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DÉLIBÉRATIONS DE LA COMMUNAUTÉ DE LA VILLE DE VITRÉ EN 1788

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DÉLIBÉRATION DE LA COMMUNAUTÉ DE LA VILLE DE VITRÉ, du 27 novembre 1788 (voir la note qui suit).
(Arch. communales de Vitré, Registre des délibérations de la communauté de Vitré, 1782-1789, fol. 119 v°.123 ; — Arch. communales de Rennes, Cartons des Affaires de Bretagne, liasse E [impr., 26 p. in-8°., s. l. n. d.] — publ. par PARIS-JALLOBERT, Journal historique de Vitré, pp. 405-409).

Note : Une délibération antérieure de la ville et communauté de Vitré, du 4 novembre 1788, demandait « une répartition plus juste et plus égale entre les différents ordres », aux Etats généraux et provinciaux, « que les deux premiers ordres saient réunis en un seul qui opinera par tête », et que « le troisième ordre compose au moins une autre moitié des représentants » afin de « remédier à l'inégalité de la répartition des impôts » (Arch. communales de Vitré. Registre des délibérations de la communauté, 1782-1789, fol. 117 ; Arch. commun. de Rennes, Cartons des Affaires de Bretagne, E ; Arch. Nat., BA 26 et H 563, pièce 188 ; publ. par PARIS-JALLOBERT, Journal historique de Vitré, pp. 402-404) ; le texte de cette délibération a été adressé le 5 novembre à Laurent de Villedeuil, secrétaire d'État de la maison du Roi, par le maire et le procureur-syndic de Vitré, dont la lettre insiste particulièrement sur l'inégalité de la répartition des impôts (Arch. Nat., BA 26). — Le 25 novembre 1788, la communauté de Vitré, « en présence du vœu général des députés des corps, communautés et corporations », a déclaré « aplaudir à la requête présentée à la municipalité de Nantes par MM. les habitants de cette même ville, l'adopter dans tout son contenu et adhérer aux arrêtés et délibérations de la municipalité et du général des habitants de la ville de Nantes des 4 et 6 novembre 1788 et à celle de la municipalité et ville de Quimper du 16 de ce mois, et répéter en tant que besoin la délibération qu'elle-même a prise le 4ème de ce mois…. » (Reg. des délibérations de Vitré, fol. 118-119).

[La communauté, après avoir entendu un discours du maire, Hardy, sur l'inégalité de la représentation des trois ordres aux Etats de Bretagne, et après avoir pris connaissance des mémoires et délibérations de toutes les villes de la province, des procureurs au présidial et notaires royaux de Rennes et des généraux des paroisses de la ville de Vitré,] a arrêté de charger M. le Maire, son député aux Etats prochains de la Province, comme de fait il demeure par la présente chargé, de se réunir à MM. les Députés des autres villes, pour réclamer et soutenir avec fermeté les droits et intérêts du Tiers Etat dans toutes les circonstances et notamment de demander :

1° Que les deux premiers ordres de l'Eglise et de la noblesse ne puïssent entrer dans l'assemblée des Etats de la Province que par députés dont le Roi sera supplié de régler le nombre ; que dans celui de l'Eglise, il y soit admis des députés des Recteurs des paroisses, tant des villes que des campagnes, ayant dix années de fonctions pastorales, en nombre égal à ceux du haut clergé, pour y avoir voix délibérative, lesquels ne pourront être pris que parmi ceux de condition roturière ; que la représentation de l'ordre du Tiers soit aussi augmentée de façon à balancer l'influence des deux autres ordres ensemble, et à cet effet l'a autorisé à concourir avec MM. les députés des autres villes, pour former et arrêter le plan qu'ils jugeront le plus convenable pour procurer une augmentation utile et avantageuse, dont il donnera connaissance à la communauté ; que les députés des campagnes, qui jusqu'ici n'ont point eu de représentants, soient autorisés à en nommer ; qu'il soit fait un règlement qui fixe la manière d'élire les députés, tant des villes que des campagnes ; tous lesquels députés et représentants de l'ordre du Tiers ne pourront l'être en vertu d'aucun office, titre ou place quelconque, et seront nécessairement éligibles et ne pourront être pris parmi les nobles, anoblis ou jouissant de la noblesse personnelle, subdélégués du commissaire départi, sénéchaux, procureurs fiscaux, régisseurs, receveurs ou fermiers du clergé ou de la noblesse, employés aux fermes ou régies du Roi ou de la province, auxquelles élections ne pourront voter aucuns nobles ni anoblis, mais elles seront faites par l'ordre du Tiers seul, en pleine liberté et entre gens indépendants de toute influence seigneuriale et étrangère.

