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Emeutes à VERTOU en 1793 entre Royalistes (Blancs) et Républicains (Bleus).

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En Novembre 1792, l'heure n'était pas encore sonnée de prendre les armes, mais en conduisant leurs charrues pour les labours d'automne aux coins des haies qu'ils commençaient déjà à débroussailler, dans les vignes où ils ramassaient les derniers raisins, car la vendange cette année-là avait été retardée par un mauvais été, les paysans de Vertou évoquaient entre-eux tout ce qui se disait, tout ce qui se passait près de chez eux et dans les paroisses voisines.

Certes au premier abord, la Révolution ne leur avait pas déplu. Elle avait apporté à ces gens de la terre, pauvres pour la plupart, des avantages appréciables, qui venaient surtout de la suppression des impôts.

Ils avaient vu les mois précédents des affiches s'étaler sur les murs de la place du bourg, qui annonçaient l'adjudication prochaine des biens de l'abbaye qu'on venait de fermer. Ces enchères avaient dépassé de plus de moitié les bénéfices prévus. On n'avait découvert dans la vente aucune manoeuvre hostile. Elle s'était faite au District de Clisson devant des commissaires de paroisses. Soulastre présidait ce conseil et vendait lui-même ces biens qu'il avait hier, prieur de monastère de Vertou, possédés. (Archives départementales, L. I., Domaines, Q.137, P 576, 578, 582, 584, 586).

Des gens, gagnés aux idées révolutionnaires mais aussi des partisans de l'Ancien régime avaient achetés ces métairies. Le 29 Décembre 1790 les terres de la Visonnière devenaient la propriété pour la somme de 22.000 livres d'un planteur de Café aux Antilles M. Panneton. Le 3 Janvier un autre Nantais habitant place de la Bourse M. Bureau Batardière, achetait la ferme de la Briancière pour 48.500 livres.

Le 17 Février un riche commerçant de l'île Feydeau M. La Maignère négociait pour 77.000 livres les terres et dépendances de la Grolerie. Le 4 Avril la métairie du Fouy était vendue pour 22.000 livres au même propriétaire.

Les fermes des "Trois Métairies" et de la Courante furent cédées pour 91.000 livres. Le pré du Loiry fut acheté par Cambrais pour 300 livres ; le presbytère devint la propriété de Piffeteau pour 680 livres, l'église et le cimetière de Bombard. Toutes ces terres et d'autres encore rapportaient à la Nation la coquette somme de 300.000 livres. Cette adjudication des biens de l'abbaye ne troublait pas la conscience des Vertaviens. Ce qui les terrifiait plutôt c'était de voir la guerre que l'on commençait à faire à leur religion.

Ils évoquaient comme un épisode lointain les élections du mois d'Août 1792 où pour la troisième fois ils avaient choisi sur la place du Bourg, près du porche de l'église ceux qu'ils appelaient à diriger le Canton. Ils les avaient choisis parmi les notabilités ou les paysans estimés pour la conduite de leurs affaires. Ils appartenaient aux trois communes du Canton et voici leurs noms :
François Constantin.
Jean Cormerais.
François Juguet.
René Chailloux.
François Lebeaupin.
André Heurtin.
François Cathelineau.
André Douillard.
Laurent Gauthier .
Jean B. Binard.
Jean Doussin.
Pierre Tillé.
Pierre Bureau.
André Lecoq.
Jacques Bourmaleau de la Haie Fouassière qui n'accepte pas ce poste et est remplacé par Antoine David.

Ce jour-là ils étaient peu nombreux à voter (Lallier, Assemblés Primaires, Vertou). Un grand nombre de catholiques s'abstinrent, blessés qu'ils étaient dans leur foi par les décrets récents de la Convention. Ils voyaient leurs prêtres chassés, dépouillés, persécutés, exilés et cela ils ne le voulaient pas, car ceux qu'on traitait de la sorte étaient leurs amis. Aussi chargèrent-ils ceux qu'ils avaient élus, de porter au district de Clisson leurs voeux attristés, mais voilés de respect. Ils venaient eux-mêmes de signer une pétition, comme l'avaient fait les 25 paroisses du district, pour conserver leurs prêtres et "Ils ne voulaient pas chez eux avoir des intrus" (Archives départementales, L. I., Pétitions, Q 41).

