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LA VIE DE SAINT-RONAN

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I. La source principale et sa valeur.

Le document capital est ici la Vie de S. Ronan, contenue dans le manuscrit latin 5275 de la Bibliothèque nationale et publiée dans le Catalogus codicum hagiographorum latinorum Bibliotheca Nationalis Parisiensis. — L'auteur de cette Vie est un clerc lettré de Cornouaille, qui écrit entre le Xème et le XIIIème siècles.

Saint Ronan de Locronan - Bretagne

Quelle est la valeur de ce texte ? — A en croire M. Latouche « la Vita Ronani est un document dénué de toute valeur historique. Saint Ronan d'Armorique n'a jamais existé... On a dû imaginer Saint Ronan parce que le nom de Ronan entrait dans la composition du nom de Locronan ». — Mais alors si le nom de S. Ronan vient du mot Locronan, comment expliquer le nom même de Locronan ? Loc est évidemment un préfixe, analogue aux Plou, Guy, Lann, Tref, Ker, Bor de la Bretagne continentale, aux Tre, Ros, Pol, Lan, Car, Pen du pays de Cornwall. Dira-t-on que Brazza ou Orléans viennent de Brazzaville ou d'Orléansville, que les mots Christ et Maria sont des dérivations de Lochrist ou de Locmaria ? Cette manière d'argument, qui touche au paradoxe, ne prouve absolument rien. — Et pourquoi notre Vita Ronani serait-elle dénuée de toute valeur historique ? Quelques siècles assurément séparent le biographe de saint Ronan de son héros, mais faut-il donc compter pour rien la tradition orale ? Ici se pose le problème des traditions populaires. Quelle confiance méritent-elles ?

Dans certains cas la tradition orale prime le document et nous permet de le rectifier. N'est-ce pas pour avoir méprisé la tradition bretonne que des clercs sans mandat ont substitué des Saints français à nos nos vieux Saints celtiques ? C'est ainsi, pour ne parler que des Saints de la Troménie, que S. Alc'houen de Plogonnec est devenu S. Albin, que S. Even de Quéménéven s'est métamorphosé en S. Ouen.

   

L'histoire, en devenant un récit populaire, ne perd pas sa vérité historique, mais revêt les caractères suivants :

a) Le récit populaire s'affranchit volontiers de l'ordre chronologique pour procéder par larges traits, capables de frapper l'imagination des peuples et d'y laisser une empreinte durable.

b) Le récit populaire ne s'attache qu'aux faits saillants de l'histoire et néglige les détails d'ordre technique.

c) Le récit populaire dramatise les actions qu'il raconte, anime les objets, traduit les faits en dialogues, fait parler les personnages, rapproche de leurs causes les dénouements les plus éloignés. (Cf. Revue d'apologétique, t. IX, pp. 274 ss).

A la lumière de ces principes, nous distinguons dans la Vita Ronani les assertions qui relèvent de l'histoire et celles qui n'y figurent que pour orner ou embellir le récit. Il est moralement impossible que toutes les affirmations de ce document reposent sur l'erreur ou l'imposture. Si la fiction poétique vient s'y mêler à la réalité, si la légende y côtoie l'histoire, un devoir s'imposera à l'historien : procéder avec circonspection dans son oeuvre de critique, se garder d'un scepticisme absolu et ne pas ajouter une foi aveugle à tous les détails. — Pour le détail de la transformation de S. Ronan en loup, voir Revue Celtique, t. XI, pp. 242-243.

 

II. — La vie de Saint Ronan.

Ronan ou Renan (Reun en dialecte cornouaillais) naquit en Irlande, dans la deuxième moitié du Vème siècle. Il reçut successivement les divers Ordres Sacrés, puis l'épiscopat. Fut-il consacré par Saint Patrice ? Il semble que non : Saint Patrice est mort en 461, tandis que Saint Ronan appartient plutôt comme Grallon lui-même avec qui il fut en relations, à la première moitié du VIème siècle (Cf. Acta Sanctorum, t. 21, p. 81).

Comment Ronan a-t-il pu quitter l'Irlande, s'il y était Pasteur d'un diocèse ? La difficulté s'évanouit dès que l'on fait de saint Ronan un évêque monastique. En Irlande, au Vème  siècle, les monastères d'une certaine importance étaient dirigés par des moines évêques.

Les premiers moines irlandais se retiraient facilement « au désert » pour y vivre loin des hommes et y vaquer plus facilement à la vie contemplative. C'est ainsi que saint Ronan se décida à quitter la terre irlandaise pour passer en Armorique. Quelques auteurs ont conjecturé qu'il fit escale en Cornwall. W. J. Ferrar, par exemple, incline à voir dans les noms de trois paroisses corniques des vestiges du passage de saint Ronan : Ruan-Lanihorne, Ruan-Major et Ruan-Minor. (The Saints of Cornwall, London 1920, p. 22). Mais le mot Ruan est plutôt une corruption de Rumon et nous savons que saint Rumon (l'ancien titulaire de l'église d'Audierne) est aussi le patron de Ruan-Lanihorne. On dit bien que le saint qui a donné son nom à cette paroisse s'est retiré dans un coin de la Cornouaille insulaire du nom de Német. Mais ici encore l'argument est bien fragile : ce mot Nemet est un terme gaulois qui signifie bois sacré ; et ces bois sacrés ont dû exister un peu partout.

