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LE CLERGE D'YVIGNAC

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CLERGÉ. — GUILLAUME-AUGUSTE-ETIENNE GAUVIN, recteur, naquit à Cancale le 8 juin 1742 de Louis-Claude et de Louise Bouvet. On le note au séminaire comme « bon sujet pour la régularité, l'application, la capacité, les mœurs, la piété, sait le chant et a de la voix ». Il reçut la prêtrise le 20 septembre 1766. Le 8 août 1780, au trépas de M. Gilles Perrée, de Saint-Servan, fils de Henri et d'Olive de la Lande, décédé le 12 juillet précédent, il obtint au concours la cure d'Yvignac, dont il prit possession le 25 octobre suivant.

Cet excellent prêtre s'affilia des premiers à la Société dite « du Cœur de Jésus », que venait de fonder le R. P. Picot de Closrivière en 1790, et naturellement refusa d'adhérer à la Constitution civile du Clergé. Il signa peu après son adhésion à l'Exposition des principes sur la Constitution civile et presque aussitôt, il se vit dénoncer par la maçonnique société des Amis de la Constitution de Broons, laquelle communiqua ses fiches à la non moins maçonnique société des Amis de la Constitution de Dinan. Informé par celle-ci le 21 mai 1791, le Directoire du District de Dinan inculpa le recteur d'Yvignac d'avoir lu en chaire « un prétendu bref du Pape et une lettre pastorale du ci-devant évêque de Saint-Malo ».

M. Gauvin fut vivement ému par cette dénonciation. Peut-être même à la suite de sa lecture du bref pontifical, les « patriotes » extrêmement surexcités de sa paroisse, avaient-ils manifesté contre lui ? Nous l'ignorons. Quoi qu'il en fût, le recteur d'Yvignac jugea que le plus sage était de laisser passer l'orage et dans cette fin, il s'éloigna pour quelque temps de sa paroisse. On devait le lui reprocher amèrement à son retour.

Son départ, du reste, n'empêcha pas les autorités du district de Dinan d'ouvrir contre l'abbé Gauvin une information judiciaire. Elle ne pouvait que rester vaine, car le prétendu délinquant était passé à Jersey [Note : La municipalité d'Yvignac profita de que son recteur s'était réfugié à Jersey en 1791 pour faire mettre ses effets sous séquestre, sous prétexte qu'il voulait se soustraire aux réparations qu'il devait faire comme décimateur tant au chœur de l'église qu'au presbytère d’Yvignac. La vente du mobilier de M. Gauvin produisit 332 l. le 4 février 1793 ; une vente de comestibles avait déjà rapporté 70 l. le 27 août 1792].

Remplacé dans sa cure par l'intrus Joseph Saudrais, le 12 juin de cette année, M. Gauvin crut que son devoir lui commandait de revenir dans sa paroisse. Le 7 décembre 1791, son successeur vint s'en plaindre à Nicolas Faisant, l'accusateur public. Il prétendait que « depuis environ cinq semaines que M. Gauvin était de retour d'Angleterre, il lui avait déjà détourné presque tout son peuple des offices par des discours incendiaires, en même temps que ses partisans, telles que Roberde Richard et Jeanne La Caille s'en allaient prêcher de maison en maison la fausse doctrine de leur maître et lui retirer toute sa paroisse ». (Arch. C.-du-N., Lm 5, 14 et 24).

Les affirmations de l'assermenté Saudrais trouvèrent près des pouvoirs publics un accueil favorable. Vite une information judiciaire fut ouverte par le F. M. Coupard, doyen des juges, le 20 décembre 1791. Elle fut continuée le 12 janvier suivant et nous la donnerons in extenso à la fin de la notice de l'abbé Gauvin. Nous croyons du reste que les griefs dont on chargeait cet ecclésiastique, si graves qu'ils puissent paraître, ne reçurent point de sanction, car il fut impossible de découvrir sa retraite.

Une autre instruction fut encore dirigée contre le recteur d'Yvignac au mois de septembre 1792 par le juge de paix de Plumaudan, lequel décerna contre lui un mandat d'amener, mais les gendarmes de Dinan envoyés pour l'arrêter le 20 septembre 1792, firent buisson creux et rapportèrent seulement la nouvelle, fausse d'ailleurs, « que M. Gauvin s'est volontairement émigré depuis trois mois ou plus », ce qui permit au juge enquêteur de déclarer l'instruction close, et que les poursuites intentées cesseraient dès ce jour (1er octobre 1792).

Cette fois, M. Gauvin ne s'était point exilé et malgré la loi du 26 avril 1792 et les autres terribles décrets qui vinrent la compléter, il était demeuré caché à Yvignac au péril de ses jours. Il y succomba à la tache exténuante à laquelle il s'y livrait le 26 avril 1794, chez Marie Bourrelet, supérieure des Tertiaires du P. Eudes, qui l'avait recueilli dans sa demeure au village de la Nouée.