Dans les veillées du soir, où ils commençaient à se retrouver, ils parlaient du départ récent de leur curé Monsieur l'abbé Maugeais. Son crédit avait baissé dans l'esprit d'un certain nombre de Vertaviens, le jour où par faiblesse il avait accepté de faire le serment que réclamait la loi. Mais, pendant plus de 17 ans ils avaient apprécié son dévouement et tout le sérieux de sa vie. Ils l'avaient vu s'éloigner et ils en éprouvaient une certaine tristesse, surtout qu'ils savaient qu'il ne serait pas remplacé. De Nantes leur étaient parvenues des nouvelles alarmantes. On leur avait dit que leurs anciens vicaires et des Religieux de l'Abbaye venaient d'être exilés. L'un d'entre-eux était mort dans les jours précédents, enfermé dans une sapine qu'on avait volontairement engloutie dans les eaux de la Loire, lors de la première noyade de Carrier. Tout cela ils ne pouvaient l'admettre et leur coeur était révolté.

Depuis le départ de l'Abbé Maugeais leur église était fermée. Le dimanche, il n'y avait plus de messes. Le bourg était vide, et les commerçants ne faisaient plus d'affaires et les commerçants se plaignaient fort, tel cet aubergiste René Maillard, qui tenait buvette sur la place du bourg et qui écrivait au District " Ainsi, vous voulez tous nous affamer ". Il n'y avait plus de prêtres pour baptiser les nouveaux-nés, pour conduire les morts au cimetière et bénir les tombes. Il leur semblait que la paroisse de Vertou était morte comme semble morte la nature par les chaudes journées d'été, alors que déjà pointe à l'horizon un orage. La situation était la même à Haute Goulaine et à la Haye Fouassière. Plus de la moitié des paroisses du District de Clisson n'avaient plus de curés. Douze Prêtres seulement sur 72 avaient accepté de prononcer le serment. Ceux-là étaient restés. Les autres étaient partis. Telle était la situation religieuse dans cette partie du diocèse de Nantes pendant les premiers mois de 1793.

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Le comte Beugnot raconte dans des "Mémoires" que tout au début de la Révolution, étant entré un jour dans une auberge d'une petite bourgade, il y rencontra une dizaine d'hommes rassemblés autour d'une table, et discutant d'un ton très animé. Au milieu des verres et des bouteilles, il distinguait une écritoire, des plumes et une sorte de registre que l'un des assistants tenait entre ses mains.

Un peu surpris Beugnot prit à part la maîtresse de la maison et celle-ci lui dit à voix basse : " Je ne sais pas au juste-ce que sont ces gens-là. Ils sont là du matin au soir à boire, à discuter, à interroger les gens qui passent, à tempêter contre tout le monde. Ils disent qu'ils sont le "Comité" chargé de propager et de défendre tout ce qui touche à la Révolution" (Gorce, Histoire Religieuse de la Révolution, les Clubs, T2, p. 49).

Si Beugnot était passé par Vertou à cette époque, il aurait surpris sur le vif la même scène observée par lui, car Vertou avait son club, comme Vertou avait se milice et il y avait de nombreux adeptes. On les appelait les "Patriotes".

Il y avait aussi les autres, ceux qui s'insurgeaient, ceux qui s'alarmaient des évènements de ces derniers mois. Ils entendaient dire que dans les paroisses voisines, les gens en avaient assez et parlaient de se révolter. Pourquoi pas eux ? ici ou là à l'Erbray, au Drouillay, aux Canteries, à Beautour et ailleurs ils se réunissais entre-eux et discutaient fort sur les mesures à prendre ; et de temps en temps envoyaient au Loroux Bottereau ou à Vallet des émissaires pour savoir ce qui se passait et qui blessait leurs sentiments religieux. Il n'est pas douteux que si on eût accordé aux populations de l'Ouest les libertés religieuses qu'elles réclamaient, elles n'eussent peint refusé de défendre les frontières du pays, et de plus l'horrible conflit qui devait suivre pouvait ainsi être évité.

