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Henri SOULASTRE.

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Le 1er Mai 1791, Henri Soulastre, ancien prieur du Monastère de Vertou était appelé par Minée, évêque constitutionnel de Nantes, au poste de vicaire épiscopal. Il déclarait accepter cette place de confiance "par amour du bien public". "Je sais, ajoutait-il, les difficultés qui m'attendent, mais je me sens capable de les vaincre". Tant de présomption allait concourir à sa perte (Archives départementales, L. I. L660).

Sa première tâche fut de pourvoir dans les mois qui vont suivre, au remplacement des Prêtres de plus en plus nombreux, qui devaient comme l'exigeait la loi s'éloigner des paroisses, pour avoir refusé de prêter serment. Pour prendre leurs places, ils s'en présentaient bien sûr, venus pour la plupart du dehors ou de monastères fermés, des Religieux en rupture de clôture ou des Prêtres du clergé séculier, qui n'inspiraient guère la confiance. Ces gens-là, on les acceuillera trop facilement et ils seront cause pour l'administration de bien des difficultés.

Et pourtant, on ne se montre pas difficile. Lisez plutôt cette lettre qu'écrit à Soulastre un curé de Clisson qui réclame un vicaire : " Je profite de l'occasion pour t'assurer que je t'aime de toute mon âme.. mais je t'aimerais encore davantage, si tu voulais bien m'envoyer au plus vite un vicaire. .. fût-il un "ours" .. pourvu qu'il sache dire la messe. S'il ne sait pas chanter, ni administrer les sacrements, ce ne sera pas la mer à boire pour le lui apprendre. Car ici je n'ai aucune consolation près des 22 prêtres qui se trouvent en ces lieux. Ils ne veulent rien faire, quand je leur propose quelque chose. Ils ont tous déserté mon église qu'ils déclarent polluée. Ils vont dire leur messe au château, à l'Hospice ou à la Trinité. Si tu pouvais m'envoyer un vicaire, il arriverait peut être à retrouver leur confiance, et par lui ils reviendraient à la maison" (Archives départementales, L. I. L341).

Et puis il y aura pour ces prêtres assermentés une vie difficile. Dans les chrétiennes paroisses du Pays Nantais, ils passeront vite pour des factieux. Leur existence deviendra intenable et ils songeront à partir de leurs résidences.

Comme preuve on peut lire ces deux lettres écrites à Soulastre par le Curé du Loroux Bottereau et son vicaire : " Des prêtres scélérats se promènent, chaque jour dans le paroisse. Ils célèbrent dans une chapelle interdite, y font de l'eau bénite et pis encore. La Municipalité se tait et détruit ainsi le bienfait de la loi, qu'elle a reçue comme charge à défendre. J'avoue que moi-même, apôtre de la Constitution nouvelle, je ne me sens pas le courage de souffrir pour elle le martyre. La religion et la raison m'imposent de m'évader de ce guêpier où je me trouve. Je vous prie donc de prendre vos dispositions pour envoyer un autre curé en cette paroisse. Mais pourra-t-il tenir ? Suit la signature : VOVARD, curé constitutionnel du Loroux ".

Et voici la lettre du vicaire " .. Sur tout le territoire de la paroisse, nous sommes insultés tous les jours, même jusque dans l'église. Il n'est plus possible de rester ici. Je suis décidé à quitter ce pays sans regrets. Il n'y a ni Dieu, ni diable pour me retenir. Ce peuple breton n'est pas mûr pour un régime de liberté (il était parisien). Ces gens-là ont le crâne trop épars. Signé. Vallot, vicaire ".

Le Clergé fidèle aura peu de contacts avec l'évêque Minée et ses vicaires épiscopaux. Il les considérera toujours comme des intrus. Les Religieuses feront de même. Et quand Minée et Soulastre se présenteront le 3 Mai au Carmel des Couëts en Bouguenais pour une visite officielle, ils trouveront la porte fermée.

Sans doute ils auront pour consolations les bonnes grâces des Officiels du Département. Le 30 Novembre 1791 Soulastre sera appelé par eux à faire partie des notables de la Municipalité Nantaise.

Il sera réélu à ce poste important le 12 Décembre 1792, mais il deviendra de plus en plus leur victime. Il tombera sous l'emprise des Clubs qui auront leurs exigences.

Quant à Minée, dépité par ce manque de bienveillance de son clergé, il quittera momentanément son diocèse fournissant comme excuse, qu'il se rend à Paris pour y chercher " de bons prêtres qui accepteront de venir travailler avec lui pour la grandeur du pays et le bon plaisir des Nantais ". Il ne reviendra qu'au mois de Juin de l'année suivante et ces neuf mois d'absence inquièteront les Notables du Département. De la capitale, il ne ramènera aucun des "bons ecclésiastiques" qu'il s'était flatté d'y trouver, pire encore, il apprendra que ceux qui au Pays Nantais, étaient restés fidèles à Dieu, sont déjà en partie incarcérés dans les prisons de Nantes, avant d'être exilés hors du pays.

En 1793 l'église officielle touche elle-même à sa fin. En Octobre de cette même année, les Maîtres du Jour imposent à l'évêque plus ou moins déchu une fonction nouvelle. Deux Représentants de la Convention, venus de Paris en mission officielle remplacent le Conseil du Département par une commission dont Minée deviendra président. Il réunira ainsi entre ses mains le pouvoir civil et le pouvoir religieux. "Il acceptera, dira-t-il en rechignant, de crainte de passer pour un suspect". Au fond ce que désirait le pouvoir, c'était de le sortir, lui et ses collaborateurs, du domaine de la religion qui était le leur.