Son cadavre, pour éviter des poursuites judiciaires et les pénalités redoutables auxquelles s'exposaient ceux qui recelaient un prêtre réfractaire, fut transporté de nuit par Pierre Bonfils sur la route de Dinan, au bout de l'avenue de la Nouée, dans les landes de Lambrun. On appuya le corps le long du talus, un baton à la main, dans l'attitude d'un voyageur surpris par la mort.

La découverte le lendemain des restes de M. Gauvin donna lieu à une descente de justice, dont le souvenir nous a été conservé, dans un curieux procès-verbal, dont nous avons pris copie en 1919 à la mairie d'Yvignac et que nous reproduisons in extenso.

« Le 9e floréal, l'an second de la R. F. une et indivisible (28 avril 1794), nous Raoult Anne Auguste Le Tort, citoyen républicain Français, juge de paix du canton de Plumaudan, district de Dinan, sur l'avis donné le jour d'hier par les citoyens officiers municipaux de la commune d'Yvignac qu'il a étoit trouvé le matin du même jour, un cadavre d'homme au coint d'orient et midy de la lande de Lambrun de la commune d'Yvignac ; en conséquence nous nous sommes transporté sur les dits lieux, accompagné du citoyen Mathurin Biffart, notre greffier, assisté du citoyen Mathurin Rabajoie, maire de la commune d'Yvignac et d'Honoré Picquel, agent national de cette commune et où étant arrivés, est survenu le citoyen Mercier, officier de santé, demeurant Grande-Rue à Dinan, sur notre réquisition, ainsi que le citoyen Marchiny, gens darmes de la force armée de Dinan, requis pour l'exécution de nos ordres (sic), j'avons trouvé le cadavre d'homme submentionné couché sur le dos contre un fossé, lequel avait la tête couverte d'un très vieux chapeau, une veste de berlinge gris, un gilet de laine broché, une chemise de toile assez blanche, un petit habit de la Vierge (un scapulaire), un chapelet de cocau (sic) avec une medalle de plomb, une culotte de panne noire unye my usée, une paire de bas de laine à costes gris, une paire de souliers de cuir assez bons ; fouillé s'est trouvé un mouchoir rouge marqué G. G.

Ce cadavre ayant l'air dans son entier du cadavre d'un mendiant, ayant à la main droite un mauvais baston et de la boue presque jusqua mi jambe. Apres examen et visite faite a nud du dit cadavre, le citoyen Le Mercier nous a dit et raporté et fait voir une descente complette par les deux anneaux, qu'il croit que cette descente a causé la mort de cet individu, par la grande quantité tombée dans la tumeur intestinale ; d'où il conclut que les parties intestinales tombant dans la tumeur ont causé un étranglement qui a fait périr le malade, et qu'il nous a fait voir en nous presentant les parties de cet homme quelquement en putrefaction aussi grosses que la cuve du chapeau, et qu'aultre, il a apparu et nous a fait voir dans différentes parties du cadavre, des marques viollettes et cangreneuses anonsant (sic), que cet homme étoit mort depuis plusieurs jours, et ayant demandé ensuite à plusieurs personnes que nous avons trouvé autour du dit cadavre s'il le reconnossoient, nous ont repondu que non à l'exception de deux ou trois personnes qui ont dit qu'ils croyaient que s'étoit le cadavre de Guillaume Gauvin. ci-devant recteur de la paroisse d'Yvignac.

Après quoy, nous avons laissé le dit cadavre en la possession de Mathurin Boullier, officier municipal, joint avec Hervé Lebail, garde champêtre de la dite paroisse et qui s'en est chargé pour le faire inhumer suivant l'usage, n'ayant malgré les informations que nous avons fait sur les lieux trouvé autres eclaircisements que ceux cy mentionnés ».

D'après une page du registre paroissial aujourd'hui déchirée, ainsi que d'après la tradition du pays, à la vue du cadavre de celui qu'ils cherchaient depuis si longtemps, gisant inanimé, les révolutionnaires d'Yvignac poussèrent un cri de joie féroce : « Les plus braves enfoncèrent leurs bayonnettes dans ses restes, tandis qu'un autre déchargeait sur le mort un fusil à bout portant ». Rien cependant, devons-nous ajouter, ne permet de soupçonner ces actes de sauvagerie dans le procès-verbal que nous venons de reproduire. On enterra M. Gauvin sous le grand if nord de l'église et toujours d'après la même source, les sans-culottes du bourg vinrent le soir exécuter une ronde sur sa tombe.