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Les premières émeutes éclatèrent dans un grand nombre de bourgades du Nord de le Loire dès le 10 Mars 1793. La Ville de Nantes apprit avec épouvante les manifestations royalistes de Nort et de Mauves et le succès par elles remporté. Dans l'Assemblée Départementale ce fut l'affolement. On fit placarder sur les murs de la Ville l'affiche qui suit : " Citoyens de Nantes, le Département est en danger. Votre liberté et vos biens sont menacés par des hordes de brigands qui n'attendent pour fondre sur vous que d'être en nombre. Une cour martiale est installée. Elle jugera sur les lieux mêmes de leurs crimes, les rebelles pris les armes à le main".

Le 11 Mars la révolte gagna le sud. Les Jeunes de Vertou tinrent un rassemblement au village des Sorinières. Leurs chefs étaient Bellouin et son beau-frère Terrien. Près d'eux était Bontant, chirurgien de campagne à Vertou, qui devait quelques jours plus tard tomber aux mains des Gardes Nationaux et être conduit à Nantes pour y être exécuté.

Ce même jour, qui éteit le lundi après la Mi-Carême, eut lieu à Saint Fiacre un autre rassemblement. On vit arriver par le sud à travers les vignes 5 ou 6.000 hommes, peut-être plus, armés de fusils, de faux eet de bâtons. En face d'eux, ils ne rencontrèrent qu'une quarantaine de Gardes Nationaux appartenant aux communes de Saint Fiacre et de Chateauthébaud. Ils envahirent le bourg, brûlèrent une maison, massacrèrent le Maire, un homme doux et paisible, se rendirent de là au presbytère, où demeurait Yves Beaudouin, le curé intrus. Ils pillèrent sa demeure et l'obligèrent à quitter son ministère. On dut faire appel pour les défendre aux patriotes de Vertou. Ils vinrent jusqu'à l'entrée du bourg mais voyant un tel rassemblement de rebelles, ils préfèrèrent rebrousser chemin. L'un d'entre-eux, leur tambour, reçut une balle en plein coeur au village de la Bourchinière et devait expirer le soir même.

Tandis que se déroulait cet engagement un fort attroupement de rebelles armés ou sans armes fut dénombré à Haute Goulaine sur la lande Saint Martin. Dans l'après-midi, ils prirent la route de Vertou, où ils vinrent sonner le tocsin à l'église, pour appeler les jeunes enrôlés des Sorinières à se joindre à eux. On les vit par ailleurs maltraiter des patriotes, qui les interpellaient aigrement au passage. La municipalité de Vertou demanda aux autorités Nantaises d'envoyer des renforts pour contenir les révoltés.

Dans les jours qui suivirent la plupart d'entre eux devaient rejoindre l'armée de Lyrot, qui allait grouper plusieurs milliers de soldats, recrutés pour la plupart dans le district, mais dont la partie le plus importante provenait du Canton du Loroux. De Lyrot de le Patouillère était un ancien officier de l'armée. Les paysans des alentours étaient venus le chercher et le supplier de prendre la tête de leur armée. Harcelé de toutes parts, il avait fini par accepter. Il les appelait ses "Grenadiers" et chaque fois qu'il devait livrer un dur combat, il ne manquait pas de les convoquer pour les mettre en avant de ses troupes, tant leur bravoure était légendaire (Archives des paroisses de Saint-Fiacre et Loroux-Bottereau).

A partir du mois de Mars les affrontements entre Royalistes et Républicains vont se multiplier. Pour y faire face, une armée républicaine importante va établir son quartier général aux environs des Sorinières, et Vertou va devenir ainsi pendant plusieurs mois le théâtre de rudes engagements.