Que l'assemblée ainsi composée, il y soit délibéré en commun, successivement et de suite, par les ordres réunis en un seul corps de Nation, ne composant qu'un ensemble et un même tout, et que les suffrages y soient comptés par tête.

Que dans les commissions intermédiaires des Etats, ainsi que dans celles qui ont lieu pendant l'assemblée des Etats, le nombre des commissaires de l'ordre du Tiers soit égal à ceux réunis des deux ordres du clergé et de la noblesse, et que les voix continuent de s’y compter par tête ; que la moitié des membres des commissions intermédiaires soit composée de domiciliés de la ville où se tient le Bureau et que l'autre moitié soit prise dans les villes du diocèse, et que tous les susdits commissaires continuent d’être nommés par leurs ordres.

2° En événement qu'il y eût des occasions où la distinction d'ordre fût conservée, et qu'il y eût des circonstances où les Etats fussent autorisés à délibérer par ordre, comme nominations, etc., vu que s'il est essentiel et naturel que les Députés représentant l'ordre du Tiers soient choisis librement par lui, qu'ils ne soient ni nobles ni anoblis ; s'il faut qu'ils soient Plébéiens, pour constituer un représentant du Peuple, il n'est pas moins nécessaire que son Président, qui doit l'éclairer, ait les mêmes sentiments et qualités, et qu'il soit choisi et élu librement par l'ordre du Tiers, suivant son ancienne possession reconnue par la réclamation des Etats assemblés en 1619, contre un arrêté du Conseil du 31 août de la même année, qui ordonne qu'à l'avenir l'ordre du Tiers sera présidé par les Sénéchaux des Présidiaux, chaque dans leur ressort ; de demander le retrait de cet arrêt et que le Président soit toujours électif et élu librement dans son ordre, sans aucune influence des deux autres ordres.

3° Que les fouages ordinaires, dont le principe est une contribution sur les roturiers, pour frayer aux dépenses de la guerre, et une compensation du service militaire que devait le propriétaire du fief noble, soient supprimés, puisque les charges du fief noble n'existent plus, ou il est de l'équité qu'ils soient supportés par les propriétés appartenantes aux trois ordres.

Et à l'égard de la perception faite depuis plus d'un siècle sous le nom de fouages extraordinaires, à titre d'emprunt avec promesse d'en payer les intérêts, obligation confirmée par plusieurs arrêts du Conseil, on ne peut trop s'étonner de la facilité de l'ordre du Tiers à avoir consenti cette imposition pendant un si long espace de temps, pendant que les Etats oubliaient leur obligation de payer les intérêts, et qu'elle n'ait pas cessé lorsque l'augmentation du produit des fermes mettait les Etats à lieu de s'en passer, si la multiplication des dons, pensions et gratifications en faveur de la noblesse, et des établissements pour l'éducation de ses enfants de l'un et de l'autre sexe n'eussent englouti tous les fonds des Etats. L'Assemblée croit devoir observer qu'il est de toute justice de faire restituer les immenses sommes empruntées, et elle ne pense pas que Messieurs les Représentants l'ordre du Tiers Etat aient qualité de faire une pareille remise, sans rester responsables de cette restitution envers chaque individu.

En conséquence, elle a chargé son Député de refuser son consentement à la levée de cette imposition, et de demander aux deux autres ordres la restitution et le remboursement sur leurs biens des deux tiers des sommes empruntées, ou de supporter sur leurs biens la même imposition au profit et décharge des Etats, pendant les deux tiers des années qu'elle a été supportée par le Tiers ; après lequel temps révolu, la dite somme sera imposée sur les propriétés appartenantes aux trois ordres, si les besoins de la Province l'exigent.

4° Vu l'injustice monstrueuse qu'il y a dans la répartition de la capitation entre les ordres de la noblesse et du Tiers, et que tous impôts affectés au soutien, à la défense de l'Etat, et au bien-être de tous ses individus sont réels et doivent être relatifs aux facultés et au bienfait que chacun en reçoit, il est naturel que tout individu, noble ou roturier, les supporte en raison de ses possessions ; qu'en conséquence, il soit fait une nouvelle répartition de la capitation, dans une proportion égale, entre les ordres de la noblesse et du Tiers, et que pour cet effet il n'y ait qu'un seul et même rôle, suivant le premier usage, seul moyen d'assurer et de conserver une parfaite égalité. La noblesse même était imposée suivant la dignité de ses fiefs, lors de l'établissement de cette imposition.

