxière et de Saint-Herblon. Dans leurs loisirs, elles tenaient une école de filles.

A Derval, M. Moulin de la Bourdonnaie donna, en 1774, un constitut de 3.100 livres avec une maison, à la charge d’entretenir deux soeurs qui partageraient leur temps entre la visite des malades et l’instruction des enfants. Dans l’importante paroisse de Vallet, le bureau de charité ne soulageait pas autrement la population pauvre, qui, parfois, s’élevait jusqu’à 1.200 personnes. Pour l’encourager dans cette voie, le seigneur Barrin de la Galissonnière lui donna une rente de 350 livres, et l’évêque consentit à la suppression du collège de Vallet, afin d’augmenter le patrimoine des malheureux. Les lettres patentes qui autorisent cette conversion stipulent formellement que les ressources de la maison de charité de Vallet ne pourront être employées qu’à secourir les pauvres chez eux mêmes, sans qu’ils puissent être réunis dans une même maison [Note : Voir, à la fin de ce chapitre, le texte des lettres patentes qui sont de novembre 1781]. En 1790, la dotation se composait de huit boisselées de terre au pré Maillard et aux Grandes-Ouches, rapportant 185 livres, d’une rente foncière de 80 livres sur la Touche, et de plusieurs rentes constituées montant à 950 livres. En total, les administrateurs avaient à dépenser 1.135 livres par an.

La fondation de Charlotte Giraud, dont il est fait mention dans une table sous le titre d'Hôpital de Vallet, à la date du 12 janvier 1701, a sans doute été absorbée par le bureau de charité (Table des registres du Secrétariat. G 63).

Toute rapide qu’elle soit, cette revue nous montre d’où venaient les bienfaits prodigués aux indigents ; j’ajouterai toutefois quelques noms qui méritent de ne pas rester dans l’oubli. Lorsque le legs de 50.000 livres de M. du Cambout, évêque de Metz, fut réparti en 1746 entre toutes les paroisses de son domaine, Campbon, en raison de son étendue, reçut de ce seigneur la somme de 10.000 livres, Missillac 370 livres de rente et la Chapelle-des-Marais 105 livres de rente (Archives de Loire-Inférieure, E 706. Archives d'Ille-et-Vilaine, C 1290). Les pauvres d'Assérac étaient redevables d’une rente de 40 livres au comte de Trevelec (Titres des bureaux de charité. – Archives départementales, série H) ; — ceux de Couëron, d’une rente de 51 livres à un abbé de Villeneuve ; — ceux de Fay, d’une rente de 203 livres à M. Larlan de Kercadio (Archives d'Ille-et-Vilaine, C 1293) ; — ceux de Percé, d’un constitut de 12.000 livres et d’une rente de 25 livres à la famille de Boispéan [Note : Ce bureau avait 56 livres de revenu en 1771 (Archives de la mairie de Fercé)] ; — ceux d'Herbignac, d’une rente de 60 livres à leur recteur, l’abbé Lemasle, rente qui, jointe à d’autres, leur procurait un revenu de 471 livres (Archives départementales, série H) ; — ceux de Saint-Julien-de-Concelles, d’une rente de 100 livres à Catherine Simon, veuve de Joseph Rousseau de Saint-Aignan, président à la Chambre des Comptes (Fondation de 1709. – Archives départementales, E 1000) ; — ceux de Sainte-Pazanne, d’une rente de 260 livres à l’abbé Robert du Moulin-Henriet et à M. Charette de Boisfoucault (Brevets de 1770 et de 1780. - Archives départementales, série G) ; — ceux de Sion, d’une rente de 50 livres à Henri du Bois, chevalier, comte de Maineuf, qui leur avait assuré aussi un lit à l’hôpital de Rennes (Archives de la fabrique de Sion) ; — ceux de Varades, d’une rente de 240 livres à Catherine Dupé, veuve d'Antoine Gérard de Sarcey, depuis 1764 (Déclarations de créances, f° 4 et 5. – Archives départementales, série Q ; district d'Ancenis) ; — ceux de Vay, d’une rente de 135 livres à M. et à Mme de Kerversio et d’une rente de 150 livres à M. Larlan de Kercadio (Brevet de 1760 – Archives départementales, série G. - Archives d'Ille-et-Vilaine, C 1293) ; — et ceux de Villepots, d’une rente de 30 livres à leur recteur, Julien Huaut, depuis 1632 (Titres des paroisses. – Archives départementales, série G).