Il existe aux Archives Départemeneles de Loire Atlantique un cahier de dix pages, inséré dans le registre d'Etat Civil de Vertou pour l'année 1789. C'est un document particulièrement curieux et émouvant, empreint d'ailleurs d'illégalité et d'insurrection (Archives départementales, L. I., Registre de la paroisse de Vertou, 1789). Il fut rédigé par les Membres du "Comité de Paroisse de Vertou" conseil provisoire qui s'oppose semble-t-il, à la commune et pour qui comptent seuls les chefs traditionnels du pays, tel Monseigneur de la Laurencie évêque exilé de Nantes. Il nous fournit de précieux renseignements sur cette époque particulièrement tourmentée, qui va du 3 décembre 1792 au mois du Septembre 1793. Signent ces actes : Terrien .. Camus .. 0llivier .. Martin.. Courtois. Les uns et les autres se font un devoir de présider les sépultures. Ils reconnaissent avoir conduit 23 personnes au cimetière entre le 15 Mai et le 2 Septembre et ils signent le certificat d'inhumation. Ils nous font savoir par ailleurs qu'ils ont pris soin de mener en fin de Mai à la Croix Moriceau trois enfants de Vertou pour y être baptisés : Marie Saupin fille de Julien et Jeanne Huchet de la Buronnerie, Jean Huchet fils de Pierre et de Jeanne Poulaille de le Barbinière. Sans doute se trouvait-il un prêtre parmi les soldats de Lyrot.

Le 20 Août 1793 l'Abbé Martin Fromont qui devait être arrêté le surlendemain marie dans l'église, de Vertou, Pierre Fromont et Jeanne Chesneau, et le soir même il conduit au cimetiere François Maisdon, laboureur au Rocher. En faisant ouvertement ces diverses cérémonies, il faisait une imprudence. N'était-il pas recherché depuis de longs mois. L'occasion était belle de le saisir pour l'envoyer en exil.

Il semble bien que les membres de ce "Comité de Paroisse" fussent aussi ceux d'une organisation para-militaire à l'instar de celles qui existaient dans toutes les paroisses voisines, en vue d'organiser l'insurrection. Deux de ses membres se donnent des galons. François Terrien du Drouilley signe ses actes d'Etat Civil en faisant suivre son nom de ces mots "Commandant en chef". Quant à Camus il se contente du grade de "Commandant".

Au début de 1793 les esprits sont surexcités et cela dans toutes les paroisses de campagne des environs de Nantes. Les pièces citées dans cette étude historique émanent pour la plupart des autorités républicaines, qui doivent enregistrer ici ou là de nombreux accrochages entre les municipalités et les paysans. Le 28 Janvier 1793 la municipalité de Vertou signale un rassemblement de suspects dans la forêt de Toufou. "On lit des libellés incendiaires". Mais c'est surtout au début de Mars que la situation devient plus inquiétante. La levée de trois cent mille hommes décrétée par la Convention pour défendre ses frontières, provoque l'émeute dans un grand nombre de paroisses. A vrai dire la quote-part exigée n'a rien de vexatoire. Le district de Nantes comprend trente communes et doit fournir 807 recrues. Par ailleurs bien des mesures dans le décret marquent un souci d'équité. Un fait appel en premier lieu à ceux qui acceptent volontairement de servir la Patrie. Ce n'est que dans ce cas ou l'inscription volontaire ne produirait pas le nombre d'hommes réclamés pour chaque commune que les citoyens réunis en assemblée décideraient pour certains une réquisition obligatoire. Mais aux yeux d'un grand nombre de chrétiens, ce n'était pas la Patrie elle-même qui réclamait leur dévouement, mais le régime qu'ils détestaient pour les mesures prises par lui.

Et tandis que déjà gronde la révolte, les bons chrétiens de Vertou se mettent en priére. C'est le temps du Carême. Certes ils n'ont plus de prêtres pour les aider, comme par le passé, à préparer la fête de Pâques. Malgré les interdits lancés contre eux, ils se rassemblent encore assez nombreux le dimanche à l'église, pour invoquer leur Patron très aimé, Saint Martin dont les reliques leur ont été récemment enlevées. Ils prient aussi la Vierge Marie, protectrice des causes désespérées. Les plus anciens de la paroisse, les chefs des confrèries récitent à haute voix les invocations des Litanies de Notre Dame, et pieusement la foule, qui est là, répond : "Priez pour nous, qui avons recours à Vous".

