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LE CHATEAU DE VITRÉ EN 1935

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Le château féodal dont, à juste titre, s'enorgueillit Vitré, est un vestige quasi millénaire du passé, non pas, qu'au cours des siècles, il n'ait été maintes fois remanié, repris jusque dans ses fondations et rebâti tour par tour. Mais il occupe toujours l'emplacement, qu'à la fin du XIème siècle, le troisième baron de Vitré, Robert Ier, choisit pour édifier une forteresse qui commanderait le val de Vilaine comme celle de Marcillé, à l'autre bout de la baronnie, commandait la coulée de la Seiche. De la sorte, les deux principaux chemins d'accès vers Rennes étaient tenus par le petit-fils de Riwallon que le duc de Bretagne, Geoffroi Ier, avait nommé son « vicaire » et dont le descendant continuait la mission qu'il avait jurée de défendre cette marche de la province.

Château de Vitré

Les barons avaient depuis longtemps déjà leur « tour » à Vitré, à l'endroit où se dresse maintenant l'église de Sainte-Croix. Quand Robert s'installa dans son nouveau château, il fit don de cette tour et de ses dépendances à l'abbaye de Marmoutier pour y fonder un prieuré sous le vocable qui a donné son nom à l'église actuelle.

Un des successeurs de Robert, André II, devait, au début du XIIIème siècle, compléter son œuvre de défense, en ceinturant la ville de solides remparts qui faisaient comme une avancée du château vers l'est.

Rudes hommes que ces premiers seigneurs de Vitré. Ils bâtissent quand ils ne se battent pas. On les trouve, en effet, partout où il y a à férir de beaux coups d'épée, en Angleterre avec Guillaume le Conquérant, en Terre Sainte avec les Croisés, dans le Languedoc avec Simon de Montfort. Ils ont comme féaux soldats les d'Epinay de Champeaux, les sires de Pocé, de Cornillé, de Landavran, de Taillis, d'Erbrée, etc.

La lignée mâle de Riwalon devait s'éteindre en 1251. Par les femmes, la baronnie passa aux Laval, puis aux Montfort, aux Rieux, aux Coligny, enfin, en 1605, aux La Trémoille qui la gardèrent jusqu'à la Révolution. Le dernier baron, Jean de Vitré, mourut émigré à Chambéry en 1792, son fils, le prince de Talmont, insurgé contre le gouvernement de la Terreur, eut le triste sort d'être emprisonné et condamné à mort dans son propre château. Il fut exécuté à Laval le 26 Janvier 1794.

Le château avait été confisqué par l'Etat en 1791 et, au long de la Révolution et sous le Directoire, il servit simultanément de caserne et de prison. En 1810, il était concédé au département. Une ordonnance royale le restituait en 1815 aux de La Trémoille qui, en 1820, le vendaient au département et à la ville pour la somme de 8.500 francs. Enfin, en 1902, la ville devenait l'unique propriétaire et, poursuivant l'œuvre de restauration commencée en 1871 sous l'habile direction de M. Darcy, elle faisait démolir la prison que le département avait installée dans les logis seigneuriaux et sur son emplacement faisait édifier avec le concours de l'Etat la Maison de Ville qui, depuis 1913, abrite les services municipaux.

On peut s'étonner du bas chiffre de la cession consentie par les de La Trémoille en 1820. Il faut savoir, qu'à cette date, le château était en piteux état. Sa ruine avait des origines lointaines. Elle datait du jour où, comme dit M. Frain, le seigneur du lieu était « allé en Cour » et avait délaissé « la chambre de la Trémoille » qui prenait vue sur Villaudin et le Rachapt pour s'installer à Versailles dans l'entourage du roi et dépenser plus que ses revenus. Dès 1700, l'Intendant général des La Trémoïlle dénonce à l'avocat fiscal de la baronnie l'audace d'un quidam qui extrait de la pierre au pied même du château.