Que MM. les Ecclésiastiques soient aussi imposés à la capitation, dans le même rôle, pour leurs biens patrimoniaux et d'acquêts ; qu'en exécutant la nouvelle répartition, il soit fait considération des villes et paroisses déjà surchargées, ainsi que de celles habitées par un grand nombre de noblesse riche, en état de supporter un taux considérable, et de celles où il n'en réside point, ou très peu.

Qu'il soit également fait considération de l'augmentation de population et de richesse des villes maritimes et commerçantes, qui, par l'appât du commerce, attirent les habitants des villes situées au centre de la Province, et les ont rendues désertes ; et que, malgré ce contraste arrivé dans les unes et dans les autres villes, elles sont restées aux taux de la première répartition, au mépris des réclamations dont l'Assemblée nationale retentit depuis longtemps.

Qu'il soit encore fait considération qu'il n'y a pas de ville dans la province plus grevée par le logement des troupes de passage, que celle de Vitré ; qu'il n'y en a point où la misère soit égale, et où il y ait une aussi grande multitude de malheureux, parce qu'il n'y en a point d'aussi peu favorisée des avantages du commerce. La fabrique de tannerie, qui faisait encore végéter le Peuple, est Presque anéantie par les entraves et les droits établis sur cette branche de commerce.

5° Qu'il est indispensable qu'il soit fait une nouvelle répartition du vingtième, pour rendre justice à chacun, attendu que, malgré les changements arrivés dans le produit des biens, par diminution de produit ou amélioration et défrichements de terres, et par l'agrandissement de quelques villes, qui ont fait disparaître la première égalité, si elle a jamais existé, la première répartition est presque restée la même, et attendu l'impossibilité de connaître la quotité des rentes féodales dues aux grandes seigneuries, de demander qu'il ne soit fait aucune déduction de ces rentes aux propriétés chargées de ces rentes et de les autoriser à retenir aux seigneurs les vingtièmes de ces rentes.

6° Que, pour le soulagement du peuple, il soit construit des casernes dans les villes où il y a ordinairement garnison, et particulièrement dans celles qui ont le moins de débouchés pour leurs denrées, pour la construction desquelles les fonds seront levés également sur tous les ordres, à moins que les Etats ne préfèrent de contribuer, de subvenir au casernement par imposition pécuniaire, supportée par l'Eglise et par la noblesse comme par le Tiers, et qu'il n'y ait aucune exemption du logement des troupes de passage, ainsi que de la fourniture au casernement représentatif du logement.

7° Que la corvée en nature, si préjudiciable à l'agriculture, soit irrévocablement supprimée, et qu'il y soit suppléé par une imposition sur les propriétés appartenantes aux trois ordres. On croit devoir faire observer à cet article que, dans plusieurs grandes seigneuries, les seigneurs perçoivent des droits de péage pour l'entretien des ponts et chaussées ; que la province les a déchargés d'une grande partie de ces obligations, par l'ouverture des grandes routes ; qu'à la vérité, en cette considération, le Roi a exempté de ces droits les marchandises passant debout seulement, mais que le public n'en a retiré aucun soulagement ; ces droits se perçoivent en leur entier, et aussi généralement sur tous les habitants du territoire, même des villes voisines, qui entrent dans leur ville tous les jours de la semaine, avec quelques marchandises ou denrées, même sur ceux qui arrivent par les grandes routes dont les ponts et chaussées sont aujourd'hui à la charge de la Province, même sur les grains, quoique leur transport soit exempt de tous droits ; que, quoique ces droits soient restés en leur entier sur la partie la plus productive, et que ces seigneurs se trouvent déchargés d'une grande partie de leurs obligations, ils veulent néanmoins se décharger de celles qui leur restent encore sur les chemins particuliers de leurs seigneuries ; que leurs vassaux sont obligés d'essuyer des procès ruineux, dont ils ne peuvent voir la fin, pour les faire condamner de rétablir ces ponts, qui sont le prix des droits de péage ; que le produit de ces droits, originairement modique, est devenu excessif, par l'abus de la perception qu'en font leurs préposés. Il serait naturel de faire jouir tous les particuliers, qui entrent et sortent par les grandes routes, de la même exemption que les passe-debout ; le même motif d'exemption parle en leur faveur. On croit devoir engager les Etats de mettre sous les yeux du Gouvernement les concussions immenses qui se commettent à l'occasion de la perception de ces droits, et combien il serait avantageux pour le commerce, pour toue les habitants des villes et campagnes, de les faire supprimer, et d'en demander, pour cet effet, la vérification par le Conseil, et qu'il fût fait information de la perception.