Le Dimanche des Rameaux,

ils se retrouvent sur le chemin qui va de Vertou à Nantes et qui passe prés de la Croix Saint Pierre. Ils sont là en face de cette croix de bois, plantée jadis par le Père de Montfort et que l'on vénère particulièrement en ces lieux. Elle sera renversée et brisée quelques mois plus tard, au cours des cambats meurtriers, qui se dérouleront à ses pieds.

Les jours passent.. La fin du Temps Pascal ramène les processions traditionnelles des Rogations. Et Malgré le danger qui subsiste dans la contrée, les Vertaviens veulent encore maintenir ces supplications vers le Ciel. "Pour que Vous daigniez donner et conserver les fruits de la terre... pour que vous puissiez nous préserver de la tempête et de la guerre.. nous vous en prions, Seigneur ..". Un brave paysan de la Ville Bachelier, François Picard préside lui-même cette cérémonie aux environs de Portillon. Les Chrétiens d'aujourd'hui en feraient-ils autant .. ? (Angot, Etude sur Vertou).

C'est comme une veillée de prière, ardente et mystique qui est en même temps cette année, une veillée d'armes.

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Et voici un document fort important possédé par les Archives Départementales de Nantes. Il s'agit d'une déposition faite le 9 Octobre 1793 au Directoire du Département par Madame Pierre Bessonneau. Son mari, notaire royal, et receveur des droits d'enregistrement de Vertou, est propriétaire du prieuré Saint Pierre (Archives départementales, L. I., L1008 - Affaire Bessonneau).

Depuis les premiers jours de Mars 1793 où a commencé l'insurrection à Vertou jusqu'au 17 Septembre, où le bourg et l'église ont été incendiés, Madame Bessonneau est restée dans sa demeure sans pouvoir en sortir.

Le 12 Mars les Insurgés ont envahi le bourg. Pour se soustraire à leur fureur, les Patriotes ont quitté Vertou en grand nombre pour se réfugier à Nantes. Elle et son mari auraient voulu en faire autant, mais celui-ci âgé de 74 ans et atteint de la goutte était difficilement transportable.

La domestique étant partie, Madame Bessonneau se devait de rester près du malade pour le soigner. Les insurgés de plus en plus nombreux établirent des postes de garde dans toutes les rues du bourg, rendant impossibles toutes les sorties. Leur nombre ne fit que croître jusqu'au Dimanche des Rameaux. Le soir même de ce jour, alors que les Vertaviens restés au pays étaient venus le matin même prier près de la Croix toute proche, des Vendéens qu'on appelait "Les Gris" vinrent se saisir de Pierre Bessonneau et cans égard de la situation dans laquelle il pouvait se trouver, ils le mirent dans une charrette pour le conduire au camp de la Louée.

C'était le 24 Mars. Il devait y rester jusqu'au Mardi suivant. On le conduisit ensuite jusqu'à Clisson, où il fut retenu comme prisonnier.

Madame Bessonneau resta seule dans son logis jusqu'au 25 Août, anxieuse de la situation et de la santé de son mari, dont elle n'avait aucune nouvelle. Ce jour-là eut lieu à Vertou un grand rassemblement d'insurgés. Ils arrivaient de toutes parts et les postes de garde furent multipliés, comme si on attendait un événement plus grave. Ce même jour sa maison fut réquisitionnée pour abriter l'Etat Major. Ils avaient là l'un des bâtiments les plus importants et le mieux situé du pays.

A peine arrivés dans les lieux, les officiers obligèrent la tenancière à leur donner la clef du bureau de son mari, où ils s'installèrent pour travailler. Ils y tinrent plusieurs conseils de guerre, tandis qu'au dehors des hommes armés montaient la garde jour et nuit.

Le surlendemain, ils placèrent deux pièces d'artillerie dans la cours de la maison. Ils s'en servirent d'ailleurs plusieurs fois jusqu'au 17 Septembre. Ce mardi matin, ils furent surpris par une attaque violente des troupes républicaines qui cherchaient à passer la rivière. Ils ripostèrent par plusieurs coups de canons, puis cachèrent leurs pièces derrière les bosquets du parc et s'enfuirent.

