Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

LA POISSONNERIE A VANNES.

  Retour page d'accueil       Retour page "Lieux publics de Vannes"  

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Poissonnerie. — Les gens des comtes, chargés de rechercher les immeubles assujettis à des rentes au profit du duc cheminaient de porte en porte dans les rues et relevaient soigneusement les tenants et aboutissants de chaque maison ainsi que la suite des propriétaires. En les suivant de la porte de Greguiny au logis de Robin Lescarb, situé à l’angle de la rue Lebellec et de la ruelle de la Poissonnerie, nous trouvons qu’ils enregistrent, avec les noms des propriétaires et des occupants, seize propriétés distinctes. Ce groupe d’immeubles (maison, courtils, jardins) était alors possédé ou habité par de hauts officiers de la cour ducale. Citons quelques noms. C'est d’abord le propre oncle du duc, Charles de Rohan, sire de Guémené- Guingamp, qui avait obtenu en 1422 [Note : Voir lettres et mandements de Jean V, tome VI, p, 87 (n°1524)], moyennant 8 sous de rente, la concession d’une maison, proche de la porte de Gréguinic, que le duc s’était appropriée, faute de payement à ses receveurs par le précédent propriétaire de la rente due sur cette maison. Nous y trouvons encore les noms de messire Jaques Ferré, physicien du duc, de Jehan de Malestroit, sire de Kaer, et de Guillaume Chauvin, le chancelier de Bretagne, que le fameux trésorier Landais poursuivit avec tant d’acharnement, et qui, après avoir été traîné de prison en prison, devait périr si cruellement en 1483 dans l'une des tours du château de l'Hermine.

Place de la Poissonnerie à Vannes (Bretagne).

La demeure de Guillàume Chauvin était en 1455 au coin de la ruelle portant alors le nom de rue de Guehyne, et que se voit encore place de la Poissonnerie ; elle était limitrophe de l'enclos et du manoir de Jehan de Malestroit (aujourd'hui cour et hôtel Bazvglan) [Note : La maison de Guillaume Chauvin avait appartenu précédemment à un nommé Bonnabes Daniellou que nous trouvons possessionné de nombreuses maisons dans d'autres quartiers de la ville. Qui était ce Bonnabes Daniellou  ? Sa personnalité nous est connue par la mention suivante que nous avons relevée dans les lettres et mandements du duc Jean V : « 1407, 1er avril. — Certifficacion à Bonnabes Daniellou ; espicier et apothicaire de Mgr., pour aller ès parties de France pour faire provision pour Mgr. de plusieurs choses touchant les d. offices ». Le duc avait une affection particulière pour son apothicaíre, comme l'attestent divers mandements, entre autres celui du 27 septembre 1416, par lequel il arrente à Bonnabes Daniellou une vieille place de maison saisie par ses officiers pour défaut de paiement de rentes dues, et ce « en consideración es bons et agréables services que led. Bonnabes nous a fait ès temps passez et fait un chacun jour continuelment »].

Le groupe de maisons dont nous nous occupons ici était encore traversé par d'autres ruelles ou venelles, dont l'une conduisait à une porte dénommée Michellet qui, déjà bouchée à cette époque, devait se trouver à l'èndroit de la muraille où plus tard on construisit l'éperon dit de Haute-Folie.

Enfin, le remblai qui a constitué la place actuelle, et que l'on appelait le taluz, — sans doute parce qu'il surplombait le ruisseau, — était la propriété d'un sieur Thomas Le Gal, et on n'y avait pas bâti pour les raisons que les gens des comptes mentionnent dans les termes suivants : « Et par le précédent rantier esi rapporté que longtemps a elle n'avoit esté édifiée et qui la voudroit bailler de nouvel pour ediffier ce seroit préjudice de mond. seigneur et du comun et pour ce demoure en l’estat ».