Pièces justificatives. — Le curé intrus Saudrais dénonce le recteur Gauvin le 7 décembre 1791. — « A. M. Faisant, accusateur public du District de Dinan, expose Jh-Marie Saudrais, disant que depuis environ cinq semaines que le dit sieur Guillaume Gauvin, ci-devant curé de cette paroisse, y est de retour d'Angleterre, il lui a détourné presque tout son peuple des offices par des discours incendiaires, tels que « vas à la messe du diable, vas perdre ton âme » et d'autres ; ses partisans tels que Roberde Richard et Jeanne La Caille, ses servantes, vont de maison en maison prêcher la fausse doctrine de leur maître et me retirer toute ma paroisse.

Aujourd'hui encore les partisans de mon cy-devant Gauvin m'ont apporté deux enfants à la porte de l'église, lesquels ils m'ont abandonné sans assister à leurs funérailles et j'ai été obligé d'appeler le nommé Pierre Vannier pour les porter en terre.

J'ai pour témoin de ces discours Mathurin Piquet, électeur ; Olivier Tachot de l'Etinais ; François Touzé de Plouha ; Laurent Rabajeois de Fouinard, auxquels le sieur Gauvin a tenu des discours bien capables de mettre la révolte ; que j'avois vu jusqu'à son retour se conduire admirablement.

Qu'il vous plaise donc, Monsieur, de mettre le bon ordre dans cette paroisse et en écarter un homme, qui de concert avec ses servantes, n'est propre qu'à exciter le trouble qui s'y trouve et dont il est la principale cause ». Signé : Saudrais, curé d'Yvignac.

Dépositions des témoins cités à la requête de l'intrus Saudrais le 20 décembre 1791.
« Information faite d'autorité du Tribunal de Dinan, devant nous, Jean-Jules Coupard, doyen des juges, ayant avec nous, Charles-Louis Baignoux, greffier..., à la requête de l'accusateur public contre le dit sieur Gauvin, cy-devant curé de la paroisse d'Yvignac et Roberde Richard et Jeanne La Caille, accusés de propos inconstitutionnels et tendant à troubler l'ordre public...

Du 20 décembre 1791, en la chambre du Conseil, 9 heures du matin. Mathurin Picquet, laboureur, 52 ans, du village de la Bouexière en Yvignac..., dépose qu'il y a environ cinq à six semaines, sans se rappeller positivement le jour, il rencontra dans son village le sieur Gauvin, auquel ayant dit « Bonjour M. Gauvin, comment vous portez-vous ». — Celui-ci répondit « Vous ne me connaissez donc plus pour votre recteur ? ». — Ce à quoi le témoin répliqua : « Je ne puis plus vous reconnaître pour notre recteur, puisque vous nous avez abandonnés ». — A ce propos, le sieur Gauvin réplique au témoin : « Allez en enfer, vous en prenez le grand chemin », et qu'en ce disant le sieur Gauvin quitta le témoin en ajoutant « qu'au jour du jugement, on saurait qui aurait tort ou raison ». C'est ce qu'il a dit savoir.

Telle est la déposition, etc..., et a déclaré ne pouvoir signer pour avoir mal au pouce...

François Touzé, laboureur, 48 ans, demeurant au village de Plouha en Yvignac..., dépose qu'il y a six ou sept semaines, un dimanche, il rencontra dans le bourg le sieur Gauvin qui fumait sa pipe, accompagné d'un particulier qu'il ne connait pas et qu'ayant salué le dit sieur Gauvin et lui ayant demandé de ses nouvelles, le sieur Gauvin demanda au témoin où il allait. Celui-ci répondit qu'il allait à vespres ; à quoi, le sieur Gauvin lui répliqua : « Tu vas entendre le diable » et quitta, le témoin sans lui dire autre chose et est tout ce qu'il a dit savoir. ... Lecture lui est faite de sa déposition, etc.

Laurent Rabajeois, couvreur de paille, 50 ans, du village de Fouinard en Yvignac..., dépose qu'il y a environ trois semaines il a rencontré le sieur Gauvin dans le bas du champ Fouinard dépendant de la métairie de la Begacière, a proximité de la maison de ce nom, lequel Gauvin fumait sa pipe, que le dit témoin saluant le sieur Gauvin en lui demandant de ses nouvelles sous le nom de M. Gauvin, celui-ci dit au témoin : « Vous ne me reconnaissez donc plus pour votre recteur ? ». — A quoi le témoin lui répondit : « Nous en avons un que nous connaissons pour un brave homme. Pourquoi avez-vous délaissé le troupeau ? ». — Que le sieur Gauvin lui répliqua « qu'il ne prenait pas le chemin du paradis et qu'il voulait se damner ». Que le témoin était chargé d'un faix de chanvre dont le poids ne lui permettait pas de s'arrêter et qu'il se sépara du sieur Gauvin. C'est ce qu'il a dit savoir. Lecture faite, etc... A signé : Laurent Rabajois.