Les pauvres de Casson possédaient un constitut de 2.400 livres provenant d’un don du capitaine Segondy (Titre du 27 septembre 1772. - Archives paroissiales) ; ceux de Liré, en Anjou, recevaient 400 livres en aumônes ou en remèdes chaque année et jouissaient d’une école gratuite par suite d’un legs de Mlle de Bras de la Bourdonnaie, à la maison Saint-Charles de Nantes, depuis 1704 [Note : Cette demoiselle est la fondatrice des écoles et de la maison Saint-Charles de Nantes. (Archives départementales, série Q. Inventaire). A Pierric, Louis Guerrier, recteur de Quilly, avait laissé une rente de 100 livres (Brevet de 1760. – Archives départementales, série G), et à Saint-Mars-de-Coutais, on distribuait aux enfants du catéchisme 25 boisseaux de seigle par an, en vertu d’un legs de M. Guyot de Butay (Déclarations de 1790. - Archives départementales, série Q). A défaut de biens, l’abbé Bouvier, prieur de Vritz, donna ses meubles à l’hôpital de Candé en 1634, à la charge d’entretenir un lit à la disposition des habitants de Vritz (Brevets de 1756 et de 1783. – Archives départementales, série G). Le capital des pauvres de Nozay fut augmenté au XVIIIème siècle de 10 livres de rente par M. Juchault de Lorme, de 10.000 livres par M. de Talhouet et de 4.000 livres par M. et Mme Guérin de Beaumont (Titres des bureaux de charité. – Archives départementales, série H).

Au compte de la bourgeoisie, j’inscrirai les noms de Françoise Guillon, veuve Bruneau de Laubertière, pour une rente de 50 livres léguée au bureau de Montbert en 1757 (Ibidem. — Voir aussi série Q : Bordereaux de liquidation) ; de François et Pierre Dubée pour une rente de 6 livres aux pauvres de Nort (Ibidem) ; de Mme et Mlle Callais, pour une rente de 200 livres constituée en 1788 en faveur des pauvres du Port-Saint-Père (Arrêtés, vol. III, f° 195. – Archives départementales, série Q) ; de Mlles Leray de la Piollerie et Bourgeois de la Mojotière, pour un don de 2.000 livres chacune aux pauvres de Sainte-Pazanne (Brevets de 1770 et de 1781. – Archives départementales, série G) ; de Mlle Le Sourd, pour une maison et des terres à la Basse-Hairière, qui rapportaient 100 livres au profit des pauvres de Thouaré et sont aujourd’hui affermées 400 francs (Archives de la paroisse. — Brevet de 1782. Archives départementales, série G).

A Noyal, c’est le docteur Bonnelle qui, après avoir achevé ses études à Montpellier, revient exercer la médecine dans son pays et offre l’hospitalité, de 1715 à 1745, dans le vieux logis de la Tourrière, aux malades qui viennent réclamer ses soins, sans rien exiger des pauvres gens. Sur les murs des deux grandes salles d’infirmerie où il recevait ses pensionnaires, se voyaient des fresques reproduisant des scènes de la vie de Jésus-Christ accompagnées de maximes religieuses et philosophiques qui n’ont pas toutes disparu (Histoire et légendes du pays de Châteaubriant de l’abbé Goudé, p. 63 et suivantes). Son nom est resté, en vénération dans le pays.