8° Demander qu'à l'avenir les contrats d'échange soient exempts du droit de lods et ventes, en vertu de l'acquisition qu'en a faite la Province, et de sa subrogation aux droite du Roi, en remboursant aux seigneurs la partie du prix de cette acquisition qu'ils pourraient avoir payée, et dont il leur sera tenu compte sur le remboursement des fouages extraordinaires.

9° Que les députés du Tiers Etat aux Etats généraux ne pourront être nommés que par l'ordre du Tiers ; qu'ils ne pourront être choisis et pris que dans son ordre ; qu'ils seront nommés, autant que faire se pourra, par districts, parce que toutefois aucun noble, anobli, fils d'anobli, officier ou agent de seigneurs, ne pourra être nommé député aux dits Etats généraux.

10° Q’en cas qu’il soit accordé aux villes de Rennes, Nantes et autres un plus grand nombre de députés qu'aux autres villes, elles ne puissent avoir que le même nombre de voix qui sera accordé aux autres villes, dans les élections et nominations d'un Président de l'ordre, des députés à la Cour et à la Chambre des Comptes, des commissaires intermédiaires, et généralement dans toute nomination quelconque.

11° De demander le retrait des ordonnances concernant le tirage de la milice, ou la suppression des exemptions accordées aux domestiques des ecclésiastiques et des nobles et à leurs gardes-chasses.

12° Que vacation avenant, par mort ou démission, de l'une des places de procureurs généraux syndics des Etats de la province, il y soit pourvu en faveur d'un membre de l'ordre du Tiers, dans la forme prescrite par le règlement, et que ledit emploi reste irrévocablement attaché à cet ordre.

Que la première nomination qui aura lieu d'un greffier en chef et d'un héraut des Etats, soit également faite en faveur de deux membres de l'ordre du Tiers, et qu'à l'avenir ces deux places soient alternativement remplies par la noblesse et par le Tiers [Note : Cet article est très analogue à l’art. 8 de la Délibération des Procureurs au Parlement, du 18 novembre. Et aux art, 5 et 6 de la Délibération du corps des marchands de Rennes, du 17 novembre.].

13° Que l'ordre du Tiers partage en concurrence avec celui de la noblesse l'avantage de tous les établissements faits ou à faire pour l'éducation des enfants de l'un et de l'autre sexe, en ce qui est de fondation des Etats, et au surplus que tous dons, pensions, gratifications en faveur de tous particuliers demeureront à l'avenir à la charge de chaque ordre.

Puissent les deux premiers ordres de l'Etat sentir la justice de nos réclamations !

14° Arrête la communauté de ville de charger M. son Député de se réunir à MM. les autres Députés, pour concourir à la rédaction d'un mémoire commun qui rassemblera et réunira les vœux de tout le Tiers Etat ; et au surplus elle a arrêté de refuser et interdire à son Député tout pouvoir de délibérer sur aucune matière, sur aucun impôt, sur aucune demande du Roi, sur aucune affaire particulière, qu'il n'ait préalablement obtenu des Etats justice sur la demande d'un règlement, qui assure la composition des Etats et la représentation plus parfaite du Tiers Etat, tant aux Etats de la Province qu'aux commissions de travail pendant les tenues, et aux commission intermédiaires, à commencer dès la prochaine tenue, et qu'il n’ait pareillement obtenu justice sur la demande d'une contribution égale, ainsi qu'elle est expliquée ci-dessus, aux impositions de la capitation, des vingtièmes, des fouages, aux fonds à faire pour l'entretien des grands chemins, le logement et casernement des troupes, et autres contributions de même nature ; et en événement ce qu'il n'y a pas lieu de croire, que les Etats refusent justice sur l'un ou l'autre point, l'Assemblée ordonne à son Député de l'en instruire au plus tôt, et ce sans déroger à la défense lui faite de délibérer.