Olivier Taschot, laboureur, 38 ans, du village de l'Etenais en Yvignac..., etc..., dépose qu'il y a environ trois semaines sans trop pouvoir se rappeller, mais que c'était un dimanche matin, le témoin allant à la grand'messe d'Yvignac fit rencontre dans les Champs-Maillards dépendant de la métairie de la Bouexière, de M. Gauvin, auquel un nommé Jean Le Chevestrier, alors domestique chez Jean Bonfils (étant actuellement domestique à la Chauvinais, paroisse d'Yvignac), qui était de la compagnie du témoin, suivi de plusieurs autres particuliers, ayant demandé s'il allait dire la grand'messe à Yvignac, le sieur Gauvin lui répondit : « Pousses ton chemin ». — Qu'à cela le témoin dit au sieur Gauvin : « Rangez-vous donc de la belle sente, parce que tous les dimanches je vais à la grand'messe de ma paroisse », et qu'en effet le sieur Gauvin se dérangea pour les laisser passer, sans avoir répondu, et est tout ce qu'il a dit savoir. Lecture faite, etc... A signé : Olivier Taschot.

Le mercredi 11 janvier 1792, l'an IVème siècle de la Liberté, devant nous, Jean Coupard, etc..., a comparu Pierre Gautier, laboureur et officier municipal d'Yvignac, 42 ans, demeurant au village de Quesseul, etc..., dépose que le dimanche d'avant la Toussaint dernière, le témoin s'étant rendu à l'issue des vêpres de Plumaudan au presbytère de cette paroisse avec les nommés Mathurin Picquet, demeurant au village de la Bouexière, Julien Taschot, domestique de Louis Le Bret, demeurant au village du Boudou et Toussaint Malivel, demeurant au village du Val, paroisse d'Yvignac, pour y voir le sieur Gauvin, cy-devant recteur de la paroisse d'Yvignac, s'y trouvèrent aussi plusieurs femmes dont le témoin ne se rappelle pas le nom ; qu'un d'eux ayant demandé au sieur Gauvin n'irait pas leur dire la messe à Yvignac, celui-ci répondit « qu'il ne savait pas si on voudrait l'y souffrir, mais qu'il n'en sortirait qu'à la pointe de l'épée » et en se mettant la main sur sa poitrine, il ajouta : « Sauvons-nous, Dieu et le diable ne peuvent être ensemble », qu'alors le témoin et les autres hommes se retirèrent. C'est ce qu'il a dit savoir. Lecture faite, etc... A signé : Pierre Gautier.

Claude Benfils, cordonnier, 49 ans, demeurant à Trédias, dépose que la veille de la Toussaint dernière, étant à travailler de son métier à la métairie du Manoir, le sieur Gauvin y entra sur les onze heures du matin et lui ayant été demandé s'il avait eu bien de la peine dans son voyage, sa réponse fut que « oui, mais qu'avec la grâce de Dieu, il espérait rentrer comme il était sorti », et lui ayant été demandé s'il dirait la messe le lendemain à Yvignac, il répondit « qu'il eût été la dire à Quédillac », dont le témoin croit que le curé est cousin du sieur Gauvin. C'est tout ce qu'il a dit savoir. Lecture faite, etc..., a déclaré ne savoir signer ».

Au pied on lit : « Soit montré à l'accusateur public et au commissaire du Roy, avec l'état de la procédure ». A Dinan, en la Chambre du Conseil, ce 11 janvier 1792. Signé : Coupard.

JEAN-BAPTISTE-MARIE NOGUES, vicaire, bien qu'appartenant à une famille d'Yvignac, était né à Guitté le 27 septembre 1750, du mariage de Julien et de Modeste Coxu. On le note au séminaire, où il avait obtenu une bourse, comme « édifiant, très bon pour l'esprit, aimable caractère, ayant beaucoup de goût pour les choses ecclésiastiques, passant de bons examens ». L'abbé Nogues fut ordonné prêtre le 1er avril 1775. Il reçut des lettres de vicaire pour Yvignac le 4 novembre 1779.

A l'exemple de son recteur, cet ecclésiastique refusa de s'assermente et fut remplacé par le vicaire intrus Ferté, de jugon. .Sa dernière signature figure sur les registres d'Yvignac au début de juillet 1791. Il s'exila à Jersey après la loi du 26 août 1792.

