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LA CHAUSSEE DES MOINES DE VERTOU.

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La Chaussée de Vertou rentre dans l'histoire avec le retour des Moines, après les invasions normandes, vers l'an 1000. L'édification de ce barrage fut pour l'époque un travail de géants. Il répondait à un triple but : celui de retenir en amont de Vertou un volume d'eau suffisant pour rendre la navigation possible vers Monnières et Clisson, et même au-delà vers le Poitou. Celui d'établir un plan d'eau qui permette l'installation d'un moulin pour fournir la farine nécessaire aux Religieux et à leurs sujets. Enfin l'établissement d'un barrage pouvant servir de passage entre le Chêne et l'agglomération centrale, liaison qui ne pouvait se faire que par bateaux. On peut facilement imaginer l'importance des communications par eau pendant tout le Moyen Age. Comme le plupart des rivières, la Sèvre était alors "un chemin qui marche", et par où s'effectuait la majeure partie du commerce entre Nantes et le vignoble Nantais. Toutefois son débit capricieux la rendait à certaines époques impraticable à la navigation. C'est pour régulariser son cours que les Religieux de Vertou entreprirent ce travail.

La Chaussée des Moines à Vertou (anciennement en Bretagne).

Déjà Saint Martin, leur illustre fondateur avait été l'instigateur de nombreuses constructions sur les rivières voisines : un pont sur l'Ognon à Pont Saint Martin, et le Pont de l'Ouen sur les Marais de Goulaine. Ses fils, les moines de Vertou, devaient normalement continuer son oeuvre sociale.

A quelle époque au juste fut fait ce travail ? Combien de temps dura-t-il ? Quels capitaux exigea-t-il ?. Aucun document ne nous renseigne avec exactitude. Un seul texte existe qu'il faut interpréter avec une part d'hyperbole employée assez souvent quand on parle d'antiquité.

C'est l'affirmation des Religieux au cours des démarches qui précèdèrent en 1746 le construction de l'écluse : "Notre moulin à eau est très vieux, il a près de mille ans".

La chaussée du Moyen Age n'était pas si élevée celle d'aujourd'hui. Elle n'offrait pas non plus cet aspect de route que nous lui connaissons, émergeant de le rivière. C'était plutôt une suite de trois plateaux de chargement et de déchargement des bateaux, le long desquels courait une piste à piétons. Des conduits ouverts ici ou là dans la maçonnerie permettaient le passage de l'eau.

Ainsi le chaussée imposait aux transporteurs, qui voulaient utiliser la rivières, une escale nécessaire. Les mariniers de la Haye et de Monnières devaient entreposer leurs marchandises sur ces plateaux. Les bateliers de Vertou les transportaient à leur tour jusqu'à Nantes. Cette occupation des plateaux était l'objet d'une redevance aux moines constructeurs, qui s'engageaient en retour à l'entretien du barrage. L'impôt n'était pas lourd, puisque vins et eaux-de-vie, denrées les plus imposées, ne l'étaient que de deux sous par tonne au début du XVIIème siècle. Deux sous nous laisse un peu rêveurs quand on parle des milliers de francs de nos jours.

Pourtant cette redevance dut être l'objet de maintes contestations, et c'est par l'une d'elles que nous connaissons l'existence de cet ouvrage. Le plus ancien texte qui le mentionne est celui d'un procès, qui en 1245 oppose Dom Nicolas Abbé du monastère de Vertou à Hugues Le Roux, le haut et puissant seigneur du Pallet. Celui-ci avait la prétention d'être exempt du pèage et voulait faire passer ses marchandises à la Chaussée en franchise. Après des plaidoyers interminables l'affaire se clôture par un compromis. Les moines recevaient une compensation en nature et le seigneur du Pallet pouvait écouler librement ses marchandises jusqu'à Nantes, en se servant de la Sèvre.

La Chaussée des Moines à Vertou (anciennement en Bretagne).

Le trafic sur le rivière était assez importent. Il consistait surtout sur un échange de produits des campagnes contre des objets manufacturés de le ville. Les registres du péage mentionnent le transport vers Nantes de farine, de foin et de vin. Les bateaux qui montent vers les coteaux de la Sèvre emportent à leur tour des étoffes, de la chaux et des engrais.

