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Le clergé de Vertou sous la Révolution.

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En ce mois de Janvier 1791, on vit placardé dans le moindre village, le décret qui obligeait les Prêtres exerçant un ministère à faire le serment constitutionnel exigé par la loi. Ce jour-là commençait le délai de huit jours imparti pour la soumission. Cette semaine-là fut pour beaucoup d'âmes sacerdotales pleine d'angoisses. Certains, en petit nombre, allaient accepter de faire ce serment avec empressement pour gagner les bonnes grâces de la Constitution et partager ses privilèges. Mais la grosse majorité des Prêtres du Pays Nantais allaient dire "Non". Ils préféraient rester fidèles à l'Eglise et confier leur avenir à Dieu. Le district de Clisson comptait à cette époque 72 Prêtres. Le 20 Mai on découvrait seulement une vingtaine d'assermentés.

L'abbé Charles MAUGEAIS était recteur de la paroisse de Vertou depuis 1775. Prêtre pieux et zélé malgré certaines influences qu'il avait subies à son insu, il refusait en ce mois de Janvier de répondre au décret. Pour l'aider dans son ministère, il avait deux vicaires Roland Guihard et Sébastien Girard. L'un et l'autre partageaient les mêmes sentiments que leur curé.

Le 1er Avril 1791, le bon Curé écrivait au département (Archives Départementales, L. I., L341 et L788) pour leur signaler qu'il existait beaucoup de pauvres dans sa paroisse, et que pauvre lui-même il était dans l'impossibilité de leur venir en aide. Dans ce même message, il leur faisait savoir que se trouvaient encore dans les greniers de la Prévôté sept septiers de blé abandonnés per les Religieux. La maison était déserte et les rats endommageaient cette précieuse réserve. "Tout sera perdu, ajoutait-il, si on ne fait rien pour s'en servir". Alertés par le Département les Commissaires du District de Clisson lui firent savoir qu'ils accueillaient favorablement sa demande. Il pouvait prendre et distribuer aux pauvres de sa paroisse ces biens abandonnés. Dans ce geste charitable le bon Curé ne voyait pas qu'il jouait avec le feu.

Le 21 Mai de la même année, il envoie une nouvelle lettre au District pour les remercier de cette offrande et leur demander une nouvelle faveur : "Dans l'église de Vertou, écrit-il se trouvent une chaire et des confessionnaux qui croulent de vétusté. Si vous vouliez me permettre de les remplacer par ceux qui existent dans la chapelle du Couvent des Capucins de Nantes où ces meubles sont devenus inutiles, cela rendrait service à notre fabrique qui est très pauvre".

On invita l'abbé Maugeais à venir chercher les meubles qu'on lui offrait gratuitement. Tant de bonnes grâces allaient lui faire perdre la tête. Le 4 Juillet de cette même année il prêtait serment et exprimait sa joie "de voir les ennemis de la liberté cesser de souffler sur Vertou leur poison de discorde". Quelques jours plus tard il recevait les félicitations de son ami Soulastre, devenu vicaire épiscopal.

L'affaire s'était faite à la dérobée. Hâtivement les Officiers municipaux en prirent acte et le procès-verbal fut envoyé au district. Le dimanche suivant, les offices se célébrèrent avec les mêmes rites et les mêmes prières. On était au milieu de l'été, à l'époque des moissons, et les paysans de Vertou avaient autre chose à faire qu'à s'enquèrir de théologie. Pour eux, l'abbé Maugeais était toujours leur curé.

Ils s'étonnèrent davantage du départ des vicaires. L'un était là depuis quatre ans et était très aimé. L'autre terminait sa première année de présence. Ni l'un ni l'autre n'avaient accepté de prêter serment. Par l'entremise du District, ils étaient avisés d'avoir à quitter Vertou au mois d'Août au plus tard, pour se retirer à trois lieues au moins de cette paroisse.