Grâce aux registres de Mgr de Cheylus, nous savons qu'il résida dans cette île depuis le mois d'août 1796 jusqu'au mois d'octobre 1797. Nous l'y voyons baptiser le 20 novembre 1796 un fils de M. Jean-Louis-Geoffroy la Bégassière, qui reçut les prénoms de Gustave-Anne-François (L'Estourbeillon : Les Familles Françaises, etc.). A quelle date M. Nogues revint-il en France ? nous ne le savons. Toujours est-il que ce prêtre se trouvait à Guitté le 6 juin 1800, époque à laquelle on lui octroya une carte de sûreté.

Après avoir rempli les fonctions de curé d'office à Yvignac en 1 802 et 1803, M. Nogues mourut dans cette paroisse le 3 juin de cette année. âgé de 53 ans. Louis Nogues, frère du défunt, cultivateur à Yvignac et Marc Le Roux, marchand au bourg, père du prêtre martyr, dont nous parlerons tout à l'heure, firent sa déclaration de décès.

Lors de la Révolution, vivait à Yvignac comme chapelain depuis 1785, l'abbé JEAN-ALAIN CRESPEL, sur lequel les auteurs du Diocèse de Saint-Brieuc (p. 41), disent ne posséder aucun renseignement, sinon que sa signature disparaît des registres d'Yvignac en même temps que celles du recteur et du vicaire.

Nous renvoyons les personnes qui désireraient s'en procurer aux Confesseurs de la Foi de l'archidiocèse de Rennes, de Guill. de Corson, p. 128-129. M. Crespel, originaire de Médréac, où il était né le 10 mars 1757 de François et d'Anne Dugué, ordonné prêtre. à la Trinité 1781, ne s'assermenta ni s'exila et fut assassiné par les Bleus, dans cette localité, le 23 mars 1796.

Sur le refus de M. François Le Guennec, ancien recteur de Plémy, d'aller occuper le rectorat d'Yvignac auquel il avait été nommé le 16 janvier 1804, l'abbé JEAN-BAPTISTE GENDROT fut pourvu de ce poste à son lieu et place le 9 juin suivant, malgré la vive opposition du préfet Boullé qui écrivait sur son compte les lignes ci-dessous à Mgr Caffarelli « Je ne puis consentir à ce qu'un individu qui a été comme le caissier général d'une division de la chouannerie, l'un des agents qui a désolé précisément la partie où on propose de le placer, soit à la tête de la commune d'Yvignac. Une pareille nomination serait une espèce de scandale public ». M. Gendrot demeura à Yvignac jusqu'au 1er juillet 1836, date de son transfert à la cure de Saint-Jouan-de-l'Isle. Il y mourut le 10 mars 1846, âgé de 82 ans. Nous ferons sa biographie à l'article Saint-Maden où il vivait en 1790. Ce prêtre durant son séjour à Yvignac, eut le mérite de reconstituer en grande partie les biens de la mense curiale, qui avaient été vendus par la Révolution.

Etaient originaires d'Yvignac lors de la Révolution, MM. FRANÇOIS-COSME-DAMIEN ALLAIN, né dans cette localité le 17 février 1743 de M. Guillaume Allain, sr du Coudrays, chirurgien et de Louise Ladouyer. Il eut pour parrain, messire, Louis Leroux, seigneur de Kerinan et Françoise-Marcelle Geslin de Coacouvran pour marraine.

La biographie de M. Allain, recteur de N.-D. du Roncier à Josselin, puis député du Clergé du diocèse de Saint-Malo aux Etats Généraux, vicaire général de Vannes en 1803, après avoir refusé l'évêché de Tournai et décédé à Vannes, le 18 juin 1809, a déjà été publiée par Tresvaux au t. II, p. 507 de son Histoire de la persécution révolutionnaire en Bretagne ; par Levot au t. I de sa Bibliographie bretonne ; par de Kerviler : Cent ans de représentation bretonne, in Rev. Hist. de l'Ouest, juillet 1885 ; enfin M.-E. Sageret lui a consacré de nombreuses citations que l'on trouvera consignées aux tables générales du t. IV de son ouvrage sur le Morbihan et la chouannerie morbihannaise sous le Consulat, in-8°, Paris, 1918. L'impression coûte trop cher pour répéter ici ce que peuvent dire de ce prêtre ces divers auteurs ; il nous suffit de consigner dans ce travail quelques menus détails qui leur ont échappé.

M. Allain étudia au collège de Dinan. Voici quelques-unes de ces notes de Séminaire : « A de la voix et sait chanter, a bien satisfait à ses examens. Averti de reprendre l'esprit de recueillement et de ferveur dont il paraît un peu déchu ». Il reçut l'acolythat en juin 1762 et ne fut fait prêtre à Rennes par dimissoire que le 4 avril 1767, après avoir passé de bons examens préparatoires à cet ordre en août précédent.

