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LA BATAILLE D'YVIGNAC EN 1791

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Le combat livré à Yvignac le 24 janvier 1791 par un escadron de dragons du régiment de Conti à une bande d'émeutiers des paroisses voisines laissèrent cinq morts sur le terrain.

RELATION DE LA BATAILLE D'YVIGNAC D'APRÈS UNE LETTRE DE M. DE BOISHUE AU DISTRICT DE DINAN, LE 24 JANVIER 1791.
(Archives nationales, D XXIX, 5).
Messieurs — Menacé depuis plusieurs jours d'être attaqué chez moi par des brigands, c'eût été à vous que, je me serais adressé pour vous réclamer des secours, si le bruit général ne m'eût appris que vous aviez la même chose à craindre pour la ville de Dinan et qu'il n'eût pas été prudent que vous fussiez dégarnis d'une partie de votre troupe de la garde nationale dans les circonstances présente. L'urgence de ma position m'a fait m'adresser à MM. de la municipalité de Broons qui, menacés d'un autre côté d'une insurrection dans laquelle on se proposait de brûler les archives de leur district et ne pouvant me prêter main-forte, ont réclamé pour moi et en mon nom, l'assistance d'un détachement de dragons du régiment de Conti, qui est en garnison à Lamballe. Il est arrivé ce matin à Yvignac, au moment où le tocsin sonnait dans toutes les paroisses voisines et les caisses battaient de tous côtés. Presque aussitôt, on a vu paraître dans les avenues, des troupes de gens armés de fusils et de bâtons et poussant des hurlements affreux. Les dragons sont sortis pour dissiper les attroupements et ont arrêté quelques-uns de ces malheureux qui ont fait sur eux quelques décharges. — Heureusement ils n'ont blessé personne. Aussitôt que les piquets de dragons ont été rentrés, ils se sont rassemblés au bout de l'avenue, en face de la maison, et, après avoir longtemps délibéré, ils se sont avancés jusqu'auprès de la cour, toujours en hurlant comme une armée de sauvages. Le commandant du détachement s'est avancé et leur a demandé le sujet qui les amenait.. Ils ont répondu qu'ils voulaient tous les papiers qui pouvaient les concerner et un désistement de toutes mes rentes, disant être chargés à cet effet d'un ordre du district de Dinan. La chose étant impossible, le commandant du détachement les a sommés de produire cet ordre. Ils ont dit d’abord qu'ils allaient le montrer et ont fini par convenir qu'ils n'en avaient point. On leur a dit alors de se retirer. Ils ont refusé de le faire et ont dit qu'ils n'obéiraient qu'après avoir consommé leur entreprise. Ils ont déclaré qu'ils emploieraient tous les moyens pour réussir, brûleraient et massacreraient, si on leur opposait la moindre résistance. On leur a répondu qu'on n'avait point d'intentions hostiles, mais qu'on était déterminé à repousser la force par la force. Après de longs pourparlers tendant toujours au même but, ils sont allés chercher des échelles, les ont plantées contre les murs de la terrasse du jardin, en ont enfoncé la porte et ont fait feu sur nous. En même temps, les dragons et ceux qui étaient dans la même maison ont riposté et quelques-uns des assaillants ont été tués et blessés dans cette décharge. Tout le reste a pris la fuite et les dragons sont partis une heure après. Comme notre sûreté ne nous a pas permis de visiter les alentours de la maison, nous ne savons au juste le nombre de ceux qui ont été tués ou blessés dans cette triste et fâcheuse aventure. Je ne suis sûr que de deux tués et de deux blessés. Je vous prie MM. de vouloir bien m'indiquer la conduite que je dois tenir dans cette pénible circonstance et ce que je dois faire, n'étant point encore au fait du nouvel ordre. Quoique les deux blessés le soient dangereusement, je les ai chez moi. Je les ai fait panser du mieux qu'on a pu, mais comme nous n'avons point de chirurgien dans le canton, je vous aurais la plus grande obligation si vous vouliez bien m'en envoyer un. Signé : De Boishue.

NOTA. — M. H. Sée, professeur honoraire aux Facultés de Rennes, a publié dans la Revue d'Histoire économique de la Révolution, 1920-1921, Imprimerie Nat., 1924, une étude intitulée Les troubles agraires en Haute Bretagne. Il y reproduit p. 363-365, une lettre du F. M. J.-L. Ozou des Verries, avocat à Dinan et membre du Conseil général des C.-du-N., en même temps que grand acquéreur de biens nationaux. Ce « patriote » dramatise selon sa tournure d'esprit les événements d'Yvignac auxquels il n'avait pas assisté. Sa version, très malveillante pour les châtelains d'Yvignac, est démentie par les autres relations que l'on possède de cette scène de Jacquerie. M. et Mme de Boishue, bien loin de faire achever les blessés, hospitalisèrent et firent soigner leurs agresseurs hors de combat. Il est vrai qu'ils avaient eu le tort de résister victorieusement à l'émeute et c'était une faute impardonnable aux yeux d'un personnage comme Ozou ou bien comme Marjot, F. M. administrateur du district de Lamballe, qui n'eut de repos que lorsqu'il eut fait inculper Davigneau, le commandant des dragons de Conti, qui défendirent le château d'Yvignac. Cf. Arch. C.-du-N., Lm 5, 8 et Journal des Départements, etc., t. IX, p. 160.