Nantes comptait beaucoup sur les richesses naturelles du Sèvre et Maine pour l'alimentation de ses 80.000 habitants. Aussi-les échevins Nantais durent à maintes reprises édicter des ordonnances sur la circulation de la Sèvre, pour donner la priorité de passage aux produits alimentaires et obtenir des concessions de péage.

C'est ainsi que sont restées aux archives de la Mairie de Nantes les conclusions d'un accord survenu le 21 Novembre 1558 entre le Prévôt des Bénédictins de Vertou et le Sénéchal de Nantes. Aux termes de cet accord la franchise est accordée par les Religieux pour toutes les denrées dont la ville à besoin. C'est l'époque en effet où Nantes, victime des guerres de Religion commence à connaître la famine (Archives Municipales de Nantes, E.235).

En régularisant la Sèvre, la Chaussée avait l'avantage d'étendre la navigation bien au-delà des possibilités naturelles de la rivière. Mais cette escale présentait des inconvénients. Les mariniers en effet pouvaient difficilement assurer une correspondance régulière entre les gabarres qui devaient circuler sur les deux biefs. Il arrivait ainsi que les marchandises demeuraient en souffrance pendant plusieurs jours et parfois davantage sur les décharges de la Chaussée. Et ce n'était pas toujours un avantage pour elles exposées qu'elles étaient aux méfaits de la température. De plus bien des barriques de vin furent mises à mal par des heurts trop violents contre le dallage au moment du débarquement. D'autres trouvèrent dans les nuits sans lune des destinataires imprévus. C'est ainsi que le seigneur Le Lou de le Chapelle Glain, qui possèdait de nombreuses terres à Vertou, dut lui-même, faute de correspondance laisser pendant dix jours, en 1749, trente tonneaux de vin sur l'estacade de le Chaussée des Moines. Heureusement qu'en ce mois de Décembre aucune crue subite ne se chargea par elle-même d'assurer aux barriques la suite de leur voyage. Pareil méfait était arrivé, deux mois plus tôt, au foin du sieur de Marqués. Les barges entassées sur les décharges furent emportées par le courant à Nantes, sans donner pour cela entière satisfaction au propriétaire. Aux époques d'inondation les mariniers ne se mettaient pas en peine et malgré les sanctions prévues ils lançaient leurs embarcations par-dessus la Chaussée. C'était à leurs risques et périls. Mais ce l'était surtout au détriment de l'abbaye, car les barques, en heurtant le barrage n'étaient pas sans l'endommager. Ainsi pendent l'hiver de 1748 un batelier emporta plus de trente toises du dallage après avoir failli se perdre avec ses marchandises.

Comme palliatif à ces inconvénients, on décida d'établir dans la chaussée une écluse, qui assurerait une circulation ininterrompue sur la Sèvre et qui maintiendrait en amont un niveau d'eau égal. L'idée était excellente mais la réalisation en fut plus difficile.

La Chaussée des Moines à Vertou (anciennement en Bretagne).

Dans son Histoire de Nantes, l'abbé Travers affirme qu'en l'année 1598, on fit le projet d'établir cette écluse, mais il fut rejeté aussitôt par le Prévôt de Vertou, qui n'avait pas les fonds nécessaires pour en assumer seul la dépense. D'autres motifs devaient retarder encore cette réalisation et cela pendant plus de 150 ans (Travers, Histoire de la Ville de Nantes et du Pays Nantais). Le 10 SEPTEMBRE 1650 le Maire et les Echevins de Nantes descendirent à la Chaussée des Moines pour la visiter en compagnie du procureur fiscal de l'abbaye et de deux notables du pays. On établit ce jour-là le devis d'une écluse à deux portes mais la guerre de le Fronde et la misère qui en suivit ajournèrent à nouveau ce projet.