L'idée d'un pareil scandale ne serait venue à l'esprit de personne au temps où Mme L'Aisnée, la veuve de Duguesclin, remariée à un comte de Laval, et sa fille, Mme La Jeune, résidaient constamment à Vitré et, en pleine guerre de cent ans, achevaient le château de Robert en édifiant la Tour des Archives, dite encore Tour de la Magdeleine parce qu'elle faisait communiquer, par un pont-levis traversant la douve, le logis seigneurial avec la Collégiale du même nom qui fermait au nord l'esplanade d'arrivée et dont les vieux murs sont restés debout jusqu'en 1860. Avec les Montmorency et les Rieux, et sous l'œil des maîtres, s'exécutent d'immenses travaux : le Châtelet est rebâti dans un style nouveau, hardi et sobre ; le donjon est remonté sur sa large base et, sans perdre de sa force, il gagne en sveltesse et en élégance en épousant le galbe de la Renaissance et se coiffant d'un toit pointu ; l'absidiole dont il sera parlé plus loin est édifiée et amoureusement sculptée ; des enjolivements sont apportés aux arcades et aux pignons.

En 1605, par suite du décès de Guy XX de Coligny, la baronnie passait à Henri de la Trémoïlle, l'époux de Marie de la Tour d'Auvergne qui a laissé son nom au château que la ville vient heureusement de restaurer.

Le jeune ménage aimait le faste et allait mener grand train. Il s'entoura d'un monde d'officiers et de serviteurs et il eut un intérieur tout à fait princier. On a gardé l'inventaire qui fut dressé le vingt-sept décembre 1658 et qui détaille l'ameublement du château. Quatre-vingt cinq pièces de tapisseries y figurent, dont soixante-dix-huit hautes lices ornant « les onze chambres ou salles destinées aux membres de la famille ou aux hôtes de distinction. Sur ces fonds plaisants et animés, écrit M. Frain [Note : M. Frain : Vitré - Vieux Remparts], ressortent et les grands lits et les dais tendus sur le siège armorié, où les maîtres de céans viennent s'asseoir, quand se forme autour d'eux, un cercle de familiers ou de serviteurs ». Après nous avoir donné, d'après l'inventaire, la peinture d'un de ces dais et d'un lit monumental et somptueux, le vieux et charmant conteur vitréen ajoute : « Pour garnir ces vastes intérieurs, vous avez chaises à bras, chaises sans bras, des sièges pliants recouverts d'étoffes assorties à la couleur des dais et des lits, de grandes et de petites tables en bois d'ébène, en bois de hêtre; de chêne, de poirier, des meubles à deux corps, façon d'Allemagne et d'Italie, des écrans, des paravents N’oubliez pas d'étendre, sur les pavés de briques, les tapis de ratine de Beauvais, de Damas, de Turquie, de moquette à fleurs, de velours, de brocatelle. Aux murailles, suspendez les miroirs encadrés d'ébène et d'argent. Dans la chambre de Bourbon, remarquez un damier d'ébène et d'ivoire, avec ses dames et deux cornets d'ivoire. Dans le cabinet aux portraits, admirez, sur cette table à châssis, un échiquier de marbre noir et blanc, avec son pied à six colonnes et une petite layette de chaque côté.... ». Pour l'appartement d'apparat, « la grande salle lambrissée comme nef d'église, longue de 80 pieds sur 37 de large », l'inventaire porte : « Une tenture de tapisserie contenant huit pièces, représentant des trophées ; un dais à queue de toile d'or, passementé de passements en forme de coquilles et garni de franges et mollet or et soie avec ses cordons ; cinquante-cinq sièges recouverts de moquades vertes, deux tapis de moquade, etc, etc... ».