Il essaya sans doute de faire un geste de pitié et de sauver de la mort une centaine de prêtres, vieillards ou infirmes qu'on n'avait pas osé exiler. Mais son désir ne fut pas exaucé, et la plupart d'entre-eux furent transférés sur la galiote la "Gloire" pour y être noyés.

Le 29 Octobre 1793, Soulastre et son confrère Darbefeuille n'hésitèrent pas à abdiquer publiquement leur saterdoce. Ce mauvais exemple de ses collaborateurs immédiats poussera Minée à faire le même geste le 16 Novembre dans l'église Sainte Croix en présence de Carrier. Le soir de ce même jour eut lieu la première noyade. Quatre-vingt-quatre prêtres, tous âgés ou infirmes, entassés dans une sapine périrent en Loire vers minuit. Doit-on constater une relation de cause à effet entre l'évenement du jour et celui de la nuit ? Peut-être. En tout cas, ces vieillards fidèles à leurs voeux et à leur sacerdoce compensaient la faiblesse et la honte de l'Evêque et de ses affiliés.

Le lendemain de cette triste journée, Soulastre rentrait à Vertou où le département venait de le nommer Juge de Paix. De son ancienne abbaye, il ne trouvait que des ruines. Une famille de patriotes restée au pays accepta de l'héberger. Près de ces murs croulants de son ancien monastère eut-il le courage de penser au désastre de son âme ? Dieu seul le sait !.

Au mois de Février 1794, un arrêt fut lancé contre lui (Archives départementales, L. I. L341 et L660) par ceux qu'il servait avec tant de zèle depuis trois ans. Dans les jours précédents, il venait de dénoncer au Directoire comme factieux des gens de Vertou et de le Haye Fouassière. A Vertou c'était : Charles l'instituteur, Camus l'un des chefs des rebelles, Brebion l'ancien médecin du monastère et quelques autres. A la Haye Fouaesière la liste était plus longue encore. On y voyait : René Barreau et son fils, Jean Galleau, Pierre Cormerais, Pierre Cathelineau, Alexis Bureau boulanger, et Georges Bouyer. Tous venaient d'être arrêtés au mois de Janvier, conduits à Nantes et la plupart d'entre-eux n'en devaient pas revenir. Sur le registre de la paroisse qui relate leurs arrestations, on lit ces mots "Y a perdu la vie" (Archives des paroisses de Vertou et la Haie-Fouassière).

Et voilà qu'à son tour, ce même Tribunal doutait de sa personne. N'était-il pas lui-même au service des Nobles et des insurgés ? Et comme le doute persistait, il fut écroué le 2 Février 1794 à la prison de Nantes, aux Saintes Claires. Pour obtenir sa libération, il envoya cette lettre au Comité révolutionnaire que présidait Carrier : " Depuis deux mois, écrivait-il en fin de Mars, je suis enfermé par la loi injustement aux Saintes Claires. Citoyen, Représentant du Peuple, je te demande de t'intéresser à ma cause pour me rendre la liberté. Mais comme dans cette circonstance délicate tu as besoin d'être éclairé, consulte tous les amis de la République qui t'entourent. J'ai vécu au milieu d'eux et leurs suffrages seront pour moi les meilleurs certificats que je puisse te présenter. Ils t'affirmeront que j'ai toujours attaché mon sort à la Révolution, que j'ai toujours été un parfait patriote et que j'ai tout sacrifié aux idées qui sont les tiennes ".

Qu'allait faire pour lui Minée ? N'était-il pas lui-même plus ou moins désavoué. Il venait d'être envoyé par Carrier dans le région de Campbon pour essayer de pacifier les esprits. Son crédit était si mince désormais qu'il ne pouvait rien faire pour celui qui pendant trente mois avait été son collaborateur et son ami très cher.

Le bureau du Comité révolutionnaire reconnut que le prévenu était moins coupable qu'on ne l'avait pensé (Archives départementales, L. I. L660 et L778).

Il avait sacrifié 30.000 livres de sa bourse (l'argent peut-être qu'il détenait de la prévôté, car la somme qu'il possèdait à son départ de Vertou correspondait à ce chiffre) pour le succès des idées révolutionnaires. Que fils du portier de l'évêché de Rennes, il avait été jugé à tort comme faisant partie des Nobles. Son père n'était qu'un roturier. Ce même bureau le 27 Mars 1794 lui rendait sa liberté.

Il sortit de prison dans les jours qui suivirent. A cette époque Nantes connaissait une grave épidémie de typhus. A la prison des Saintes Cloires, Soulastre en avait contracté les germes. Le lendemain de sa libération, on dut l'hospitaliser au Sanitat. Le mal fit des progrès énormes, la 29 Mai 1794 il mourait à l'âge de 50 ans. (A. Jarnoux).

Note : L’abbé Alfred Jarnoux (1900-1991), ordonné prêtre en 1925, a occupé divers postes de vicaire avant d’être chargé de la paroisse de Vertou en 1950 et de l’aumônerie du collège du Loquidy en 1960. A côté de sa charge pastorale, l’abbé Jarnoux, nommé chanoine honoraire en 1954, s’est toujours intéressé à l’histoire et a mené à terme diverses études qui ont connu l’édition.

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