En l'année 1709, les membres de le Communauté de Nantes et les Marchands de la Ville, les Notables de Vertou et des paroisses voisines, les commerçants de Clisson sont reçus au prieuré par Jean d'Estrée, archevêque de Cambray et prévôt de Vertou. Après de nombreuses discussions la construction de l'écluse est décidée et pour gagner du temps on se hâte dans les formalités administratives. Le 13 Décembre 1709 les Etats de Bretagne applaudissent au projet. En 1710 l'abbé d'Estrée obtient le bon plaisir du Roi et l'agrément du Conseil d'Etat. Le 5 septembre 1711 on en confie la réalisation à Messire Thovenon ingénieur principal des Ponts et Chaussées. Il vient sur place étudier le projet formulé en 1650, mois le trouve trop dispendieux. Le 25 Janvier 1712 il présente un contre-projet, celui-là moins coûteux. Un écluse à une porte sera édifiée mais cette solution à l'unanimité est tout de suite rejetée.

En 1716 ce sont les Religieux eux-mêmes qui reprennent le projet, à la demande de tous les riverains de la Sèvre. Mais à cette même date l'abbaye change de maître et le nouvel Abbé en suspend l'exécution.

Trois ans plus tard, son successeur, Dom Libéral de Marenzec résidant à Paris reçoit des Moines de Vertou une supplique qui contient un cri d'alarme. Faute d'entretien depuis bien des années, la chaussée s'est fortement dégradée et le moulin vétuste n'arrive plus à remplir son office.

La réponse se fait attendre. Mais les Religieux se fâchent et assignent leur prévôt devant le Présidial de Nantes. En face des juges on trouve un compromis. Le moulin sera démoli et la chaussée réparée. Le Prévôt fait bien les choses. Il établit une levée faite en pierres de taille et accepte de payer lui-même les dix mille livres qui couvrent le dépense. Son rêve était de faire mieux encore. Pourquoi ne réaliserait-il pas l'écluse depuis si longtemps projetée ?

Non disent les Echevins de Nantes en février 1749, nous sommes plus habilités que les Moines pour mener à bien cette entreprise. Elle sera dès lors l'objet de laborieuses tractations. Pour récupérer leurs capitaux à engloutir dans le construction de cet ouvrage, les Moines de Vertou avaient en 1710 obtenu du Roi un péage perpétuel sur l'écluse à construire. Il avait été convenu d'un droit de trois sols par tonneau de vin et de deux sols pour les autres denrées. Pardon disent les Nantais, cette augmentation ne se justifie pas, le trafic est abondant sur le rivière, c'est pour les moines déjà un placement avantageux. Comment rétorquent ceux-ci la simple porte écluse prévue en 1710 aurait juste coûté 5.000 livres, celle que nous voulons construire est une vaste entreprise qui coûtera six fois plus et nous ne demandons qu'un sol d'augmentation. C'est que nous avons avant tout le souci du bien public et que nous savons pour cela faire de rudes sacrifices.

La Municipalité Nantaise propose de prendre en charge les travaux au tarif de 1710. Mais les Religieux demandent en retour à la Ville de se charger de l'entretien de le chaussée et des frais à verser au passeur entre le Chêne et le Bourg pendant les hautes eaux. Ils réclament par ailleurs une rente de 800 livres en compensation du moulin qui va être détruit.

Mais pendant ces pourparlers qui traînent en longueur l'Abbé de Marenzac met tout en oeuvre pour atteindre son but. Les supérieurs généraux de la congrégation de Saint Maur approuvent son projet. Des experts visitent le chaussée et décident l'emplacement de l'écluse. Les Architectes Abeille, Portail et Caillou présentent leur devis en Juillet 1748. Ils prévoient une dépense de 33.000 livres, les honoraires des architectes compris. Le Prieur fait enquêter sur le tonnage du transit et son rapport probable. Il résulte des calculs que 24.000 tonneaux de marchandises circulent annuellement sur la Sèvre et qu'ils rapporteront au tarif prévu environ 6.000 livres. En déduisant les frais de l'écluse et l'entretien de la chaussée on devrait, dit le rapporteur, en dix ans retrouver le capital.

Dans des conditions aussi avantageuses les prêteurs ne manquent pas et le Châpitre de la Cathédrale de Nantes promet d'avancer les trente mille livres nécessaires.