L'assemblée excepte seulement de cette prohibition générale le Don gratuit, sur lequel elle laisse à son député la faculté de délibérer, le Don gratuit n'étant que l'hommage et le tribut de l'amour des trois ordres pour la personne sacrée du souverain ; autorise encore son député à délibérer sur la proposition qui pourrait être faite d'autoriser la régie des devoirs, en attendant le renouvellement du bail.

A arrêté la même communauté, que copie de la présente délibération sera remise à son Député aux Etats, et qu'il en sera envoyé des expéditions è, toutes les municipalités de la Province. Et ont MM. les Echevins présents signé :

Hardy, Thomas de Maurepas, Ruault, Dutheil Séré, Le Maczon, De Gennes, Charil de Villanfray, De Gennes Meriaye, Fouassier, Malescot de Mainbier, Bouverie de Gérard, De Gennes de la Vieuville, Hardy, D. M., De Gennes de Chanteloup, Le Roux, Androuin.

 

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MÉMOIRE présenté à la communauté de Vitré, dans sa séance du 17 décembre 1788 (voir la note qui suit).

(Registre des délibérations de la communauté de Vitré, 1782-1790, fol. 125-126, Arch. comm. de Vitré).

Note : Avant le texte du mémoire, on lit dans le procès-verbal (fol. 125) : « On a présenté un mémoire d’observations contenant les objets qui leur ont paru intéresser le plus l’honneur et le bonheur du Tiers Etat, dont la Communauté a requis l'inscription sur le registre pour en être délibéré ». Le manuscrit portait primitivement, au lieu de « On a », « MM. les Commissaires ont », mots qui ont été biffés. Ces commissaires semblent avoir été désignés dans la séance du 4 novembre 1788 (Registre des délibérations, fol. 118) : c'étaient le maire, Hardy de la Largère, le syndic, Thomas de Maurepas, Duteil Seré, de Gennes et Mesnage, chanoine, lesquels avaient été chargés de « rassembler tous les motifs qui nécessitent une formation nouvelle des représentants de la nation pour en faire part le plus tôt possible a la Communauté ». Le mémoire que nous publions ici a été rédigé en vue des instructions à donner aux députés aux Etats généraux.

1° Ne serait-il pas intéressant, MM., pour l'honneur et l'avantage de l'ordre du Tiers, de demander au Roi qu'à l'avenir les sujets de l'ordre du Tiers soient admis à occuper, suivant leur mérite et leurs talents, toutes places dans le militaire et pour cet effet de demander le retrait de l'ordonnance qui l'exclut de tout commandement distingué dans les armées du Roi et ne leur permet pas même d'y entrer comme officiers. Cette exclusion est préjudiciable aux intérêts du Roi, à la gloire et au bonheur de la nation.

2° Ne serait-il pas encore intéressant, MM., pour l'ordre du Tiers, de demander à Sa Majesté qu'il fût réintégré dans le droit de posséder des charges de magistrature dans le Parlement dont il est exclu aujourd'hui, on ne sait pourquoi ; avant l'érection du Parlement ordinaire, l'assemblée de la nation ou une émanation des trois ordres composait le Parlement appelé les Grands Jours ; elle seule avait le droit de consentir la législation ; l'ordre du Tiers partageait cette autorité, et l'édit de création du Parlement ne l'en exclut point, et il en remplit alors une partie des charges ; il est admis dans les autres cours de parlement du royaume. Quel motif peut donc l'exclure aujourd'hui de celui de Bretagne ? Son exclusion ne peut être fondée sur son incapacité, puisque c'est lui qui donne des professeurs dans les écoles de droit, qui compose le corps des avocats qui sont les lumières du barreau, et qui remplit la plupart des offices de judicature. N'est-il pas intéressant pour le Tiers Etat d'avoir des juges de sa classe, et d'être jugé par eux dans les discussions féodales ? Combien encore est-il important pour le public que ceux qui, en qualité de magistrats souverains, deviennent les juges et en quelque façon les dispositaires de la vie, de l'honneur et de la fortune de leurs concitoyens, soient versés dans l'étude et connaissance des lois, avant d'être admis dans la magistrature !

3° Combien ne serait-il pas encore intéressant pour le public de demander au Roi de rendre la justice moins dispendieuse en diminuant et réduisant les degrés de juridiction qui ruinent les particuliers, et en étendant le droit des présidiaux de juger en dernier ressort !