Tous les noms des bienfaiteurs ne sont pas venus jusqu’à nous. Pour Soudan, par exemple, on sait seulement que le recteur reçut d’une personne charitable 500 livres qu’il plaça en 1766 sur la caisse de l’hôpital de Châteaubriant et qu’il en distribuait la rente aux pauvres (Archives de l’hôpital de Châteaubriant, B). A Carquefou, le bureau de charité possédait deux constituts sur le clergé de France montant à 260 livres (Créances du district de Nantes. – Archives départementales, série Q) ; à la Chapelle-Heulin, le produit du bénéfice de la Roche réuni en 1777 (Table des registres du secrétariat. – Archives départementales, série G) ; à Montbert, une rente de 100 livres sur les Bauches-Coiffées (Créance passive de l’émigré de la Ville. – Archives départementales, série Q) ; à Puceul, une rente de 60 livres sur le clergé de France (Liasse des biens remplacés. – Archives départementales, série  X) ; à Saint-Hilaire-du-Bois, une rente de 79 livres sur une terre dont le nom est ignoré comme celui du donateur (Délibérations de 1771 à 1779. - Archives de la Mairie) ; à Saint-Mars-de-Coutais, un capital de 6.200 livres (Déclarations du clergé. - Archives départementales, série Q) ; à Saint-Mars-du-Désert, une rente de 72 livres (Bureaux de charité. – Archives départementales, série H) ; à Vallet, plus de 1.000 livres de revenus dont l’origine est inconnue (Voyez les lettres-patentes publiées plus loin) ; et à Vertou, une vigne affermée 30 livres avec deux constituts valant ensemble 145 livres de rente (Brevet de 1776. – Archives départementales, série G).

Certains bureaux de charité ne doivent leur création qu’à une mesure de police générale, à une confiscation prononcée à leur profit ; celui de l’île d'Indre est dans ce cas. Il existait en ce lieu une confrérie très ancienne, de Toussaints, qui avait reçu de ses fondateurs oubliés quatre pâtureaux, à la charge d’entretenir un pont et une chaussée, et de faire dire une messe annuelle. Comme elle avait omis de se pourvoir de lettres de confirmation, le Présidial de Nantes prononça sa dissolution le 19 mars 1773. La sentence porte que les biens de la confrérie seront employés au soulagement des indigents et à l’établissement d’un bureau de charité [Note : Archives de la mairie d'Indre. — Les confrères furent en procès pendant plusieurs siècles, à l’occasion de la propriété de ces prés, dont la provenance était restée obscure, malgré divers jugements contradictoires. Les confréries de Toussaints de Saint-Colombin et de Pont-Saint-Martin semblent avoir eu la même destination que celle d'Indre. (Visites du climat de Retz de 1689, f°s 159 et 196. — Arrêté de l'Administration centrale, 18 prairial an V)].

Le Trésor public, lui aussi, apportait son contingent aux paroisses dans les temps de disette. Bourgneuf obtint, en 1759, une somme de 2.060 livres qui, convertie en farine et en pain, fut distribuée non par l’hôpital, mais par les délégués de l’assemblée paroissiale, nommés pères des pauvres (Archives de l’hôpital de Bourgneuf. Mémoire de 1759).

Mais, dira-t-on, que devenaient les malheureux dans les paroisses si nombreuses qui manquaient de bureau ? Je répondrai, avec les documents en main, qu’ils trouvaient toujours un protecteur dans leur curé. Il faut lire ces déclarations faites par le clergé séculier en 1790, après la confiscation de ses biens, pour se rendre compte du rôle que les recteurs remplissaient dans les campagnes et s’instruire de l’emploi qu’ils faisaient de ces dîmes contre lesquelles on a tant déclamé par ignorance. Dans sa déclaration de 1790, le curé de Monnières dit qu’il ne peut pas apprécier ses aumônes en pain, en viandes, bouillons, vins et habillements ; il les regarde comme une des plus grandes charges de sa cure, et il invoque le témoignage de ses paroissiens (Archives de la Loire-Inférieure, série Q. Déclarations, 1er vol., f° 163).

M. Béchu des Haies, curé de Mouzillon, parlant de la part qu’il accorde, dans ses revenus, à l’hospitalité et au soulagement des malades, dit : « Il ne va point à un curé qui connaît et aime son devoir de calculer cette charge qui lui procure tant de jouissances délicieuses, mais il n’en est pas moins vrai qu’elle pèse sur les revenus des curés d’une toute autre manière que sur ceux de la plupart des autres citoyens, parce qu’il y a peu de personnes qui puissent voir d’aussi près, comme les curés, la misère des pauvres et des malades ; or, il est difficile de la bien voir sans être porté presque invinciblement à la soulager » (Archives de la Loire-Inférieure, série Q. Déclarations, 1er vol., f° 146).