Le projet est accepté par arrêté royal du 23 Octobre 1749 mais son enregistrement au parlement de Bretagne est lent à venir. Le sous-Intendant de Nantes, Monsieur du Rocher se fait l'avocat de la cause : "Il faut en finir au plus vite tant que l'Abbé de Marenzac vit encore. Car il est à craindre que son successeur abandonne le projet ". Il déboute par ailleurs le municipalité de Nantes de ses prétentions dans la construction de l'écluse : " Occupez-vous donc de l'aménagement du Port aux Vins et des travaux de l'île Feydeau écrit-ils aux édiles Nantais avant de chercher à établir à Vertou une écluse ". En 1750 l'autorisation de construire cet ouvrage est enfin donnée aux Religieux.

Mais voici que vont surgir d'autres difficultés. A l'enquête ordonnée par l'Intendant, des paysans du Vertou habitués à faire moudre leur blé au moulin de la Chaussée protestent. Ce moulin détruit où feront-ils faire ce travail ? Les Religieux ne se laissent pas intimider. D'ailleurs d'autres meules tournent sur les coteaux de le Sèvre.

L'incident semble clos, quand va rentrer en scène le puissant seigneur de la Bourdonnais, intendant de Normandie et de qui relèvent quelques propriétés de Vertou. Alerté par son homme d'affaires, le sieur de Launay Branlard et son fermier de l'Aulnaye, Berquier, il s'inquiète en Juin 1749 des conséquences de la construction de l'écluse pour ses près bas sur la Sèvre.

Une enquête est ouverte. On prend à la Chaussée le niveau de la Sèvre. On le compare aux prairies en question. Berthier présente l'un de ses prés qui relient la Bastière au Coin. " C'est la prairie la plus bosse affirme-t-il ". C'est évident le sol est un peu plus bas que celui de la Chaussée. Doit-il pour cela en résulter des dommages qui méritent compensation ? Il y a des siècles que les choses en sont ainsi. On se met d'accord pour une expertise en pleine crue.

Le 10 Octobre les eaux de le Loire ont extrêmement grossi la Sèvre. Monsieur du Rocher averti se rend à Vertou le dimanche 12. Il convoque Launay et Berquier pour une nouvelle visite des prairies. En passant à la Bastière, il cherche dans le village un témoin de l'expertise.

Hélas tout le monde est au lit par la dysenterie. Pourtant une vieille femme moins malade que les autres accepte de l'accompagner. Les Gérants de la Bourdonnais sont obligés de constater que, malgré la hauteur des eaux, le pré est sec et tout le monde est d'accord pour affirmer qu'il n'est pas de prairie plus basse. Mais voici qu'au cours de l'entretien la vieille femme lance cette nouvelle qui renverse tout le projet. " Mais ce pré, dit-elle, n'est pas à de la Bourdonnais. Il appartient à Le Lou de la chapelle Glain et à Proust de la Gironnière ". On devine aisément l'embarras des fermiers. Du Rocher classe l'affaire et obtient rapidement pour les religieux de Vertou la permission d'inaugurer les travaux projetés.

L'adjudication en est faite en Octobre et le sieur Pierre Desprez s'engage à construire l'écluse pour la somme de 25.000 livres et à la livrer au plus tard en Novembre 1752. Mais les travaux ne marchent pas aussi rapidement qu'on l'avait prévu. Ce n'est qu'en Juillet 1755 que le Maire de Nantes, Gélée de Premion, vient se rendre compte que le travail est terminé. Il constate aussi qu'elle sera inutilisable tant qu'on n'aura pas apporté de grosses modifications à le Chaussée. Il faut prévoir par ailleurs sur l'écluse un pont de bois pour le passage des piètons et des cavaliers et près d'elle une maison convenable pour loger les employés du péage.

L'adjudication aux chandelles de ce supplément à lieu à l'hôtel de Ville de Nantes en présence de Célestin Bizeul de la Bouteillerie, procureur de l'Abbé de Marenzac et de Dom René Radiguel, représentant le prieuré de Vertou. C'est à Louis Ménard, entrepreneur à Nantes, rue du Chapeau Rouge, que sont adjugés les travaux qui montent à 12.000 livres.

La Chaussée des Moines à Vertou (anciennement en Bretagne).