Nous trouvons M. Allain faisant du ministère à Yvignac en janvier 1768. Il prit un passeport pour se déporter en Angleterre, via Dieppe à Paris, section de l'Observatoire, le 8 septembre 1792 à la suite de la loi du 26 août précédent.

PIERRE HANNIER, dont nous avons fait la biographie en parlant de Trelivan dont il était recteur. Ce prêtre passa toute la Révolution caché à Plumaudan et Yvignac, où il rendit les plus grands services.

JEAN-RENÉ PICQUET né le 9 février 1760 du mariage de M. Barthelemy et d'Yvonne Boullier, achevait sa sixième au collège de Dinan en 1774. Son titre clérical est du 16 octobre 1783. Ses études théologiques furent très médiocres, si bien qu'il se vit plusieurs fois pour cette raison différé pour les ordres et qu'il ne reçut la prêtrise que le 23 septembre 1786.

Après avoir été quelque temps aumônier sur les vaisseaux marchands, M. Picquet se trouvait à Yvignac en 1791 et comme les autres prêtres de cette paroisse, il refusa de s'assermenter. Pour cette raison, le District de Dinan, le 4 août de cette année, ordonna à la municipalité d'Yvignac de procéder à l'expulsion de cet ecclésiastique du territoire de cette paroisse, où, selon les administrateurs dinannais, « il répandait parmi le peuple des discours incendiaires ».

L'abbé Picquet avait d'autant plus de mérite à adopter cette attitude que son père se montrait un révolutionnaire enragé. Les auteurs du Diocèse de Saint-Brieuc, t. II, op. cit., p. 173, assurent que ce prêtre se cacha longtemps durant la Révolution, à la rue Baron à Trébédan, chez Frelaut-Ducours et qu'il y administra les sacrements de baptême et de mariage. Malheureusement, suivant leur habitude, ces Messieurs n'indiquent aucune date. Toujours est-il, que M. Piquet ne s'exila pas lors de la loi du 26 août 1792 et se cacha à Dinan durant la Terreur. Y étant revenu lors de la reprise de la persécution en septembre 1795, il y fut arrêté le 30 ventôse an IV (20 mars 1796), par l'adjudant-major Berthelot, accompagné des citoyens Néel et Larère, dans « une cabane attenante à la maison Egault », dans laquelle il s'était réfugié « à la mort du sieur François, rentier résidant rue de l'Ecole, puis de la demoiselle Rose La Forêt qui lui avaient précédemment donné asile ».

Dans son interrogatoire devant le tribunal criminel des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor), M. Picquet refusa de répondre sur la question de savoir s'il avait fait ou non du ministère à Dinan, mais il déclara cependant « avoir vicarié chez ses parents à Yvignac en 1795, parce qu'alors on jouissait d'une sorte de liberté ».

M. Picquet fut condamné comme insermenté à la déportation le 19 germinal an IV (8 avril 1796). Il demeura en prison jusqu'au 4 nivôse an V (24 décembre 1796), réduit d'après ses propres dires « au pain et à l'eau » (Archives du Tribunal criminel des C.-du-N. aux Archives des C.-du-N.). Mais à cette date, à la suite d'une loi d'amnistie, le tribunal de Saint-Brieuc ordonna sa mise en liberté et nous le retrouvons baptisant sur la paroisse de Saint-Malo de Dinan le 9 octobre 1797.

L'enquête de Boullé, vers 1802, indique l'abbé Picquet comme vivant alors à Dinan « et apte à remplir les fonctions de vicaire ou à occuper une petite succursale ». Lors de la réorganisation du culte, ce prêtre fut désigné comme vicaire d'Yvignac et il occupa ce poste jusqu'à ce que Mgr Caffarelli l'en enleva pour le nommer, le 13 septembre 1804, recteur de Sevignac. Il y mourut en fonctions le 22 avril 1833.

LOUIS-ARMAND-CONSTANT DU BOUAYS DE LA BEGASSIÈRE naquit au manoir de la Grande-Begassière à Yvignac le 7 janvier 1764, d'Anne-Maurice-Armand et de Louise-Françoise Urvoy de Malaguet. Ses parents l'envoyèrent étudier au collège Louis Le Grand, il reçut la tonsure le 20 février 1781.

Peu après sa prêtrise, M. de la Begassière obtint la cure de Chevreville au diocèse de Coutances. Il y refusa de s'assermenter, et, après la loi du 26 août 1792, il dut prendre pour s'exiler à Jersey le 14 septembre suivant un passeport où nous relevons le signalement suivant : « taille 5 pieds 7 pouces, teint coloré, yeux bruns, cheveux châtains ». Ce prêtre passa à l'étranger toute la Révolution et ne revint en France qu'après la signature du Concordat de 1801. A son retour dans la mère-patrie, le sous-préfet Gagon le fit incarcérer à la maison d'arrêt de Dinan. Cependant sur les renseignements avantageux recueillis, sur le compte de M. de la Bégassière, Gagon le fit sortir de captivité et l'autorisa à résider à Dinan le 2 août de la prédite année, sous la responsabilité de l'homme de loi Gesbert, qui le cautionna de 3.000 frs en la circonstance.