Partant de nouveau de la porte de Greguigny et prenant la rue menant à l'Hermine, laquelle longeait le ruisseau en contre-bas du talus sus-mentionné, les commissaires du duc poursuivent leurs opérations dans l'ordre qu'ils indiquent dans les termes ci-après : « En allant par devers la croez au Poisson a la rue par ou l'on va de l'Ermine à la meson qui fut Perrotin Clodel que tient a present Main filz Robinet Lestaroux, d'un costé, et d'autre par ou l'on va de la porte de la Mariolle, a la d. porte de Greguignie ». Ce circuit comprenait donc tout l’îlot délimité aujourd'hui par la place du Poids-Public, le bas de la rue Noë et la ruelle de la Poissonnerie.

La Croix au Poisson, dont il vient d'être fait mention, se trouvait à l'un des coins de la place du Poids-Public. Il existait en effet au moyen âge sur les champs de foire, et sur chaque marché, une croix au pied de laquelle se tenait ordinairement l'agent du seigneur ou de son fermier, pour exercer une surveillance sur les transactions et pour percevoir les droits ou devoirs de la coutume.

Parmi les maisons recensées en 1455 nous signalerons, comme pouvant dater de cette époque, celles portant aujourd'hui les n°s 13 et 15 de la place du Poids-Publié, Dotammerit la dernière à l'angle de la rue Noë. Au derrière de cette maison, en face du mur du jardin Taslé-Laverlochère, il y a une petite cour au fond de laquelle on voit se dresser une construction massive, avec une tour engagée dans la maison plus moderne (probablement du XVIème siècle) qui fait le coin de la ruelle de la Poissonnerie. Tout ce groupe de maisons, nous apprend notre rentier, avait été jadis la propriété du sire de Kaer. Faut-il voir dans ce massif, qui a survécu jusqu'à nos jours, les restes logis qui aurait été habité par ce seigneur avant son installation dans le pourpris Bazvalan qu'it venait d'acquérir au moment de la confection du rentier ? On ne peut s'empêcher de poser la question en contemplant cette haute pile de pierres, qui semble bien avoir fait partie de quelque manoir occupé par un puissant baron, tel que Jehan de Malestroit.

Formant l'autre coin de la ruelle de la Poissonnerie, là où l’on a bâti récemment une école de filles (au coin de la rue Lehellec), était la maison de ce Robinet Lestaroux, que notre savant confrère, avec beaucoup de pénétration et d'ingéniosité, est parvenu — il nous l'a démontré il y a quelques années — à identifier avec le Robin Lescarb mentionné si fréquemment dans l'enquéte de 1453 pour la canonisation de maître Vincent.

Abandonnant ici nos gens des comptes, nous reviendrons à la place de la Poissonnerie, dont nous voulons vous faire l'historique.

Place de la Poissonnerie à Vannes (Bretagne).

Ce n'est qu'à la fin du XVIIème sicle et au comencement du XVIIIème que cette place fut régularisée et embellie par la construction des immeubles qui en forment encore le cadre aujourd'hui.

Entre temps, des travaux considérables avaient été faits pour renforcer l'enceinte murale. Les troubles de la Ligue et les progrès de l'artillerie nécessitèrent la construction de divers éperons ou bastions : celui de Brozillay, situé derrière l'hôtel actuel des Postes, fut achevé en 1593. Dès 1589, on avait dû boucher de terre et de « massone » la porte de Greguigny. Pour la remplacer on avait commencé l’ouverture de la porte Saint-Vincent. Mais cette nouvelle porte dut être également bouchée 1594 ; elle ne devait être achevée et ouverte qu'en 1621-1622. Les communications avec le port ne purent se faire pendant cette période que par la porte de Calmont, où l'on passait la rivière à gué.