Le 3 Septembre 1755 l'écluse est terminée et le premier bateau venant de Monnières y passe en direction de Nantes. Les travaux se poursuivent jusqu'à la Toussaint 1756, car les grandes eaux de l'année précédente l'ont fortement endommagée. Plus d'un Vertavien sans doute voudrait connaître le fonctionnement de cette première écluse qui doit assurer la jonction des deux biefs. Les archives n'en conservent pas le devis détaillé, pas plus d'ailleurs que le moindre croquis. Toujours est-il qu'on circule désormais sur la rivière de Monnières à Nantes et qu'un pont à cheval sur l'écluse rétablit les communications entre le Chêne et le Bourg. Le Père Bureau qui vient de toucher 462 livres pour faire le passage des riverains n'a plus qu'à remiser son bateau. Les éclusiers lui succèdent dans la garde, près de la rivière.

Ils sont 3 : le régisseur qui reçoit un salaire mensuel de 33 livres, 6 sols et 8 deniers, et deux hommes de peine, payés annuellement 240 livres chacun. Il est convenu qu'ils doivent habiter la Chaussée, de préférence le maison éclusière. Ils doivent être nuit et jour à la disposition des mariniers.

Une ordonnance royale fixe le péage : c'est 4 sols pour un tonneau de vin ou d'eau-de-vie, 3 pour le grain, le charbon et le bois, et 2 sols seulement pour le foin, le sable ou la pierre. Les bateaux vides qui franchissent l'écluse sont par ailleurs exempts d'impôts. Les éclusiers doivent donner la préférence dans le passage du sas, aux bateaux chargés de vins. Il est convenu avec l'intendance de Bretagne que les portes de l'écluse, qui pourraient souffrir de la force du courant, seront constamment ouvertes pondant les crues, mais des chaînes empêcheront le passage et permettront de toucher le péage habituel.

Mais les Religieux, qui ont un besoin pressant de ressources, vont connaître encore de nouveaux déboires. Pour assurer la construction de l'écluse, les devis prévoyaient 33.000 livres. En 1756, l'écluse revenait à plus de 58.000 livres. Il fallut recourir à de nouveaux emprunts. Le moment était venu de songer à verser des intérêts aux prêteurs et de se mettre ainsi en état de rendre chaque année le capital. Or les revenus s'avèrent bien inférieurs à ceux qu'on escomptait. Les recettes suffisent à peine à couvrir les frais de l'entretien des éclusiers.

Les intérêts se capitalisent et les prêteurs réclamant avec opiniâtreté leurs revenus. Les chanoines du chapitre de Nantes, qui sont parmi les principaux créanciers menacent de saisir les biens de l'abbaye. Leur insistance se légitime, car les fonds engagés dans la construction de l'ouvrage sont ceux des fondations pieuses que les intérêts doivent leur permettre d'acquitter. Ils vont même jusqu'à adresser une supplique au Roi en 1759. A les entendre d'ailleurs les Moines ne sont pas malheureux. Qu'ils vendent une partie de leurs biens, la communauté n'aura guère à en souffrir. L'existence d'un modeste prieuré pourrait-il du reste avoir la même importance que celle du Vénérable Chapitre de la Cathédrale de Nantes. Et quelle obstination ne serait-ce pas de leur part que celle qui mettrait en difficultés la vie même d'un collège de chanoines (Archives Départementales, L. I., H.201).

L'attitude des Chanoines paraît peu chrétienne. Celle de l'administration Nantaise l'est encore moins. Dans leurs déboires les bons moines se souviennent que la Ville de Nantes se proposait jadis d'accomplir le travail. Cédons-leur l'écluse, disent les religieux à bout d'expédients. Mais les échevins n'oublient pas que dix ans plus tôt on les a évincés. A leur tour, ils le prennent de haut " Votre écluse ne nous intéresse pas, disent-ils. On naviguait avant elle sur la Sèvre. On naviguera sans elle. Qui fait des dettes les paie répondent les Nantais ".

L'ultime recours est d'en appeler au Roi. Dans leur requête les Religieux font état de le genèse de l'affaire. Ils démontrent que cette écluse n'a été faite par eux que pour le bien des riverains. Ils narrent par ailleurs les difficultés de l'entreprise et surtout le désarroi financier où ils se trouvent pour payer leurs emprunts. Ils vont, disent-ils, à la ruine certaine s'ils n'obtiennent pas de sa Majesté l'autorisation de doubler la péage.