Saint Ronan débarqua à l'Aber-Iltud. Son passage dans ce pays est marqué par des Loc. « Nous avons d'abord Lokournan-vian (le petit S. Renan), sur la route de Saint-Renan à Lanildut, où l'on montre encore sur les rochers au bord de l'eau, le lit de S. Ronan, puis nous avons Saint-Renan (en breton Lokournan, Loc-Ronan) antique cité ducale et royale qui s'est formée autour de la cellule de son Saint Patron » (Abbé Calvez, Les Pères de la Patrie au « Bro-Leon », 1922).

Désirant pénétrer plus avant dans « le désert », saint Ronan partit pour la Cornouaille et vint se fixer dans la forêt de Német (aujourd'hui Névet). C'était là une épaisse forêt, un bois de haute futaie, qui fut plus tard éclairci en vue de la construction de « maisons et villages et même églises » [Cf. Histoire de la maison de Névet par Jean Baron de Névet (1644)].

Au bois de Névet, le saint trouva un brave paysan qui l'aida à s'y bâtir un ermitage. La femme de ce paysan, nommée Keban (prononcez Keben) [Note : Il n'y a aucune raison sérieuse de contester l'existence de Keban. Le souvenir de cette méchante femme existe toujours dans les noms bretons de Kroaz-Keban, Bez-Keban, et le village de Kergeban en Quéménéven], ne tarda pas à prendre ombrage des relations de son mari avec le saint anachorète. Dès lors toute occasion lui fut bonne pour nuire à l'homme de Dieu. Elle alla jusqu'à l'accuser auprès du roi Grallon de crimes inouïs. Le prince fit une enquête qui aboutit à mettre en lumière la parfaite innocence du serviteur de Dieu. Mais Keban fit tant et si bien que le saint ermite dut quitter un jour son Oratoire de Névet pour se retirer à Hillion dans les Côtes-du-Nord (aujourd’hui Côtes-d’Armor), entre Lamballe et Saint-Brieuc. C'est là qu'il mourut. L'endroit s'appelle Saint-René par correction, « car il vint un temps, note Monseigneur Duchesne, où les pauvres vieux Saints Bretons furent considérés comme étrangers dans leur propre pays : on les évinça des vocables d'église pour mettre à leur place des patrons plus connus des clercs français ». Il y a, non loin de Merdrignac un Loc-Renan où il semble que saint Ronan ait passé quelque temps avant de se rendre à Hillion.

La légende veut que le corps du Saint, placé sur un char traîné par deux buffles sauvages, suivi de trois évêques menant le deuil, ait été immédiatement transporté à Locronan-Coat-Nevet, Locronan de Cornouaille (Cf. Hersart de la Villemarqué, Barzaz-Breiz, La Légende de Saint Ronan, p. 477 et ss.). Cette tradition populaire a dû mettre sur un même plan chronologique les funérailles du saint ermite et la translation de ses reliques à Locronan, au IXème siècle, après les invasions normandes.

Le culte de saint Ronan se répandit bientôt dans la contrée. Un modeste oratoire en bois, puis une église plus vaste s'élevèrent sans tarder sur le tombeau du Saint. De bonne heure saint Ronan fut connu hors de Bretagne : un manuscrit de Saint-Martial de Limoges présente déjà son nom dans des litanies datant du XIème siècle (Revue celtique t. III, p. 449).

En 1031 nous assistons à la fondation du prieuré bénédictin par Alain Cagniart, comte de Cornouaille. Puis ce sont en 1250 les nombreux privilèges octroyés aux habitants de Locronan par Pierre Mauclerc, à la condition d'assister aux processions des mardi et vendredi de chaque semaine. En 1451, Pierre II, duc de Bretagne, renouvela ces faveurs. A cette époque se place le début de la construction de l'église actuelle, véritable petite cathédrale, en attendant le moment peu éloigné où Anne de Bretagne, pour remercier saint Ronan de la naissance de sa fille Renée, devait faire reconstruire la chapelle voisine, dite du Penity, et ériger le nouveau tombeau que l'on admire encore aujourd'hui. C'était entre 1510, année de la naissance de Renée de Bretagne, et 1514, année de la mort de la duchesse Anne.

A Briec existait avant la Révolution une chapelle consacrée à saint Ronan et appelée Le Penity-Ronan : elle figure aux décimes de 1765-1789. La statue du Saint qui est aujourd'hui dans la chapelle de sainte Cécile vient de cette ancienne chapelle. (Cf. Bulletin de la Commission diocésaine d'archéologie, 1904, p. 228).

(H. Pérennès).

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