A la réorganisation des paroisses, l'abbé de la Begassière, reprit sa cure de Chevreville, où il décéda en 1830.

MARC-MATHURIN LE ROUX était lui aussi natif d'Yvignac où son père Marc et sa mère, Anne Villalon, établis marchands dans le bourg de cette localité, lui avaient donné le jour le 9 septembre 1763. Il périt sur l'échafaud à Rennes le 6 octobre 1794, mis à mort en haine de la Foi. Pour tous détails sur son compte, nous renvoyons au t. II des Actes des prêtres insermentés du diocèse de Saint-Brieuc que nous avons publiés en 1920 et surtout à l'article beaucoup plus développé que nous lui consacrons aux Actes des prêtres insermentés de l'archidiocèse de Rennes, in-8°.

Bien que l'abbé Le Roux n'ait jamais quitté la France, les révolutionnaires, sachant fort bien que ce prêtre traqué comme un outlaw, ne pouvait fournir de certificats de résidence, imaginèrent de le classer dans la catégorie des émigrés, de façon à pouvoir placer les biens de ses parents sous séquestre pour les confisquer ensuite.

Son père Marc Le Roux, qui fut le premier maire d'Yvignac en 1790, réclamait le 8 février 1794 contre cette criante injustice : « Puisse, écrivait-il, votre équité faire lever les scellés apposés sur mes meubles et me permettre de disposer du peu que j'ai, pour nous nourrir mon épouse et moi, tous les deux déjà presque sexagénaires, cinq enfants au-dessous de quinze ans et l'autre à Brest au service de la République ». Le 24 mai suivant, le District de Dinan se décida à lever le dit séquestre, reconnaissant que le prêtre Le Roux n'appartenait pas à la catégorie des émigrés, mais des déportés, mais il ordonna cependant que le père de l'abbé paierait les frais du séquestre indûment placé sur ses biens, pour le châtier sans doute d'avoir donné le jour à un prêtre réfractaire, car telle était la justice des Jacobins. (Arch. C.-du-N., série Q).

 

CLERGÉ CONSTITUTIONNEL. — JOSEPH-MARIE-FÉLIX SAUDRAIS, curé, était né à Jugon le 18 mai 1756 du mariage de Joseph et de Jacquemine Urvoy. Après avoir reçu le sacerdoce à Noël 1783, cet ecclésiastique vivait en 1788 comme simple prêtre dans sa paroisse d'origine. Il était vicaire de Saint-Glen depuis quelques mois seulement, lorsqu'il adopta les idées nouvelles, fut élu administrateur du District de Lamballe et prêta le serment constitutionnel aussitôt sa promulgation. Il fut élu curé d'Yvignac le 12 juin 1791 au traitement de 1.500 livres et reçut l'institution de Jacob le 17 suivant. Son installation dans sa nouvelle paroisse eut lieu le 26 du dit mois, si l'on s'en rapporte à une note écrite de sa propre main ainsi conçue : « Joseph-Marie Saudrais, prêtre de Jugon, vicaire de Saint-Glen, curé des paroisses de Plemy [Note : Il avait été élu le 19 juin curé de Plemy, mais il opta pour Yvignac] et d'Yvignac, administrateur du District de Lamballe, a pris possession d'Yvignac le 26 juin 1791, ayant pour gardes d'honneur, 200 gardes nationaux sous les ordres de M. Piquet auxquels se sont joints les bons citoyens de la ville de Jugon ». — Dans son nouveau poste, Saudrais se montra ardent dénonciateur des insermentés et acquit nationalement les biens de l'église d'Yvignac, le 29 avril 1793.

Nous ignorons la date exacte à laquelle il abdiqua son état et fonctions et remit ses lettres de prêtrise, ce qui n'empêcha pas le commissaire Dutertre de se rendre à Yvignac le 12 mars 1794 et, malgré les affirmations de la municipalité que « Saudrais avait toujours fait preuve du patriotisme le plus épuré » de le sommer de le suivre à Dinan. Transféré le surlendemain de la maison de détention de Plouer à celle de Saint-Charles, Saudrais, s'ennuyant en captivité, signa le 27 juin 1794 la déclaration de se conformer à l'arrêté du représentant Le Carpentier en date du 13 juin précédent.