Dans les salons de Paris le vieil Abbé de Marenzac intéresse ses amis à l'affaire. La princesse Elisabeth de Bourbon sollicitée par lui, écrit le 22 Novembre 1760 à l'intendant de Bretagne. Elle lui demande d'appuyer sa demande et d'aider les religieux de Vertou en l'assurant en retour des obligations qu'elle lui devra, s'il veut bien intervenir en leur faveur. Que fit l'intendant ? L'histoire ne le dit pas. Dans une séance du Conseil d'Etat le 3 Mars 1761 tenu à Versailles Louis XV accorde ce double péage mais pour dix ans seulement avec cette clause capitale que les moines pendant cette période auront à rembourser tous leurs emprunts.

Cette condition parut trop dure aux Religieux. Dans un geste qui l'honore le vieil Abbé de Marenzec, devenu aveugle abandonne en 1762 ses revenus de Vertou et comble une partie du déficit en consacrent 27.OOO livres de sa fortune personnelle à l'amortissement des capitaux engagés dans l'écluse.

Son successeur à Vertou, dom Jehan Coulon de la Bernardais, procureur général de le Congrégation du Saint Maur trouve à son arrivée une situation enviable. Mais les difficultés demeurent. Le temps même les accroît et aussi les ruses des bateliers. Il n'est pas rare en effet quand plusieurs bâteaux se présentent à l'écluse de voir plusieurs d'entre-eux passer en fraude pendant que le premier à la sortie du sas remplit les formalités de l'octroi. Cela suscite entre les mariniers et les Moines de nombreux accrochages. L'arrêt de 1750 ne prévoit pas de péage pour les bâteaux vides.

Or la manoeuvre et la peine sont les mêmes quelque soit le tonnage pour les éclusiers. Ils plaident à nouveau près de Louis XVI qui débute son règne. Son ministre Turgot signe le 24 Janvier 1775 un arrêt du Conseil d'Etat qui permet au régisseur de l'écluse de recevoir un péage de six sols pour tout bateau vide qui franchit le barrage. Mais on reste frondeur au pays du muscadet. Aussi va-t-on trouver un dérivatif. Pourquoi les lois sont-elles d'ailleurs si mal faites ? On paie en moyenne 3 sols pour deux mille livres de marchandises. On peut tout de même en entasser des futailles vides et du foin pour ce poids. Aussi maintenant jamais une gabare ne passe l'écluse sans être garnie d'un certain fret et le stratagème vaut au bâtelier une économie de 3 sous.

Mais voici une nouvelle réclamation. Elle vient cette fois des adjudicataires des coupes de bois du la forêt de Touffou. La Forêt royale de Touffou, prétendent-ils en 1776, est une propriété privilégiée et les bois qui en sortent sont exempts de péage. Les Moines ne l'entendent pas ainsi et en réfèrent au Conseil d'Etat. Le 4 Septembre 1777 le Roi dans son conseil ordonne que les bois de toute nature et destination, issus des forêts de sa Majesté, sont assujettis désormais aux droits de péage que paieront les adjudicataires des coupes de bois de Touffou. Il ordonne en outre que chaque bateau montant ou descendent la rivière paie un droit de 6 sous même si le tonnage des marchandises ne requiert pas cette somme. Ce présent arrêté dit le décret royal sera affiché à l'écluse de Vertou pour que tous et chacun sachent les impositions qui leur incombent. C'est Necker qui prévient lui-même l'Intendant de Bretegne de pourvoir à l'exécution du décret.

Las de connaître pareilles difficultés dans cette affaire où ils n'ont cherché qu'une seule chose rendre service aux riverains de le Sèvre, les Moines de Vertou décident tout en se réservant quelques droits, d'abandonner la gestion de l'écluse. Cela les libérera des éternelles contestations où l'esprit monastique n'a rien à gagner. Une ordonnance royale de 1775 permet ce mode de gestion. Le samedi 27 Octobre Madame de la Guéranderie qui habite la Chaussée se voit pour six ans adjugé le bail moyennant le redevance que les Moines trouvent bien faible de 1.420 livres. Et l'histoire nous dit que les bateliers de la Sèvre devaient regretter quelques années plus tard la gestion débonnaire des bons moines de Vertou.

