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LE PAPEGAULT A VANNES.

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Le Papegault. — On désignait sous ce nom le concours de tir à l'arbalète ou à l'arquebuse qui se faisait annuellement entre les habitants de la ville. Nous vous avons déjà parlé de ce concours, à l'occasion d'une curieuse association formée en 1700, sous le nom de l'Union parfaite, par un groupe de gentilshommes vannetais. Et nous avons dit tout à l'heure que le concours se faisait alors sur la parti des remparts située entre le bastion de la Porte-Poterne et la tour du Connétable.

M. Guyot-Jomard, que a exploré nos vieilles archives avec tant de soin et de succès, a publié un certain nombre de documents relatifs à ces exercices, notamment les, lettres-patentes par lesquelles, en 1483, le duc François II autorisa la ville de Vannes à instituer un tir annuel dont le vainqueur recevrait certains privilèges et une récompense importante. Les motifs de cette institution sont clairement indiqués dans les lignes suivantes du mandement :

« ... Comme pour la ... deffanse de nostre païs et duché et obvier aux dangereuses entreprinses de nos ennemys et malveillans, soit utile et convenable avoir et entretenir en notre dit païs grand nombre de bons archers expers... en cet exercice de jeu déclaré et à ce que chacun soit plus incliné et ... de y entendre icelui art fréquenter souvent usiter, soict expédiant, faire et donner es dits archers en chacune bonne ville de notre dit pays et duché des grâces et libéralités dont chacun quy sera expert au dit art puisse par succession de temps avoir proffit et avantage, sçavoir faisons que nous, en considération de ce que dessus et que l'exercice du dit art et jeu déclaré auquel nos subjets se peuvent souvent occuper tant à jours de festes que auttres peut estre grandement utile et profitable à nous et à la chose publique de nostre dit païs et duché, et que avons sceu que les dits archers, sellon la coustume du jeu déclaré, ont ung roy par chacun an en chacune bonne ville de nostre païs et duché, de celuy qui abat de coup de flèche au moys de may une enseigne d'oaiseau nommé papegault estant sur le bout d'une haute perche assize en ung hault lieu, désirant instruire nos d. subjets au dit jeu, à notre pouvoir et pour aultres causes à ce nous mouvans, avons aujourd'hui, de nostre certaine science, grâce spéciale et pleine puissance, franchise, quitté et exempté, franchissons, quittons et exemptons par ces présentes celuy qui sera roy des d. archers en nostre ville de Vennes, en abattent la d. enseygne de papegault pour l'année de la dite réaulté, tant seullement de toutes tailles, aydes, dons, empruntz, debvoir de cloison et auttres subsides et subventions personnel quelconque mis ou à mettre sus par nous et subcesseurs, fors et excepté, de poste ce de guet eu temps de eminent péril de guerre, pourveu que celuy qui insy sera roy soict du serment et ordinaire de l'exercice du dit art et jeu déclaré et a condicion qu'il ne donnera, ne transportera son droit d'icelle réaulté à auttre personne quelconque, avoir et jouir de soy même tant semblement et oultre avons donné par ces dites présentes au Roy des d. archers l'impost de seize pippes de vin du creu dehors nostre dit païs et duché que le d. Roy pour l'an de sa d. réaulté, vendra ou fera vendre par menu et détail en nostre d. ville de Vennes et non ailleurs… ».

Dans ces lettres patentes de 1483, François II constate que ces exercices de tir étaient déjà en vigueur, puisqu'il les mentionne comme une coutume ancienne. On trouve, en effet, dans un autre mandement daté de 1479 (Archives de la Loire-Inférieure, B. 703) l'indication du lieu où se faisaient alors les tirs des archers. Ce dernier mandement porte concession à son sommelier, Charles Garlot, d'une pièce de terre « estante jouxte le rivage du d. port de mer, du costé devers la rue de Calmont es fobourgs d'icelle nostre d. ville de Vennes, entre la porte du d. lieu de Calmont et la fontaine du Mignon ; … joignante d’ung costé au chemyn par où l’on va de la d. porte de Calmont aux butes des Archers.... ». Or, les buttes auxquelles il est fait ici allusion se trouvent marquées sur un vieux plan représentant l'état ancien du port ; elles étaient au nombre de deux, et étaient situées en avant de la rue du Commerce, dans la partie élargie qui précède immédiatement la petite promenade plantée le long du quai actuel.

Les tirs à l’arc et à l'arbalète (remplacés plus tard par des tirs au fusil) avaient été institués et encouragés par nos anciens ducs pour se procurer et entretenir dans les villes des corps d'archers habiles. La supériorité des archers anglais était très grande à cette époque, comme l'avaient montré les sanglantes défaites de Crécy et d'Azincourt. Les archers génois et espagnols étaient également renommés. Sous Charles V et sous Charles VI, de grands efforts furent faits en France pour remédier à notre infériorité ; il en fut de même en Bretagne où de nombreuses villes reçurent des privilèges et des encouragements semblables à ceux attribués aux bourgeois de Vannes.