Il eut dans la période brillante du règne de Louis XIV, alors que le duc de Chaumes tenait la Bretagne pour le roi et convoquait à différentes reprises les Etats à Vitré, il y eut, dis-je, dans l'ensemble du château, jusqu'à 65 appartements meublés, tant grands que petits. Le gouverneur, M. de Farcy de Saint-Laurent, occupe le donjon ; il devait laisser son nom à la tour qui le logea. M. l'Argentier a la sienne. Le secrétaire de Monseigneur, le secrétaire de Madame, le receveur général, l'écuyer de Monseigneur, son aumônier et d'autres dignitaires encore, ont chacun leur appartement agrémenté d'annexes. Les commensaux habituels, les du Matz, les de Marcillé, ont leurs chambres décemment meublées. « Aux murs pendent les tapisseries de Bergame ou des toiles peintes. Des grands coffres, des armoires à 4 fenêtres, des buffets à 3 étages, des sièges à bras ou pliants, soit de serge, soit de cuir, complètent l'ameublement de ces honorables ». Le château a sa garde armée : la domesticité est nombreuse ; les écuries et le chenil occupent deux côtés de l'immense cour extérieure. Les La Trémoille reçoivent beaucoup : les tenues d'Etats leur coûtent des sommes folles ; la maison brille, mais elle s'endette. Que sera-ce quand la griserie des honneurs fera délaisser Vitré pour Versailles ?

Bref, le château de Vitré qui, pendant cinquante ans, avait été le cadre d'une existence presque princière et très animée s'en allait vers un abandon qui fut à peu prés complet dès le milieu du XVIIIème siècle. Les événements, somme toute, l'ont sauvé de la ruine et son affectation actuelle est digne du rôle qu'il joua dans le passé. Il abrite la bibliothèque communale et le musée, c'est-à-dire les richesses de la pensée et de l’art ; il défend donc toujours notre patrimoine. De plus, en incorporant l'Hôtel de Ville, il est redevenu le centre d'activité de la cité.

« Un château qui est, avec le château de Nantes, Guérande, l'île Close de Concarveau, Fougères et Saint-Malo, un des plus purs échantillons de l'architecture militaire d'autrefois et en même temps un des monuments les plus ornés de la Bretagne... » (ARDOUIN DUMAZET, Voyages en France. Bretagne, IIIème partie).

Le Château de Vitré est assis au bord de la Vilaine, sur l'éperon de la falaise qui porte la vieille ville. Il dresse sur les chemins qui mènent à Rennes et à Fougères une silhouette haute et fière qu'on pourrait croire menaçante pour l'arrière pays. En réalité, il tourne le dos à la Bretagne et regarde vers l'est d'où pouvait venir le danger ; dans la pensée de ses bâtisseurs, il devait être le réduit de la défense que la ville puissamment remparée pouvait opposer à une attaque partie du Maine ou de l'Anjou.

Sa base est un triangle ; sur deux côtés, ses murailles sans jour continuent un roc abrupt. On n'y accède que par la ville.

L'esplanade d'arrivée. — Il est précédé d'une vaste esplanade sur laquelle la piété des Vitréens a dressé, à la mémoire des Morts de la Guerre, un superbe marbre dû au ciseau du statuaire Jean Boucher. Cette place était autrefois l'avant-cour du château : les écuries et remises seigneuriales la fermaient du côté est et du côté sud ; la Collégiale de ‘‘ la Magdeleine ’’, du côté nord. Ces dépendances ont disparu, mais on a toujours devant soi le même front de défense constitué par un épais rempart reliant, derrière des douves, trois ouvrages militaires de grand style : au centre, le Châtelet ; à gauche, la Tour Saint-Laurent ; à droite, la Tour des Archives.

Il faut profiter du recul dont on dispose sur la place pour admirer l'architecture du Châtelet, la redoute qui garde le pont et couvre la voûte d'entrée au château. Cette voûte s'ouvre au-dessous d'une haute niche dont le fond plat présente trois longues saignées verticales où se logeaient les bras du pont-levis et celui de la herse quand, pour isoler le château, on relevait l'une et l'autre. La niche est encadrée dans une maçonnerie en relief portée par une arcade ogivale d'un beau dessin et dont les retombées s'appuient sur deux lions de pierre. Deux demi-tours rondes flanquent la façade ; énormes à la hase, elles vont s'affûtant au fur et à mesure qu'elles montent et portent à vingt mètres dans le ciel les pointes de leurs toits en poivrières. Elles ont entraîné dans leur ascension le groupe imposant des cheminées qui jaillissent d'un peu partout et qui participent à l'envolée de l'édifice. Une petite tour quadrangulaire, qui s'élève en pyramide sur la gauche et épouse l'encorbellement de ses sœurs rondes, donne une assiette plus large à la construction qu'elle agrémente de sa diversité.