La Chaussée des Moines à Vertou (anciennement en Bretagne).

Mais déjà on entend les premiers grondements de la tourmente révolutionnaire. Les Religieux Bénédictins seront chassés de leur abbaye et l'écluse deviendra par la suite propriété d'Etat.

Le période révolutionnaire a pris fin. Si elle a laissé sur le pays de graves cicatrices, elle a porté à la rivière des coups aussi funestes. En 1790 on préparait déjà la réfection de l'écluse. Les Religieux venaient de commander des portes nouvelles. La guerre civile interrompit les travaux et les vantaux de l'écluse dans les années qui suivirent furent emportés morceaux après morceaux au gré du courant. Les inondations avaient par ailleurs dégradé la Chaussée et les opérations militaires menées par Grouchy en 1793 avaient achevé le reste. Il en était résulté que les eaux de la Sèvre avaient baissé et que son cours navigable avait singulirement diminué, privant toutes les communes en amont de Vertou de leur meilleure voie de communication.

Dès que Napoléon eut rétabli la paix dans le pays et permis d'espérer une vie plus facile, les pétitions se multiplièrent près du régime impérial pour obtenir le restauration des ouvrages destinés à régulariser la Sèvre. "L'intérêt et le bonheur, écrit en 1802 Alexandre Souvestre, maire de Vertou, au Préfet de Loire-Inférieure auraient dû faire prendre au Gouvernement les moyens de parvenir à leur rétablissement".

En attendant cette initiative gouvernementale, la commune est obligée d'assurer le passage par eau entre le Chêne et la Chaussée. Le batelier qui assure ce service reçoit de la commune une allocation annuelle de 150 francs. Il reste toujours aux audacieux de tenter la traversée de la Chaussée et de l'écluse mais à leurs risques et périls. C'est ainsi qu'un soir de vendanges en octobre 1803 Claude Jeanneau s'y aventure à cheval, mais en passent sur le pont, une planche pourrie s'effondre, monture et cavalier tombent dans la rivière.

Pour éviter à l'avenir pareil accident, la commune dut prendre sur elle-même en 1806 de jeter par-dessus l'écluse une nouvelle passerelle. C'est le charpentier Martin qui fut chargé du travail. La dépense s'élevait à 78F. (heureux temps). Il est toujours des bateliers qui aiment l'aventure. Ne vit on pas un certain Jules Lebeaupin s'élancer le 19 Octobre 1805 avec son bateau par-dessus le chaussée pour éviter l'écluse. Son bateau en souffrit mais la chaussée davantage. Il dut pour éviter des poursuites judiciaires reconnaître sa faute et réparer à ses frais la dommage.

Face à l'incurie de l'Administration, la commune de Vertou se voit dans l'obligation d'assumer le réfection provisoire du barrage. Tous les bénéfices qu'elle retire de la vente des communs viennent s'engloutir dans ces réparations.

En 1818 se fonde à Nantes une Société Commerciale des Amis de la Sèvre "la Compagnie de l'écluse de Vertou". Le président en est un homme de loi du nom de Barré et le préfet le Comte de la Brosse patronne l'entreprise. La restauration exigera environ 100.000 francs, dont l'Etat et le département fourniront la moitié. Des actions de 500 f sont proposées par ailleurs aux riverains de le Sèvre et aux capitalistes à la recherche d'un bon placement. C'est sans doute ces dernières considérations qui attirent l'attention d'un des principaux actionnaires, un nommé Foucault, libraire à Paris, qui connaît bien Vertou et qui écrit le 6 Juin 1820 ces lignes "Je demande en retour qu'il ne soit pas établi de droit de passage sur la Chaussée. Le produit en serait modique et gênerait les gens du pays. Celui qui passe la Chaussée ne la traverse que pour aller voir un ami ou faire au bourg, quelques emplettes. De plus de tous temps le passage a été gratuit. Pourquoi blesser pour une bagatelle les intérêts des malheureux". Ces sentiments philantropiques répondaient aux inquiétudes des Vertaviens.