On dépêcha pour les remplacer un vicaire constitutionnel l'abbé Jean Blandin, en religion Marc de Janzé, lecteur en théologie, précédemment capucin au couvent de la Fosse à Nantes. Il ne devait rester à Vertou que quelques mois, avant d'être nommé vicaire à Paimboeuf et curé de Cheix. Pendant son séjour à Vertou, il fit une demande de secours au Comité Révolutionnaire de Nantes, dont voici un extrait. Il nous permettra de mieux découvrir l'état d'âme dans lequel vivaient ces Prêtres assermentés (Archives Départementales, L.I., L660 et L788). Après avoir dit sa misére, il ajoute ceci "Je suis rejeté de tout le monde et je dois vivre dans la solitude, le plus souvent sans feu et sans nourriture. J'ai embrassé un état que la loi révolutionnaire s'est engagé à protéger. Je suis décidé à ne le quitter qu'à la mort. Après l'engagement de mon baptême, que j'ai renouvelé plusieurs fois depuis, j'ai fait cet engagement aux lois républicaines. Les lois divines m'obligent à obéir aux lois humaines. Je l'ai fait. Mais les lois humaines ne peuvent pas m'obliger à méconnaître les lois divines. Je ne suis pas encore assez éclairé pour croire qu'il n'y a plus de Dieu. J'obéirai toujours aux lois prescrites par la Révolution. Mais par-dessus tout, j'obéirai à Dieu. L'amour de Dieu, l'amour du prochain, l'amour enfin des lois républicaines seront à la base de ma conduite. Au reste, je m'abandonne à Dieu. "In manus tuas Dominé Commendo spiritum meum". Votre concitoyen Julien Blandin Vicaire constitutionnel, le 28 Nivose, An V (Décembre 1796)".

Il reçut une réponse favorable et son traitement en Décembre de cette même année, comme ancien vicaire de Vertou. Il s'était réfugié à Nantes dès 1793 pour échapper aux incursions vendéennes. Il mourut le 1er Septembre 1804 comme curé de Saint Brévin.

Au mois de Mars 1791 était paru un décret demandant au clergé de porter à la Monnaie de Nantes toute l'argenterie et les objets précieux des églises. L'abbé Maugeais ne répondit pas tout de suite à cette demande et par prudence, il eut soin de disperser dans les familles chrétiennes de la paroisse une partie du vestiaire et des vases sacrés. C'est ainsi que fut sauvé le calice, précieux souvenir du passé, que possède encore de nos jours la sacristie de Vertou. On y voit gravées les armoiries de la Prévôté. La tradition veut par ailleurs que l'ostensoir du Loroux Bottereau soit le second objet qu'on ait pu sauver du trésor du monastère. Tout le reste fut emporté à Nantes pour être brisé et refondu au cours de l'été.

L'année 1792 fut pour l'abbé Maugeais une année difficilet, car il sentit se creuser peu à peu un vide entre lui et ses paroissiens. La plupart avaient accepté avec plaisir les heureuses réformes introduites par le Roi et l'Assemblée dans la constitution, celles qui visaient en particulier à soulager les humbles des lourdes charges qui pesaient sur eux. Ils avaient vu leur clergé accepter et même favoriser l'évolution des idées, qui répondaient d'ailleurs aux voeux qu'ils avaient exprimés dans leurs cahiers de doléances en 1789. Leur émoi avait commencé, le jour où la loi ordonnait à tous les pretres de prêter le serment à la constitution, serment qui les mettait en état de révolte avec l'église et son chef. Ils craignaient de perdre leurs prêtres qui étaient pour eux des amis très chers. C'était pour beaucoup d'entre-eux le pire des malheurs.

Un certain nombre de Vertaviens regardèrent avec un certain mépris le serment qu'avait pu faire au mois de Juillet précédent monsieur l'Abbé Maugeais. Ce prêtre, ils l'aimaient, mais il leur semblait qu'il n'était plus le même, et en cela ils avaient raison de le croire. Ils faisaient une comparaison entre lui et ses vicaires. Eux, leur paraissaient fidèles à l'Eglise et ils les voyaient traqués et arrêtés, et sur le point d'être exilés. Il se créa ainsi dans la paroisse de Vertou un certain malaise entre les individus et les familles, malaise qui allait dégénérer dans des représailles sanglantes (Archives de la paroisse de Vertou).