4° Ne vous paraitraît-il pas avantageux, MM., pour les citoyens, que la juridiction de police fût réunie aux hôtels de ville, particulièrement dans les villes seigneuriales, suivant les intentions qu'en a déjà montrées le gouvernement ? Les grands vassaux du Roi tiennent ce droit de sa concession gratuite ; ils chargent leurs officiers d'exercer cette juridiction ; mais les intérêts d'un seigneur à ménager et la justice due au public sont souvent difficiles à concilier. Plusieurs de ces seigneurs perçoivent des droits de pancarte seul l'autorité du Prince, dont partie est affectée aux frais de la police ; mais ils gardent le bénéfice et chargent leurs officiers de la faire gratuitement. C’est une charge onéreuse pour un juge qui est à vie. Vous sentez, MM., quelles en doivent être les suites.

5° Ne conviendrait-il pas encore, MM., de solliciter de la bienfaisance et de la justice du Roi un nouveau Code dont Sa Majesté a eu la bonté de déclarer qu'elle allait s'occuper, de demander qu'il soit nommé des commissaires de l'ordre du Tiers en nombre égal à ceux de la noblesse pour réformer les articles de la Coutume, qui tiennent aux abus des siècles de la féodalité ; pour rendre la réformation des aveux moins dispendieuse, qu'ils ne contiennent que l'énumération des terres possédées sous la mouvance du seigneur, que les termes de vassal et de sujet, de foi, hommage et d'obéissance qui ne signifient plus rien, en soient bannis, parce qu'il n'y a de sujets que du Roi seul et qu'ils ne doivent obéissance qu'à lui seul ?

6° Ne croiriez-vous pas, MM., nécessaire de demander que les particuliers, sujets en Bretagne à porter leurs grains au moulin à eau du seigneur qui ne peut le servir pendant toute l'année, soient déchargés de suivre à l'avenir son moulin, ou que le seigneur soit obligé de bâtir des moulins à vent pour le service du public, et, sur son refus, que tout particulier soit autorisé à en faire bâtir, vu que dans ce canton il est peu d'années que le public ne souffre infiniment pendant les sécheresses ? On y est obligé de conduire quelquefois les grains jusqu'à dix lieues pour les mettre en farine.

7° Parmi tous les abus qui ont pris naissance sous l'empire de la tyrannie féodale et qui lui doivent leur existence, en est-il un, MM., plus capable d'exciter votre réclamation que le droit de guet que perçoivent les seigneurs châtelains sur leurs vassaux et arrière-vassaux roturiers, sous prétexte de la garde et guet que ces vassaux faisaient autour ou dans leurs châteaux dans ces temps de pillages, parce qu'aussi les seigneurs étaient obligés de recevoir dans leurs châteaux les effets de leurs vassaux et de leur y donner asile ? Ce service était purement militaire et en partie pour leur service propre et la sûreté commune, et on ne peut croire qu'il puisse être regardé comme une corvée utile que les seigneurs puissent convertir en argent. La perception de cinq sols qu'ils font par ménage sous prétexte de ce droit ne peut donc être considérée que comme un véritable fouage et comme une concussion sur les sujets du Roi, auquel seul il appartient de donner sauvegarde. Ce droit d'ailleurs n'arrérage point, et cependant on en exige souvent dix années, et quelque injuste, quelque onéreux que soit ce droit par lui-même, il est encore plus odieux par les frais et les vexations qui en accompagnent la perception. Il est du devoir des représentants du peuple de faire connaître de telles injustices à un Roi bienfaisant et qui n'est occupé que du désir de faire régner la justice dans tout son empire. Tout ce qui tend à l'oppression publique est contraire à ses intentions et doit intéresser la commune. On doit mettre de ce nombre l'abus que les seigneurs font des droits de pancarte. Ce sont des droits régaliens que le Roi les a autorisés à percevoir sur le public du consentement de leurs vassaux, pour l'utilité publique. C'est une transaction entre le seigneur et ses vassaux qui contient leurs obligations réciproques, pour prix des droits et redevances convenues entre les vassaux et le seigneur ; celui-ci doit leur fournir pour le service public des ponts, des planches et chaussées sur les chemins, dans sa ville des halles, des étaux, des boisseaux, etc., etc. Les seigneurs ne sont que les administrateurs de ces deniers. N'est-il pas du devoir de la commune de demander au Conseil du Roi la vérification des pancartes dont la réformation a été faite sans l'aveu, le concours et le consentement des vassaux, qui ont même été homologués au Parlement, nonobstant l'opposition de la Commune, qui malgré sa réclamation contiennent des augmentations de droits, qui en renferment quelques-uns sans objet et plusieurs susceptibles de l'arbitraire, ce qui donne lieu à des extensions et même à des perceptions positivement proscrites par les édits de Sa Majesté, telles que celle sur l'entrée et sortie des grains et farines dont le transport doit être libre dans tout le royaume ? La perception de ces droits est très préjudiciable au commerce par les abus qui s'y commettent, dont le bien public demande qu'il soit fait information et vérification par des commissaires du Conseil.