La conciergerie du château s'ouvre aujourd'hui directement sur le pont et se fait accueillante au visiteur. Elle était plus fermée autrefois et ne prenait vue sur l'extérieur que par une meurtrière. Pour en trouver la porte, il fallait franchir le réduit qu'on voit à gauche et où se tenait l'homme de garde chargé de surveiller le petit pont-levis, donner le “ mot d'ordre " et s'avancer sous la voûte, au-delà des deux bancs de pierre qu'on y voit encore : la conciergerie s'ouvrait à droite ; le corps de garde, à gauche.

De nos jours, on entre librement au château et le visiteur qui passe sous la voûte a tout loisir pour en admirer l'arcature.

La Cour Intérieure. — La voûte débouche dans la cour intérieure en face d'un énorme puits aujourd'hui fermé, mais dont l'eau, pendant très longtemps, a alimenté tout un quartier de la ville. En arrière de ce puit, court, dans la direction sud-nord-ouest, un épais rempart percé de baies évasées et renforcé de deux tours d'importance secondaire, celle de l'Argenterie à gauche et celle de l'Oratoire à droite, reliées entre elles et au donjon ou Tour Saint-Laurent, qui est dans le fond à gauche, par un chemin de ronde au parapet crénelé et qui, en face de la porte d'entrée, est porté par une très belle galerie gothique.

L'absidiole. — A la tour de l'oratoire est accolée une absidiole de la Renaissance d'un dessin et d'une exécution en tous points admirables. La cuve à cinq faces repose sur une solide base en encorbellement ; elle mesure 3 mètres dans sa plus grande largeur... Des cinq pans qu'elle présente, trois sont percés d’une baie cintrée ; ces pans s'accotent par des pilastres géminés qui portent la corniche ; l'édifice, haut de 10 mètres est coiffé d'un dôme léger que couronne un lanternon ajouré.

Monsieur l'abbé Audren, qui a longuement étudié le château de Vitré et qui a consacré un opuscule (Château de Vitré : l'Absidiole, Abbé Audren – Vitré) très intéressant à cette absidiole, écrit : « Tout est de pierre blanche dans cette matière plutôt tendre, un sculpteur, à l'imagination féconde, a fait naître sous son ciseau habile les motifs de décoration chers à son époque : chapiteaux où sourient les chimères ; pilastres le long desquels descendent trophées, fleurs et amours ; frises ornées de médaillons et de figurines ; moulures transformées en séries d'oves, de palmettes et d'acanthes. Il a tout fouillé dans le goût de la Renaissance ; aux clefs de voûte, il a suspendu l'écu des barons de Vitré, réservant les panneaux de la cuve pour trois grands blasons qui se présentent bien en relief : celui du milieu, surmonté de la couronne baronniale et entouré du collier de l'ordre de Saint-Louis, porte les armes pleines de la maison de Laval ; celui de droite, couronné de même, est Laval, Montmorency ; le troisième mi-partie Laval, Montmorency et Daillon du Lude. Au-dessous de ces armoiries, l'artiste a inscrit autour de son œuvre une noble pensée extraite du livre de Job : Post tenebras spero lucem (après les ténèbres, j'espère la lumière) et audessus, il a ciselé deux figurines, soutenant un globe qui opère sa révolution vers l'Orient ».

Nous ne suivrons pas l'auteur, à qui nous empruntons cette page, dans sa longue et savante dissertation à propos de la date à laquelle l'absidiole fut édifiée, de la personnalité qui en fit la commande, de l'artiste qui l'exécuta, de l'affectation qui lui fut donnée, de la place que primitivement elle pouvait occuper. Mais, avec lui, nous demandons instamment que soient prises toutes mesures propres à assurer la conservation de ce joyau.