En Novembre 1792, l'abbé Maugeais dut quitter Vertou pour se mettre à l'abri des premières escarmouches, comme le firent d'ailleurs un grand nombre de foyers. Il se réfugia à Nantes, où il devait mourir le 19 Mai 1793, rue des Capucins, située dans la paroisse Notre Dame de la Chézine, à l'âge de 60 ans. Avant de mourir, il allait se rétracter de son serment et regretter cette défaillance passagère. Il fut inhumé au cimetière de Miséricorde, qu'on venait de mettre en service. Il avait été béni huit jours plus tôt. Le typhus et les nombreuses exécutions prescrites par la loi avaient obligé la Municipalité Nantaise à ouvrir ce nouveau lieu de repos. L'abbé Maugeais fut l'un des premiers à y être enterré. Le même jour, on devait y conduire les corps de deux chefs de l'armée républicaine, tombés au combat de la Louée.

L'abbé Roland GUIHARD était l'un des vicaires qui furent invités à quitter Vertou pour refus de serment. Il se réfugia à Nantes à l'automne de 1791 chez des amis. C'est là qu'il fut arrêté et enfermé à la prison de Saint Clément en Juin 1792. Il retrouva, comme compagnon de cellule un prêtre originaire de Vertou, l'abbé François CAMUS, âgé de 33 ans, aumônier de l'Hôpital de Nantes. On offrit à l'abbé Guihard de se joindre à un convoi d'émigrés qui partaient pour l'Angleterre, mais il refusa. Enfermé quelques jours plus tard à la prison du Château, il fut déporté en Espagne le 26 Août 1792 sur le bateau "Marie Catherine". Rentré en France dix ans plus tard, il sera nommé curé de Lavau, pour devenir par la suite professeur de philosophie au Séminaire de Nantes.

L'abbé Sébastien GIRARD né à la Bruffière en Vendée en 1747, prêtre en 1773, fut sucessivement vicaire à Remouillé, à Teillé, à Héric, avant d'être nommé à Vertou en 1790. Chassé de cette paroisse comme son confrère et pour la même raison, comme lui, il se réfugia à Nantes avant d'être arrêté et exilé en Espagne le 12 Septembre 1793 par le "Notre Dame de Pitié". Il devait retrouver sur ce navire Guillaume Doly, ancien religieux de la Prévôté. A son retour d'exil, il fut nommé vicaire à Montoir, mais dès l'année suivante étant tombé malade, il se retira chez sa soeur à la Bruffière où il mourut.

L'abbé Martin FROMONT, né à Vertou, prêtre en 1787, fut la même année nommé vicaire à Saint Julien de Concelles. Il y fut dénoncé comme suspect aux lois républicaines par des "Patriotes" du district de Clisson. Un ordre d'arrestation fut lancé contre lui le 27 Mars 1792. Dans une lettre adressée à la Gendarmerie nous trouvons ceci : "Le Citoyen prêtre Fromont, après avoir passé trois mois à Vertou, caché dans sa famille, se trouve désormais dans la paroisse de Haute Goulaine, où il entraîne un grand nombre de familles à suivre ses idées subversives. Il a fait faire en cachette le 21 Mars de cette année la communion aux enfants. Il importe qu'il soit découvert et arrêté au plus vite". Son arrestation n'eut lieu que plus tard. Il fut arrêté et déporté en Septembre 1793. Il mourut l'année suivante au Portugal à l'âge de 30 ans.

Au départ de l'abbé Maugeais en Novembre 1792, Vertou fut privé de ses prêtres pendant près de neuf ans. Devenue l'année suivante une zone de combats, la paroisse devait perdre une grande partie de sa population. Les gens qui restaient au pays n'avaient d'autres ressources pour entendre la messe ou recevoir les sacrements, qu'à se rendre dans les paroisses voisines, où se trouvaient des prêtres traqués, qui ne devaient leur salut qu'à la charité chrétienne et à la foi très vive des habitants. (A. Jarnoux).

Note : L’abbé Alfred Jarnoux (1900-1991), ordonné prêtre en 1925, a occupé divers postes de vicaire avant d’être chargé de la paroisse de Vertou en 1950 et de l’aumônerie du collège du Loquidy en 1960. A côté de sa charge pastorale, l’abbé Jarnoux, nommé chanoine honoraire en 1954, s’est toujours intéressé à l’histoire et a mené à terme diverses études qui ont connu l’édition.

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