8° Ne devons-nous pas, MM., espérer d'un Roi juste l'abolition du droit de franc-fief, lorsqu'on lui fera connaître combien il est onéreux au Tiers Etat ? C'est le plus accablant de tous les impôts qui se lèvent sur lui. Les autres n'affectent qu'une partie de son revenu ; celui-ci l'absorbe tout entier et même au-delà dans l'année qu'il est exigible. Il consiste aujourd'hui dans une année entière du revenu noble, et par addition introduite depuis quelques années des huit sols pour livre, et par le refus de faire diminution des charges naturelles de la jouissance, telles que les réparations d'entretien, et les autres impositions auxquelles les biens sont sujets, il emporte plus d'une année et demie du revenu, de sorte que le propriétaire dont le revenu consiste en bien noble doit se résoudre à mourir de faim, ou bien pour acquitter ce franc-fief est obligé de faire un emprunt, c'est-à-dire d'aliéner une partie de sa fortune pour conserver l'autre. Une charge aussi onéreuse se renouvelle tous les vingt ans, et, ce qu'il y a encore de plus affreux, ce sont les multiplications de ce droit qui se perçoivent aux mutations de possesseur, d’où il arrive que le même fond paye quelquefois ce droit deux et trois fois dans l'espace de vingt ans. Ce droit fut établi pour indemniser le souverain du service militaire que devait le noble pour les fiefs qu'il possédait. Mais l'ordre des choses est changé ; l'armée est à la solde de l'État, et le noble ne possède plus ses fiefs à titre onéreux ; il n'existe donc plus de cause et de motif pour exiger du roturier une indemnité. La distinction des biens nobles et roturiers est une chimère inventée par la barbarie féodale, car tous les biens sont originairement et essentiellement de même nature. Il est donc de l'équité et de la justice du Roi de décharger son peuple d'une imposition dont la cause n'existe plus ; il suffira de le lui représenter ; sa bienfaisance nous donne lieu de tout espérer (voir la note qui suit).

Note : Le procès-verbal ajoute : « La Communauté, attendu l’importance des objets contenus dans ce mémoire, a tardé à délibérer et remis à la première assemblée ». Le registre des délibérations n’indique nulle part que cette délibération ait en lieu.

 

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Cahier de la paroisse Saint-Martin de Vitré (voir la note qui suit).

(F. DUINE, Les généraux des paroisses bretonnes ; Saint-Martin de Vitré, dans les Annales de Bretagne, t. XXII [1907-1908], pp. 486-488).

Note : M. l'abbé DUINE a publié ce texte d'après le registre des délibérations du général de la paroisse ; nous n'avons pu nous procurer ce registre, ni savoir s'il en a été conservé des deux autres paroisses de la même ville. Un érudit, très au courant de l'histoire de Vitré, M. FRAIN DE LA GAULAYRIE, a bien voulu nous assurer qu’il n’existait pas, à sa connaissance, pour les deux paroisses de la ville, d’autres textes que ceux que nous publions ici.

[Les habitants, assemblés le 29 mars, choisissent Jean Barbé pour leur député à l'assemblée de la sénéchaussée de Rennes et le chargent d'y faire observer] : que la paroisse Saint-Martin de Vitré est une des paroisses du Royaume dont la population est des plus considérables et où la misère est des plus grandes ; que, néanmoins, les habitants qui y résident sont excédés par les charges qu'on leur impose, les impositions excessives de la capitation, le logement des gens de guerre, le casernement, les droits de péages et pancarte qu'on exige des habitants, sans réparer les ponts et chaussées qui se trouvent dans les routes des campagnes à Vitré, non plus que les pavés ; que, quoique dans la répartition des impositions publiques les habitants de chaque paroisse sont plus dans le cas de connaître les facultés de leurs voisins et paroissiens et d'apprécier le taux de leur imposition, néanmoins la communauté de ville de Vitré, composée des habitants de la paroisse de Notre-Dame, n'a jusqu'à présent pas songé à appeler, lors de la répartition des impositions pour ladite ville, aucuns des habitants qui composent le général de cette paroisse, pour quoi les délibérants susnommés ont encore chargé leur député de demander que deux des membres dudit général et habitants de la paroisse de Saint-Martin soient admis et appelés lors de la confection des rôles et impositions de la ville, même aux délibérations de ladite ville et ont au surplus les délibérants déclaré se référer aux plaintes et doléances des municipalités de toutes les villes et campagnes de la province, et chargé son député de faire tout ce qu'il jugera nécessaire et convenable pour l'intérêt dudit général et habitants de celle paroisse ; et ont les délibérants dit aller signer.