L'angle nord-ouest de la forteresse est occupé par la Tour de Montafilant, d'une silhouette élégante et forte vue des Tertres Noirs ou de la route de Fougères, mais qui ne s'aperçoit plus de la cour du château parce qu'elle a été masquée par les bâtiments édifiés récemment à la place de l'ancien logis seigneurial et où, en 1913, les services municipaux se sont installés. L'Hôtel de Ville occupe le premier étage de la construction neuve qui a grand air avec ses arcades gothiques et son large escalier de pierre. Dans le projet des Beaux-Arts et de la Mairie, projet signé Paul Goût, le vide existant entre cette construction et le rempart « est » doit être occupé par un édifice portant le beffroi de la ville et où se retrouverait l'ancienne salle d'apparat du château.

La tour d'angle qui se dresse au nord est la Tour des Archives ou de la Magdeleine. La tradition vitréenne la fait encore souvent appeler la Tour Neuve, parce qu'elle fut bâtie par Mme l'Aisnée au début du XVème siècle, lontemps après les autres bastions érigés par les barons Robert Ier et André II. Elle est un reste du premier château dont ont peut voir encore deux autres vestiges. Que le regard du visiteur, fixé tout à l'heure sur la tour d'angle, suive le puissant rempart qui la rattache au Châtelet, il verra, à deux mètres du pignon nord et orienté comme lui « la façade romane aux voussures alternées de schistes et de granit de la première chapelle du château ». Que, maintenant, après avoir contemplé la hautaine façade qui se dresse sur la cour, il cherche le prolongement de la courtine, il notera, au milieu du dernier segment, une tour démentelée qui, d'après l'auteur que nous avons déjà cité fit partie de l'enceinte primitive et fut englobée dans les restaurations successives.

Le triangle que couvre les remparts est fermé par la Tour Saint-Laurent, une des plus fortes et des plus belles de Bretagne. Elle tenait lieu de donjon pour ce château de forme très spéciale ; son approche était couverte par une série d'ouvrages militaires aujourd'hui disparus ; la Porte d'Embas et sa barbacane, toutes proches, lui servaient d'avancées. Le touriste qui a du loisir ne regrettera pas, après l'avoir visitée et en retournant à l'hôtel, de s'avancer au milieu de la promenade des Poulies pour en voir l'assise, en mesurer les dimensions et en admirer la silhouette. Il aura acquis une nouvelle preuve que l'architecture militaire du XVème siecle ne resta pas en dehors de l'inspiration artistique qui caractérise l'époque de la Renaissance ; il se dira aussi que M. Darcy avait bien du talent pour obtenir, dans la restauration qu'il dirigea, la résurrection d'un chef-d'œuvre du XVIème siècle.

 

***

LES INTÉRIEURS.

A. — Le Châtelet et la Bibliothèque municipale.

Le Châtelet est un vaste bâtiment rectangulaire à quatre étages accolé aux tours jumelles qui défendent le pont-levis. Il est desservi par un escalier en colimaçon qui prend naissance dans un angle de la cour, en retrait de la façade. Aux paliers où il mène, la même voussure nerveuse se repète qui éloigne les portes d'entrée des appartements et crée leur indépendance. Il y a deux gandes salles carrées (6m x 6m) et deux petits cabinets à chaque étage. Chaque salle a sa haute cheminée ; le logis prend jour sur la cour par une baie évasée laissant libre les têtes de murs qui font sièges.

Le Châtelet logeait au XVIIème siècle l'Intendant général de la baronnie et quelques autres dignitaires. Il abrite aujourd'hui la bibliothèque municipale riche de 12.000 volumes, dont certains très rares et d'une grande valeur, riche aussi en manuscrits, en vieilles gravures, en documents du passé. Cette bibliothèque est ouverte au public le mardi et le jeudi de chaque semaine, de 14 heures à 16 heures. Elle a sa salle de lecture et de consultation d'ouvrages. Elle fait des prêts gratuits.

B. — La Tour Saint Laurent et le Musée d'Art.

Tout est à l'état de neuf dans cette tour qui dresse ses quatre étages sur la cour et dont la pointe du toit surplombe de 30 mètres la sortie de la poterne sur la douve du sud qu'occupe aujourd'hui un joli square. Dans la restauration dont nous parlions tout à l'heure, pas un détail n'a été oublié. C'est ainsi qu'au sommet de l'ogive d'entrée on peut noter le pertuis du machicoulis qui défendait la porte. Sur le vestibule où l'on accède s'ouvrent trois portes et un superbe escalier de granit en forme de vis qui monte aux étages. La porte de droite conduit à l'ancienne prison du château, en souterrain ; celle de gauche ferme le long escalier qui menait à la poterne et sur lequel, en cas d'attaque, on descendait une herse. La porte du milieu s'ouvre sur un perron descendant par huit degrés à la Salle des Gardes.