Le préfet en effet avait prévu un péage pour ceux qui passeraient sur la chaussée pour se rendre d'une rive à l'autre. Ce fut un "tollé" général. Un rapport du Conseil Municipal s'en fait l'interprète. " Eh quoi, y lit-on en substance. C'est une injustice d'imposer cette redevance aux habitants de Vertou qui n'ont pour toute liaison entre-eux que ce passage qui de tout temps et même sous les ci-devants Bénédictins fut toujours gratuit. Comment dès lors, les familles laborieuses et peu aisées de la rive gauche de la rivière pourront-elles remplir les obligations administratives et les exigences du service divin. Si le circulation devient aussi onéreuse, le bourg lui-même est appelé à devenir un désert. D'ailleurs à nous Vertaviens, que nous importe l'écluse. Il y a toujours dans la Sèvre assez d'eau pour le pays. Si les communes sises au-delà doivent bénéficier de cette écluse, pourquoi faut-il qu'on soit victime du bien qu'on veut à nos voisins ? ".

Comme toujours l'exécution des travaux se fait attendre. En 1826 le Maire de Vertou jette un cri d'alarme : "La Chaussée menace de se couper en plusieurs tronçons". En 1830 survient le désastre. La débâcle des glaces vers le milieu de Mars emporte les deux ponts de pêcheries, détruit les éperons et ouvre dans la chaussée de nombreuses crevasses. Ce qui est pire encore, c'est que l'été qui suit est très sec et l'étiage de la rivière s'en ressent. L'eau s'éloigne des rives et c'est la guerre des Lavandières qui commence.

Celles de la Barbinière se fâchent. Elles se plaignent amèrement du préjudice qu'elles ressentent. La rivière c'est leur gagne-pain. Ne font-elles pas plusieurs fois par semaine un voyage vers la "Grande Ville" confiant au roulier complaisant, qui fait la tournée du village, les ballots serrés dans leurs grandes serpillères grises. On les empile avec méthode pour en mettre beaucoup en peu d'espace. Et quand le dernier paquet a pris sa place au sommet du tas, il reste toujours un petit coin pour celle qui veut bien y grimper et faire route avec sa marchandise. Sur les bords de la Sèvre, que ce soit à la Barbinière ou au Chêne, elles s'installent en plein vent pour accomplir leur travail. Les bateaux lavoirs ne sont pas encore en usage. Et l'on bat et l'on rince, et l'on patouille, tout en racontant de bonnes histoires jusqu'au moment où le linge étendu claque au vent et couvre de ses mouvantes blancheurs le placis qui est proche. Ne faut-il pas coûte que coûte, que le linge soit prêt en fin de semaine. Courageuses à la besogne, elles gagnent péniblement leur vie. Aussi ne soyons pas étonnés si en cette année de sécheresse, elles ouvrent une pétition à la Barbinière et au Chêne qu'iront porter à la Mairie de Vertou la Mère Guichet et le Père Bureau.

Le Maire de Vertou, Monsieur Godillon, met tout en oeuvre pour répondre favorablement à cette requête et réparer les dommages causés à la chaussée. En Avril 1835 Pierre Daviaud de Bourbon (La Roche-sur-Yon) Vendée, obtient l'adjudication des travaux pour le somme de 109.000 F. Il se met de suite à l'ouvrage quand surgit comme toujours un nouvel obstacle. On voudrait profiter des travaux pour rendre carrossable la Chaussée. Une pétition est faite dans ce sens par un conseiller municipal, M. Mercier Thoimet. Mais l'ingénieur Cabrol trouve le projet inconcevable. Mieux vaudrait pour lui construire un peu en amont de cet ouvrage un grand pont. C'est ainsi que prit naissance le Pont du Chêne.

Là se termine l'histoire de le CHAUSSEE des Moines. La Chaussée, le Portail du Monastère restent pour les Verteviens deux témoins authentiques d'un lointain passé (A. Jarnoux).

Note : L’abbé Alfred Jarnoux (1900-1991), ordonné prêtre en 1925, a occupé divers postes de vicaire avant d’être chargé de la paroisse de Vertou en 1950 et de l’aumônerie du collège du Loquidy en 1960. A côté de sa charge pastorale, l’abbé Jarnoux, nommé chanoine honoraire en 1954, s’est toujours intéressé à l’histoire et a mené à terme diverses études qui ont connu l’édition.

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