Des nouvelles constructions entreprises à la fin du XVIIème siècle, la première en date paraît avoir été le grand hôtel Bazvalan, bâti vers 1665, au nord-ouest de la place, par Guillaume Lecourt, banquier à Vannes. C'est ce que nous apprend une sentence rendue au Présidial en 1667, laquelle dit que G. Lecourt « faisant finir son bâtiment, faisait des galleries donnant d’un bout sur la muraille, » et le condamne « à fermer une porte qu’il avait ouverte dans la muraille de la ville du côté des Cordeliers, auxquels la jouissance de l'éperon (le bastion de Brozillay) avait été concédée » [Note : Les gens de finance prenaient fréquemment à ferme le recouvrement des taxes et impôts de l'époque. En 1656, la Chambre des Comptes enregistrait l'installation de Guill. Lecourt en qualité de receveur des fouages de l'évêché de Vannes. (Archives de la Loire-Inférieure, B. 1570)].

Par contrats des 3 juin 1667 et 16 février 1669, messire Julien Gibon, seigneur du Grisso, fit l'acquisition de cet hôtel qui consistait, comme on le voit encore aujourd'hui, en deux corps de logis, dont l'un fut payé. 12.500. livres et le second 7.000 livres., M.. Gibon du Grisso venait précisément alors d'aliéner au profit des gens du clergé du diocèse de Vannes, représentés par Louis Eudo de Kerlivio, grand-vicaire, sa maison noble de Couetisal situé près de l'église du Mené, et sur l'emplacement de laquelle on allait élever, pour en face un grand séminaire, les bâtiments qui subsistent encore de nos jours (maison des Dames de la Retraite). L'acquisition de l'hôtel de G. Lecourt semble donc avoir été faite en remploi du produit de la vente du manoir de Couetisal ; et cette hypothèse est confirmée par les dates de paiement des deux immeubles. C'est en mai 1679 que M. Gibon du Grisso reçut de M. Eudo de Kerlivio le prix principal et les intérêts de sa vente du 30 octobre 1665, — et, quelques jours plus tard (le 23 juin 1679), il employait ces deniers à solder l’àcquisition de l'hôtel Lecourt.

Cet hôtel resta longtemps la propriété de la famille Gibon. A l'époque de la Révolution il appartenait depuis peu à M. de Quifistre, marquis de Basvalan, dont il a conservé le nom, bien que vendu alors, comme bien d'émigré, à un sieur Mocquard, receveur des domaines.

Au côté sud de la place, la communauté afféagea de 1668 à 1670, les terrains vagues situés le long de la muraille à partir de la porte Saint-Vincent. Un premier lot, celui joignant cette porte, et mesurant 40 pieds de long sur 26 p. de profondeur, fut assencé à Claude Vincent, maître charpentier, à la charge de faire, sur le ruiseau, à ses frais, un pont neuf de pierres au devant de cet emplacement. Le lot suivant, ayant 26 pieds de face, fut afféagé à Yves Le Roux. Les deux maisons édifiées sur cet emplacement existent encore et portent aujourd'hui les n°s 1 et 3 de la place de la Poissonnerie.

Le terrain joignant l'emplacement d'Yves Le Roux, et qui mesurait 45 pieds de face et 26 pieds de profondeur, fut ensuite assencé le 29 janvier 1670 à M. le Sénéchal de Kerguizec, avec le bastion tant haut que bas de la porte de Quer. Ce terrain resta sans constructions jusq'en 1732, date à laquelle le sieur Toussaint Masson, qui avait acheté les deux maisons de Claude Vincent et d'Yves Le Roux, en acquit la propriété des héritiers de M. de Kerguizec. C'est ce sieur Masson qui fit bâtir le grand immeuble formant aujourd'hui le côté sud de la place de la Poissonnerie (n° 5). Le procès-verbal de descente à fin d'alignement de cette construction, en date du 7 août 1732, nous apprénd qu'un passage de 16 pieds fut réservé au pignon ouest, là, où s'élève aujourd'hui une petite maison à deux étages, avec balcons de fer, habitée par M. Sauvage (n° 7). Ce passage sur lequel prenait jour la boutique d'un sieur Herouart, servait depuis un temps immémorial pour desservir tant le bastion de Quer que le bastion neuf, dit aussi éperon de Haute-Folie, lequel est aujourd’hui masqué à l'extérieur par les maisons bâties à l'angle des rues Thiers et Carnot. Ce bastion de Haute-Folie, achevé en 1616, avait été afféagé le 27 mai 1676 à Antoine Doré, tambour de ville, qui occupait alors une petite boutique place des Lices. A l'époque de notre procès-verbal, il était la propriété du sieur Barthélemy Gaumon, qui y avait, avec un jardin, 3 petites chambres ; et, au pied de l’escalier donnant sur la Poissonnerie, une petite boutique où, de père en fils, la famille Gaumon à exercé le métier de teinturier pendant tout le dix-huitième siècle.