C'est alors qu'on vit entrer à Vertou les troupes républicaines sur deux colonnes. L'une passant la chaussée était montée directement vers le Bourg. L'autre arrivait de Beautour en suivant par les prairies les bords de la Sèvre.

La première maison qu'ils visitèrent fut celle de la Croix Saint Pierre. La femme Bessonneau et son fils s'étaient cachés pour éviter les tirs de canons qui partaient du coteau du Chêne. Apercevant les soldats qui venaient d'entrer dans la maison, elle courut à eux, pour se faire connaître comme étant elle-même, une patriote et les informer de son sort. Mais déjà il n'était plus temps. Ils avaient défoncé les portes de la maison et mis le feu au bureau de son mari. Elle eut beau faire des appels et des prières, ils ne l'écoutèrent pas et comme ils la menaçaient, elle fut obligée de se retirer sans avoir pu sauver ni meubles, ni argent, ni vêtements. Elle dut s'enfuir vers Nantes avec son enfant n'emportant avec elle que des habits plus ou moins déchirés.

Sa maison, ses meubles, ses registres, ses titres et ses papiers, tout fut par eux brûlé, sans qu'elle puisse évaluer encore les conséquences du désastre. Seul pourrait le savoir son mari emmené à Clisson, ou ailleurs ? Vit-il encore ?

Telle fut le déposition que fit Madame Bessonneau le 9 Octobre 1793. Comme on le voit, en temps de guerre, même par ses amis les plus chers, on n'est pas toujours épargné.

Le 30 Octobre le Tribunal de Nantes recevait un complément d'informations, du Sieur Pierre Bessonneau, sorti la veille de la prison de Clisson. Il fait une déposition sur tous les dommages qu'il a subis. Les troupes Républicaines ont mis le feu à sa maison de Vertou après l'avoir entièrement pillée. Ils se sont emparés de ses papiers, de tous les titres de propriétés qu'il pouvait possèder et de son portefeuille contenant 8.500 livres d'assignats. Ils ont dérobé par ailleurs des couverts d'argenterie, une montre en or appartenant à sa femme avec quelques bijoux. Ils ont emporté avec eux une bourse contenant 600 livres en or et une autre 1.200 livres en argent. Il les avait cachées dans la paillasse de son lit.

Lorsqu'il fut emmené par les brigands au camp de la Louée, il avait pu emporter avec lui un autre portefeuille contenant environ 3.540 livres, qu'il avait caché dans la poche de son pantalon. Il put conserver cette somme presque intégralement pendant sa détention. Le 19 Septembre au matin il voit arriver à Clisson une compagnie de tirailleurs, qui a pour mission de rejoindre Kléber dans son expédition sur Torfou [Note : Il s'agit de la bataille de Tiffauges, le 19 septembre 1793, qui voit la victoire des troupes vendéennes sur l'armée républicaine de Kléber]. Usant de la plus grande violence, ils lui arrachent son portefeuille, qui contenait encore plus de 3.000 livres. Maître Bessonneau déclare avoir remis au Sieur Briquet, aide de camp de Kléber une déposition sur ce vol inqualifiable. Le Tribunal de Nantes lui confirme avoir reçu de cet officier une lettre justifiant ce recel.

Il se trouve désormais, sans maison, sans argent et sans pain. Il supplie le Directoire de Nantes d'avoir pitié de lui.

Bien d'autres que lui, vinrent ainsi tendre la main dans leur grande détresse. (A. Jarnoux).

Note : L’abbé Alfred Jarnoux (1900-1991), ordonné prêtre en 1925, a occupé divers postes de vicaire avant d’être chargé de la paroisse de Vertou en 1950 et de l’aumônerie du collège du Loquidy en 1960. A côté de sa charge pastorale, l’abbé Jarnoux, nommé chanoine honoraire en 1954, s’est toujours intéressé à l’histoire et a mené à terme diverses études qui ont connu l’édition.

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