Cette salle abrite en 1935 un petit Musée de Sculpture. On y voit les moulages de trois grandes œuvres de l'artiste rennais, Léotanti : le Christ au tombeau, la Patrie en danger, le Clairon de Reischoffen ; deux moulages signés Dolivet, autre artiste breton ; Mme de Sévigné, Réunion de la Bretagne à la France ; le Segyâf du Guerchais, Mérel ; deux bustes en terre cuite du rennais Gourdel ; plusieurs dépôts de l'Etat, entre autre : le Conteur, par Frère ; le Printemps et l'Été, figures allégoriques, et, sous verre, une jolie collection de Sèvres.

Le premier étage comprend 2 pièces : l'une de 9m x 8m au centre du donjon ; l'autre de dimensions réduites, dans la tourelle accolée à l'est. Ces deux salles sont occupées par des Collections d'Antiquités ramassées pour la plupart dans la région vitréenne : intéressants débris de pierres provenant d'édifices ou de demeures du vieux Vitré, notamment des fragments de l'Autel de la Collégiale de la Magdeleine (figures d'apôtres) ; écusson des Laval, Montmorency ; quelques marques de Marchands de Vitré ; des bois sculptés ; des cariatides locales ; des vieux coffres ; dans une vitrine, des instruments de tortures d'autrefois ; dans un médaillier, les pièces de monnaie constituant le trésor de Bais, des épis de plomb, des pièces de serrurerie, et, rehaussant le tout, trois belles tapisseries, une provenant des Gobelins, deux d'Aubusson.

La petite salle de l'étage a été réservée au vieux Vitré et aux Rochers. Ont voit, accrochés aux murs, d'intéressants dessins des anciennes fortifications de la ville, entre autre la porte Gâte-Sel et la porte d'Embas ; un beau lavis de Gaucherel représentant le château : des eaux-fortes de R. David ; des dessins de Busnel et de Rupin ; le portrait de Mme de Sévigné par Nanteuil, celui de Mme de Grignan, celui de Garengeot ; le portrait gravé de La Trémoïlle, etc...

En sortant sur le palier, on voudra bien jeter un coup d’œil sur l'encadrement de la porte, lequel provient d'une maison de la rue Notre-Dame et qui a été offert au musée par feu M. Guérault.

Le deuxième étage qui était l'appartement privé du gouverneur du château et qu'en cette qualité M. de Farcy de Saint-Laurent occupa dans les belles années du XVIIème siècle, cet étage, dis-je, a l'étendue et la disposition du premier. Il est affecté aujourd'hui au Musée de Peinture. Les tableaux qu'on y voit sont presque tous de l'école moderne. Nous mentionnerons, d'après un guide sûr : L'Ensevelissement du Christ (Guillon) ; le Départ à Concarneau (Devrolle), d'un bel effet du soir ; le Portrait d'homme, savamment dessiné (Fougerat) ; du même artiste, le Peintre et sa Femme ou Portraits de Famille, d'une recherche de couleurs ; la Vue de Vitré (Lottier) ; le curieux tableautin : Fin de Séance (L. Simon) ; le Prix d'honneur (Chaillou) ; les Vieilles Tanneries de Vitré (Loïc Petit) ; la Tour de Montafilant (Lafond) ; Village dans les Dunes (Nobilet) ; le Choix d'un Ruban (Herland) ; les Bouffons de Louis XI (Baader), etc. ; les aquarelles signées Bazire, etc., etc...

Nous ne quitterons pas la grande salle sans admirer longuement la superbe cheminée qui l'orne. Ce monument de la Renaissance a son histoire. Il date de 1583. Il avait été commandé aux artistes qui l'ont édifié et scuplté par un riche marchand de Vitré qui le fit placer dans son hôtel de la rue Poterie où il resta jusqu'en 1876. A cette date, la belle cheminée partit à Laval. Elle revint à Vitré en 1894, ramenée par M. A. de la Borderie qui était alors conservateur du Musée et qui la fit installer là où elle est.