« Je déclare, dit le curé du Bignon, que la première charge temporelle est la charité, le nombre de mes pauvres étant très considérable, ainsi que dans tous les pays vignobles, et n’ayant ici d’autre ressource que dans la bienfaisance et la justice de leur pasteur. Mes charités en grain, pain, bois à chauffer, vêtements, outils de labourage, frais de chirurgien, achats de remèdes, de viande pour les malades, argent sonnant, n’ont jamais été au-dessous de 1.800 livres ; elles vont communément à 2.000 livres, et quelquefois elles surpassent cette somme. Dans cette estimation, je ne parle pas des années extraordinaires : ainsi, par exemple, en 1779, mes charités se sont élevées à 3.000 livres, et, dans l’année dernière, qui fut si cruelle, elles ont été jusqu’à 4.000 livres. Ainsi, j’ai été obligé d’emprunter 2.000 livres, dont je paie l’intérêt » (Archives de la Loire-Inférieure, série Q. Déclarations, vol. I, f° 159).

N’est-il pas touchant de voir un curé contracter des dettes pour venir en aide à ses paroissiens, et un autre vanter les douceurs d’un ministère qui l’oblige sans cesse à se dépouiller ? Ces deux types, qui se reproduisent souvent sous nos yeux, n’étaient pas rares autrefois. Le curé de village sortait des rangs du peuple ; il connaissait ses goûts et ses faiblesses ; il devenait donc facilement l’ami et le conseiller des gens de labeur. Peu exposé aux déplacements, il voyait grandir ceux qu’il avait baptisés ; il vieillissait avec les époux dont il bénissait le mariage, et les traitait tous, enfants et parents. comme les membres de sa famille. Il ne faut pas chercher ailleurs le secret de l’attachement profond qui se révéla si énergiquement dans les pétitions et les résistances armées, au moment où la Convention voulut appliquer ses décrets sur la constitution civile du clergé.

L’abbé Genevois, qui habitait le presbytère de la Chevrollière, ouvrait sa bourse dès qu’il était en présence d’un ménage obéré ou affligé par un revers, et il s’efforçait en même temps de combattre les abus qu’engendre le vagabondage. Le zèle qu’il déploya pour détruire la mendicité autour de lui et les vues qu’il développa dans un mémoire adressé au Ministre, lui valut une lettre de M. Necker à la date du 28 septembre 1779. D’après sa déclaration de 1790, une veuve chargée de onze enfants lui devait 300 livres, un père de famille 300 livres, et un pauvre marchand lui avait emprunté 150 livres pour acheter un cheval (Registres des déclarations du clergé. – Archives départementales, série Q).

Le curé de la paroisse, quelle que fût la forme d’une association charitable, était regardé comme son président né et comme le défenseur naturel des intérêts des pauvres.

Les distributions se faisaient par ses mains ou en sa présence par les marguilliers. Parfois, les paroissiens désignaient des officiers spéciaux nommés ici prévôts, là économes, et plus généralement, pères des pauvres, qui, après avoir opéré les recettes, en remettaient le montant soit au curé, soit à un trésorier. A Nort, le personnel du bureau se composait d’un père des pauvres, du curé, du procureur fiscal, du seigneur et d’un receveur [Note : Archives de la Loire-Inférieure, série G. Brevet de 1782. Suivant la déclaration d’août 1709, chaque paroisse était tenue d’élire des notables pour administrer les revenus des pauvres et un receveur. (Recueil des lois et ordonnances, Jourdans, t. XVII, p. 202)]. A Herbignac, les comptes étaient examinés par le curé et le sénéchal du marquisat d'Assérac. Ailleurs, comme à Varades, par exemple, le recteur était tenu par la clause d’un testament, de rendre compte de ses distributions par un état nominatif de répartition qu’il communiquait aux descendants des bienfaiteurs en présence des marguilliers et du syndic.