Le côté ouest de la place est aujourd'hui formé par quatre ou cinq vieilles maisons qui en masquent d'autres, aussi très anciennes, adossées contre le mur de ville. L'une de ces maisons, au coin d'une petite ruelle voisine de l'hôtel Basvalan (lest l'ancienne rue de Guehyne), a été longtemps la demeure du directeur des postes. Occupée en 1702 par un sieur Brocard qui détenait cette charge, elle fut acquise en 1728 par un autre directeur des postes, le sieur Cochart de l'Isle [Note : Décédé le 15 avril 1761, âgé de 83 ans], qui possédait déjà dans la susdite ruelle un bâtiment lui servant vraisemblablement d'écurie. Et nous y retrouvons encore en 1782 (54 ans plus tard) une dame Cochart, veuve de son fils [Note : Claude-Jacques Cochart, décédé le 15 octobre 1770], qui y remplissait alors les fonctions de directrice de la poste aux lettres.

Les deux maisons formant aujourd'hui le côté nord sont relativement modernes et ont été bâties en avant ou en remplacement d'autres plus anciennes.

Enfin, au levant de la place, de l'autre côté du ruisseau qui coulait alors à ciel ouvert, on vit s'élever, de 1684 à 1690, la longue rangée de maisons formant le côté ouest de la rue Saint-Vincent. Ce côté était resté jusqu'alors sans constructions. Les façades arrière de ces maisons dominent la Poissonnerie.

Après avoir décrit le cadre encore existant de cette place, il nous reste à indiquer les transformations successives qui l’ont amenée à son état actuel.

Le pavage de la place fut décidé par une délibération de la communauté du 8 mai 1686. Il était achevé en 1688, et un procès-verbal de renable du 9 avril de cette année nous apprend que la superficie pavée fut de 24 toises en longueur et de 9 toises, en largeur (environ 47 m. sur 18 m.). Ce n'est qu'en 1821 qu’elle fut plantée d'arbres et enceinte d'un parapet de pierre. On construisit en même temps une halle au poisson, long bâtiment en bois, qui fut placé à cheval sur le ruisseau et un peu surélevé au-dessus du sol environnant. On y avait accès aux deux extrémités par des escaliers de quelques marches. La dépense totale s'éleva à la somme de 8.684 francs.

Enfin, il y a une quarantaine d'années (vers 1880), cette première halle fut démolie. Le ruisseau qui coulait à ciel ouvert disparut sous une voûte de pierre, et l'on érigea au milieu de la place le hideux et vulgaire monument qui sert aujouid'hui de Poissonnerie.

Mais ceux qui ont connu la vieille place n'ont pas oublié le charme intime et discret de cet endroit solitaire, où, à côté de la Poissonnerie, se tenait aussi, à certains jours, le marché pour les volailles, le beurre et les œufs. En dehors de ces heures de marché, il régnait sur la petite place, ombragée d'arbres, un calme parfait, un silence presque claustral, que troublaient seulement les pas de quelques rares passants, ou les cris des enfants qui la traversaient en se poursuivant dans leurs jeux.

(Étienne MARTIN).

 © Copyright - Tous droits réservés.