L'Historien de la Bretagne a beaucoup fait pour ce Musée qui est autant son œuvre que celle des Municipalités qui se sont succédées depuis cinquante ans à Vitré. Il était juste que son nom restât attaché à une des salles. La Salle de la Borderie occupe le troisième étage de la tour. Elle a ses murs entièrement décorés par des tapisseries anciennes. Son sol carrelé porte des vitrines qui abritent quelques étains, des faïences et des porcelaines d'époques diverses et deux belles potiches chinoises rapportées jadis par des marins vitréens. Un beau portrait signé R. David fait revivre M. de la Borderie au milieu des richesses qu'il s'était plu à réunir et à classer.

Le 4ème étage mérite d'être visité. On y voit, avec de vieilles gravures, un plan du château au XVIIIème siècle et les épures de M. Darcy pour la restauration qu'il en fit ; il y a là encore un souvenir des courses lointaines qu'entreprenaient autrefois certains Vitréens : Un grand dessin colorié d'origine chinoise que l'on pourrait intituler : L'Offrande. La vue seule du beau travail de charpente et de menuiserie de la coupole qui domine la pièce paierait de la peine que l'ascension a donnée. Et quel panorama on embrasse quand, sortant sur le hourd, on regarde par un de ses créneaux ! On a toute la ville devant soi ; les demeures se font toutes humbles ; seuls les clochers des églises et des monastères affrontent le donjon seigneurial.

 

C. — La Tour de l’Argenterie et ses Collections.

Par un chemin de ronde longeant le rempart sud-nord-ouest et sans qu'il soit nécessaire de descendre dans la cour, on gagne, en sortant de Saint-Laurent, la Tour de l'Argenterie qui tourne son dos rond à l'extérieur et projette sur la courtine et sur la cour son avancée rectangulaire.

Le rez-de-chaussée a été affecté à un Musée de Minéralogie qui, d'après avis des connaisseurs, a une très grande valeur. Il a en effet, comme fonds la collection Herrenschmid, formée par l'ingénieur qui illustra ce nom et qui, dans sa longue carrière et sa course à travers le monde, tira de la terre les milliers de spécimens de roches, minerais et fossiles qui sont revenus à la ville de Vitré.

Au premier étage, on trouve des Collections d'Histoire Naturelle qui, petit à petit, ont grossi le don fait au musée, en 1904, par un enfant de Vitré. M. Ambroise Morel, au terme de sa carrière de préparateur à la Faculté des Sciences de Paris. La collection Morel se composait de 130 bocaux contenant de nombreux reptiles et batraciens déterminés scientifiquement, des boites de coléoptères, des oiseaux et mammifères naturalisés, des squelettes d'oiseaux et de reptiles, un lot de chauves-souris. Le généreux donateur a eu des émules qui ont apporté d'autres animaux naturalisés, des nids et des œufs d'oiseaux, des coquillages, etc., si bien que le petit musée offre aujourd'hui un réel intérêt aux naturalistes.

Le deuxième étage abrite le Musée de l'Armée, musée sans prétention mais très coquettement aménagé. Les murs s'ornent de panoplies d'un joli dessin où voisinent l'épée et le fleuret actuels avec les lattes d'autrefois, les dagues assassines, les hallebardes, pertuisanes et piques des Suisses, les poignards des spadassins et les cimeterres des soldats turcs. Une mitrailleuse allemande dresse son profil menaçant devant le groupe des vieilles armes à feu démodées ; couleuvrines, arquebuses, fusils à piston. Un bouclier, un écu, un arc, une arbalète, divers éléments d'armure chevaleresque, évoquent un passé lointain. Des uniformes militaires d'hier, déclassés, nous ramènent au présent.