Je pourrais m’étendre encore sur des fondations faites en faveur des filles repenties, des orphelins, des captifs, mais ces divers sujets m’entraîneraient trop loin ; je me contenterai, pour clore cette énumération, de citer parmi les oeuvres pies auxquelles nos aïeux s’adonnaient avec complaisance, celle du soulagement des prisonniers. Les familles chrétiennes visitaient autrefois les prisons avec autant d’empressement que les maisons pauvres ; elles considéraient ces proscrits de la société comme des affligés auxquels on devait une consolation.

L’ordonnance de 1670 (art. XIII), prévoyant les désordres qui pourraient se glisser dans les prisons à la suite des visiteurs, prescrivait de disposer les offrandes dans un tronc et voulait que les juges fissent publiquement la répartition du contenu une fois par mois. Malgré, les défenses, il était bien difficile de ne pas succomber à la tentation de déposer quelque aumône dans la main des détenus. Ceux de Nantes se livrèrent à tant d’excès avec les générosités de leurs visiteurs, que le bruit de leurs débauches parvint jusqu’au Parlement de Rennes. Un arrêt fut rendu tout exprès pour rétablir l’ordre au Bouffay (Livre des arrêts et ordonnances, 1715-1722, f° 135. - Archives du tribunal de Nantes. Présidial).

A Guérande, au contraire, la coutume de visiter les prisons étant tombée en désuétude à la fin du XVIIIème siècle, les prisonniers gémissaient dans l’abandon. Le seigneur de Kerbernard, Jean Letresle, qui allait souvent les voir, fut si ému de leur dénuement, qu’il voulut leur léguer une part de son héritage. Le titre de la donation nous peint leur triste situation avec une abondance de détails et des accents de tendresse qu’on est surpris de trouver dans un acte notarié. Voici cette pièce historique du 11 janvier 1786, telle qu’elle a été dictée à M. Lallement, notaire à Guérande, par le bienfaiteur :

« M. Jacques-Jean Letresle nous a déclaré que touché de l’état déplorable des malheureux qui gémissent habituellement dans les prisons de cette ville, victimes de la détresse, ignorés et dans l’oubli de tout le monde, souffrant sous ses yeux, sans adoucissements, toutes les rigueurs de la captivité, se plaignant moins du poids de leurs chaînes que de la privation des secours qui leur manquent pour le soutien d’une vie onéreuse, livrés à la misère la plus cruelle, sans appuis, sans ressources, sans aucunes consolations, sans voir leur sort devenir moins fâcheux, moins insuportable par les assistances de la miséricorde qui en diminueroient l’amertume et les animeroient à ne pas perdre le mérite de leurs souffrances ;

Qu’attendri par un spectacle si touchant qu’ils lui présentent tous les jours et si capable d’intéresser sa sensibilité, il s’est déterminé à leur faire quelques biens pour leur témoigner qu’il compâtit à leurs peines et qu’il voudroit du moins alléger par humanité le joug de l’indigence qui les accable ;

Que pour cet effet il consent de leur donner dès à présent à perpétuité le fonds de 78 livres de rente qu’il leur destine depuis longtemps ;

Que son intention et les clauses et conditions qu’il impose à cette donation sont : que le revenu en soit employé à procurer aux prisonniers de cette ville les choses qui leur seront nécessaires :

Premièrement, du pain lorsque celui du roi sera insuffisant pour les faire vivre, des chemises pour les mettre à lieu d’en changer et empêcher que les pous ne les dévorent, du savon pour blanchir leurs linges, de l’oing et quelquefois de communes viandes de boucherie pour leur faire de la soupe capable de les soutenir, un peu de vin pour les fortifier dans les cas de maladie contre le grand froid ou l’excessive chaleur ; des matelots, paillasses et couvertures pour les prisonniers civils et même pour les autres lorsque les circonstances le permettront, des vêtements selon le besoin pour leur faire éviter les maladies que peut leur causer le froid, qui joint au mauvais air qu’ils respirent sans cesse dans leur prison devient souvent pour eux dans la suite le principe des langueurs qui les accompagnent le reste de leur vie, des mottes pour les chauffer étant malades ou dans la saison du froid que leur inaction ne leur rend que trop sensible ; quand et de la manière que MM. les Juges penseront que cette douceur peut leur estre accordée » (Archives de l'Hôtel-Dieu de Guérande, série B).