Quant à ce qu'écrit le sieur Ozou dans sa lettre précitée le 1er février 1791, concernant le recteur d'Yvignac, nous sommes heureux de le reproduire ici, car c'est tout à l'honneur de ce bon prêtre :

« Je vous préviens, écrit J.-L. Ozou, le 1er février 1791, que l'on me dit hier au soir que c'est aux retraites de Bécherel que s'ourdissent ces trames horribles. (La résistance à la Constitution civile).

C'est là, m'a-t-on dit que M. Gauvin, recteur d'Yvignac, se signale en extorquant des signataires pour le refus de serment constitutionnel et la parole (l'engagement) de prêcher contre. C'est là qu'aux retraites dernières, il fit en partie signer tous les prêtres qui s'y trouvèrent, excepté les recteurs de Bécherel et de Plouasne ; il passa exprès par chez ce dernier et n'en ayant pu obtenir la signature, il l'envoya se faire f... Il arriva samedi dernier chez le curé de Plumaudan, qui, ainsi que son vicaire, avaient promis le vendredi de lire le serment et qui s'y refusèrent le dimanche » (Arch. C.-du-N., Lm 5, 8).

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LES CHOUANS A YVIGNAC. — Le district de Dinan écrit au Directoire des C.-du-N., le 9 juillet 1795 :

« Nous avons appris par divers citoyens venus au marché, que les chouans ont occupé le château et les bois d'Yvignac. Quelques heures après, le citoyen Bellebon, fermier du château, est venu à l'administration et nous a rapporté qu'hier à deux heures du matin environ, 400 chouans ayant à leur tête un homme d'environ 40 ans, et commandés par une quinzaine de chefs, environnèrent sa maison et le forcèrent d'ouvrir, qu'ils s'y établirent et firent sortir dans la journée diverses patrouilles. Ils firent recueillir dans le village du bourg le pain existant chez les habitants, puis firent venir une somme de farine et une vache qu'ils firent cuire dans la cour.

Ce matin, a quatre heures, après un conciliabule tenu par les chefs, ils ont quitté la maison en recommandant à Bellebon de faire cuire la somme de farine qu'ils avaient apportée. Mais Bellebon a ajouté qu'aussitôt après le départ des soldats, il s'était empressé de se réfugier à Dinan, et qu'une demi-heure après son départ, il avait entendu une fusillade d'un quart d'heure dans les bois d'Yvignac.

Dans ce moment, le commandant de la place vient de nous communiquer la dépêche qu'il reçoit du commandant du cantonnement de Broons et de l'administration de ce Directoire, desquels il résulte que ce matin les garnisons réunies de Broons et de Jugon ont effectué une reconnaissance dans laquelle elles ont tué trois ou quatre rebelles et blessé plusieurs et ont été forcés de se retirer après avoir eu trois homme, blessés et un égaré et manquant de munitions.

Les troupes demandent des munitions sous une escorte de 50 hommes. Il paraît que les chouans ont repris leurs positions au château d'Yvignac entouré de douves et fermé par un pont-levis... Nous avons aussi appris que les rebelles veulent surprendre Port-Malo..., ils comptent sur des intelligences dans cette ville et, depuis trois jours, plusieurs ont dû y entrer sans arme et isolément ».

Le 11 juillet suivant, les administrateurs de Dinan notifiaient au commandant de place de cette ville :

« Nous vous prévenons, citoyen, que ce matin une force armée sortie de Broons, s'est rendue à Yvignac évacué par les chouans le 11 à 8 heures du matin, c'est-à-dire quelques heures après la fusillade qui eut lieu le même jour. Elle s'est emparée de trois individus qu'elle a cru chouans et on nous a instruit qu'elle se disposait à les fusiller. Faites partir de suite un exprès pour empêcher ce crime atroce. Ces individus ne sont point du nombre des rebelles. L'un d'eux est même l'homme de confiance du citoyen Bellebon, excellent patriote, qu'on vient de piller. Ces citoyens se nomment André du Pasq, fermier de la Ville-es-Rays ; Pierre et Servan Hesry ».

Voici maintenant la version que Muret donne de ce combat au t. IV, p. 289 de son Histoire des Guerres de l'Ouest, in-8°, Paris, 1848 : « Les divisions Couasbouc fils, Botherel et Tregomain avaient fourni leur contingent à la troupe royaliste. Elle attaqua un convoi d'argent fortement escorté. Un détachement de chasseurs à cheval essaya une charge. Il fut arrêté par le bois où les chouans étaient postés et tomba en grande partie sous leur feu. L'infanterie de l'escorte avait promptement battu en retraite, les chasseurs perdirent une trentaine d'hommes et bon nombre de chevaux pris ou tués ». Telle fut l'affaire du bois d'Yvignac.

(A. Lemasson).

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