En conséquence, il épousa à l'âge de 39 ans, le 23 juillet 1794 à Mégrit, Rosalie Ribault de cette commune, âgée de 50 ans, fille de Julien, homme de loi et ex-sénéchal de la Juridiction de Lorgeril et de Louise Hingant, ll habitait au Lescouët le 21 thermidor an VII (8 août 1799).

L'enquête de Boullé signale vers 1803, l'ex-abbé Saudrais « vivant depuis sept ans à Lescouest-Jugon avec sa famille et semblant avoir renoncé à l'état ecclésiastique ». Joseph-Marie Saudrais mourut « muni des sacrements de l’Eglise » âgé de 58 ans le 26 janvier 1814, percepteur à Jugon son pays natal. Le curé de cette paroisse, l'ex-assermenté Le Mée, sur l'acte de sépulture donne au défunt le titre de « Messire », mais n'exprime pas autrement sa qualité de prêtre.

JACQUES-RENÉ FERTÉ, natif de Jugon et fils de René et de Mathurine Hautbois, devint prêtre à Tréguier par dimissoire en décembre 1799, s'assermenta de bonne heure et arriva comme vicaire constitutionnel à Yvignac le 24 juillet 1791, appelé par Saudrais son compatriote, avec 700 l. de traitement par an. La pénurie du clergé constitutionnel ne lui permit pas de dememer bien longtemps dans cette paroisse. Au départ de MM. Belleville et Le Bigot, qui, atteints par la loi de déportation de 26 août 1792 fuient contraints de disparaître officiellement de Plumaudan, Ferté s'en alla comme vicaire provisoire dans cette localité. Au bout d'un court séjour dans cette paroisse, Ferté déménagea encore une fois ses dieux pénates et s'en fut à Caulnes, paroisse pour laquelle l'évêque Jacob lui envoya des lettres de curé d'office le 13 janvier 1793, puis ayant été élu le 10 mars suivant curé de cette localité, l'évêque des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor) lui fit parvenir, le 22 de ce même mois, ce que les révolutionnaires étaient convenus d'appeler l'institution canonique.

Ferté eut la prudence en 1794 d'abdiquer son état et fonctions avant l'arrêté comminatoire de Le Carpentier en date du 13 avril 1794. Cepen dant il ne poussa pas la lâcheté jusqu'à se dessaisir de ses lettres de prêtrise. Un état de notes fourni par le district de Broons le 8 août 1794, auquel nous devons ces renseignements, le qualifie « de bon patriote, nullement fanatique, n'est pas marié, mais s'est engagé dans la marine » (Archives C.-du-N., Lm 5, 69).

Cependant Ferté ne persévéra pas dans le schisme jusqu'à la fin de la Révolution. Le commissaire du pouvoir exécutif près le canton de Jugon, le signale le 21 juillet « comme ayant rétracté son serment, ce qui l'empêche de réclamer sa pension, dont il aurait cependant besoin, car il n'a pas de fortune et sa famille n'est pas aisée. Il est soupçonné d'avoir exercé son ministère depuis sa rétractation, même depuis peu de temps. Il n'a pas la réputation d'avoir des mœurs trop épurées... ». Une lettre du 25 avril 1799 consignée au folio 124 du registre L 290 conservé aux Arch. des C.-du-N., nous montre les administrateurs de ce département écrivant à Jugon pour avoir des renseignements détaillés sur cet ecclésiastique, qui a été arrêté par les gendarmes et qui avoue « avoir rétracté son serment ». On fait remarquer à cette occasion que « Ferté ayant été saisi à Jugon même, lieu de sa résidence, sa capture ne peut valoir cinquante livres de récompense aux gendarmes » [Note : On avait d'abord conduit Ferté à Dinan le 22 avril 1799, puis, on le transféra à Saint-Brieuc].

Lorsque les chouans s'emparèrent de Saint-Brieuc, le 27 octobre de cette année, ils rendirent la liberté au prêtre Ferté. Nous le retrouvons le 5 mai 1800 au nombre des prêtres auxquels le préfet accorde la surveillance avec une carte de sûreté. Voici son signalement, tel que nous le relevons sur cette pièce : « taille 1 m. 65, cheveux, barbe et sourcils châtains, front bas, yeux bruns, nez ordinaire, bouche moyenne, menton et visage ronds, a déclaré vouloir prêcher la paix et la concorde ».

L'enquête du préfet Boullé le signale vers 1803 comme « vivant à Jugon depuis sept ans, autrefois curé, aujourd'hui desservant, de mauvaise conduite, à laisser simple prêtre ».

M. Ferté mourut à Jugon le 25 septembre 1825, âgé de 63 ans. (Son acte de décès à la mairie le qualifie de « prêtre pensionné non marié »).

(A. Lemasson).

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