Que de misères nous apercevons à travers ces lignes attendrissantes et qui croirait que ce tableau navrant se rapporte à une ville où résidait une cour de justice, où la bienfaisance se pratiquait largement, où la population indigente avait pour la secourir un hôtel-Dieu, un hôpital général et une maison de charité ! Cette anomalie ne doit pas nous surprendre : l’ancien régime est l’époque des contrastes et des contradictions ; le désordre y va de pair avec une réglementation excessive, l’incurie et la prévoyance s’y rencontrent à chaque pas sans s’exclure de même que l’indifférence et la sensibilité. Cette société, vieille de tant de siècles, contient en abondance des éléments de vitalité, mais on sent que la cohésion est absente, que le morcellement tue les forces vives du pays, que l’unité administrative lui manque ainsi que la science de l’économie politique pour diriger ses aspirations généreuses.

 

PIÈCES JUSTIFICATIVES.

LETTRES PATENTES ÉTABLISSANT UNE MAISON DE CHARITÉ A VALLET ET APPROUVANT LA SUPPRESSION DU COLLÈGE.

Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, à tous présens et à venir, salut :

Nos chers et bien amez les sieurs François Madelaineau, Jean Rousseau et Jacques Rivet, marguilliers de la paroisse de Valetz, en Bretagne, nous ont représenté que ladite paroisse contient six à sept mille habitants qui ne subsistent pour la pluspart que de la culture des vignes, que sur ce nombre d’habitants, il y a quelquefois jusqu’à 1.200 pauvres qui ne peuvent vivre qu’au moyen des secours que l’on leur procure, que cette considération a déterminé le général des habitans de Valetz à y fonder une maison de charité qui a déjà procuré le plus grand bien, mais que pour l’augmenter il seroit à désirer que les biens et revenus d’un collège établi dans la paroisse y fussent réunis ;

Que ce collège dont l’objet principal est l’instruction gratuite de la jeunesse, qui doit avoir un principal et deux régents pour exécuter cette fondation, a des revenus si modiques qu’il ne peut se soutenir ; qu’il n’est d’ailleurs d’aucune utilité, attendu qu’il y a des collèges à deux ou trois lieues aux environs de Valetz, où les gens aisés envoient leurs enfants ; que les revenus qui dépendent dudit collège en y comprenant ceux du bénéfice de Chesneaux qui y ont étez unis et une rente de 350 livres, au principal de 7.000 livres, que le sieur de Barin, seigneur de la paroisse, s’est engagé de donner aux pauvres, mettront ladite maison de charité en état de leur procurer des secours qui feront cesser entièrement la mendicité, de nourir et élever les orphelins jusqu'à ce qu’ils soient en état de gagner leur vie et de fournir aux malades des remèdes et les autres soins dont ils pourront, avoir besoin ;

Que ces considérations ont déterminé le sieur Jean-Augustin de Fretat de Sarra, conseiller en nos conseils et évêque de Nantes, à donner le 25 mai dernier, un décret par lequel il a consenti en ce qui le concerne, à la suppression du collège de Valetz et l’union des biens et revenus qui en dépendent, ainsi que ceux du bénéfice de Chesneaux, à la maison de charité dont, il s’agit, et qu’il ne manque plus pour rendre ledit établissement aussi utile qu’il peut l’être, que nous voulions bien en le confirmant et en confirmant pareillement le décret dudit évêque de Nantes, leur permettre de vendre ou de donner à bail les maisons et bâtiments dépendant dudit collège et de placer en effets permis le prix provenant de la vente d’iceux, s’ils trouvent l’occasion de les aliéner, de recevoir tous dons et legs mobiliers, même des immeubles, jusqu’à concurrence de 50 livres de revenus, sans avoir besoin d’autre autorisation que de celle contenue dans nos présentes lettres ; enfin, de placer dans ladite maison trois soeurs de charité et de former un bureau d’administration pour ladite maison, qui sera composé d’un chanoine de la cathédrale de Nantes, du curé de Valetz, du juge, du procureur fiscal et de deux notables.