Plus tard, ces privilèges furent confirmés et augmentés par le roi François Ier qui, en 1538, accorda au roi du Papegault Vannes la permission de faire venir 20 pipes de vin (au lieu de seize) « francs, quittes et exempts des droits d'entrée, ports et havres, billots et impôts », et ce, pendant une année. Cette exemption de droits élevés, et qui allaient toujours, croissant, représentait plus tard une somme si considérable, que notre ville, qui avait beaucoup souffert des troubles de la Ligue, sollicita et obtint du roi Henri IV la permission de distraire à son profit les deux tiers des privilèges dont jouissaient les rois du Papegault. Ces deux tiers produisaient alors un assez joli revenu ; et, en 1680, ils s'élevaient encore à la somme de 800 livres, que, la Communauté, sur l’invitation du duc de Chaulnes, décida d'affecter à l'hôpital général qui venait d'être créé.

En 1698, un arrêt du Parlement fixa à nouveau les conditions et règles à observer pour tirer le Papegay ou Joyeaux de la ville de Vannes. Ce règlement, fort détaillé, oblige à se faire inscrire et recevoir pour le tir les habitants dont il donne l'énumération suivante : « Gentilshommes, officiers de justice, de finances et de milice bourgeoise, avocats, procureurs, et generallement les bourgeois et artisans ... ainsi que les enfans de famille et d'artisans, ou gens ayant employs dans les fermes royales, ... en âge de pouvoir tirer sans ayde un fusil ». On y lit encore que « nul ne pourra tirer sans qu'il n'ait un espée au costée ».

Le tireur qui abattait le joyeaux était proclamé roy pour l'année, et celui qui abattait seulement la tête était réputé connétable. L'honneur d'être roy était devenu une lourde charge, comme on peut en juger par les dispositions suivantes de l'arrêt : « Le roy du joyeaux payera au greffier, pour l'adjudication d'iceluy, soixante sols tournois ; au connétable, cent sols ; aux archers de la ville qui auront soin de porter et reporter les joyeaux soir et matin dans l’hostel de ville, chacun cent sols tournois ; au tambour, dix libres ; à l'hôpital général, dix livres ;  à l'hostel de ville, un bon fusil de la valeur de trente livres en fusil et non en argent Fournira de plus la pistole, la balle d'argent et le gâteau, au jour destiné pour les tirer. Replantera à ses frais le joyeaux l'année qui suit son adjudication, etc, etc... ».

Le roy avait, en outre, à faire reconnaître ses droits et privilèges devant la cour du présidial, et cela prenait d'ordinaire, pour l'audition des témoins et la vérification de son titre, cinq ou six audiences dont les frais étaient naturellement à sa charge.

Le dernier roy dont nous, ayons retrouvé la trace était un maître chirurgien, nommé Quennec ; il fut reconnu en cette qualité par sentence du Présidial du 11 mai 1770. Les précédents roys avaient été, de 1764 à 1769 : un maître tapissier, un boulanger, un maître quincaillier, un cavalier de la maréchaussée, un maître armurier et un tambour-major.

Cette antique institution du Papegault disparut quelques années après, comme nous l’apprend une délibération de la Communauté du 10 mars 1775, dans labelle fut repoussée la demande d'une demoiselle Castel qui sollicitait l'afféagément de la partie du mur de la ville où se tirait ci-devant le Papegault. Ce serait, dit cette délibération, « priver les citoyens d'une petite promenade publique, gracieuse par son élévation, qu'on a sans sortir de la ville, et conséquemment bien commode surtout pour les valétudinaires ». Et nos bons édiles de l'époque évoquaient encore d'autres considérations plus réalistes qui précisent bien la situation du lieu où se faisait ce tir et les avantages particuliers qu'en retiraient les habitants. « Le terrain, disent-ils, où on tirait ci-devant le Papegaud, sert encore à exercer les armes des habitants sans qu'il y ait aucun danger pour le public ; il n'y en a pas d'autre pour la ville. Il s'y trouve des creneaux qui portent dans les douves de la ville en dehors et où beaucoup de personnes de la ville, qui n'ont pas de latrines, vont le soir y jeter et faire jeter leurs vidanges, et sans cela combien n'y en aurait-il pas qui les porteraient dans la rivière, dont le port serait bientôt comblé, et dans d'autres endroits très incommodes pour le public. Cette partie du mur est auprès d'une tour de la ville et des dépendances de cette tour appelée la tour du Connétable et est en quelque sorte une de ses issues... ».

Quand disparut cet ancien concours public de tir, il y avait déjà plusieurs siècles que ce coin de nos murailles lui avait été affecté. Eu effet, le Papegault s'y tirait déjà en 1555, comme nous l'apprend la mention suivante consignée dans le livre de comptes d'un chanoine contemporain, sous la date du 5 février de cette année : « A l'harbalestre (alias : jeu de l'arbalestre), prez le chasteau, presté à Presquen, qui avoit perdu, 1. s. ».

(Étienne MARTIN).

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