 

D. — La Tour de l'Oratoire et la Musée d'Art local.

Cette tour, à laquelle l'absidiole est accrochée, se dénomme encore Tour de la Chapelle. Elle est carrée et on devine, à la voir si faible auprès de Montafilant sa voisine, qu'elle fut bâtie bien plus pour un usage privé que pour la défense du château. La belle pièce qu'elle présente à l'étage était jusqu'à ces derniers temps inoccupée. On vient de la restaurer et, en 1935, le conservateur du musée, M. Raoul David, pressé de rendre hommage à la mémoire de son prédécesseur immédiat, M. F. Guérault, a consacré les premiers arrérages du beau legs qu'il a fait à la ville à la formation, dans cette salle, d'un Musée d'Art local. D'accord avec la commission, il a voulu reconstituer et conserver là un de ces intérieurs bourgeois du XIXème siècle, dont l'ameublement était si typique. Au prix de nombreuses recherches, il a trouvé la haute armoire du pays, à huit brins de fougère, où l'on serrait le linge de la maisonnée, la grande table avec bancelles où maîtres, enfants et serviteurs, s'asseyaient aux heures des repas, la huche où l'on conservait le pain et la maie où l'on avait pétri la pâte, le coffre où l'on serrait les outils, la pierre à galette, la poêle emboutie qui servait pour les fricassées, le chaudron de cuisine et les instruments du foyer, crémaillère, chenêts, jusqu'au « bégo » où l'on fixait la chandelle,. La bonnetière exhibe encore ses bonnets et ses guimpes du pays, mais on y a logé, pour les sauvegarder, quantité d'objets fragiles, et précieux : Vierges de faïence dont l'une porte l'Enfant Jésus sur le bras droit, Christ, chapelets, tabatières, petits vases de porcelaine blanche avec ornements dorés, etc. L'intérieur a sa pendule bijou, son rouet ; il s'orne d'une quenouille de cérémonie et d'une couronne de mariée sous verre. Sur les murs s'étalent les châles du pays et un superbe châle-tapis. Trois figures de femmes en costume local, avec châle et bonnet, semblent veiller sur cet intérieur. L'une est allée au salon des artistes français, à Paris ; celle du tableau signé R. David.

 

E. — L’Hôtel de Ville et les Services Municipaux.

Il faut, pour visiter l'Hôtel de Ville, une autorisation spéciale, d'ailleurs facile à obtenir. On verra au rez-de-chaussée la salle qui s'ouvre en face de la dernière arcade vers l'est. Elle fut ameublée pour un prétoire ; elle abrite aujourd'hui les réunions des sociétés locales.

Le large perron qui empiète sur la cour débouche au premier étage sur un vestibule en contre-bas de quelques degrés d'un long et spacieux couloir qui, sous une galerie couverte, court devant les salles de la Mairie, lesquelles se succèdent dans l'ordre suivant : Salle du Conseil et des Mariages, Cabinet du Maire, Secrétariat, Bureau des Employés. Toutes ces pièces ont grand air sous leur haut plafond porté par de longues poutres qui s'encorbellent à d'énormes murs. Les baies évasées laissent venir le jour du nord ; elles s'ouvrent sur un panorama agreste et très curieux, celui du Val de Vilaine avec ses lavoirs et ses vieilles tanneries, les bâtiments et jardins de l'hôpital Saint-Nicolas, l'étagement du faubourg ouvrier du Rachapt, la montée en lacets vers Fougères.

On admirera la haute cheminée de la grand'salle et les deux tableaux de M. R. David qui ornent le mur opposé ; ce sont les portraits très vivants de deux anciens maires de Vitré : M. de la Plesse et M. Garreau. On ne refusera pas non plus un éloge aux artistes vitréens Augerie et Fils, qui ont signé le bureau du Maire et les beaux meubles modernes qu'on voit dans le cabinet du Secrétaire.

Le deuxième étage de l'édifice est privé.

Note : Il faut une heure environ pour parcourir le chemin que nous avons suivi et se rendre compte à la fois de l'architecture du château et de son utilisation actuelle. Nous aimons à penser que le touriste ne regrettera pas le temps qu'il aura consacré à cette visite et qu'il emportera l'impression que Vitré sait se souvenir et qu'il a toujours le culte du beau.

(M. Laillet).

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