A ces causes, de l’avis de notre conseil qui a vu les délibérations du général des habitans dudit lieu de Valetz et du chapitre cathédral de Nantes, prises les 29 novembre, 14 décembre 1772, 12 février 1773 et 20 mai dernier ; le décret dudit seigneur évêque de Nantes, du 25 des mêmes mois et an, le tout cy attaché, sous le contrescel de notre chancellerie, Nous avons approuvé et confirmé et par ces présentes signées de notre main, approuvons et confirmons l’établissement fait au lieu de Valetz, d’une maison de charité ; approuvons pareillement et confirmons le décret du sieur évêque de Nantes, portant suppression du collège fondé dans ledit lieu de Valetz et union de ses biens et revenus, en faveur de ladite maison de charité, laquelle sera régie et administrée par un bureau composé du sieur évêque de Nantes et de ses successeurs audit évêché, lesquels auront la préséance audit bureau, d’un chanoine député du chapitre cathédral de Nantes, du curé de Valetz, du juge et du procureur fiscal et de deux notables dudit lieu [Note : Le collège de Vallet, fondé en 1617, était placé sous la tutelle du chapitre ; ce droit de siéger au bureau de charité était donc une compensation offerte aux chanoines].

Permettons auxdits marguilliers de donner à bail, même de vendre toutes les maisons et autres bâtiments dépendants et appartenants audit collège, à la charge par eux, en cas de vente desdits bâtiments, d’en placer le prix en effets permis et encore à la charge qu’ils ne pourront, dans aucun cas et sous aucun prétexte, construire aucuns autres bâtiments pour servir à ladite maison de charité.

Voulons que les rentes acquises et celles qui pourront être données par la suite audit établissement, soient employées au soulagement des pauvres chez eux-mêmes, sans qu’ils puissent être réunis dans une même maison, pour quelque cause et sous quelque dénomination que ce puisse être.

Confirmons le don fait par ledit sieur de Barin, en faveur des pauvres dudit lieu, de la rente de 350 livres, au principal de 7.000 livres, autorisons ladite maison de charité à recevoir tous dons et legs mobiliers, même des immeubles jusqu’à concurrence de 50 livres de revenus, sans avoir pour ce besoin d’autre autorisation que de celle portée par nos précédentes lettres patentes.

Permettons au bureau d’administration de ladite maison de charité d’appeler dans le bourg de Valetz trois soeurs de charité pour régir ledit établissement, à la charge néanmoins et non autrement que lesdites soeurs ne pourront être établies audit bourg que dans le cas où les revenus de ladite maison de charité auront étez assez augmentez pour fournir à la subsistance desdites soeurs, sans nuire au bien des pauvres, ce qui sera jugé par le sieur évêque de Nantes, auquel il sera, à cet effet, présenté tous les ans le compte de la recette et de la dépense de ladite maison de charité [Note : Ce sont les sœurs de la Sagesse qui furent appelées à Vallet pour être les servantes des pauvres. Chassées en 1793, elles revinrent en 1807].

Dérogeons, pour tout ce que dessus, à tous édits, déclarations, arrêts et règlemens à ce contraires.

Si donnons en mandement à nos amez et féaux conseillers, les gens tenans notre cour de Parlement de Rennes, que ces présentes ils ayent à enregistrer et du contenu en icelles faire jouir ladite maison de charité, pleinement, paisiblement et perpétuellement, car tel est notre plaisir.

Et afin que ce soit chose ferme et stable à toujours, nous avons fait mettre notre scel à cesdites présentes.

Donné à Versailles, au mois de novembre, l’an de grâce 1781 et de notre règne le huitième, signé : Louis. Plus bas, par le roi : Amelot. Scellées en cire verte à lacs de soye rouge et verte [Note : Mandements royaux, vol. LVII, f°s 217, 218. – Archives de la Loire-Inférieure, série B]. (L. Maître).

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