 

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DÉLIBÉRATION DE NOTRE-DAME DE VITRÉ, du 26 novembre 1788.
(Arch. commun. de Rennes, Cart. des Affaires de Bretagne, liasse E ; — publ. par PARIS-JALLOBERT, Journal historique de Vitré, pp. 404-405).

[Le général de la paroisse, auquel se sont joints « les principaux habitants et propriétaires de la ville et faubourgs de Vitré », après avoir pris connaissance des délibérations des paroisses de Toussaints et de Saint-Germain de Rennes, des 17 et 19 novembre 1788, et des arrêtés de la municipalité de Vitré des 4 et 25 novembre,] en adhérant aux délibérations desdites paroisses et arrêtés de la municipalité de cette ville, a arrêté qu'elle sera invitée de prendre en considération et ajouter à ses charges l'imposition excessive de la capitation, casernement et autres droits y joints, résultante de l'éclipsement de plus de quatre cent mille livres de rente, qui, depuis la répartition générale, a passé de l'ordre du Tiers dans celui de la noblesse par les mariages des héritières de l'ordre du Tiers avec MM. de la noblesse, ainsi que le passage presque journalier des troupes en cette ville, qui le plus souvent oblige l'habitant de se découcher ; de prendre également en considération la position limitrophe de cette ville des provinces du Maine et de l'Anjou, qui porte les pauvres de ces provinces à s'y retirer ; enfin la suppression presque générale du peu de commerce qui s'y faisait, surtout dans la partie des cuirs, toiles et flanelles, à raison des entraves que le fisc y a mis ; a arrêté d'ailleurs que la municipalité de cette ville sera invitée à demander à être autorisée à augmenter le nombre de ses députés aux Etats de la province en proportion des autres villes, et dès ce moment de nommer deux agrégés de l'ordre requis par lesdites deux délibérations pour accompagner le député de la municipalité de cette ville aux Etats de la province...

 

DÉLIBÉRATION DES PAROISSES DE CAMPAGNE DE NOTRE-DAME ET DE SAINT-MARTIN DE VITRÉ, sans date (postérieure au 26 novembre 1788).
(Arch. commun. de Rennes, Cartons des Affaires de Bretagne, liasse E).

[Le général a décidé d'adhérer au mémoire de la municipalité de Vitré, du 25 novembre 1788, et d'adresser à cette municipalité une requête qui lui sera présentée par Mellet du Louvre. — Cette requête insiste sur les abus auxquels donnent lieu la corvée, les fouages, la milice (voir la note qui suit). En ce qui concerne l’impôt sur les cuirs, elle déclare :]

Note : Cette requête a été présentée par le maire de Vitré à la communauté de cette ville, dans la séance du 9 décembre 1788 (Reg. des délibérations de Vitré, 1782-1789, fol. 123 v°).

Quel tort ne fait pas encore à l'agriculture l'imposition établie sur les cuirs ? N'est-ce pas le laboureur qui la supporte seul, puisqu'il vendrait ses peaux en vert beaucoup plus cher et que le fabricant est obligé, pour y faire un bénéfice honnête, de n'y pas mettre un prix aussi considérable qu'il pourrait faire sans cette malheureuse imposition ? Mais est-il rien de plus cruel pour le laboureur que de payer à la régie les droits des peaux qu'il donne à préparer pour son usage et celui de sa famille ? Que de raisons ne fournirait pas ce seul article ! Combien d'entraves sur les flanelles, les toiles, les chanvres et lins, toutes productions du laboureur ! La majeure partie des effets qui entrent dans le commerce ne sont-ils pas une émanation de l'agriculture ? C'est donc par conséquent l'agriculture qui est frappée dans toutes ses parties...

(H. E. Sée).

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